Qu'est ce que la musique ? Chacun a sa réponse à cette question essentielle , mais tous devraient s'accorder sur le fait qu'il s'agit d'une peinture sonore , un poème dont les accords forment les vers. Un bon disque, comme un bon livre ou un bon film, n'a de valeur que si ce qu'il exprime transcende son époque. On lira encore Buckowski et Camus dans cent ans, tout comme la bibliothèque du congrès conserve précieusement les plus grandes œuvres de Dylan et des Beatles.
Ce qui manque le plus aux musiciens aujourd’hui, c'est ce qui paraissait
évident pour les maisons de disques mythiques. Cette idée est d'ailleurs
parfaitement résumé dans "walk the line", le biopic sur Johnny Cash,
qui est aussi le meilleur biopic de tous les temps. Nous sommes donc dans les
années 50 et, après avoir effectué son service militaire, Cash décroche enfin
sa première audition.
Il entame donc un de ces gospels cuculs qui pullulaient à l’époque, et le
producteur l’interrompt après quelques notes. Quand Cash proteste , l'employé
du label sun lui lance cette diatribe géniale:
"Quelle est LA chanson qui vous résume totalement, LA dernière
chanson que vous chanteriez ? Parce que c'est celle-là que les gens veulent
entendre!" Alors Cash entame Folsom prison blues , un titre qu'il écrivit
lors de son passage dans l'armée , et qu'il joue pour la première fois. Les mots
du producteur prennent alors tous leurs sens. Cash n'interprète plus sa
chanson, il la vit.
Le sud-américain a d'ailleurs toujours été proche de cette authenticité ,
qui lui a permis de donner à l’Amérique les plus beaux chapitres de son histoire
musicale. Le sud, c'est la terre natale d’Elvis. Ses bars furent les témoins du
parcours désespéré des contemporains de John Lee Hooker, avant de voir Lynyrd
combattre ses producteurs, pour imposer sa vision du rock.
Whiskey Myers démarre sa carrière en creusant le sillon d'une country
redevenue cool après les derniers succès de Cash et Kenny Chenney. Si sa
musique n'est pas vraiment dans le sillon des enfants de Lynyrd , il suffirait
que les sudistes haussent le ton pour s'en approcher. La frontière entre country
et rock sudiste a souvent était mince, et les années 70 ont vu plusieurs groupes
flirter avec ses mélodies terreuses.
On citera, à titre d’exemple, les excellents premiers
disques des outlaws , et « brothers and sister » des frères allman. Whiskey
Myers suit donc le chemin dessiné par ses ainés, et firewater le fait entrer de
plein pied dans les terres ancestrales du sud. Le rock fait son entrée de façon
tonitruante sur les rugueux « bars guitar and hony tonk » et « guitar
picker ».
Les guitares acérées, chaudes comme un barbecue texan,
secouent ensuite le blues avec un entrain que n’aurait pas renié Billy Gibbons.
Il faut pourtant que nos pistolero ralentissent le rythme, pour tisser la
traditionnelle fresque nostalgique. Comme « highway song » (de blakfoot)
et « fall of the peacemaker » ( de Molly Hatchet) avant lui , « ballad
of a southern man » est forcément un écho de free birds , mais c’est précisément
ce genre d’échos qui nourrissent les mythes.
« Mon premier
fusil était un calibre 243
Que grand père a
donné à papa qui me l’a donné
Et ils m’ont
appris à tirer d’une main ferme
Je pense que c’est
quelques chose que vous ne comprenez pas » (ballad of a southern man)
En dehors de toute opinion politique, on ressent dans ces
mots la puissance d’un souvenir qui marque une vie, cette force décrite au
début de cette chronique. Qu’il parcourt les terres du missisipi à grands coups de riffs cadencés, qu’il dégaine
un heavy rock à faire rougir Jimmy Page , ou qu’il s’achève sur un folk
intimiste , firewater renvoie la même image.
Celle d’une terre qui façonna la musique américaine, et
lui permet encore de garder un peu de sa splendeur.
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