« Don’t you mind people grinin in your face »
Warren Hayne déclame ses
paroles avec la ferveur du premier communiant. Il est le loup hurlant qui a perdu
son choral gospel, un ange mystique perdu sur terre. Toutes les grandes
musiques sont mystiques, la musique n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une
religion qui crée ses dieux. Devant une telle ferveur, les musiciens restent
muets , ils savent que leurs instruments ne feraient que déranger cette communion.
Ce chant à capela est aussi puissant que Billy Holiday chantant le blues des
victimes du KKK sur strange fruit . Cette complainte fait partie de la grande
expression de l’âme humaine.
Premier album de Gov’t
mule ,
cet album éponyme est un hommage à cette mère universelle, cette terre d’Amérique
dont les paysages accouchèrent de tout ce que la musique compte de grandiose. Après
la prière a capela de son leader, le trio développe une puissance digne des
power trios légendaires. Ce qui frappe avant tout , c’est ce groove gras et
rugueux , cette locomotive heavy qui semble tirer toute une partie de l’histoire
musicale du sud.
La batterie apache dirige
la cérémonie, les riffs dansent autour de ses incantations comme la tribu de Geronimo
en pleine fête voodoo. Dans un chaos paroxystique, la guitare entre en transe ,
grande dévote au service des grandes icônes noires. On sent déjà, dans la
mélodie et les instrumentaux rêveurs, une envie de sortir des clichés liés au
rock sudiste. La tentative est encore timide, le trio battant un fer brûlant
qui ne lui autorise aucun calcul.
Alors Gov’t mule donne
quelques pistes permettant de deviner ses futurs coups d’éclat , il esquisse le
plan du prochain voyage. Les riffs lâchent
parfois quelques bulles psychédéliques , qui éclatent avec une grâce
Gilmourienne. Sur trane , le groupe cherche un peu son groove , fait un détour
du coté de Macon , terre natale des frères Allman. Puis le rythme s’emballe, le
déluge s’intensifie, et l’âme d’Hendrix ressuscite dans un brasier free jazz
rock. Gov’t mule a retrouvé le cœur d’un puissant cratère, et joue comme si sa
puissance permettait d’en entretenir la puissance flamboyante.
Ce qui s’exprime ici, c’est
la terre et le ciel, la rigueur de la tradition et la recherche dévote d’une
beauté mystique . C’est une force supérieure descendant sur cette terre qui a
porté tant de grands hommes. Dans ce contexte, Mr Big est bien plus qu’un
hommage au groupe Free, c’est le point d’orgue que le groupe de Paul Kossof n’a
pu atteindre. Même quand il rend hommage
à un groupe anglais, Gov’t mule garde cette ferveur groovie que seuls les
américains savent entretenir.
Gov’t mule est un premier
album qui a déjà des airs d’aboutissement, un pavé issu d’une époque où la
musique était un totem sacré. Ainsi naquit Gov’t mule , glorieux gardien d’une
flamme céleste.
Pour clore la fête, Voodoo
child ressemble à l’incantation assourdissante d’une secte antique face au
kraken. Cette fois, la force réveillée par cette incantation est le rock dans ce
qu’il a de plus virulent. Les amplis tremblent encore lorsque les dernières
notes de Voodoo Child s’éteignent, le rideau se refermant ainsi sur les débuts glorieux de Gov’t mule.
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