Rubriques

samedi 12 septembre 2020

Warren Hayne 3

GOV'T MULE: Dose: Avis/Chronique

La batterie déclenche des détonations sismiques, la guitare hurle comme une sirène annonçant l’apocalypse. Cette ouverture sur blind man in the dark est chargée de toute la puissance accumulée lors de la dernière tournée. Second album du groupe , Dose ne pouvait trouver meilleure introduction. Le groupe déclenche une tempête heavy rock, broie le fantôme de l’Allman Brother Band dans un riff sanguinaire. Déjà joué lors du concert au roseland balroom , trane est une poudrière menaçant de s’enflammer. Tout le charme de ce titre tient dans son groove pesant, sa noirceur menaçante.

Les chorus de guitare rugissent comme une bête prête à mordre , la batterie semble marquer le pas d’une procession funèbre. Dose est un second disque tendu , ses jams sont tranchantes comme un solo de Ritchie Blackmore. Thelonious Beck transforme le boom boom de Hooker en explosion heavy rock , un séisme donnant à chaque pulsation de batterie des airs de décharges dévastatrices. Warren Hayne ne retient plus ses coups , ses solos tonnent désormais comme des décharges de canons frappant le mur de la tradition sudiste. Entre deux éruptions, des titres comme game face laissent la mélodie s’envoler dans des bulles aériennes , doux relent psychédélique réveillant les grandes heures de San Francisco.

La violence de Gov’t mule n’est pas un artifice pour impressionner le chaland, c’est un ingrédient dans son tableau rempli de contrastes. Cette violence accentue la grandiloquence des refrains, donne au chant des airs de supplication face à l’apocalypse , et la puissance reste un émissaire au service de la mélodie.

La ballade towering fool annonce une seconde partie plus apaisée. La mélodie est douce , presque tendre , c’est un ange que le groupe n’ose brusquer. Les solos rendent hommage à ce blues tranquille , ils s’élèvent comme David Gilmour sur Confortably numb. Ce genre de blues rêveur fait le lien entre le monde virtuose du Floyd et la rugosité sudiste , il rappelle que Gov’t mule se nourrit à ces deux mamelles antagonistes. La basse de « Birth of the Mule » sonne d’ailleurs comme la contrebasse de Charle Mingus , dirigeant ainsi un free jazz heavy, dont les saccades boogie saluent la naissance du rock sudiste. Là-dessus, la guitare hurle comme une âme damnée,  elle fait penser que le Black sabbath des premières heures s’est joint à cette improvisation folle.

La gloire de Warren Hayne se situe justement dans cette capacité à marier la carpe et le lapin , en restant fermement enraciné dans le passé. Il faut entendre son groupe reprendre John the revelator de Blind Wille Johnson pour comprendre. Ce qui était un gospel blues terreux devient une grande messe voodoo aux accents bluegrass.

Pris dans ce tourbillon mystique , les lamentations de Warren Hayne semblent tutoyer les grands esprits. La tradition danse une valse fascinante, les fantômes du passé accouchent d’une mélodie unique. Les mélodies de Gov’t mule ont le charisme de ces vieux disques qui dorment dans les caves des grands labels, ces documents retraçant une époque où tout était à inventer.

Les critiques pourront toujours chercher , dans le moindre solo ou la moindre note , les traces d’un plagiat de classiques du passé. Cette recherche laborieuse ne fera que faire grandir leur admiration face à cet édifice novateur fait d’un bois venu d’un autre âge. Si le groupe parvient à rapprocher des éléments en apparence opposés , c’est qu’il joue comme si tout restait à inventer.

Après tout , Chuck Berry n’a fait qu’accélérer le blues , Sun Ra a joué du bebop pendant des années , et les premiers hard rockers n’étaient que des bluesmen blancs. Mais ceux-là s’étaient approprié ce patrimoine , et l’emmenaient progressivement sur des chemins de plus en plus inexplorés. C’est exactement ce que fait Gov’t Mule avec ce Dose.

Ce second album est aussi le début d’une période de maturation qui va, progressivement, mener la mule à produire des mélodies de plus en plus riches.

Après la sortie de Dose , Gov’t Mule effectue une série de concerts monumentaux , où il réinvente ses standards entre deux titres de ses albums. ZZ top , Black Sabbath , Neil Young , les classiques se réinventent ainsi dans des prestations qui n’ont rien de nostalgiques. Sorti après cette série de concerts triomphaux , life before insanity est un disque plus anglophile que son prédécesseur. Le boogie le plus gras côtoie ainsi les mélodies tolkenniennes de Led Zeppelin , les ballades font preuve d’une douceur pop digne des sixties. Il y a un monde entre wandering child et life before insanity , Gov’t mule dessine de nouvelles contrées et nous guide à travers ses décors.

La mélodie féerique de « life before insanity » rappelle les paysages fantastiques d’house of the holy, alors que bad little doggy suit les leçons de Led Zeppelin IV. La rythmique s’emballe , ralentit brusquement, change de direction brutalement , et les solos décollent au milieu de cette terre pleine de cratères impressionnants. Cette alchimie musicale est celle qu’initia Jimmy Page, grand druide du hard rock alliant l’ombre menaçante du rock le plus dur , et la beauté lumineuse de mélodies épiques.

Your Burden Down permet à Gov’t mule de ramener cette magie en Amérique, d’appliquer ce procédé aux terres plus traditionnelles de la musique américaine. Le synthé purplelien entre dans une chevauchée sanguinaire , qui donne au boogie blues un tranchant inédit. Incantation de l’esprit d’Howlin Wolf dans un chaos heavy , le titre est un puissant hommage aux martyrs des champs de cotons.

Puis vient ce qui restera comme le sommet de la première période de la mule , fallen down. Ce titre dépasse toutes les étiquettes , c’est une pop solennelle comme les vieux blues , un blues drapé dans la finesse séduisante de la pop, une homélie musicale appelant Dieu sur un solo céleste. Autant l’avouer, la mule n’a jamais fait mieux que ce titre , ce qui ne veut pas dire que life before insanity est son meilleur album. Ce troisième disque montre encore un groupe à peine sorti de l’œuf, il fait encore partie des premiers pas d’une formation qui ne demande qu’à mûrir.

Life before insanity montre  un groupe qui s’emballe dans de grandes orgies heavy , des éruptions impressionnantes sans être complétement maitrisées. Si beaucoup considèrent les trois premiers albums de la mule comme des sommets indépassables, c’est par attachement à la formation originale.

La fin brutale de la première formation de la mule a entrainé une forme de nostalgie qui a beaucoup nuit à la suite de la carrière du groupe. Quand, quelques mois seulement après la sortie de Life Before Insanity , Allen Woody fut retrouvé mort d’une overdose , tout le monde savait qu’il emportait l’identité du trio dans la tombe.

Si il est vrai que les trois albums qu’il a produit avec le groupe sont des classiques incontournables , que le groupe ne sonnera plus jamais de la même façon , il entame tout de même une seconde partie de carrière brillante.

Mais avant la renaissance vient le temps du deuil.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire