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dimanche 29 novembre 2020

Tom Petty 4


 Cher Tom Petty,

 

Avant tout je te parle en tant qu’admirateur. Tu as su dépoussiéré le son des Byrds , et entretenir la flamme d’un rock dans lequel on me refusait d’entrer. Les journaux jugent souvent les artistes de manière caricaturale et , si ils vous considèrent comme mon fils spirituel , c’est qu’ils refusent d’accepter que je suis incapable d’écrire des tubes tels que refugee.

 

L’année prochaine, j’effectue une grande tournée avec le grateful dead , bien que le fait de devenir un vestige des sixties ne m’enchante pas. Entre temps, 1986 étant une année relativement calme, j’ai demandé à mon manager de vous inviter à ma prochaine série de concerts . L’invitation devrait vous parvenir prochainement, mais j’ai préféré prendre les devants.

 

Je serais réellement honoré de vous compter parmi nous lors de cette tournée , dont Roger Mcguin effectuera l’ouverture.

 

A bientôt j’espère

 

Bob Dylan.

 

Tom Petty n’en croyait pas ses yeux, et courut demander à son manager de confirmer sa présence à ce concert. Il est vrai que Dylan n’est plus en état de grâce, mais il ne l’a jamais réellement été. Déifié dans les années 60, ses ventes n’ont jamais atteint les mêmes sommets que celles des beatles ou des stones. Le barde s’était mis au rock trop tard, et les quatre garçons dans le vent avaient déjà conquis le monde.

 

En plus de ne pas obtenir le succès promis aux rockstars , Dylan a dû subir le puritanisme de son public folk. Cet échec restera un des fils rouge de sa carrière, et il ne cessera jamais réellement de chercher à être accepter en tant que rocker. Du band à Mark Knopfer , en passant par Mike Bloomfield , Dylan a croisé le fer avec les plus fines lames de son époque. Je ne parle même pas de Ronnie Wood , dont la rigueur rythmique illumine le rock mystique de shot of love.

 

Vomie par la critique, sa période born again lui a permis de former un des plus grands groupes de scène de l’histoire du rock. Je conseille d’ailleurs à ceux qui douteraient encore de la valeur de cette période de réécouter cette trilogie, et de jeter une oreille au live trouble no more.

 

Quelques mois avant d’envoyer sa demande à Petty, Dylan avait rendu hommage à Elvis, en emmenant ses musiciens jouer à Budokan. En entendant le résultat, la critique ne sut que se moquer de cet has been rendant hommage à la dépouille encore chaude du roi d’un rock , qu’elle trouvait daté. Pour elle, il fallait vite achever ces icones mourantes, faire disparaitre toute trace du passé. Le rock dépérissait depuis la seconde partie des seventies, et ces vieilles statues représentaient le bouc émissaire idéal.

 

Après avoir jeté des disques aussi réussis que sa trilogie mystique et son dernier live, la critique voulut l’achever en s’attaquant à empire burlesque. Elle avait enfin de quoi râler, ce disque-là était le premier qu’elle pouvait démonter sans faire preuve de mauvaise foi. Avec cet album , Dylan devenait la caricature que ses détracteurs avait dessiné , un vieux rocker fatigué tentant de se mettre à la page.

 

Après avoir sorti un tel étron synthétique, le Zim avait besoin de retrouver le plaisir de jouer. C’est ainsi que, alors que leur leader venait tout juste de se remettre de sa blessure à la main, les heartbreakers devinrent le nouveau band de Dylan.

 

Si aucun live officiel ne fut enregistré, le coffret bootleg Dylan and friends retrace bien cette magnifique tournée. On observe alors que, postés derrière son illustre leader, les heartbreakers donnent aux classiques de Dylan l’énergie rock qui leur a parfois manquée. Loin de chercher à rivaliser avec Hendrix, les heartbreakers parviennent tout de même à rendre « all along the watchtower » à son père légitime. La simplicité d’un rock rythmique et mélodieux a remplacé les salves psychédéliques du voodoo child , donnant ainsi à ce classique sa version définitive.

 

Petty et Dylan partagent les mêmes influences et, si master of war semble reproduire le country rock des premiers titres de Petty, c’est parce que ce classique est issu du même moule campagnard. Les deux hommes partagent les mêmes références , perpétuent la même tradition. Pendant les instrumentaux, Dylan et Petty s’échangent les regards complices de deux hommes réunis par une admiration réciproque.

 

Et , quand Dylan laisse la scène à ses fils spirituels , son public redécouvre ce qu’est le rock n roll. Une reprise de Chuck Berry donne le ton d’une prestation particulièrement nerveuse, les refrains pop deviennent les petits-fils des tubes immortels des années 50.

 

Après cette prestation, Dylan touchera le fond sur l’album down in the groove, avant de revenir à une musique plus vivante. La tournée Dylan/Petty fut une somptueuse éclaircie pour deux carrières qui semblaient se ternir. Les heartbreakers ont sorti la tête de l’eau quelques instants, avant de se noyer dans l’ambiance austère de leur studio.

 

Pour conserver l’énergie accumulée lors de leur dernière tournée, les heartbreakers ont décidé d’enregistrer dans les conditions du live. Cette technique est pernicieuse, des groupes comme les who s’y cassèrent les dents pendant des années. Reproduire l’énergie d’un concert sans public, c’est comme essayer de faire démarrer un moteur sans carburant. Dans les conditions du live, si l’énergie brute est le seul but des musiciens, la spontanéité mène souvent au fiasco.

 

Comme souvent, let me up commençait bien, le riff de jamin me rappelant les grands moments de come and get it. Mais runaway train montre déjà vite que la sobriété revendiquée par le groupe cache mal son manque d’inspiration. Sympathique lors des premières secondes , la mélodie de cette ballade part vite dans une répétition insupportable.

 

Pris dans les sifflements de clavier, qui avait déjà pourri l’album précèdent, les arpèges s’endorment dans un slow monotone. Noyées dans une production trop brouillonne, les mélodies retombent comme de mauvais soufflets pop. Privée d’écho , et surjouant sa nostalgie entre deux riffs incohérents ,  la voix de Petty finit aussi par agacer.

 

Et ce n’est pas l’air oriental de It all work out , qui va faire oublier l’ennui mortel que provoque let me up. Cet album est aussi celui où Tom Petty a le plus écrit avec Mike Campbell, ce qui ne fait que confirmer l’impression d’essoufflement que donne let me up. Le duo de compositeurs frôle d’ailleurs l’impardonnable avec l’insipide rythmique disco de my life your word.

 

Les heartbreakers sont pour Tom Petty ce que le E street band est pour Springsteen. Leur présence inspire leur leader, leur jeu donne une certaine couleur à sa musique, mais ils ne peuvent palier à un manque d’inspiration de leur figure de proue. On ne peut s’empêcher, en entendant le désastreux let me up, de penser que Mike Campbell a voulu enfiler un costume trop grand pour lui.

 

C’est la seule explication plausible à ce désastre, jusqu’à ce que la guimauve all mixed up sorte de nos enceintes. A côté de ce titre, le clavier de southern accent faisait preuve d’une discrétion exemplaire. Il faut donc se rendre à l’évidence, les Heartbreakers sont lessivés, leur pop rock n’inspire plus leur égérie blonde. Il était temps pour Tom Petty de changer d’air, de quitter ce groupe qui avait déjà tant donné.                       

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