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mercredi 30 décembre 2020

tangerine dream : electronic meditation


Pour comprendre tangerine dream , il faut d’abord se pencher sur l’histoire d’Edgard Froese. Né en Russie , il apprend d’abord à jouer du piano , avant de s’intéresser à la peinture et la littérature. Dès son plus jeune âge, ces disciplines cohabitent dans son esprit, au point qu’il ne met pas réellement de barrière entre elles. 

Qu’il s’exprime par l’écriture, la peinture, ou la musique, l’homme créatif se met toujours au service de cette expression du génie humain qu’est l’art. Séparer ses composantes, traiter la peinture, la littérature, et la musique comme des entités distinctes et irréconciliables , est pour lui une simple preuve de fainéantise intellectuelle. D’ailleurs, alors que les sixties sont l’âge d’or du rock, Edgard ne se voit pas forcément devenir la nouvelle poule aux œufs d’or d’une industrie du disque florissante. 

Il a bien sur entendu et apprécié Hendrix , Pink floyd , et Cream , il a conscience que ces artistes sont les phares d’une musique explorant tous les territoires , mais ces musiciens lui paraissent encore trop limités. C’est donc la peinture, sous les traits de Salvador Dali, qui lui montrera le chemin qu’il cherche. Le peintre le plus connu du surréalisme l’a déjà invité à plusieurs de ses performances artistiques, et pense naturellement à lui pour composer la bande-son accompagnant sa dernière création. Composé de barils de métal, et de vieux vélos, sa statue du christ devra malheureusement trouver un autre fond sonore.  

Trop porté sur l’expérimentation, Froese ne parvient pas à réunir des musiciens capables de donner vie à la musique qu’il souhaite offrir à son illustre commanditaire. Il s'exile alors en Allemagne, où le traumatisme du nazisme semble avoir poussé la jeunesse vers des sonorités hypnotiques, des rêves sonores fascinants. 1968 marque le début de cette fuite des réalités. Assommés par la découverte du premier album du Velvet , une bande de virtuoses allemands tentent d’oublier leur solfège , pour retrouver l’énergie primaire du groupe de Lou Reed. Ils se nommeront Can , et Amon Dull et autres Guru guru viendront bientôt grossir leurs rangs d’allemands traumatisés par la découverte de la musique américaine et anglaise.

Pour Froese , l’Allemagne sera une formidable terre d’accueil , où il réunit une première version de Tangerine Dream dès 1968. Le groupe commence à se produire à Berlin, où il croise la crème de l’underground mondial , comme Frank Zappa ou les Fugs. Cette première incarnation de tangerine dream ne produira aucun disque, seul un album live se vend à prix d’or chez les bootlegers.

Tangerine dream ne naît vraiment que quand Edgard Froese croise la route de Klaus Shultz et Conrad Schnetzer. Le premier est un percussionniste qui souhaite s’échapper du boom boom prévisible imposé par le succès du rock. Conrad, lui, a suivi des études d’art, et s'est fait remarquer en produisant une musique expérimentale avec toute sorte d’ustensiles non musicaux. Le trio s’enferme dans une usine de Berlin, où il enregistre une suite expérimentale nommé « electronic meditation ».

Personne ne sait comment une musique aussi aventureuse, a pu se retrouver sur le bureau du gérant d’une des plus grandes maisons de disques allemande, toujours est-il que ce qu’il entendit lui plu. Etonné par sa proposition de publier ses bandes, Edgard Froese complète son œuvre avec quelques parties de guitares et d’orgue, et le disque sort en 1970.

Ecouter electronic meditation , c’est être happé par une musique qui vous impose ses images. D’abord, les violons partent dans un cérémonial tribal, la batterie et les sifflements d’une espèce de flûte astrale rendent hommage à un dieu païen. Il y a quelque chose de mystique dans le fond sonore entretenu par les musiciens , c’est le bas fond d’où l’orgue s’élève vers des sommets stratosphériques. 

Electronic méditation ouvre les portes d’un univers à explorer, il représente le premier astre d’une galaxie que le groupe ne cessera d’enrichir. Cette musique est une véritable toile sonore, un tableau fait de sons , et dont on ne se lasse pas de redécouvrir les détails.

Espace lunaire, grandiose prison aquatique que la batterie vient parcourir d’impacts de météorites rythmiques , fusée futuriste qu’une guitare vaguement Hendrixienne envoie sur orbite, les images suggérées par cette musique sont fascinantes. Dans cette atmosphère, la guitare électrique peut aider le rocker à ne pas se noyer dans des eaux qu’il peut trouver hostiles. 

Il faut pourtant qu’il lâche prise, qu’il laisse ce torrent de rêves l’emmener loin des terres qui lui sont familières. C’est à ce prix qu’il pourra dépasser ses limites culturelles, pour se mettre à la hauteur de l’œuvre qu’on lui propose. Qu’il se rassure, la récompense qu’il obtiendra justifie largement qu’il consente à ce petit sacrifice.             

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