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samedi 2 janvier 2021

Tangerine Dream : Live at Rainbow ( Londres)

Jimi Hendrix y brula sa guitare pour la première fois, avant que Ziggy Stardust n’y célèbre l’avènement du glam rock. Au départ, le rainbow était une salle de cinéma, c’est aujourd’hui un symbole du rock. Arrivé sur place quelques jours après l’enregistrement d’oedipus tyrannus , le groupe subit d’abord la fraicheur de cette salle. Quand Edgard Froese ose enfin demander si il est possible de mettre un peu de chauffage, les techniciens lui répondent comme si cette demande était une insulte. Pour eux, si ces boches ne sont pas satisfaits de la température de la salle, il leur suffit de réparer eux-mêmes un chauffage, qui n’a pas du fonctionner depuis la dernière guerre.  

Ne souhaitant pas provoquer une dispute pour si peu, les musiciens effectueront leur balance en gardant leur épais manteau. De toute façon, cette opération ne sera pas très longue , l’objectif étant simplement de caler le matériel sur une certaine tonalité. Comme nous l’avons vu précédemment, la machinerie de Tangerine dream se dérègle assez facilement, ce qui les oblige à improviser chacune de leurs prestations. Certains se souviennent encore de ces soirs, où la magie habituelle semblait avoir disparue, transformant la symphonie robotique du trio en cacophonie électronique.

Alors que nos musiciens venaient boucler les derniers réglages de sa machinerie, John Peel entama son discours d’introduction. Pape des DJ , John Peel est un guide qui a largement participé au succès du groupe. Le discours terminé, Tangerine dream s’engage dans une nouvelle lutte pour dompter la machine. Lors des précédents concerts, la bataille a parfois tourné à son désavantage, mais ce soir la bête est plus docile. Le groupe a d’abord planté un décor sombre et envoutant, enfermant la salle dans la noirceur lumineuse chère au groupe. Les bruits électroniques entrent en harmonie grâce aux nappes de mellotron , soleil musical régissant les mouvements de cette galaxie sombre.

Plus présent que jamais, le mellotron s’embarque dans un crescendo spirituel, sur lequel le synthé fait souffler un vent emportant les esprits au sommet d’un nouvel Olympe. Ce décor s’assombrit et s’illumine, s’agite et s’apaise. Les machines feulent comme des bêtes traquées, avant de ronronner comme un gros chat métallique. Ce soir au rainbow , le temps s’arrête de nouveau , ces trois mages reprennent possession de l’horloge régissant nos vies , et des décors que nous explorons. Dans la salle, aucun bruit ne vient perturber cette communion entre l’homme et la machine, aucun homme n’ose perturber ce moment de grâce.

Penchés sur leurs tableaux de bord, les membres de Tangerine dream semblent diriger un vaisseau toujours prêt à s’écraser. Leur fusée flirte dangereusement avec des météores en fusion, ses réacteurs frôlent de prêt la comète de la cacophonie.  Et pourtant, les sons se marient parfaitement, des manœuvres que notre ignorance de ce monde nouveau trouve suicidaire créent une harmonie parfaite. Plus bruitiste au début, la fresque qu’improvise Tangerine dream se déploie ensuite autour d’un beat binaire et froid, comme un boa s’enroulant autour d’une tige métallique.  On est alors endormi par un mantra électronique, avant qu’un mirage sonore ne définisse le scénario de nos rêves.

D’ailleurs, si la religion n’est qu’un rêve éveillé, un opium déviant le peuple de sa triste réalité, Tangerine Dream est désormais la seule religion capable d’émerveiller ses disciples. En ces années 70 , alors que l’occident commence à rejeter ses vieilles racines chrétiennes, cette musique constitue un nouveau moyen d’évasion. Après avoir conquis le temple des rockers, Tangerine dream devait donc prendre possession des lieux où sa musique peut pleinement s’épanouir, c’est-à-dire les symboles de l’âge d’or du catholicisme et du christianisme.

Oui , le rock va désormais à l’église , mais ce n’est que pour perpétuer son travail de libération des masses.           

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