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vendredi 1 janvier 2021

Tangerine Dream : Oedipus Tyrannus


Nous attaquons maintenant le graal du répertoire de Tangerine dream. Joué en 1974 , lors du festival de Chichester , Oedipus Tyrannus ne sera publié officiellement qu’en 2019 , dans le coffret in search of the hades. Plongé dans une tournée triomphale en Angleterre, avant de travailler sur rubycon , le trio a préféré mettre les enregistrements de Oedipus tyrannus de côté. On ne lui en voudra pas, tant le recul que nous avons aujourd’hui nous permet de mieux apprécier cette œuvre charnière.

Le temps de ce disque, les séquenceurs sont mis au placard, et le groupe renoue avec le bruitisme fascinant de ces quatre premiers albums. On pense forcément à Zeit , dont la noirceur planante est ressuscité dans act 1. L’électronique se contente de nouveau de déformer les sons des instruments traditionnels. Sur act 1 Edgard Froese effectue d’ailleurs un glissando de guitare tutoyant les anges, que Jimmy Page ne faisait qu’effleurer avec son archer.

On entre de nouveau dans l’ambient pur, le mellotron, ou les percussions mécaniques de battle, nous aspirant dans une planète voisine de Zeit. On peut alors se demander si cet album n’est pas un acte de résistance au succès. Après tout, Phaedra avait montré une formule aussi lucrative que fascinante, et Tangerine dream aurait pu être tenté de reproduire ce schéma lucratif. Alors, pour éviter de se fossiliser dans les beats hypnotiques de Phaedra , le trio aurait produit son opposé. A moins que ce ne soit le fait de créer un fond sonore pour la pièce Oedipus tyrannus, qui ait poussé Edgard Froese à renouer avec ses atmosphères abstraites.

Dans tous les cas , Oedipus tyrannus redécouvre les possibilités infinies présentées par les quatre premiers albums de Tangerine Dream. Sympathique surprise, les flûtes font leur grand retour, et dirigent la danse sur le bien nommé act 2 : baroque , où l’ambiance est plus médiévale que spatiale. Puis un synthétiseur synthétiseur vient briser cette noirceur sonore. Ce sifflement est un paon qui séduit l’esprit, sa roue transporte nos pensées dans le cosmos. C’est là que le mellotron prend le pouvoir, décidant si nos décors seront rassurants ou inquiétants, mystiques ou rêveurs.

On constate alors que, si la plupart des groupes anglais ont figé le mellotron dans des mélodies symphoniques , jazz , ou pop , Tangerine dream semble réinventer cet instrument à chaque utilisation. 

Malgré sa proximité avec le vieux répertoire de ses auteurs, oedipus tyrannus n’est pas une œuvre passéiste. Plusieurs de ses passages seront d’ailleurs retravaillés sur des disques comme Encore ou Rubycon. Bien sûr, le séquenceur reviendra mettre un peu d’ordre dans  cet univers foisonnant. Tangerine dream repartira ainsi vers une musique plus construite, au détriment de ses décors planants.

Lettre d’adieu à un monde qu’il s’apprête à quitter, oedipus tyrannus est aussi l’oasis dans lequel ses auteurs viendront chercher la matière composant leurs futures symphonies futuristes. Devenu fan du groupe après avoir découvert leur premier disque, John Peel fait entrer cette musique dans des milliers de foyers, qui ne se doutent pas que ses auteurs sont déjà partis plus loin.               

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