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dimanche 13 décembre 2020

Tom Petty : Epilogue

 



Le soufflet est déjà retombé, ramenant le rock dans l’underground qu’il ne quittera plus. On a pourtant cru à un nouvel âge d’or, les whites stripes et autres libertines réinventant l’héritage seventies avec brio. Up the braket succédait à is this it , elephant redonnait vie au blues rock nourri par l’énergie stoogienne. On pouvait de nouveau découvrir un chef d’œuvre régulièrement en suivant les évolutions de ce cher rock n roll moderne.

Puis les strokes se sont noyés dans un éléctro rock vaseux , les libertines ont subi les frasques d’un Pete Doherty en plein bad trip de junkie , et les Whites stripes se sont séparés à cause des crises d’angoisse de Meg White. En à peine une décennie, ce qui apparaissait comme une résurrection inespérée est retourné dans son tombeau, et le mainstream est parti se réchauffer dans une nouvelle médiocrité.

On a ainsi sacralisé les foo fighters , les critiques faisant semblant de ne pas remarquer que Dave Grohl resservait sans cesse la même soupe fade. Les foo fighters sont l’équivalent moderne du groupe de hard rock toto , vaste blague radiophonique dont le nom annonçait la couleur. Comme les blagues de Toto, la musique des foo fighters était plus dramatique que comique , elle ramenait le rock au vide entamé dans les eighties , sans espoir de sursaut.

Alors ceux qui pensaient encore que le mot rock n roll avait un sens se sont réfugiés auprès de leurs vieilles idoles. En cette année 2012 , les vieilles reliques écrasaient bien souvent la concurrence , d’autant que le nouveau millénaire semble leur avoir donné une nouvelle jeunesse. Devenu un dieu vivant, Dylan déclamait ses Odyssées rock avec la voie éraillée d’un Homère folk rock sur tempest. La même année, Neil Young a ré enfourché son cheval fou, pour livrer un psychedelic pills plus intrépide que Sitting Bull lançant sa charge mortelle sur les armées de Custer. 

Troisième pilier de cette trinité folk rock , Tom Petty sort hypnotic eyes en 2014. Après le passage de Petty dans mudcrutch , la musique des heartbreakers s’est durcie. Le chanteur a toutefois retenu la leçon de mojo , et ne se perd plus dans ses références blues. Le blues de ses Heartbreakers fait grandir son mojo sur un riff poisseux, tout en sachant arrondir ses angles sur les refrains. Power drunk est un modèle du genre, sa guitare rappelant le temps glorieux du rock seventies, avant que la slide de Campbell n’emmène le refrain sur les terres de la country folk.

Le bourdonnement de guitare de american dream plan b annonçait déjà l’énergie d’un folk rock tendu comme une jam du crazy horse. Quand Petty laisse ainsi ses guitares hurler, ce sont ses influences anglaises qui remontent. Cette série de charges binaires, ses solos tonitruants retombant dans un refrain power pop , c’est un tunnel temporel nous ramenant à l’époque où Londres commençait à swinguer.

Petty est comme les grands blues rockers anglais, il ne sait jouer la musique de ses modèle qu’en l’adaptant à ses refrains pop. Seule exception à cette règle, burn out town joue le jungle beat du grand hook , avec un feeling capable de faire swinguer tous les bayous de Louisiane.

Voilà sans doute pourquoi , à l’heure où les jeunes loups disparaissent déjà , des groupes comme Tom Petty and the Heartbreakers vivent un second âge d’or. Ces musiciens n’imitent personne, ils ne rendent hommage à aucun passé glorifié, ils se contentent de s’approprier la musique qui les fit grandir.

Et , si la relève tarde à venir , les riffs d’hypnotic eyes raisonneront encore longtemps dans les enceintes des vrais rockers. Tant que nos vieilles gloires pourront accoucher de célébrations pareilles, le rock pourra garder espoir.

Nous voilà arrivé au dernier acte de notre récit, en 2016, année de sortie du second album des Heart… Heu de Mudcrutch pardon. Mon lapsus a au moins le mérite de montrer que, en produisant mudcrutch de façon plus soignée, Petty a créé une espèce de frelaté de l’énergie de ses premiers disques. Cette suite de ballades radiophoniques me fait plus précisément penser au spleen radiophonique de straight into darkness , mais son énergie larvée semble remplacée par une certaine nonchalance contemplative.

Le résultat n’est pas foncièrement mauvais , la plupart de ces ballades sont d’ailleurs sympathiques , mais on est loin de la ferveur folk rock du premier volet. Mudcrutch , c’était la réunion d’une bande de vieux gamins , rejouant la musique de leur début sans calcul. Plongé dans une production plus soignée , le groupe évoque vaguement , suggère des images sans les imposer. Beautiful blues rappelle vaguement l’époque où le grateful dead flirtait avec la country , sans que sa mélodie n’atteigne le niveau de ces « beautés américaines ». Un peu plus loin, un harmonica bluesy pleure la disparition des grands rockers sudistes.

L’ensemble est beau , dans le sens où il forme un fond sonore agréable et pas trop envahissant, mais ne parvient pas à créer un réel enthousiasme. Mudcrutch est un cheval qu’il faut chevaucher à crue, et dont il faut accepter les emballements de bête folle. Pour rendre hommage au « bon vieux temps du rock n roll » , il n’existe qu’une méthode valable : envoyer la sauce sans se poser de question.

A la sortie de mudcrutch deux , nombreux sont ceux qui se mirent à espérer un troisième volet plus direct , où qui partirent se consoler avec le dernier disque des Heartbreakers. L’avenir de Tom Petty paraissait encore radieux, mais le cœur de ce rocker s’arrêta de battre quelques mois plus tard.

Encore plein de projets, le chanteur souhaitait notamment jouer l’intégralité de wildflowers dans une série de concerts exceptionnels. Sorti en 1994 , ce disque restera son plus grand chef d’œuvre , celui qui doit rester dans les mémoires de tous les mélomanes. Et nous l’écoutons désormais le cœur brisé par la disparition de son auteur.          


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