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dimanche 13 décembre 2020

Tom Petty 8



La guitare entame un boogie montant progressivement en puissance, la batterie trépigne avant de s’emballer dans un rythme revisitant la grange de ZZ top. Sur le refrain, le clavier siffle de façon mélodieuse, il transforme ce boogie rock en power pop énergisante.

Saving grace , le titre qui ouvre highway companion , célèbre les retrouvailles de Jeff Lyne et Tom Petty. Responsable du grandiose full moon fever , le producteur sait mieux que quiconque comment habiller les mélodies de son protégé . Les deux hommes reproduisent donc les mélodies électros acoustiques qui firent le charme de leurs albums précédents.

Lyne retrouve la profondeur de ses grandes années, et transforme chaque titre en tube. Flirting with time renoue avec l’énergie juvénile de runnin down a dream , à tel point qu’on le croirait issu du même moule lunaire. Ces rocks, c’est les Byrds chantant leurs harmonies devant un crazy horse qui tente d’imiter les Beatles.

Débarrassé de la gravité de ses albums précédents, Petty écrit une grande comptine boogie rock , repart à l’assaut des radios avec un efficacité digne d’un Chuck Berry pop. Highway companion redonne vie à ses riffs, moteurs rutilants qui se sont un peu grippés sur les albums précédents. Petty n’essaie plus de nous faire pleurer sur un quelconque paradis perdu, il nous invite à nous laisser emporter par ses guitares sauvages.

 Sur la première partie de highway companion , l’électrique a pris le pas sur l’acoustique , le rock écrase la folk. Si big weekend fait encore penser à Dylan, son swing rugueux flirte surtout avec la rusticité de son band. On regrette presque que night driver ressuscite les arpèges de yer so bad , que la sérénité venue de la fièvre de la pleine lune brise une tension qu’on avait perdue depuis hard promise.

Mais ces mélodies portent l’optimisme des grandes ballades Pettyenne , elles sont le cœur de la musique des Heartbreakers. C’est d’ailleurs sur cette légéreté plus apaisée que se referme le disque, le tonnerre rock du début laissant place à une beauté qui nous apprend de nouveau à voler. 

Qui d’autre que Petty pouvait évoquer le rythme paysan de out on the weekend , le titre qui ouvre harvest de Neil Young , sans passer pour un plouc rétrograde ? Sur this old town , il décrasse la mélodie terreuse du loner , la fait briller pour l’imposer sur les radios américaines.

L’album se referme sur ankle deep et golden rose , deux titres où l’acoustique et l’électrique se réconcilient dans un slow accéléré. Plus que l’inventaire d’un passé indépassable, highway companion est le dernier volet d’une trilogie qui définit une nouvelle perfection folk rock.

Ils étaient une bande de jeunes avides de gloire. Mudcrutch est un épisode obscur de l’odyssée des Heartbreakers, c’est une première formation qui n’a laissé aucune trace. Après tout, son noyau dur était le même que celui des Heartbreakers, il se composait de Benmont Tench , Mike Campbell , et Tom Petty.

Ces musiciens s’étant épanouis sous le nom de Tom Petty and the heartbreaker, à une époque où leur mélodie ont rencontré les eighties , il paraissait inutile de revenir en arrière. Et voilà bien le problème ! Les clips et les superproductions des années 80 ont donné une image tronquée de la musique de Tom Petty.

Pour ceux qui se contentent des apparences , notre homme était au folk rock ce que Freddy Mercury était au hard blues , une icône artificielle. Voilà pourquoi Petty, Campbell et Tench ont récupéré les musiciens qu’ils ont laissés derrière eux à la fin des seventies. Une fois en studio, ces vieux routards ont vite retrouvé la simplicité de leur début . Le rock est un art collectif, et même le musicien le plus doué ne sonnera jamais aussi bien qu’avec son groupe. Keith Richard a beau être bon en solo, il n’atteindra jamais le génie des stones, et je ne parle même pas de Springsteen sans son E street band , ou Townshend sans les who. 

Dans le studio où ce jeune groupe de vieux se retrouve, il n’y a ni producteur ni cabine susceptible d’isoler les musiciens. Les instruments sont simplement disposés au milieu de la pièce, comme si ils attendaient que leur propriétaire leur donne vie. C’est Petty qui entame ces retrouvailles, ses arpège flirtant avec le folk des Pogues. 

Là-dessus, les chœurs s’harmonisent comme une bande de marins légèrement avinés. Dans un break tout s’emballe, les solos prennent des allures  de typhons sonores, avant que les chœurs reprennent un refrain d’aventurier sorti du déluge. Le second titre est plus proche de ce à quoi Petty nous a habitué. 

Servi par une production plus crue, Scare easy a un petit air de « déjà vue » , comme diraient ces chers Crosby Still Nash and Young. Sans producteur pour maquiller sa musique, Petty montre son véritable visage. Mudcrutch plonge dans un océan de références , mais ne s’y noie pas . La simplicité de sa méthode d’enregistrement permet à ses souvenirs de s’exprimer.

Le musicien se fait ainsi fan, et ses accords rendent hommage à ses pères spirituels. Orphan of the storm a le charme du band jouant sa dernière valse devant les caméras de Scorcese. Mudcrutch prend ensuite la voie du rock n roll des origines, salue Chuck Berry en ressuscitant son immortel rock binaire ( six day on the road).

On est ensuite transporté sur les routes de Californie, terre promise où ces musiciens allaient rencontrer leur destin. Crystal River est proche des mélodies hippies, qui illuminaient encore le paysage quand Petty découvrit le rêve californien.

Entre joie de jouer et hommages nostalgiques, ce premier disque de Mudcrutch  permet de rétablir la vérité sur son auteur. Fils de Chuck Berry et des Byrds , Petty a su se faire une place au sommet en maquillant ses influences. Maintenant que l’Amérique est à ses pieds, il n’a plus aucune raison de cacher sa véritable nature.

Dans le même temps, il nous fait redécouvrir le plaisir simple d’écouter une musique sans fioritures , servie par des musiciens honnêtes. 

L’harmonica chante la mélodie du bayou , la guitare imite le rythme des trains traversant la Floride , et les solos saluent Taj Mahall et John Lee Hooker. Ce feeling, c’est l’énergie sacrée qui donne sa force au rock , on le nomme mojo. C’est aussi ce titre que Tom Petty a choisi pour l’album qu’il sort en 2010.

Encore marqué par l’expérience Mudcructh, Petty a décidé d’enregistrer le dernier disque des Heartbreakers de la même façon. La formule aurait pu marcher, si il n’avait pas voulu garder le son des albums précédents.

Les mélodies des Heartbreakers ont besoin d’une production soignée, c’est un habillage qui permet à leurs ballades de ne pas s’endormir. Sans producteur pour mettre de l’ordre dans ses emportements rock, Petty ne sonne jamais réellement heavy , et ses ballades deviennent des chansonnettes soporifiques.

On le voit particulièrement sur first flash freedom , slow endormi entre le feeling du blues et la douceur de la pop. Si le titre suivant contient quelques bons moments, son feeling souffre du même malaise. Incapable de choisir entre le son des Heartbreakers et la simplicité qu’il souhaite leur apporter , Petty laisse les claviers briser l’énergie de son boogie blues.

Pas assez soigné pour sonner comme un grand disque des Heartbreakers , et trop produit pour se rapprocher des bluesmen auxquels il veut rendre hommage, mojo est l’échec d’un musicien qui apprend qu’on ne s’improvise pas producteur. S'il produira encore ses derniers disques , mojo permet à Petty de savoir ce qu’il ne faut pas faire. 

           

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