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mardi 12 janvier 2021

Tangerine Dream : Cyclone


Après le départ de Baumann , le duo restant recrute le blues rocker Steve Joliffe. Si ce choix peut paraitre audacieux, il suit la simplification musicale initié sur ricochet. Depuis ce faux live, Tangerine dream n’a cessé d’enrichir le côté «  traditionnel » de sa musique. Ce mélange électro rock a atteint sa première apothéose sur stratosphère, mais « encore » montrait une volonté de se diriger vers un avant-gardisme plus accessible.

Certes, Tangerine dream ne sera jamais aussi tubesque que David Bowie, mais les passages les plus lumineux de « encore » montre un groupe capable de flatter les oreilles les plus néophytes. Pour accentuer cette énergie séduisante, Tangerine dream recrute le batteur percussionniste Klaus Krieger. Avec cyclone, notre quatuor teuton vole ainsi au secours du rock progressif.

Tous ces groupes anglais, plus virtuoses les uns que les autres. Ces Emerson Lake and Palmer , Yes et autres Genesis ,  ces géants incorruptibles sont devenus de ridicules has been tentant de rester dans le coup, tous ces dinosaures sont désormais en voie d’extinction. En 1978 , Yes sort le mielleux tormato, Genesis suit la voie pop du funeste Phil Collins , et ELP joue les boys band sur love beach. Après avoir atteint des sommets paradisiaques, les grands prog rockers annoncent la superficialité de la décennie à venir.

Dans ce contexte, même si cyclone est loin d’être le disque le plus inventif de Tangerine dream , c’est un oasis de beauté dans un décor qui se ternit. Il est vrai que, en entendant le premier titre, les fans de la première heure durent devenir aussi blanc que la comète alpha centaury. Voilà que les maitres de l’espace construisaient une pop symphonique, une fresque épique rappelant à Genesis ce qu’il fut, ou lui montrant ce qu’il aurait pu être si il n’avait pas vendu son âme. On retrouve encore les sifflements d’un synthé planant, mais le chant et la rythmique martiale rappellent l’époque où les rockers rêvaient de devenir chef d’orchestre.

Tangerine dream serait-il donc devenu le gardien du monde enchanté laissé à l’abandon par ses rivaux anglais ? A moins qu’il ne soit devenu le dernier cador capable de développer une telle beauté. Une boucle électronique rappelle vaguement les rives synthétiques que les allemands viennent de quitter , avant qu’une mélodie de flute ne flirte avec les rêves champêtres de Jethro Tull.

Cette flute croisant le fer avec un mellotron lyrique, c’est l’Allemagne rappelant à la perfide Albion à quel point elle fut grandiose. Si le second titre laisse les séquenceurs se déchainer sur une introduction hypnotique, ce n’est que pour ouvrir la voie à un groupe de synth-rock déchainé. Edgard Froese développe ainsi son riff de Chuck Berry d’un autre monde, la batterie pose un rythme à faire swinguer les martiens et les synthés font le lien entre l’avant-garde allemande et le rock anglais. Bowie a beau avoir vendu son Heroes par palettes, il est trop pop pour swinguer à ce point et la finesse de Tangerine dream est la lune qui aurait dû éclipser sa trilogie dite berlinoise.

Pour clôturer le tout, madrigal meridian retrouve un son plus proche des albums précédents, même si son clavier fait renaitre le Keith Emerson de la grande époque. Si cyclone est vu par certains comme une « erreur de parcours », c’est précisément parce qu’il suit le credo que Tangerine Dream se fixe depuis des années.

Ils ont dû rire jaune ces rosbifs, ces virtuoses prétentieux toisant l’Allemagne du haut de leur mausolée rock. Eux qui parlaient de rock choucroute pour définir l’âge d’or de l’avant-garde allemande, voient leur génie noyé sous une guimauve qu’ils produisent à la chaine. Et voilà que, avec cyclone, une partie des musiciens qu’ils méprisaient leur montraient ce qu’était le rock progressif. Rien que pour ce magnifique pied de nez, cyclone mérite bien que l’on y jette une oreille attentive.      

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