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dimanche 7 février 2021

Blue Oyster Cult : Agents of fortune

Avec ses premiers albums ,  le Blue oyster cult est devenu le plus grand espoir du hard rock. Pour maintenir la pression, le groupe tourne sans cesse, et des centaines de concerts s’enchainent en cette seconde moitié des seventies. Lors de ces prestations, les guitares s’engagent dans des joutes sanguinaires, impressionnant combats de coqs dont la rythmique forme le ring. Secret treaties représentait le sommet indépassable de cette formule, une réussite qui obligeait ses auteurs à changer de voie. Agents of fortune tourne la page de la trilogie noire et blanc, et permet au cult d’afficher ses ambitions commerciales sans se renier.

De l’album, on a bien sûr retenu «  don’t fear the reaper » , fascinante ballade morbide où le son caverneux des Doors rencontre l’univers horrifique d’un Alice Cooper en plein cauchemar. Le succès du titre, ainsi que le virage pris par le groupe sur agents of fortune, va fâcher le cult avec la base de ses fans. Les fidèles de la première heure ne retrouvent plus la vélocité des débuts , ce hard blues occulte n’ayant rien à envier à la puissance des plus grands bombardiers rock. De cette frustration renait l’éternel soupçon de corruption , la réaction féroce de fans voyant tout changement comme une tentative d’escroquerie.

Le cult avait pourtant tendu la main à ses fidèles de la première heure ,  avec un premier titre très proche de ses jeunes années. This ain’t the summer of love ressasse l’éternel traumatisme lié à la fin  brutal du rêve hippie. En ouverture, la guitare sonne comme une alarme annonçant la prochaine catastrophe, comme si le cult revenait sur les lieux d’un meurtre particulièrement sauvage. Ce meurtre, c’est celui d’un certain hédonisme psychédélique, que les sifflements de clavier semblent mitrailler sauvagement, avant qu’un solo incendiaire ne vienne l’achever dans un déluge de décibels. Ce premier titre est un adieu fulgurant à un monde que le Blue oyster cult ne retrouvera plus, une dernière friandise envoyée aux plus puristes.

Le second titre installe un paysage plus élaboré, son boogie enjoué prépare le terrain à l’hymne qui suit. Les arpèges de guitares ouvrent ensuite la voie à une pop occulte, les chœurs sonnent comme les Beatles tentant de produire une bande son de film d’horreur. Dans ce décor d’un mysticisme sombre, la voix du chanteur semble sortie des mêmes profondeurs que celle de Jim Morrison sur le premier album des Doors. Don’t fear the reaper n’est pas seulement un tube, c’est un des titres qui forme la frontière entre les années précédentes et ce qu’il adviendra dans la seconde partie des seventies.

La production plus soignée annonce d’ailleurs l’évolution d’un hard rock qui accouchera de superproductions de plus en plus élaborées. Le bal fut ouvert par Rocks de Aerosmith , et sera bientôt poursuivi par Highway to hell , avant de dériver avec les guimauves de Bon Jovi et Toto.

Pour le cult , ce virage n’est pas une décadence , c’est une nouvelle voie qui s’ouvre à eux. En fouinant un peu, les plus puristes pourront apprécier le riff de ETI , déflagration hard blues qu’ils chériront comme un doudou réactionnaire. La grandeur de ce disque est pourtant ailleurs , elle brille dans ses accords mélodiques , culminant dans de grandiloquents prêches heavy rock. Attirée par cette cathédrale sonore, la prêtresse punk Patti Smith vient déclamer ses sombres prières sur the revenge of vera gemini.

Oui , les guitares chantent désormais plus qu’elles ne crient , l’énergie devient plus entrainante que corrosive. C’est un nouveau swing qui se présente à nous une énergie soutenue par des riffs s’imprimant aux fers rouges dans les esprits , une force séduisante se reposant parfois lors de classieux blues de manoir.

Avec Agents of fortune , le Blue oyster cult a compris que les temps étaient en train de changer , que l’époque se dirigeait doucement vers une musique plus légère et élaborée. Il a donc adapté son heavy blues ésotérique à l’air du temps, son énergie changeant de nature sans disparaître dans une production trop riche. Classique incompris, ce quatrième album ouvre la voie à un nouvel âge d’or pour le groupe.         

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