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vendredi 14 mai 2021

The flower Kings : Back in the word of adventure

 


Le succès du premier album met à Roine Stolt une pression digne des Beatles après l’annonce de l’arrêt de leur concert. Il est vrai que la popularité du suédois n’est pas comparable à celle des quatre garçons dans le vent, mais il est déjà porté au pinacle par un public qui voit en lui l’avenir d’un progressisme prêt à renaitre de ses cendres. Pour se défaire de ce poids, Roine Stolt forme un véritable groupe, the flower kings , qui va étendre les décors esquissés sur le premier album.

Alors que les suédois travaillent sur le premier disque d’un groupe amené à devenir culte, un autre héros de la musique progressive moderne vient de trouver sa voie. Steven Wilson avait fondé Porcupine tree comme une farce, une récréation entre deux sessions de son groupe No man. No man ne trouvant pas son public, il récupère plusieurs de ses musiciens pour former le nouveau noyau dur de Porcupine tree. Ce que le guitariste considérait jusque-là comme une récréation devient son principal projet. De ce changement nait « the sky move sideway », disque dirigé par un homme qui est autant fan qu’artiste. Steven Wilson est un musicien fasciné par un âge d’or qu’il n’a pas connu, une éponge toujours en quête de reliques à absorber. « Les morts gouvernent les vivants » disait Auguste Comte, et « the skie move sideway » montre que l’avenir appartient plus que jamais aux amoureux du passé. Culminant sur deux longues suites instrumentales, le premier album de Porcupine tree s’apparente à un savant mélange entre la beauté rêveuse de Pink Floyd et le futurisme froid de Tangerine dream. 

Sorti quelques semaines plus tard,  back in the word of adventure annonce ses influences dès la pochette. Au premier plan, un roi tout droit sorti des décors genesiens semble redonner vie à la colombe présente sur le premier album d’Emerson Lake and Palmer, un soleil au trait proche du roi cramoisi éclairant la scène d’une lumière scintillante. Là où Porcupine tree trouva son originalité dans les décors froids des savants fous allemands, les Flower kings perpétuent les fresques plus chaleureuses du premier album. On regrette juste que l’irréprochable cohérence de l’album précédent ait laissé place à un grand bazar mélodique. Back in the word of adventure est une suite de peintures sonores où le sublime côtoie le banal, les musiciens semblant chercher un nouvel équilibre qu’ils ne trouvent qu’épisodiquement. 

Du coté des réussites, on trouve bien sur « big puzzle » et « word of adventure » , les deux pièces maitresses de plus de dix minutes. Ce qui frappe sur ces longues fresques , c’est la chaleur mélodique d’instrumentaux s’abreuvant aux sources d’un Genesis période « Selling england by the pound ». Véritable soleil au milieu de ces contrées nuageuses, Ulf Walander fait cohabiter son free jazz cotonneux avec l’extravagance de mélodies proches des grands dandys anglais. 

Si l’inspiration de cet album parait inégale, c’est avant tout parce que ses auteurs ne surent pas se limiter à la splendeur de « word of adventure » et « big puzzle ». Le cd incite souvent les artistes à ne plus sélectionner, comme si l’auditeur était devenu un consommateur réclamant son heure de musique. C’est ainsi que les rockers modernes produisent des doubles albums à la chaine, là ou un honnête disque d’une demi-heure aurait été bien plus réussi. Sur la plupart des titres séparant les deux grandes fresques de l’album, le groupe semble écartelé entre ses ambitions artistique et son souci de rester accessible pour le plus grand nombre.

Le résultat donne une série de minis thèmes à peine esquissés, de pastilles pop engraissées par des une production trop lourde. En refusant de choisir entre ses deux ambitions, les flower kings passent souvent pour une bande de virtuoses complexés, de calculateurs sans âme. Parfois un oasis de beauté apparait au milieu de ces tâtonnements, mais la scène s’achève trop vite pour que l’on puisse réellement en apprécier la splendeur. 

L’esprit humain est souvent pessimiste, il retient plus facilement les moments irritants que les quelques passages réussis. Résultat, ce qui aurait pu être une demi-heure lumineuse est souillé par la niaiserie de quelques égarements rock FM. Plus saturées, les envolées guitaristiques semblent parfois tenter maladroitement de séduire les fans de Dream Theater. Mis hors de son contexte, Back in the word of adventure n’est que l’essai maladroit d’un groupe cherchant son équilibre. Et puis, les premières déceptions passées, on revient vers cet album pour commencer l’inventaire de ses fulgurances. On se prend alors à apprécier le charme d’un disque qui, malgré ses imperfections, laisse entrevoir que quelque chose de grand se prépare. Certaines expérimentations auraient sans doute mérité de rester dans les placards, mais le reste ne fait que décupler les espoirs que les fans de prog placent dans le groupe.

Disque partiellement raté, back in the word of adventure ne fait que repousser la consécration de ses auteurs.                     

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