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lundi 17 mai 2021

The Flower Kings : Retropolis


Il n’aura fallu que six mois pour que les Flower kings donnent un successeur à back in the word of adventure. Conçu au départ comme un concept album, Retropolis est en réalité fait de titres composés à diverses époques. Cette sélection, qui s’étend de la fin des seventies à aujourd’hui, permet de voir la sincérité d’un homme resté fidèle à l’inventivité des seventies. Autre surprise, Retropolis est en grande partie instrumental, ce qui ne l’empêche pas de brasser large. Concernant l’orientation des titres, cet album confirme les préoccupations pop et progressives de son prédécesseur.

L’opus s’ouvre sur retropolis, titre le plus ambitieux de l’œuvre, dont la durée dépasse les dix  minutes. Comme souvent avec les Flowers kings, le mellotron plante le décor , qui parait plus inquiétant qu'à l’accoutumé. Des violons tendus font monter une pression explosant dans un solo plombé, guitare et clavier entrent ensuite dans un dialogue angoissé. Si cette intensité doit être comparée à King Crimson, on pense plus facilement au groupe tonitruant de Red qu’à la cour du roi cramoisi.

A mi parcours, des gargouillements robotiques introduisent une inquiétante marche militaire. La tension monte de nouveau pour exploser dans un solo de guitare rageur. Dans un final grandiloquent, guitare et orchestre s’affrontent dans une bataille épique, avant que la harpe ne gémisse comme les derniers combattants au milieu des corps de leurs camarades. Retropolis est une grande pièce, où l’angoisse glaçante d’expérimentations électroniques introduit des symphonies stellaires chers aux fils de Robert Fripp. 

Pour réussir une telle union de deux mondes, il faut des musiciens en parfaite osmose. Là encore on ne peut que saluer la régularité d’un Roine Stolt qui sut toujours bien s’entourer. Je vous défie de différencier à l’oreille les titres écrits dans les seventies des nouvelles compositions. Les titres plus courts parviennent enfin à faire cohabiter rock FM et symphonie progressive, l’ambition est aussi présente sur les titres les plus progressifs que sur les mélodies pop.

Seconde et dernière composition purement progressive,  there is no more to this word montre une union plus apaisée entre la modernité électronique et la chaleur progressive. Portée par des chœurs rêveurs, sa progression se montre progressive , ses envolées se font plus lyriques que puissantes. On retrouve ses accords de guitares, explosant comme des bulles de savon, sans troubler la forêt bucolique et moderne érigée par les autres musiciens. Retropolis représente la solennité du progressisme des Flower kings , there is no more to this word montre une beauté plus légère.

Cet album est centré sur une opposition incontournable depuis les années 80, celle du progressisme et du désir d’être entendu par le plus grand nombre. C’est ainsi que la beauté immédiate de tubes comme « back home » laisse place à la complexité progressive de titres plus travaillés, sans que l’on ait l’impression de changer de monde. La solennité tendue des premières minutes refait régulièrement surface , son angoisse moderne servant de fil conducteur à un album dont l’ambiance rappelle parfois vaguement la dystopie robotique de brain salad surgery (d’ELP). Au milieu de ce fond robotique, un titre comme the melting pot peint un décor épique digne de grands péplums rock tel que shéerazade , le classique du groupe Renaissance.

Si les parties les plus pop pèchent parfois par excès de conformisme musical, si leurs chœurs sont parfois enlaidis par un lyrisme trop forcé, quelques trouvailles leur évitent toujours de tomber dans le bassin fangeux du rock FM. En mêlant anciennes compositions et créations plus récentes , les Flowers kings jouent avec un enthousiasme communicatif. C’est cette énergie qui donne un supplément d’âme aux refrains un peu niais de silent sorrow et judas kiss, il permet aussi au groupe d’étaler sa virtuosité sans tomber dans une démonstration stérile. Rares sont les albums parfait de bout en bout , et Retropolis n’en fait pas partie , mais il contient cette force fédératrice qui est la marque des grands groupes.

Nous ne tenons pas ici le meilleur disque des Flower kings , mais c’est celui où tout se met enfin en place , où les jeunes espoirs atteignent un niveau que peu de leurs contemporains peuvent égaler. Plus moderne sans quitter le traditionalisme des débuts, varié sans répéter les erreurs de back in the word of adventure , Retropolis concrétise pour la première fois tous les espoirs placés en Roine Stolt.               

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