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dimanche 18 juillet 2021

Neil Young : Trans

 


Le handicap de son fils tracassa Neil Young jour et nuit. Il tentait de comprendre, comprendre ce que pouvait ressentir ce garçon incapable de s’exprimer. Dans sa quête de dialogue, il fait l’acquisition d’un vocoder. On ne sait pas si ce petit gadget électronique eut un quelconque effet sur sa progéniture, il eut en revanche un effet désastreux sur sa musique. Fasciné par cet objet il écrivit ainsi une poignée de titres censés mettre en valeur sa découverte. Peu de temps après, il forma le trans band , prestigieux conglomérat regroupant d’ex membres du Buffalo Springfield et des Stray gators, auxquels viennent s’ajouter quelques fidèles du Crazy horse.

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des monde , Neil venant de signer un nouveau contrat avec le jeune label Geffen. Pourtant, la tournée qu’il s’apprête à effectuer restera dans les mémoires comme l’une des pires séries de concerts de sa carrière. Le public fut ainsi obligé de subir une série d’expérimentations dignes de Kraftwerk. Au bout de quelques minutes, la foule demande grâce, supplie son héros de ressortir ses vieux classiques. Trop plongé dans son délire pour prêter attention à ce désespoir, le loner persiste à jouer sa sous techno assourdissante. Dépités, une bonne part des spectateurs commencent à quitter la salle. Ils ne sont plus qu’une poignée quand le chanteur accepte enfin de récompenser les plus patients.

Cet événement fit dire à de nombreux observateurs que le canadien préparait son Metal machine music. Sorti quelques années plus tôt, Metal machine music fut un crachat que Lou Reed envoya à la figure d’un public qui refusa de reconnaître Berlin comme son plus grand chef d’œuvre. Lorsque Mister Young sortit Trans , en 1983, on vomit donc la faiblesse de cet œuvre médiocre tout en saluant la déclaration d’indépendance qu’elle devait soit disant représenter. Pourtant, malgré le fait que Geffen ait promis à son troubadour une liberté de créer totale, c’est bien elle qui insista pour qu’il sorte ce Trans.

A la place , Neil Young souhaitait publier un disque acoustique fait de contes de marins. Mais sa maison de disque pensait que ce projet ne pouvait séduire que quelques vieux nostalgiques, alors que la mélasse synthétique de Trans le ferait rentrer dans l’ère moderne. A cette époque, la musique électronique allemande avait encore pignon sur rue, ses bruitages servant de bandes-sons à quelques blockbusters et séries télévisées. Il n’y a donc pas grand-chose à sauver dans ce Trans , qui n’est qu’un disque au rabais promu par une maison de disque rendue sourde par l’appât du gain.

Le désastre commence en douceur, little thing call love étant une bluette agréable malgré son refrain cucul. On entre ensuite dans un univers glacé, un mouroir sans émotions, une prison sonore aux mélodies stériles. La boite à rythme palpite machinalement, triste cœur mécanique faisant se mouvoir une affreuse machine. Les claviers fredonnent leurs chants sirupeux, le vocodeur parvenant à rendre la voix du loner méconnaissable sur quelques titres.

Pour sauver ce qui peut encore l’être, Neil finit par jouer la carte de la nostalgie. Mais, plongé dans ce bain glacé, Mr soul est castré par une production qui gomme le tranchant de son riff. Incas road ressuscite ensuite les chœurs de Crosby Still and Nash , le geek redevient un poète chantant la grandeur des peuples libres. Mais ce riff stonien est trop basique pour réellement séduire , c’est le genre de rock à peine potable que ce bon vieux Keith produit à la chaine depuis Some girls.

Au bout du compte seul Geffen a pris ce disque pour ce qu’il était, c’est-à-dire un petit étron synthétique comme l’époque en défèque des kilos. Elle ne comprit malheureusement pas que le grand public avait déjà lâché son poulain, et les vieux fidèles refusèrent de devenir les dindons d’une telle farce.

Trans est à Neil Young ce que Human touch est à Springsteen, ou ce que Down in the groove est à Dylan, un mauvais souvenir que l’on cherche vite à oublier.               

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