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mercredi 4 août 2021

John Coltrane 1

 


La mère de Coltrane regardait son bulletin de notes avec admiration. Le jeune garçon fit partie de ces gamins qui absorbent tout ce qu’on lui propose d’apprendre. Sur la feuille tant redoutée par la plupart de ses camarades, les enseignants déposaient leurs éloges comme autant d’offrandes faites à l’enfant prodige. Dans la famille, on est émerveillé par ce garçon travailleur et calme, ce petit homme qui semble déjà plus discipliné que la plupart de ses ainés. Situé à quelques kilomètre de la capitale de la Caroline du Sud, Hamlet n’est pourtant pas le lieu idéal pour l’épanouissement d’un petit enfant noir. La ségrégation est appliquée de la façon la plus rude, les blancs n’hésitant pas à rosser un noir qui aurait, selon eux, regardé une blanche de manière trop appuyée.

John ne semble pas trop souffrir de cette tension ambiante, l’enfance est une bulle qui semble le protéger de la bêtise de certains adultes. Intéressé par tout mais sans passion, le gamin s’applique à tout ce qu’on lui propose d’apprendre, suit les instructions de ses ainés avec rigueur. La musique est bien sur omniprésente, sa mère ayant rêvé de devenir chanteuse alors que son père a tenté une carrière de musicien, qu’il dut vite abandonner pour faire bouillir la marmite. Sous l’influence de ses parents , et du révèrend de l’église locale, John prend ses premières leçons de clarinette. Il partage alors son temps entre les parties de foot dans un club local, et des leçons de clarinette qui le voient progresser rapidement. Il parvient ainsi à jouer dans quelques orchestres locaux.  

La radio tourne en permanence dans la maison, elle déploie une bande son variée, un bruit de fond rassurant. Ce fond sonore marqua le jeune John Coltrane au début des années 40.

C’est à cette époque qu’il est hypnotisé par un son moelleux et mélodieux, un nuage cuivré ouvrant la voie de la révolution bebop. Ce son, c’est celui du saxophone de Lester Young , ex musicien de Count Basie que l’on commence à surnommer "président". John décide alors de devenir saxophoniste et ne pense plus qu’à la musique. Alors que ses résultats scolaires s’effondrent, John parvient vite à se confectionner un son velouté, qui lui vaut d’être intégré dans un orchestre militaire.  De 1945 à 1946 , John joua un répertoire fait de chansons populaires, de blues et de jazz à une assemblée de soldats ravie de cette récréation. Cette période permet aussi au jeune homme d’obtenir une bourse lui permettant de se consacrer pleinement à la musique.

Il passe alors le plus clair de son temps à reproduire les classiques de Charlie Parker, Lester Young, Coleman Hawkins, qui forment la sainte trinité du jazz moderne. Il s’inscrit également à une école de musique, où la rapidité de ses progrès impressionne ses professeurs. A raison de deux leçons par semaine, complétées par un entrainement intensif, Coltrane devient un maitre des harmonies et lit les partitions comme si il s’agissait de livres pour enfant. Ses progrès lui permettent d’intégrer le big band de Joe Webb, qui est un des derniers avatars d’un monde qui se meurt. Devenus trop onéreux, les big bands disparaissent les uns après les autres, Duke Ellington étant un des rares grands musiciens capable de maintenir une telle formule. Suivant cette évolution, Coltrane quitte le rang des saxophonistes altos pour rejoindre celui des saxophonistes ténors inventé par Coleman Hawkins.

Il n’aura donc fait que 4 mois dans un  big band de 12 à 14 musiciens, cette courte période lui permettant de se faire des contacts dans le monde naissant du bop. De nouveau seul, Coltrane intensifie son entrainement, imite le jeu de Charlie Parker pendant des heures. Quand des voisin excédés parviennent à faire taire son souffle acharné, il continue de travailler le déplacement de ses doigts sur les touches de son saxophone. La nature ayant horreur du vide, les quintets de bebop ont remplacé les grands orchestres. Coltrane est alors embauché dans celui de Dizzie Gilepsie, un trompettiste notamment connu pour ses improvisations en compagnie de Charlie Parker.

Le bop n’est pas une musique de musiciens académique, c’est un swing qui se déploie dans de grandes improvisations collectives. A New York, le Milton vit Charles Mingus partager la scène avec Thelonious Monk et Charlie Parker , ces trois génies improvisant jusqu’au petit matin. Après avoir participé à son premier enregistrement pour Dizzy, John se rend vite compte que son jeu est encore trop immature.

Dans les concert du quintet, Dizzy lui hurle régulièrement « Souffle bon dieu ! Souffle ! ». Coltrane a la technique mais pas le coffre, il entre dans un nouvel univers qui lui impose de nouvelles barrières à franchir. Si l’apprenti bebopper est d’une rigueur exemplaire dans son apprentissage, il est beaucoup plus léger dans sa vie privée. C’est ainsi que Dizz finit par le virer après qu’il soit arrivé ivre à l’un de ses concerts. John essuie ainsi son premier grand revers, il ne se doute pas que les prochains jours lui réservent une leçon aussi cruelle que vitale.                

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