Rubriques

vendredi 17 septembre 2021

John Coltrane : Kulu Se Mama

 


Sorti en 1967, "Kulu se mama" est le dernier album paru alors que son auteur était encore en vie. Pour l’occasion, Juno Lewis vint offrir ses services de prédicateur africain. Sa performance ici est impressionnante, ses complaintes semblant porter toutes les peines et tous les récits glorieux issus du berceau de l’humanité. Le morceau titre semble remettre un peu d’ordre dans le chaos angoissant de "Om". Les visions paranoïaques engendrées par l’acide font ici place à une célébration fervente du mysticisme africain. Sur l’introduction de l’album, les percussions forment une jungle que le chant parcourt avec la grâce d’un chasseur zoulou. Moins torturé, le chorus coltranien multiplie les dissonances sans troubler la quiétude de ce décor. Les incantations du chanteur répondent ensuite aux cris du saxophone dans une nouvelle transe voodoo. Tyner martèle alors un motif hypnotique, épicentre autour duquel percussions et cuivres forment une danse tribale.

"Virgil" s’ouvre ensuite sur un puissant solo de batterie, où les roulements de tambours bestiaux introduisent le premier chorus de Coltrane. Datant de la période "Mutation", le titre est porté par un duo saxophone / batterie presque traditionnel. Les percussions forment une base souple, autour de laquelle Trane tricote ses harmonies dissonantes. On retrouve ainsi le procédé d’élargissement du cadre modal, qui fit la grandeur de l’album "Mutation". "Welcome" porte le nom de la ville voisine de celle où Coltrane passa son enfance. Plongé dans ses souvenirs nostalgiques, il retrouve la simplicité gracieuse de l’album "Ballads". Oubliant ses complexes calculs avant gardistes, il allonge ses notes sur un ton harmonieux, semble chuchoter sa mélodie tel Miles Davis plongé dans les abysses méditatifs de "flamenko sketches". Derrière lui, Tyner met toute son âme dans chacune de ses notes cristallines.

L’écho de ses rideaux de notes sonne comme un profond requiem, comme si le pianiste sentait qu’il atteignait une telle splendeur pour la dernière fois. Il déverse alors toute cette nostalgie refoulée depuis "Transition", exprime sa joie de quitter la torture du free, tout en étalant son émotion vis-à-vis d’un passé qui lui manque. "Kulu se mama" clôt un parcours commencé à Seattle, avant de trouver son âge d’or au milieu des utopistes californiens. Ainsi s’achève le dernier cycle coltranien, ses derniers albums étant une série d’expérimentations plus ou moins radicales.

De la production posthume du saxophoniste, j’ai décidé de ne retenir que les albums construits et approuvés de son vivant. La coda que je vous propose commence donc par "Meditation".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire