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samedi 20 avril 2019

Dylan en live


Une chronique inspirée par :


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New York 1962 , dans une famille de prolétaires , où le seul avenir des gosses semble de s’enfermer dans une des usines qui poussent comme des champignons, la radio reste allumée dès que les parents ont quitté le turbin. C’est elle qui a donnée sa vocation à des types comme Johnny Cash , et au petit dernier de la famille, Lester , pour qui ces accords de guitares sèches sont comme la lumière au fond du tunnel.

Il adorait Woody Guthrie , sa compassion envers les plus faibles, et sa guitare brandie comme une arme de destruction massive, face à un capitalisme de plus en plus oppressif. Pour lui , son folk était un  blues de blanc , il exprimait les mêmes souffrances de populations emportées dans un monde dont elles ne pouvaient comprendre l’évolution. Mais bon , l’homme était malade , soignant sa maladie de Hutington loin des campagnes où il chantait ses mélodies révolutionnaires. 

Il fallut attendre ce soir là pour que le jeune homme ressente un choc comparable au jour où il découvrit le grand Woodie. Dans le poste, le jeune homme annonce les couleurs , il a tout quitté pour tenter sa chance à New York , se faisant héberger à droite à gauche. Il parle aussi de sa passion pour Kerouac et Guthrie , qui l’ont naturellement dirigés vers la folk, puis le présentateur épelle timidement son nom avant que ne résonne les premiers accords de blowin in the wind.

De toute évidence, l’homme n’est pas un performeur, comme ce vulgaire Elvis qui cartonnait avant lui, et son ton nasillard mal assuré l’éloigne d’un  rock n roll tapageur. Comme Guthrie , les textes sont plus importants pour lui que la musique , la folk se contentant de mélodies simples pour les diffuser rapidement. 

How many roads must a man walk down
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the Wind

Ces mots ont la force des vérités universelles , que l’ont peut parfois trouver chez les grands auteurs français, ils portent aussi une mélancolie que seuls les vrais poètes peuvent transmettre. Ce soir la, son émerveillement rejoint celui de millions de jeunes américains , qui se sont choisis un père spirituel. Dylan a conquis son trône de chef de file d’une génération, et il est aussi séduisant quant il parle de la guerre qui risque de survenir à tout moment (hard rain’s gonna fall) , que quant il se contente de chanter des bluettes innocentes (girl from the north country).

Mais l’homme veut aussi être un rocker, il suffit de le voir sur scène pour s’en rendre compte, il ne s’y épanouit pas, et singe les postures de son maître Guthrie. Mais, quant se qui devait arrivé arriva, et que Dylan se mit à entrer dans le giron électrique des rockers reconnus, Lester ne fut pas choqué.

Les puristes du folk avaient beau l’insulter , le menacer de mort , ou le huer lors de ses concerts , ses mots magnifiques étaient toujours la . Ces mots donnaient une nouvelle grâce à Mike Bloomfield , le guitariste ayant laissé sa couronne de roi du blues rock , pour placer son solo majestueux entre les mots de « ballad of a thin man ». Comme le disait la chanson, quelque chose est en train de se passer , mais personne ne sait ce que c’est . Quelques jours plus tard , Lester a pu voyager jusqu’au Royal Albert Hall, pour assister à ce concert historique de 1966. La première partie du  concert, en acoustique, se passe bien , la foule communiant devant les textes de ce Kerouac folk.

Et puis le groupe s'est pointé, un con a hurlé Judas comme si il était le gardien d’une morale universelle, et l’extase des rares spectateurs dotés de cerveaux en état de marche a du subir l’expression de la morale étriquée de ces folkeux fanatiques. Pourtant , il en était sur , les mêmes se prosterneraient plus tard devant les images de cette date historique , et les photos de ce dylan en costume noir , la guitare électrique en bandoulière , deviendra le symbole de leur jeunesse. Puis les années ont passé , le blasphème électrique est devenu une trilogie d’albums vénérés ( bring it all back home, highway 61 , blonde on blonde) , avant que le maître ne saborde tout une nouvelle fois.

L’homme n’en pouvait plus, sa notoriété l’écrasait , au point qu’il avait refusé de participer à Woodstock , qui fut organisé pour lui rendre hommage. Sur la route où sa moto roule , le soleil est éblouissant , et il le prend en pleine figure. Paniqué, il donne un violent coup de frein qui l’envoie dans le décor. Sa convalescence lui permet de se calmer , et c’est un nouveau dylan qui apparait sur les disques suivants.

Il revient alors dans le costume du chanteur country , chantant girls from the north countrie avec Johnny Cash , avant de faire un passage remarqué dans un film du grand Sam Peckinpah. Entre temps, il aura sorti deux disques bucoliques et controversés, qui perpétuent pourtant un âge d’or qui parait interminable.

Après l’insouciance, le deuil revient le visiter, lui inspirant les blues d’amant déçu de blood on the tracks , dans une douceur acoustique rappelant ses débuts. Après une telle beauté sombre , « desire » ne pouvait que se faire démonter , c’est pourtant un de ses disques les plus accessibles , où on retrouvait le dylan électrique, mais la guitare de Bloomfield n’était pas là pour colorer ses passionnantes visions. 

A la télé, on découvrait un Dylan en tenue hippie , entamant sa performance par un « hard rain’s gonna fall » réarrangé à la sauce bluegrass. Car Dylan ne joue jamais deux fois la même chose, ses titres sont écrits pour suivre le cours de ses évolutions , c’est ce qu’on appelle un artiste dans le sens le plus noble du terme. La prestation gardera ses rythmes nostalgiques, soutenue par une choriste qui n’aurait pas fait tache à coté de Mellenchamp , et qui donne une grâce supplémentaire aux vers de Blowin in the wind.

La set list est parfaite , et déterre même les deux joyaux que sont « mozambique » et « shelter from the storm ». Cette prestation montre que , peu importe ses égarements , Dylan planera toujours au dessus de la mêlée, et tant qu’il pourra monter sur scène sa classe écrasera toute concurrence.

Pourtant ,  la passion de Lester s’est refroidie les années suivantes. « street legal » était un bon disque, mais il montrait un Dylan s’abaissant au niveau de sa concurrence et, même si celle-ci est aussi brillante que Tom Petty , on préfère toujours l’original à la copie. Du coup il s’est rabattu sur Petty, « damn the torpedos » remplaçant blonde on blonde sur la platine familiale.

Il l’avait déjà vu plusieurs fois lorsque, planté au milieu du public australien, il voit une silhouette familière se placer devant son groupe préféré. Maquillé comme un Lou Reed période rocker décadent, Dylan est venu s’encanailler avec son plus remarquable rejeton. Leur performance fut une véritable célébration du folk rock , les heartbreaker apportant leur énergie aux vers d’un Dylan, qui avait enfin l’impression de boxer dans la même catégorie que les enfants d’Elvis. Pour remercier ses hôtes , le barde s’éclipse quelques minutes, laissant Tom Petty seul maitre de la scène.

Après une prestation habitée des heartbreakers, il clôture la célébration avec like a rolling stone et knockin on heaven’s door . Que demander de plus ? L’expérience sera par la suite captée par MTV , lors du passage de Dylan et Petty à New York , la ville où tout avait commencé. Ces concerts seront les derniers où Dylan captera l’attention du grand public, le reste de sa carrière ne devant intéresser que les Dylanophiles les plus fervents. Ils rateront donc le passage de Dylan à Woodstock en 1994 , soit plus de vingt ans après qu’il ait refusé de participer à la version originale. C’est bien dommage car, ce soir la , il avait définitivement prouvé qu’il faisait partie de ces personnages indéboulonnables , dont l’ombre nous rassure au milieu de notre décor anxiogène .        

Aujourd’hui,Tempest a prouvé que sa plume était encore féconde, alors que les concerts cités plus haut montrait un performer infatigable. Et comme Lester , plusieurs de ses œuvres font parties de la bande son de nos vies.  



lundi 15 avril 2019

Bob Dylan en concert au Grand Rex de Paris, samedi 13 avril 2019



Sous la voûte étoilée de la salle du Grand Rex, est venu briller pour trois soirées consécutives Bob Dylan, accompagné de son fidèle ’band’. Plus besoin de présenter ce grand artiste, d’ailleurs il y a longtemps que Dylan n’introduit plus ses morceaux, on est fan ou on ne l’est pas. Pour les nouveaux spectateurs (s’il y en avait), deux objets trônaient sur scène à côté du piano en guise de carte de visite: le buste d’Athena, déesse de la sagesse, des arts et de la guerre qui fait clin d’oeil à son dernier album studio de morceaux originaux Tempest (2012) et l’oscar de Cairns, le premier Academy Award de Dylan reçu pour la chanson écrite pour le film Wonder Boys (2001). Le ton est donné, non Bob Dylan n’est pas un artiste figé dans le passé (laissons les sixties aux années soixante) mais bien un artiste contemporain dont l’imagination ne connait pas de limite et qui continue de surprendre.

Et puisque nous sommes dans une salle qui fait aussi cinéma, il est bon d’ouvrir la séance, ça en est presque une habitude maintenant, par ce morceau qui lui a valu l’Oscar: Things Have Changed
Sous un éclairage tamisé, le band donne le la (mineur) pendant que Dylan s’installe au piano qu’il ne quittera que pour chanter Scarlet Town et saluer le public à sa façon. L’alchimie avec le groupe est parfaite et la performance dégage une belle énergie. Dylan prend plaisir à métamorphoser ses morceaux sous nos yeux. Il joue avec les syncopes, comme par exemple It Ain’t Me Babe, il improvise à l’harmonica dès le quatrième morceau Simple Twist of Fate.

Il fait monter la tension avec des progressions d’accords hypnotisants lors de Pay In Blood mais aussi avec le tempo où il tient en haleine le public avant chaque refrain de Like A Rolling Stone. Foule en extase et applaudissements en rythme, et déjà une standing ovation avant la fin du concert. Tout aussi remuant, Early Roman Kings, qui rappelle l’ambiance de la salle méditerranéenne, est suivi par une version très intense de Don’t Think Twice, It’s All Right. Dylan joue seul, le temps se suspend. Puis il rompt le silence avec Love Sick et Thunder on the Mountain durant lequel à la fin d’une ligne il fait une grimace, pas satisfait de sa rime. Il en trouvera une nouvelle pour le concert suivant car après tout, même s’il ne s’adresse pas directement au public il a encore beaucoup de choses à exprimer à travers la musique, autant de possibilités que sa tournée le Never Ending Tour suggère.