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mardi 16 avril 2019

Magma : Mekanïk Destruktïw Kommandöh (1973)




Magma est un groupe français formé à la fin des années 60 par le batteur Christian Vander. Groupe de scène principalement et à géométrie variable. Magma joue une musique influencé par le jazz (John Coltrane en priorité), la musique classique (Carl Orff) et le chant choral. Leur musique est un mélange de rock progressif, de jazz-rock appelé Zeuhl. Le groupe chante en Kobaien, un langage inventé.

En 1973, Magma sort MDK son troisième album studio. Mais le morceau qui donne son titre à l'album (et qui dure toute la durée du disque) a été joué pour la première fois en 1971 à Bruxelles. Cette version est disponible sur l'album Concert 71 : Bruxelles, théâtre 140. Une version condensé de seulement 6 minutes avait été gravé quelques mois auparavant pour une compilation mais elle n'a rien a voir avec cette version de Bruxelles. Et même cette version ne dure qu'un peu plus de 17 minutes alors que la version définitive dure autour des 40 minutes. D'ailleurs a cette époque le morceau s'appelle encore Mekanik Kommandoh. Cette version est joué avec la formation des deux premiers albums.

D'autres version sont disponibles comme une version d'à peine plus de 5 minute parus sur l'album "Simple". Mais la version la plus intéressante hormis celle qui nous intéresse date aussi de 1973. Enregistré en janvier et durant aussi a peu près 40 minutes, elle est la dernière version avant celle de l'album. Le line up diffère un peu, on n'y trouve pas de guitare, pas de saxophone et certains musiciens partiront entre les deux versions.

Avant de nous intéresser à l'album, on doit deja savoir ce qu'est MDK. Mekanik Destruktiw Kommandoh est le troisième et dernier  mouvement d'une trilogie appelé Theusz Hamtaahk qui comprend aussi la pièce qui donne son nom à la trilogie et qui commence la trilogie et Wurdah Itah le deuxième volet. MDK même s'il est le dernier mouvement de la trilogie est le premier a voir été enregistré en studio, Theusz Hamtaahk n'existe pas à ce jour en version studio mais uniquement en Live. Et Wurdah Itah existe dans une version studio dépouillé utilisé comme musique d'un film et enregistré juste après MDK.

La trilogie raconte une histoire globale, mais si on n'a pas écouté le reste on comprend quand même. De toute façon vu que c'est chanté dans une langue qui n'existe pas, on ne comprend rien la plupart du temps.

Vander raconte que MDK fut le dernier opus de la trilogie qu'il a commencé mais alors que les deux autres mouvements étaient composés également, il a enregistré MDK en premier. Il avoue aussi que pour lui c'est la vraie naissance de Magma (ce n'est pas pour rien qu'il a réenregistré il y a quelques années, Riah Sahiltaahk, tiré du deuxième album du groupe pour lequel il ne s'estimait pas satisfait de l'arrangement de l'époque, jamais il n'a retouché a MDK). 


Il a trouvé des musiciens (il faut savoir que lister tous les musiciens de Magma depuis les débuts prendrait des heures, voire peut-être même des jours tant ils furent nombreux) ayant le même état d'esprit que lui. C'est d'ailleurs sur cet album qu' arrive celui qui sera pendant une partie de la décennie, le deuxième membre le plus important du groupe, le bassiste Jannick Top. De formation classique, il va devenir compositeur des morceaux du groupe avec Vander, allant d'aller poursuivre un carrière entre le jazz et la variété et le rock français (accompagnateur de tous les grands noms de la scène française des années 80 : Berger, Johnny, Higelin, Chedid....). L'album a été enregistré enregistré et marque la première collaboration du groupe avec le producteur Giorgio Gomelsky

Le morceau qui compose l'album est découpé en 7 pistes sur le disque mais doit être écouté dans sa globalité en une seule fois. Décrire la musique de Magma est difficile, tout comme entrer dans l'univers du groupe. C'est une expérience sonore à faire une fois dans sa vie. 

lundi 15 avril 2019

Bob Dylan en concert au Grand Rex de Paris, samedi 13 avril 2019



Sous la voûte étoilée de la salle du Grand Rex, est venu briller pour trois soirées consécutives Bob Dylan, accompagné de son fidèle ’band’. Plus besoin de présenter ce grand artiste, d’ailleurs il y a longtemps que Dylan n’introduit plus ses morceaux, on est fan ou on ne l’est pas. Pour les nouveaux spectateurs (s’il y en avait), deux objets trônaient sur scène à côté du piano en guise de carte de visite: le buste d’Athena, déesse de la sagesse, des arts et de la guerre qui fait clin d’oeil à son dernier album studio de morceaux originaux Tempest (2012) et l’oscar de Cairns, le premier Academy Award de Dylan reçu pour la chanson écrite pour le film Wonder Boys (2001). Le ton est donné, non Bob Dylan n’est pas un artiste figé dans le passé (laissons les sixties aux années soixante) mais bien un artiste contemporain dont l’imagination ne connait pas de limite et qui continue de surprendre.

Et puisque nous sommes dans une salle qui fait aussi cinéma, il est bon d’ouvrir la séance, ça en est presque une habitude maintenant, par ce morceau qui lui a valu l’Oscar: Things Have Changed
Sous un éclairage tamisé, le band donne le la (mineur) pendant que Dylan s’installe au piano qu’il ne quittera que pour chanter Scarlet Town et saluer le public à sa façon. L’alchimie avec le groupe est parfaite et la performance dégage une belle énergie. Dylan prend plaisir à métamorphoser ses morceaux sous nos yeux. Il joue avec les syncopes, comme par exemple It Ain’t Me Babe, il improvise à l’harmonica dès le quatrième morceau Simple Twist of Fate.

Il fait monter la tension avec des progressions d’accords hypnotisants lors de Pay In Blood mais aussi avec le tempo où il tient en haleine le public avant chaque refrain de Like A Rolling Stone. Foule en extase et applaudissements en rythme, et déjà une standing ovation avant la fin du concert. Tout aussi remuant, Early Roman Kings, qui rappelle l’ambiance de la salle méditerranéenne, est suivi par une version très intense de Don’t Think Twice, It’s All Right. Dylan joue seul, le temps se suspend. Puis il rompt le silence avec Love Sick et Thunder on the Mountain durant lequel à la fin d’une ligne il fait une grimace, pas satisfait de sa rime. Il en trouvera une nouvelle pour le concert suivant car après tout, même s’il ne s’adresse pas directement au public il a encore beaucoup de choses à exprimer à travers la musique, autant de possibilités que sa tournée le Never Ending Tour suggère.





dimanche 14 avril 2019

Rush : 2112

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En 1976, la grande époque du Prog' est déjà derrière lui, et les punks n’allaient pas tarder à ringardiser les descendants de Yes et Genesis. C’est pourtant dans ce cadre moins favorable que Rush va atteindre le sommet de sa longue carrière.

Formé en 1968, le groupe avait démarré avec des albums de Hard Rock dans la veines de Led Zeppelin. Ce n’est qu’en 1975 que ses ambitions progressives se feront timidement ressentir, avec la mini suite  "By Thor And The Snow Dog", issue de l’album Fly By Night. Mais les influences encore très Hard de l’ensemble rendaient inimaginables le virage que le groupe allait opérer avec 2112.

Sorti un an après Fly By Night, 2112 propose une musique plus élaborée et novatrice, donnant ainsi naissance au Hard Prog. Symbole de cette évolution, le morceau titre est aussi le plus grand chef-d’œuvre de l’album. Ses paroles nous plongent dans un univers futuriste où toute les formes d’expressions ont été supprimées par les Prêtres du Temple Syrinx.

Ces prêtres contrôlent les moindres mouvements de leurs citoyens grâce à des ordinateurs. Mais un homme va découvrir une guitare, et s’attirer les foudres de ce gouvernement Orwellien. Si vous désirez en savoir plus sur cet univers de science fiction, je vous conseil de vous intéresser aux nouvelles de Aynd Rand, qui ont largement inspirées le thème des morceaux.                                                  
La musique illustre parfaitement les états d’âme d’un personnage passant rapidement de la joie et l’innocence à la maturité. Car la découverte de cet instrument lui permet de constater qu’il pourrait avoir une vie plus épanouie, sans l’autoritarisme d’un gouvernement rétrograde.

La musique suit parfaitement les différentes étapes de l’histoire, qui se décomposent en sept actes, et Geddy Lee module sa voix pour représenter au mieux le personnage principal. L’ouverture plante un décor spatial et futuriste, avant que la batterie et la guitare ne fassent une entrée fracassante.

Ce sont ces instruments qui rendront compte de l’évolution du récit.

Les riffs furieux montrent la puissance du pouvoir lors du deuxième acte, alors qu’un passage plus mélodique illustre la découverte de la guitare lors de l’acte suivant. Ces actes s’enchainent parfaitement, sans que les passages les plus mélodiques ne brisent l’intensité de cette réussite conceptuelle.

Après une telle claque, certains ne manqueront pas de critiquer la durée très courte des cinq morceaux suivants. Mais, contrairement à des albums comme Tarkus, la suite de 2112 colle parfaitement aux teintes plus élitistes de son morceau titre.

Malgré sa succession de morceaux ne dépassant pas les trois minutes, cette seconde partie est donc aussi intéressante que la première. Le presque Pop "Listen" y côtoie la noirceur de "Tears", avant que le final "Something For Nothing" ne vienne rappeler la virtuosité et la puissance du début d’album.

Avec 2112 Rush s’émancipe de la scène Hard Rock pour creuser un sillon Hard Prog qui fera sa gloire. Avec sa virtuosité technique, son concept, et la variété de ses ambiances, 2112 pose des bases que les groupes comme Dream Theater ne manqueront pas de reprendre.

Gong : Flying Teapot


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David Allen a d’abord trouvé sa vocation en voyant Jeff Beck jouer, lors d’une prestation où il annonçait déjà une nouvelle voie pour le Blues. Époustouflé par ce guitariste, dont « l’instrument semblait doté d’une vie propre », il décide que c’est désormais à lui de tenir la guitare au sein de Soft Machine. Suivra une période aussi courte que fantasmée par ceux qui n’eurent pas la chance de la vivre. Car Soft Machine n’est pas encore le groupe culte que nous connaissons aujourd’hui et sa carrière ne commencera à décoller qu’en 1968, après son concert en compagnie de Hendrix .

Entre temps, David Allen n’a pu rentrer en Angleterre pour un problème de visa, sa participation à Soft Machine se voit donc arrêtée nette par un contrôleur zélé. Le voila coincé à Paris, avec sa guitare sèche pour seule compagne de misère, ce qui ne l’empêche pas de rapidement réunir quelques connaissances pour fonder la communauté hippie la plus créative des années 60. On y trouve donc, pour ne citer que les plus illustres, David Allen, guitariste passé par Soft Machine, qui cherche à s’éloigner du Jazz Rock, Gilli Smith, une poétesse féministe passionnée par les effets sonores planants, Didier Malherbe, un flutiste/saxophoniste fou de Jazz et de musique indienne, Tim Blake, qui bidouille ses synthés en s’inspirant de l’avant-garde allemande, et Mick Howlett, un bassiste amateur de groove funky.

Seul Steve Hillage, le guitariste, est partisans d’un Rock Progressif plus proche de cette époque de finesse symphonique. Mais Gong n’est pas vraiment un groupe de Rock Progressif, dans le sens musical du terme. C’est plutôt la réunion de musiciens cherchant une nouvelle forme d’expression. Pour se faire, ils imaginent une émission diffusée dans un monde fantasmagorique : la Radio gnome Invisible.


Flying Teapot est le premier volet de cette série, qui ne connaitra jamais d’équivalent dans la culture Pop contemporaine. En ouverture une voix grave chante sur un rythme burlesque, soutenue par des borborygmes loufoque. Puis le saxophone se joint à la fête, tricotant une sorte de Jazz Rock embué, avant que la guitare ne suive un rythme binaire hypnotique. On passe rapidement de la lourdeur rythmique d’une messe de hippies défoncés à un extravagant Boogie spatial, le tout sur un « Radio Gnome Invisible » qui nous plonge d’entrée dans un monde délirant.

Puis la théière volante s’élève, dans une introduction synthétique digne de Tangerine Dream, avant de rapidement revenir à un Boogie funky, porté par la voix d’un gnome rieur. Le groove qui se dégage de ce second morceau est aussi irrésistible que fascinant. Le synthé parvenant à cohabiter avec la chaleur d’un saxophone rassurant, et la beauté psychédélique d’une guitare distordue, sans que l’on puisse réellement comprendre par quelle magie ces éléments se mélangent avec une telle grâce.

C’est un nouveau groove qui ce dégage de ce Space Rock déjanté et, si Gong semble toujours privilégier la légèreté d’un univers enfantin, la virtuosité de ses musiciens est indéniable. La folie de leur monde est d’ailleurs revendiquée dès le refrain de "The Pot Head Pixies", où deux voix défoncées nous assènent « I am , you are , we are crazy », sur fond de Jazz Rock acide, qui repart rapidement sur un rythme de Music Hall hippie.

Fou, le monde que nous propose Gong l’est sans doute , mais c’est plus que sa folie qu’il nous propose de rencontrer. C’est la puissance fascinante d’un groupe se nourrissant de ses divergences pour créer un univers inexploré, dont lui seul a les clefs.

Univers qu’il prolongera sur les disques suivants, le rendant plus expérimental, plus jazzy (Angel Egg), ou plus virtuose (You) . Mais Flying Teapot a pour lui ce charme irrésistible qui accompagne les grandes découvertes.

samedi 13 avril 2019

Edito - Disquaire day en marche vers un cauchemard commercial





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Samedi 13 avril 2019 c’est le Disquaire Day, événement marketing qui permet de refourguer des fonds de tiroirs à plus de trente balles, sous prétexte que l’on a teint les vinyles en vert, rouge, transparents … Il n’y’a même pas dix ans, tu pouvais te faire une foire aux disques, et repartir avec Who’s next sous le bras pour une bouchée de pain, mais cette joie nous est confisquée aujourd’hui.

Bon, j’exagère un peu, on aura quand même droit à des lives exclusifs d’Iggy, de Janis Joplin ou encore de Sly et sa famille stone. Mais même là une chose me dérange un peu : l’âge moyen des artistes proposés.

On ne doit pas être loin des 50 ans, et, quand une jeune artiste rock sort de cette sélection poussiéreuse, c’est Beth Hart qui est choisie. Je n’ai rien contre la chanteuse (qui par ailleurs a sorti un live somptueux cette année), mais ce n’est pas avec elle qu’on va faire découvrir de nouveaux sons à un public audiophile ! Non, en fait, cette sélection semble pensée pour satisfaire les vieux rockers nostalgiques, qui ont les moyens de mettre plus de trente euros pour se procurer une de ces « perles ».

On en revient ainsi à la même situation que celle qui a conduit à la mort des disquaires, mais avec le procédé inverse. A l’époque des disquaires, les grandes chaînes ont joué sur les coûts,cassant les prix pour assassiner la concurrence de petits commerçants incapables de suivre. Aujourd’hui, ce sont les petits commerçants qui prennent leur revanche, surjouant leur rôle d’experts, en appliquant des cotes délirantes, pour convaincre le chaland de la valeur de ses précieux produits.

Le problème est que la concurrence en question a lâché la rampe, les supermarchés ont vidé leurs rayons disques, et seul le Furet et la Fnac représentent encore une concurrence crédible pour le disquaire indépendant. Et encore, quand on sait que la Fnac a fusionné avec Darty, on se doute que son but n’est pas vraiment de développer son offre musicale. On peut d’ailleurs mettre tous les vendeurs actuels de disques dans le même sac car ils n’hésitent pas à utiliser le même procédé.

 La cupidité : voilà le mal qui a toujours rongé ce don du ciel qu’est la musique enregistrée, et qui risque bien de tuer la poule aux œufs d’or pour la seconde fois.Cupidité du consommateur d’abord, celui-ci préférant le plus souvent télécharger des milliers de titres qu’il n’écoutera jamais, plutôt que de mettre de l’argent dans un disque qu’il écouterait plus attentivement. 

Car, comme le disait si bien Johnny Rotten « Si les gens n’achetaient des disques que pour la musique, il y a longtemps que celle-ci serait morte ». Pour réellement s’attacher à une œuvre, l’auditeur a besoin du support physique. Le vinyle, ou le CD, demande du soin, de l’attention, et propose souvent une œuvre plus complète. Peut-on imaginer Sergent Pepper, Trout Mask Replica ou encore le premier Led Zeppelin sans leur célèbre pochette ? Voilà pourquoi les disquaires sont essentiels, mais ils ne valent guère mieux que les entreprises vénales qui causèrent jadis leur perte ; et c’est ce que montre le Disquaire Day avec ses prix impressionnants et sa sélection clairement dirigée vers un public déjà conquis, voire fanatisé.

Pourtant, il y a bien une place à prendre ! Il suffit de chercher Ty Segall, Green Seagull et autres groupes récents, mais peu promus sur les plateformes de streaming, pour s’en rendre compte. Même le petit robot espion, lancé en grande pompe par Amazon(et dont je ne citerais pas le nom pour éviter de faire de la pub à une invention orwellienne*), n’est pas foutu de me jouer les titres des groupes précédemment cités. Mais comment lui en vouloir quand, lorsque je cours vers mon disquaire pour trouver mes oasis musicales, le mec me dirige plutôt vers les Stones et autres Who, et que je ne peux que me rabattre sur les plus vendus Bonamassa et autres stars du rock à papa** ? Voyant mon dépit, le bonhomme me propose de commander, mais vu la cote il ne l’aura pas à moins de trente euros…

Alors je rentre, me précipite sur un vendeur en ligne bien connu, et achète les versions CD pour 20 euros de moins, ce qui représente tout de même le prix d’un vinyle avant qu’il ne devienne à la mode… Le grand public lui, dira tous simplement merde à ces marchands du temple, et sautera sur son abonnement Deezer. Et voilà comment on empêche le rock, mais aussi toute autre musique ambitieuse de survivre.

Car, on le sait bien, que ces plateformes ne permettent pas aux artistes de vivre, et ce n’est pas l’obsession de quelques défenseurs du support physique qui va sauver la barque, la masse a toujours raison car elle est nombreuse.

Alors, je rêve d’un vendeur qui reprendrait la philosophie de Virgin, et qui se mettrait à casser les prix, pour rendre le CD et le vinyle au peuple, et ainsi redonner une dignité aux artistes. Voilà pourquoi, comme chaque année, je bouderai le Disquaire Day, au profit d’un affreux représentant du grand capital. Faut pas déconner !

* Il se trouve que l’enceinte, qui vous permet d’avoir accès aux titres que vous voulez en parlant à une enceinte ultra-moderne, écoute aussi TOUS vos échanges. On a ainsi appris que des employés d’Amazon ont pu se rincer les oreilles pendants leurs horaires de travail. Une info qui risque de ravir les exhibitionnistes !

**Je n’ai rien non plus contre Bonamassa, mais ce n’est pas lui qui va révolutionner notre musique préférée.
    


Nirvana





Nirvana , le groupe américain, à ne pas confondre avec le groupe anglais des années 60 et 70 portant le même nom et œuvrant dans le psychédélisme, est un nom qui résonne agréablement à mes oreilles. Nirvana et moi c'est une longue histoire qui remonte aux années 90. Étant un peu trop jeune pour avoir pris en pleine tête le mouvement grunge dès ses débuts, j'ai découvert Nirvana au milieu des années 90. A l'époque ma culture musicale se résumait a quelques groupes de rock dont les Beatles et les Doors, de la chanson française et du jazz. Depuis cette date, Nirvana et moi c'est une grande histoire. Mais on est pas là pour parler de moi mais pour parler d'eux. Ou plutôt de lui.

Lui c'est Kurt Cobain, né en 1967 à Aberdeen dans l'Etat de Washington le 20 février 1967 de Donald et Wendy Cobain. Il a une petite sœur et plusieurs demi-frères et sœurs. Dès l'enfance il s’intéresse à l'art (peinture et musique) . C'est aussi un enfant hyperactif que ses parents ont du mal à canaliser, il souffre de TDAH (trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité). Il souffrira aussi une bonne partie de sa vie de très graves brûlures d'estomac dont la provenance ne fut jamais bien établie.


Ses parents divorcent alors qu'il est encore jeune. Sa mère collectionnera les aventures et se remariera. Son père qui avait fait à Kurt la promesse de en jamais se remarier le fera. Kurt pendant ce temps vit une adolescence difficile hyperactif donc, passionné de musique, trimbalé entre chez son père et chez sa père, étant même hébergé pendant un an chez un ami. Le divorce de ses parents l'a fait se replier sur lui-même et il cherche sans cesse à défier l'autorité surtout celle de son père, faisant tout pour lui pourrir la vie.C'est la aussi que ce forge l'image d'un garçon puis d'un homme enjolivant des situations pour faire établir puis durer sa "légende".Cobain ne sera pas tendre avec son père des années plus tard dans In Utero. Arrêté plusieurs fois par la police pour dégradation, Cobain ne semble trouver refuge que dans la musique, d'abord dans le hard rock et le heavy metal (Kiss, Black Sabbath, Led Zeppelin) puis le punk hardcore (Black Flag) mais ses premières amours musicales restent les Beatles.


C'est dans ces années troubles, dans la première moitié des années 80 qu'ils fait deux rencontres décisives, celles des Melvins d'abord, groupe mythique de metal. Il devient rapidement ami avec leur leader Buzz Osbourne et leur batteur sera même un temps batteur de Nirvana. Les Melvins deviennent la principale influence de Nirvana et Cobain ne manquera jamais de dire à quel point c'est un excellent groupe, leur permettant d'attirer un public toujours plus nombreux. (Cobain se fera toujours un plaisir de faire de la pub pour des groupes peu ou pas connu et qu'il aime bien). Dans ses années là il rencontre également un fils d'immigré croates qui fait déjà une tête de plus que lui : Krist Novolselich. Le garçon a presque deux ans de plus que Cobain et joue de la guitare et de la basse. Ils deviennent instantanément amis.

En 1986, il rencontre celle qui deviendra sa première petite amie sérieuse : Tracy Marander, qui aura une influence considérable sur la vie et sa musique. C'est d'elle dont parle le premier tube de Nirvana, About a Girl. Après plusieurs tentative de groupes avortés, Cobain forme Fecal Matter avec il enregistre une démo. Il monte ensuite un groupe avec Novoselich répétant avec plusieurs batteurs dont Dale Crover des Melvins avant de se fixer sur Chad Channing. Et choisissent le nom de Nirvana. 






Repéré par le label Sub Pop, impressionné par "la fureur scénique du groupe". Deux chansons sont alors mise en boite, une reprise du groupe Shocking Blue (ceux qui chantaient "Venus"), Love Buzz, qui deviendra le premier single du groupe et Big Cheese. Love Buzz figurera sur l'album mais pas Big Cheese (du moins pas sur l'album original mais sur une réédition). Bleach sort le 15  juin 1989. Le guitariste Jason Everman est crédité sur l'album même s'il n'y a pas joué. C'est un album résolument grunge (grosses guitares, refrain violent et avec une production assez minimale). cela dépeint assez bien l'éthique punk rock de Nirvana. Au milieu de tout ça figure "About a Girl". " A propos d'une fille" cette fille c'est Tracy Marander, dans le couple c'est elle qui gagne de l'argent, Cobain essayant jusqu’à présent de vivre de la musique, elle est le ciment du couple. Et Cobain lui rend hommage a travers ce titre et ces paroles "I can't see you every night for free". Il faut savoir que l'oeuvre de Nirvana est imprégné des femmes que Cobain a connu et aimée. Il était également connu comme un grand défenseur du droit des femmes.

Bleach connait un petit succès malgré l'absence de pub faite par le label. Nirvana part en tournée en van avec le groupe Tad. Jouant pour la plupart du temps dans des salles vides ou presque, le groupe emmagasine de l'expérience. Ayant peu d'argent il n'est pas rare que les deux groupes dorment dans le van ou a deux dans un lit d’hôtel. La sortie d'un EP distribué en Europe et intitulé Blew est prévu avant le début de la tournée Européenne.

Apres le premier album et la tournée, Nirvana repart en studio mais Cobain trouve que Channing ne correspond plus au groupe. Il est donc remercié. Après plusieurs batteurs provisoires, Nirvana recrute Dave Grohl du groupe de hardcore Scream. Et signe chez Geffen. A cette époque Cobain écoute beaucoup de rock alternatif comme REM (il deviendra d'ailleurs ami avec Michael Stipe le leader du groupe) qui l'influenceront beaucoup pour se nouvel album, plus calme que son prédécesseur.





Ce disque c'est donc Nevermind. On ne va pas rentrer dans les détails mais il va devenir un phénomène musical qui va mettre à mal Cobain. Il a toujours été pris entre deux feux, d'un coté son envie d'être célèbre et de l'autre côté l'envie de rester fidèle à ses racines. Cela va lui jouer des tours., il se plaignait qu'on parlait trop de Nirvana que ça le dérangeait mais d'une autre coté était le premier à râler quand il trouvait que MTV ne diffusait pas ces titres. Cette façon de faire accentuait aussi sa légende.




Donc Nevermind. A l'époque Cobain s'est séparé de Tracy Marander et fréquente Tobi Vail batteuse du groupe riot grrrl (mouvement rock de l'époque composé de groupes féminins œuvrant pour le droit des femmes) Bikini Kill. Dans le même temps Grohl fréquent la chanteuse du groupe, Kathleen Hanna. Un jour celle -ci tague sur un mur "Kurt smells like Teen Spirit". Le teen spirit est une marque de déodorant bon marché qu'utilisait Vail. Sans le savoir elle vient de trouver le titre du plus célèbre morceau de rock des années 90.

Arrêtons- nous 5 minutes sur "Smells Like Teen Spirit" qui deviendra l'hymne de toute une génération. Les paroles ne veulent rien dire de précis, Cobain préférant à l'époque écrire des paroles cools et faciles a chanter que des choses ayant vraiment du sens. La chanson se caractérise par une des marques de fabrique de Nirvana, a savoir l'alternance de couplets calmes et de refrain violents. Cobain a cru que le graffiti de Hanna parlait d’anarchisme et su qu'après la sortie que c'était une marque de déodorant. Avec ce titre son but est de copier un groupe qu'il admire, les Pixies. La chanson devient un succès. Quelque part on peut dire que ce titre marque à la fois l'apogée en tant qu'artiste de Cobain que le début de sa chute. Le groupe et en particulier son leader a du mal a accepté la célébrité qui leur apporte la chanson.

Le reste de l'album contient plusieurs morceaux qui deviendront des classiques du groupe comme In Bloom, Come as You Are, Lithium, Breed, Something in the Way, qui raconte selon Cobain l'époque ou il vivait sous un pont. Mais c'est grandement exagéré, vivre sous ce pont est impossible. Encore une histoire de Cobain pour agrémenter sa légende. Arrêtons aussi sur Polly qui sera la première chanson de Cobain a causer une polémique. La chanson parle de viol, tirée d'une histoire vraie, mais du point de vue du violeur. Une phrase fera surtout parler d'elle, "Let me cut your dirty wings". la chanson est une ballade acoustique très dépouillée.
« Polly est une chanson d'amour, une chanson très personnelle sur le viol. Je devais cela à mon amie. Je devais évacuer le traumatisme. La musique existait avant le texte, et elle était tellement mélodique et accessible que j'ai pensé qu'il lui fallait des mots âpres pour atténuer sa beauté. On a été accusés de promouvoir ce qui lui est arrivé alors que c'était tout le contraire »

L'album sort le 24 septembre 1991 (le même jour que le Blood Sugar Sex Magic des Red Hot) et est un succès. La production de Butch Vig et les chansons ont font un album plus accessible que Bleach. Cobain commence à perdre pied et se perd dans les drogues. Quelques temps avant (les date diffèrent suivant les versions), il a rencontré celle qui deviendra sa femme, la leader du groupe de rock Hole, Courtney Love. Son amour de la drogue et de la musique influencera beaucoup Cobain. Ils se marient en 1992 et leur fille Frances Bean Cobain nait la même année. Ce sera le seul enfant de Cobain.

Entre temps après plusieurs rumeurs sur sa santé dont Cobain s'est joué, comme au festival de Reading en 1992, ou le groupe joue en tête d'affiche. Cobain arrive en fauteuil roulant, habillé avec une blouse d’hôpital. Novoselich prend alors le micro et dit " tu vas y arriver, avec l'aide de ta famille  et de tes amis tu vas y arriver". Cobain bondit alors de son fauteuil roulant et attrape sa guitare. Nirvana délivrera ce soir la une des ses performances les plus mémorables donnant en avant première à son public des chansons du futur album du groupe.








Album qui accouchera dans la douleur. Mais avant ça est sorti une compilation de Face B et de reprises appelé Incesticide. A l'époque les bootlegs souvent de mauvaises qualités pullulent et le groupe décide de sortir un mini album regroupant des faces B et des reprises pour contrer le phénomène. Dans le même temps SubPop leur ancienne maison de disques prévoit de sortir des morceaux dont ils sont encore les droits. Finalement tout sera réunis dans Incesticide. Aucune promo ne sera faite pour cet album et aucun single n'en sera tiré malgré quelques chansons devenus des incontournables du groupe en Live comme Aneurysm. L'album se rapproche plus de Bleach que de Nevermind dans le style.

Arrêtons nous sur quelques titres marquant. Le premier Sliver traite de l'enfance de Cobain. Trimbalé de foyer en foyer après le divorce de ses parents, il supplie sa grand mère de le ramener chez lui "Granma take me home". "Molly's Lips" est une reprise du groupe d'un groupe de rock alternatif écossais nommé les Vaselines. Ce groupe comme beaucoup d'autre bénéficiera de l'aura de Nirvana pour être découvert ou redécouvert par le public. La chanteuse et guitariste du groupe, Frances McKee donnera même son prénom a la fille de Cobain, Frances Bean (Bean, son second prénom, voulant dire haricot, car à l'échographie ses parents trouvait qu'elle ressemblait à un moment à un petit haricot). Nirvana reprendra deux autres chansons des Vaselines dont une durant leur Unplugged.




L’état de santé de Cobain ne s'arrange pas, les rumeurs se font de plus en plus virulentes. Comme la bombe lancé par le magazine Vanity Fair qui affirmait que Courtney Love se droguait pendant sa grossesse. Le couple aura toujours un relation tendue avec les tabloïds et la presse en général. A cette époque, Cobain se coupe des membres du groupes et plus particulièrement de son ami Krist Novoselich. Il a aussi prévu d'appeler le nouvel album du groupe : "I Hate Myself and I Want to Die", au grand désespoir de tout le monde. L'album se nomma plus tard "Verse Chorus Verse" avant de se voir attribué on titre définitif: "In Utero".

In Utero est à mon sens, le meilleur album du groupe, même devant Nevermind. Il contient quelques unes des plus grandes et des plus belles chansons du groupe : All Apologies, Pennyroyal Tea, Heart shaped Box. Cette chanson a plusieurs interprétations possible, la plus courante (en partie confirmé par Love elle-même avec sa délicatesse habituelle) est qu'elle est dédié à sa femme : About a girl sur Bleach, Smells Like teen spirit sur Nevermind et donc ce titre sur In Utero, 3 albums, 3 chansons inspiré ou dédié a 3 femmes que Cobain a aimé. La chanson d'ouvrture "Serve the Servants" parle de ses parents et contient plusieurs phrases célèbres comme "That Legendary Divorce is such a bore" (ce divorce légendaire est d'un ennui, parlant du divorce de ces parents. Mais surtout il regle ses comptes avec son père en ces termes : "I Tried hard to have a father, but instead I had a dad" (j'ai essayé durement d'avoir un père, à la place j'ai eu un papa), il continue en disant qu'il ne le déteste pas car il lui a deja tout dit ce qu'il avait à lui dire. Rape me chanson sur le viol fera, comme Polly scandale. Le groupe souhaite la jouer en Live sur MTV mais la chaîne refuse, préférant que le groupe joue" Smells like teen spirit", mais le groupe n'en démord pas; La chaîne menace de couper l'émission si le groupe joue Rape me, sauf que personne ne sait a quoi ressemble Rape Me. Pour embêter la production le groupe décide de jouer les première mesures de la chanson, enchaînant finalement sur Lithium étant passé très près d'une coupure de l’émission. La chanson date d'avant Nevermind mais aura un dernier couplet rajouter pour régler ses comptes avec la presse.


Produit par Steve Albini, l'album se veut plus dur que Nevermind. Il sort en  septembre 1993 et devient un succès. Nirvana part en tournée en faisant assurer la première partie par plusieurs de leur groupes favoris. Le groupe est renforcé de Pat Smear l'ancien guitariste des Germs. Mais personne ne sait que ce sera le dernier album studio du groupe. Un groupe au bord de l'implosion, les problèmes de drogue et l'envie de nouveauté de Cobain font que nirvana va mal. Les problèmes de drogue inquiètent tout le monde, malgré une première tentative avorté de cure en 1992. L’héroïne est la seule chose qui arrivait a calmer les douleurs chroniques dont il souffrait à l'estomac et dont personne n'a jamais su expliquer la cause; Le couple  après les révélations du magazine Vanity Fair se verra un moment privé de la garde leur fille afin de prouver qu'ils sont aptes à élever un enfant, devant subir des batteries de test pour prouver leur sobriété. Cobain fait une overdose après un concert a New York et est sauvé par sa femme.




Fin 1993 , le groupe accepte de jouer pour MTV dans leur émission Unplugged. Le groupe (avec Smear) est accompagné de Lori Goldston au violoncelle et propose des versions dépouillées de plusieurs de ces chansons, ainsi que des reprises de David Bowie, des Vaselines, des Meat puppets (3 en tout sur lesquels les leaders du groupe, les frères Kirkwood sont invités a jouer, ce qui leur permettra a eux aussi de se faire connaitre).Une reprise du bluesman Leadbelly termine le concert qui comprend 6 reprise sur 14 titres et qui offre une autre facette du groupe. L'enregistrement a lieu le 18 novembre 1993. Le passage télé booste les vente d'In Utero. L'album sortira à la fin de l'année 1994, après la mort de Cobain


Le groupe décide alors de rentrer en studio pour enregistrer une nouvel album. Cobain n'étant pas souvent la et le groupe devant repartir en tournée, un seul morceau est enregistré, You Know you're Right. Le groupe part donc en tournée en Europe. Cobain, malade, le groupe est obligé d'annuler les deux dernières dates prévus en Allemagne. Kurt part alors se reposer en Italie avec sa femme. Le 4 mars 1994, à Rome il fait un première tentative de suicide.Dans le coma pendant 20 heures et après plusieurs jours d’hôpital il est rapatrié chez lui. A la suite d'une dispute avec sa femme a leur retour, ses armes lui sont confisqués. Il ira quand même en racheter une quelques temps plus tard. Il rentre en cure de désintoxication a Los Angeles le 30 mars. Il s’échappe du centre le lendemain; rentre a Seattle et le 5 avril 1994, après s’être fait une dernier shoot d’héroïne, se tire une balle dans la tête. Il avait 27 ans. Son corps ne sera découvert que 3 jours plus tard, Courtney étant elle aussi en désintoxication à ce moment là et la maison était vide. Et malgré plusieurs rumeurs sur un assassinat commandité par sa femme la thèse du suicide est retenue.

Depuis la mort de son leader Nirvana reste l'un des groupes de rock les plus populaires et respectés. La dernière chanson enregistré par le groupe sort sur une compilation quelques années plus tard; De nombreux lives, coffrets, édition collector et autre compilations sortent pour perpétuer l'héritage du groupe. Neil young lui rendra hommage avec son album Sleeps with Angels, en écrivant la chanson-titre suite à son suicide. Il faut savoir que dans sa lettre de suicide, Cobain a cité le Loner "It's Better burn out than toFade Away" (il vaut mieux se consumer que de partir à petit feu) tiré de Hey,Hey, My, My




Dave Grohl a monté le groupe de rock les Foo Fighters après avoir hésité à arrêter la musique, Novoselich s'est progressivement retiré de la musique. Les membres survivants du groupe se retrouveront quelques fois comme pour enregistrer une chanson avec Paul McCartney, ou bien en 2014 à l'occasion de l'intronisation de Nirvana au Rock'n'Roll Hall of Fame, ou Cobain est remplacé au chant par plusieurs chanteuses, prouvant une fois de plus l'engagement féministe de Nirvana (dont Kim Gordon de Sonic Youth, qui pour rien au monde n'aurait refuser de venir chanter pour rendre hommage à son garçon qu'elle aimait beaucoup). D'autres reformations le temps de quelque titres ont parfois lieu.

Cobain laisse l'image d'un gentil garçon, dépassé par les événements et absorbée par une célébrité dont il rêvait mais à laquelle il n'était pas préparé et par des problèmes de santé important qui ont contribué à son déclin. Aujourd'hui Nirvana et son leader sont considérés comme ayant sauvé (avec quelques autres groupes de Seattle) le rock à une époque ou on ne donnait pas cher de sa peau.


jeudi 11 avril 2019

Woodstock et le Géant Vert (rock-story)



Illustration : José Correa

« And if I don't meet you no more in this world, then I'll meet you in the next one » Jimi Hendrix

Sous la lumière gris pâle, il fait son entrée sur scène, arborant fièrement ses origines Cherokee dans une tunique indienne blanche à franges colorées, un jean pattes d'eph, et sa Stratocaster couleur crème en bandoulière. Un bandeau rose fuchsia orne sa coupe afro. Jimi Hendrix semble serein. Pourtant, en ce lundi matin du 18 août 1969, la foule gargantuesque qui a fait vivre le festival durant trois jours a déserté les pelouses de Woodstock, pour laisser trente mille personnes parsemées pataugeant dans une boue infâme. De plus, hormis Mitch, le batteur, les autres membres du groupe n'ont jamais joué devant une telle assistance. Mais le gaucher de Seattle a branché son amante, celle qui fait de lui un demi-dieu, et dans le public, les plaintes laissent place à un silence de cathédrale. Tandis que le vent balaie les collines dans le lointain, les premiers coups de médiator du maestro semblent figer ces milliers de corps à moitié nus.
Comme chaque jour, calé dans mon fauteuil qui s'enfonce et ressemble de plus en plus à un cercueil, je regarde Jimi investir mon écran de télévision...
Cette fois c'est la bonne ! La gamine a enfilé son blouson et maintenant elle déambule au milieu du salon comme un type bourré. Monica a éteint la salle de bain. Le bruit des talons de mon geôlier claque derrière ma nuque. Tandis qu'elle se dirige vers l'entrée, son parfum de vanille écœure ce qui me reste de sinus. Comme toujours, il leurs faut deux bonnes heures de préparation avant de se décider à partir faire ces satanés courses ! La principale occupation de ma fille unique. Consommer ! Encore et toujours. Le plus possible, sinon elle s'ennuie. C'est pourquoi, elle a choisi Richard, un riche propriétaire Virginien. Mon gendre est un pecnot, raciste et grossier, une véritable caricature de sudiste, mais c'est encore le meilleur des deux. La gamine, je l'aime bien. Je trouve qu'elle s'en sort pas mal avec deux abrutis pareils. Le pire c'est qu'elle l'a pas cherché, ces cons-là sont allé l'acheter au Vietnam... euh je veux dire adopter...

— Tu as mis son DVD à Papy, c'est bien chéri, on file ! A plus tard Gé, on sera revenu d'ici deux heures.

« Gé »! Je ne supporte plus que Monica m'appelle comme ça ! C'est vrai, quoi ! Se faire appeler « Papa » de sa propre fille, c'est trop demandé ? Je ne me souviens pas l'avoir jamais entendu le prononcer, même lorsqu'elle était enfant... Gé ! Cette appellation remonte à ma jeunesse. Cela parait tellement loin qu'il me semble ne l'avoir jamais vraiment vécu. Et pourtant...

Mon nom de naissance est Tyron Green mais il fut un temps, où dans le New Jersey, j'étais un bassiste de renom, surnommé le Géant Vert ! En rapport à mon physique altier, mais pas seulement. On disait aussi, que comme Jimi Hendrix avec sa six cordes, j'arrivais à extraire des fusées cosmiques et autoguidées de ma guitare-basse, et que nous avions tous deux la particularité de traiter notre instrument comme s'il était fait de chair et de sang. Pourquoi Vert ? Mon nom (Green), n'y est pour rien. Ce sont ces horribles costumes que je m'obstinais à porter à chaque spectacle qui en sont la cause. Je cherchais à me composer un personnage... Qui sait ? Cette couleur verte bannie au théâtre, c'est peut-être elle qui fut responsable de mon malheur ? Elle me rappelle pourtant mes plus belles années. J'ai démarré ma carrière comme contre-bassiste, dans un quatuor de jazz, à la fin des années 50. Sans me vanter, j'étais plutôt bon. Enfin c'était l'avis de John Coltrane. Il voulait m'enrôler pour une tournée, mais moi, à cette époque, ce que je voulais, c'était faire du blues et du rock'n'roll ! Le maître m'a dit d'aller au diable !

J'étais branché en permanence sur les radios du sud du pays, je swinguais sur Elvis, vibrais sur Jerry Lee Lewis et Little Richard. Alors quand la vague britonne a déferlé sur le pays au milieu des Sixties, j'ai surfé dessus tant que j'ai pu. J'ai fumé plus d'herbe en cinq ans que je n'ai mangé de salade durant toute ma vie. J'ai 88 ans ! Je gobais les acides comme des smarties, mais j'étais diablement créatif. J'avais monté un petit combo avec deux gars de la Nouvelle-Orléans et un pianiste de Greenwich Village. Comparé à la déferlante psychédélique, notre style sonnait un peu rétro mais on était très apprécié dans les clubs New-yorkais. Durant l'été 67, le fameux Summer of Love, je me suis rendu sur la côte ouest, à l'occasion du Festival de Monterey. Le premier festival Pop. C'était dément ! On aurait cru que la jeunesse de tout le pays s' y était donnée rendez-vous pour rompre avec le système, la morale puritaine et ses préceptes hypocrites. Les tensions de la guerre froide et la crainte d'une guerre atomique avaient laissé place à celle d'être appelé au Vietnam. Ces millions de jeunes avaient grandis comme des cocottes-minutes. Monterey allait devenir leur soupape, un moment de libération indescriptible précédant une période révolutionnaire jamais entrevue auparavant dans le pays.
C'est alors, que j'ai vu Jimi, introduit sur scène par le démon à la chevelure d'ange, Brian Jones encore Stone... Jimi enchaîna dix titres venus d'ailleurs, multipliant les prouesses techniques, les douceurs virtuoses, et les effets clinquants. Il clôtura son set par un numéro de Voodoo hallucinant, chevauchant sa guitare pour finalement l'enflammer dans un rituel erotico-mystique d'une rare intensité. Je n'ai jamais vu quelqu'un chambouler son auditoire de la sorte. J'ai tout de suite compris que Jimi représentait tout ce que j'aimais dans la musique. Un genre de synthèse de Muddy Waters, de Bob Dylan et des Beatles. Une virtuosité pop poussée à son paroxysme. Ses textes ne parlaient que de voyages vers d'autres univers, mais le plus dingue c'est que sa musique nous y emmenait. Unifiant tous les combats internes de l'Amérique, Jimi semblait tout avoir pour réussir. Comme disait Miles Davis, il était « le seul noir à faire swinguer deux blancs » et sa créativité n'avait pas de limites.

Durant sa courte carrière, une chose sembla pourtant le ralentir dans sa progression vertigineuse. Son bassiste. Noël Redding ne trouva jamais vraiment grâce à ses yeux. C'est pourquoi, en 1967, après le passage incendiaire de Jimi, j'ai lâché ma contre-basse pour passer à l'électrique. La guitare-basse. Mon idole avait un manque, et moi un rêve. J'allais devenir son pendant. Son ombre.
Délaissant mon combo pour un groupe plus funky, je me mis à travailler jour et nuit. Comme un forcené. Pour moi, c'était pas un problème, j'avais ça dans le sang. Un soir, dans une cave de Brooklyn, j'ai jamé jusqu'à l'aube avec deux grands noms du funk, Curtis Mayfield, et son altesse sérénissime Mister James Brown ! Mes doigts se baladaient sur le manche comme des mygales recouvrant la liberté. Curtis, très impressionné me félicita chaleureusement. Quant à Mister Dynamite, il posa sa main sur mon épaule en me jaugeant du regard, et dit : « Mmh... Pas mal. » J'avais des étoiles dans les yeux...
Je savais que Jimi Hendrix avait fait ses armes dans le groupe de Curtis Mayfield, j'en profitais pour essayer d'établir un contact. Curtis me promit de lui en toucher deux mots. Mais il fit bien mieux que ça...

Trois mois plus tard, il revint me voir jouer dans mon night-club. Le 2 août 1969, reste gravé dans ma mémoire. Par chance, mon groupe et moi étions dans un grand soir. On m'avait annoncé la venue de Curtis, mais la lumière tamisée de la salle m'empêchait de voir qui l'accompagnait. Au cours du troisième morceau, j'invitais Curtis à me rejoindre sur scène. Mais c'est un gars élancée, encapuchonné dans une toge de moine qui grimpa sur l'estrade. Tandis que je découvrais lentement le piège dont j'étais l'heureuse victime, mes doigts si agiles se liquéfièrent d'un seul coup, suivis de mes membres premiers. Voyant que je perdais tout contrôle, Jimi eut le bon réflexe de sortir sa Les Paul de son étui pour distraire l'attention du public. Il me fallut deux bonnes minutes pour me ressaisir. Mais vous pouvez me croire, les dix qui suivirent sont tout simplement les dix meilleurs de ma chienne de vie ! Si comme disait un célèbre journaliste, écouter Hendrix c'est rentrer en communication avec Dieu, que dire du plaisir de l'accompagner. J'avais l'impression d'être l'écrin du plus beau joyau de la planète !
De retour d'Essaouira (Maroc), il semblait frais et détendu. Très intéressé par mon style, il me confia plus tard s'être séparé de son bassiste. Jimi cherchait un gars dans mon genre pour un concert test. C'était une aubaine inespérée. Je crois bien avoir dis oui avant même qu'il n'ait fini sa phrase. Il tenta une remarque sarcastique sur ma tenue vestimentaire, mais ajouta avec son sourire enfantin : « Viens comme tu es. » Quelle douce et enivrante sensation, que de réaliser son plus beau rêve ! Même si tout le monde n'en était pas conscient à l'époque, j'avais la conviction que jouer avec ce mec, c'était entrer dans l'histoire.

Deux semaines plus tard, j'étais fin prêt pour épauler le guitar-hero quand j'appris qu'il s'agissait d'un événement de grande envergure auquel Jimi m'avait convié. Woodstock. Le plus grand festival Pop jamais organisé. Janis, Grateful Dead, The Who, que des cadors ! Plus de 300 000 personnes étaient attendues !
Alors, vous savez ce que c'est, la peur fait boire... Le concert était initialement prévu le dimanche soir à minuit. Terrassé par le trac, j'ai passé mon samedi soir à me saouler la gueule. J'ai bu, jusqu'à finir dans une boîte un peu louche, un tripot d'un genre particulier. Des gars raidis à la coke y jouaient à la roulette russe. Après quelques lignes de poudreuses, je me suis mis moi aussi à vouloir jouer du barillet. La partie s'éternisant, la tension montant, une bagarre finit par éclater. Dans l'altercation, un coup fut tiré. La balle transperça ma moelle épinière comme une feuille de papier. Finir tétraplégique la veille de Woodstock, putain, fallait vraiment que je sois maudit !

Jimi n'en prit connaissance que le lendemain du concert. Je me souviens de lui, me rendant visite à l’hôpital, le visage dissimulée sous cette même toge qu'il portait lors de notre première rencontre. Puis un jour, j'ai appris sa mort à la radio.

Je devais être dans le film. Avec lui. Ma carrière aurait pu décoller comme celle de Carlos Santana. 
J'ai pratiqué le slap, et le taping dix ans avant les légendes Marcus Miller et Jako Pastorius. Je devais être dans le film... Mais je suis là, un corps sans vie, sans musique, à regarder chaque jour sur ma télévision, mon rêve envolé. Je l'ai frôlé pourtant, je l'ai même tenu un moment dans mes mains, ce fameux soir au night-club. Mon rêve est là, qui défile chaque jour sous mes yeux, dans cette image, dans cet amas de cristaux liquides où j'aimerais fondre... Mon corps ne me retient plus depuis longtemps... Au fond, c'est vrai, je ne suis déjà plus qu'un esprit... Je contemple la scène de Woodstock... Jimi après un début timoré a pris son envol sur Voodoo Child... C'est son vieil ami Billy Cox qui tient la basse... On ne l'entend pas... Qu'importe, Jimi plane mais comble les vides, il orchestre du regard, et ponctue les couplets de salves divines... Son solo final est époustouflant... Je le connais par cœur... Je devrais être dans le film...

Quelques instants plus tard, Monica et la gamine, de retour à leur appartement, constatent avec surprise que le salon est désert. Monica s'apprête à alerter la Police quand la petite lui fait justement remarquer :

— T'as vu Maman, il est rigolo le monsieur tout vert dans la télé ! On dirait papy...


FIN