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vendredi 26 avril 2019

Big Star : Radio City


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Faire le portrait de Big Star , c’est raconter l’histoire des loosers les plus brillants de la pop américaine. Chilton, piloté par sa maison de disque, pour qui il rabâche le tube the letter, quitte le confort de sa vie de pop star sur un coup de tête.  Chris Bell, lui , est un grand amateur de pop anglaise , dont le plus grand regret est de ne pas avoir pu être un beatles.  Sans contrat, Chilton rode ses chansons dans quelques petits groupes locaux. Déterminé à s’imposer sur la scène rock, Chris Bell a fondé un power trio , et reprend des tubes des yardbirds devant un public distrait. C’est lors d’une de ces performances qu’il rencontre Alex Chilton , faisant ainsi naître le plus brillant des groupes maudits.

Un premier disque sort en 1972 et, malgré l’engouement de la critique, il finit rapidement dans les bacs à soldes. Déprimé par ce qu’il considére , à juste titre , comme son premier chef d’œuvre, Bell fait une dépression si grave qu’il doit se faire interner. Obligé d’assurer les concerts suivant en trio , big star ne convainc pas son public, ce qui n’empêche pas le groupe de revenir en studio en 1973 , pour produire ce qui restera son plus grand chef d’œuvre.

Venu de Memphis, Chris Bell fut biberonné au rock n roll direct et sans concession, cette influence revient en force ici. Il ne faut pas oublier que, en 1973, le glam triomphe encore, les stooges ont sorti le brulant raw power , et le premier new york dolls dynamite le rock n roll à grands coups de riffs protos punk. Résultat, Chris Bell veut revenir à une certaine simplicité, tout en gardant ses irrésistibles refrains pop.

On a souvent qualifié big star de « pionnier de la power pop », ce disque prouve qu’il fut bien au dessus de la guimauve fade de REM et autres gloires new wave. Ecoutez « semptember girls », une expression du génie musical aussi impressionnante que Penny Lane, toute la grandeur de big star y atteint son zénith. D’abord ce riff, d’une simplicité enfantine, semblant sortir des studios sun , qui laisse place à une mélodie légère , culminant sur un refrain qu’on croirait chanté par un groupe Anglais.

Seuls les beach boys étaient capables d’une telle grâce pop , mais ils n’ont jamais su l’exprimer dans un rock aussi carré, fidèle au génie Américain. Les hommes viennent du berceau du rock, et ça s’entend sur le riff de « o my soul », qui ouvre le disque sur un rythme presque blues.

« radio city » fonctionne sur un schéma implacable, alternant les rocks enjoués, et les ballades douces amères, le tout rassemblé par la voie légère ou mélancolique de Chris Bell. Cette formule ressemble bien à un rêve éveillé, le disque qui aurait du devenir l’aboutissement du rock mainstream , un album dont le résonnement aurait du être énorme.

Des grandes productions de Spector à born to run de Springsteen, nombreux sont ceux qui ont cherchés à atteindre un équilibre entre authenticité et grandiloquence, douceur pop et rugosité rock , et c’est bien ce que Big Star réalise ici. Alors comment expliquer le bide commercial que le groupe subira lors de la sortie du disque ? Comment comprendre qu’une telle merveille a pu tuer ses géniteurs en ne trouvant pas son public ?

Voila une énigme qui restera longtemps insoluble, mais en voyant l’échec de ce disque, big star ne pouvait que se dissoudre. Il lui était sans doute impossible de continuer en sachant qu’il avait atteint le sommet de son art, et ce, dans l’indifférence générale.   

mardi 23 avril 2019

Donny Hathaway-Live (1972)




Donny Hathaway nous a laissé 3 albums studios sous son seul nom, deux albums en collaboration avec sa copine de fac Roberta Flack, une BO de film et deux Live. Le tout en un peu moins de 10 ans de carrière professionnelle de chanteur. Car le garçon né en 1945 à Chicago est précoce, dès 3 ans il chante du gospel dans les Eglises et apprend le piano avec sa grand-mère chanteuse professionnelle. par la suite à la fac il rencontre Roberta Flack et Leroy Hutson (futur chanteur de the Impressions ou il remplaça Curtis Mayfield). Il tentera de former un groupe de Jazz sans succès. Il devient par la suite musicien de studio, arrangeur et producteur pour quelques grands noms de la Soul et du jazz : The Staples Singers, Curtis Mayfield, Aretha Franklin... A la fin des années 60, il signe chez ATCO et sort en 1970 son premier album, Everything is Everything. Il rencontre le succès avec le morceau the Ghetto coécrit avec Hutson

L'album qui nous intéresse ici est son Live de 1972. Chronologiquement c'est son 3 ° album. Le Live est composé de deux performances live de 71, l'une enregistré au Troubadour a Los Angeles, l'autre au Bitter End à New York. La performance de LA a donné la face A du disque et celle à NY la Face B. Le Line Up est le même dans les deux cas sauf à la guitare lead, avec Phil Upchurch sur la Face A (pour qui Hatahway jouera du piano sur deux de ses disques de jazz) et Cornell Dupree sur la Face B. à la basse on retrouve Willie Weeks, musicien de studio très réputé et à la batterie on a Fred White, frère de Maurice et Verdine qui au milieu de la décennie ira rejoindre ses frangins dans Earth, Wind and Fire. Pour compléter le line-up de ce Live on a Mike Howard à la deuxième guitare et Earl DeRouen aux congas. Et Hathaway bien sur au piano,à l'orgue et au chant.

L'album fait la part belle aux reprises, avec en ouverture une reprise de What's Goin On de Marvin Gaye, et deux reprises plus pop (son deuxième album studio était composé de reprise pop, soul et gospel) You've got a Friend de Carole King et Jealous Guy de John Lennon. Sur les 8 morceaux du disque seul deux sont composés ou co composé par Hathaway. On retrouve "Little Ghetto Boy" composé par DeRouen et samplé dans les années 90 par Dr.Dre et le Wu Tang Clan et reprise aussi par Lalah Hathaway, la fille de Donny.

Mais les deux morceaux de bravoure de l'album sont "the Ghetto", le morceau quasi instrumental durant 6 minutes à la base est ici étendu dans une version plus rapide a 12 minutes avec un solo de piano d'Hathaway et un public chantant le refrain final.L'album se termine par le morceau Voices Inside (Everything is Everything) présente sur le premier album d'Hathaway et durant un peu plus de 3 minutes. Ici elle est donnée dans une version de plus de 13 minutes avec un solo de basse de Willie Weeks, considéré comme le point culminant de sa carrière. Mais hormis, le choix des titres, les musiciens ce qui fait la force de ce Live, c'est la voix de Donny Hathaway. Une voix qui transporte, qui émeut comme peut d'autre ont pu le faire avant lui, et après lui également.

Après ce disque, Donny enregistrera un album studio, une BO de film, un disque avec Roberta Flack sorti à titre posthume. Diagnostiqué schizophrène et dépressif, prenant de lourd traitement pour se soigner, il se suicidera en sautant par le balcon de sa chambre d'hôtel au 15 ° étage au Essex House à New York le 13 janvier 1979.

Considéré aujourd'hui comme l'un des plus grand chanteurs de Soul et l'un des plus influents, il a influencé la nouvelle génération d'Alicia Keys à Amy Winehouse qui l'a cité comme son artiste favori.

Mike McGear-Mc Gear (1974)






Ce disque est le deuxième  et dernier album solo de Mike McGear. Auparavant membre du groupe Scaffold connu pour sa chanson à boire Lily the Pink, reprise en français par Richard Anthony sous le titre le Sirop Typhon, il a aussi été membre dans les années 70 du groupe Grimms, qui donnait dans le rock léger et la poésie formé aussi de membres du Bonzo Dog Doo Dah Band, une bande joyeux lurons.

Mais avant de nous attarder sur ce disque rock de 1974, voyons qui est  ce Mike McGear car c'est la le plus interessant. En plus d'être chanteur, il est photographe. Et Mike McGear est un pseudonyme, son vrai nom est Peter McCartney. Si vous vous demandez s'il y a une relation avec Paul McCartney je vous répondrais que oui, en effet Peter est son petit frère. Pas facile de la faire de la musique et qui plus est du rock quand votre frère est une légende. D'où l'utilisation d'un pseudonyme.

A la base les deux frères avaient prévu d’enregistrer juste un single, mais finalement ça s'est transformé en album. Les chansons sont écrites pour la plupart par les deux frangins sauf certaines juste par Paul. A l'époque, McCartney attendait la fin de son contrat avec Apple et a donc décider de s'offrir cette parenthèse. Les musiciens sont les Wings. Et Paul en profite aussi pour produire le disque. En fait c'est un disque des Wings avec juste Mike McGear au chant. L'album c'est du pur McCartney dans son style très reconnaissable.

On a donc affaire à un album des Wings déguisé, avec des chansons pop-rock très typées McCartney. Malgré tout l'album s'ouvre sur une reprise de Sea Breezes, titre présent dans une version plus courte que l'original sur cet album. Le titre est une composition de Bryan Ferry et figure sur le premier album de Roxy Music sorti en 1972. Un morceau est cosigné par McCartney et le poète anglais Roger McGough, qui avait dejà cosigné pas mal de titre de Woman, le premier disque solo de McGear sorti deux ans plus tôt.

Du fait de son contrat avec Apple à l'époque, McCartney n'était à la base pas crédité comme ayant participé au disque. Cet album porte clairement sa marque. La pochette représente McGear saucissonné comme dans les voyages de Gulliver devant des personnages qui sont les membres des Wings. On peut même voir une photo de jeunesse de Peter et Paul MCartney jeune. Peter qui a fait carrière dans la photographie est responsable de celle qui orne la pochette de l'album "Chaos and Creation in the Backyard"

Si ce n'est pas un album qui a révolutionné le rock, c'est un disque très agréable qu'apprécieront les fans de McCartney.

dimanche 21 avril 2019

LES THUGS : AS HAPPY AS POSSIBLE

FORMATION

Eric Sourice : chant, guitare

Thierry Ménard : guitare

Christophe Sourice : batterie, chant

Pierre Yves Sourice : basse


Après deux albums « Radical hystery » et « Electric troubles » et un maxi 45 tours « Dirty white race » déjà tous prometteurs et intéressants les Thugs passent à la vitesse supérieure en 1989 avec « Still hungry, still angry » puis « I.A.B.F » (1991) et enfin « As happy as possible » (1993).

Groupe atypique aux influences diverses et qui a toujours fait preuve d'authenticité et d''intransigeance, d'esprit libertaire et de sérieux et qui au final s'est avéré être l'un des groupes français les plus intéressants, bien que trop méconnu.

Un groupe qui a eu le privilège rare d'être signé successivement aux USA par Sub Pop le label grunge de Nirvana, L7...puis par Alternative Tentacles le label punk fondé par Jello Biafra des Dead Kennedys. Une sacré référence sur un C.V et qui montre bien où se situe les Thugs musicalement parlant.

Et puis il y a ce son qui caractérise les Thugs, ce contraste quasi parfait entre guitares énergiques et saturées et cette voix mélodique et claire, marque de fabrique du groupe (un modèle d'équilibre entre énergie brute et mélodies).



AS HAPPY AS POSSIBLE (1993)


Et si le meilleur groupe de rock français n'était ni Téléphone, ni Trust, ni Mano Negra, ni Noir Désir, ni Indochine, ni Bérurier Noir (je mets Magma de côté) ?
Et si le meilleur groupe français était angevin ?
Et si le meilleur groupe français de l'histoire du rock était les Thugs ?
Le groupe, emmené par les frères Sourice, a sorti beaucoup d'albums et parmi ceux là trois méritent de figurer au panthéon du rock « made in France » : « Still hungry », I.A.B.F » et « As happy as possible » .

En tout cas c'est assurément l'un trois des groupes français les plus importants de la scène« punk » (au sens large) / rock alternatif des années 80/90.
Mais le groupe a toujours eu une démarche anti-commerciale, trop marginale, trop intransigeante, trop anticonformiste, trop indépendante, trop alternative pour plaire au public rock « généraliste ».

Pour moi « As happy... » n'est pas le meilleur disque du groupe (je préfère « Still hungry, still angry ») mais il reste l'album le plus abouti et le plus représentatif des Thugs.

Avec « As happy as possible » les Thugs ont enfin la possibilité de voir les choses en grand : l'album est enregistré à Seattle en pleine apogée du grunge.
Pour définir les Thugs c'est assez simple : entre power pop sois amphétamine et punk/hardcore mélodique, des guitares incisives (véritables « murs du son » sur les morceaux les plus violents/rapides) et un chant/refrains/choeurs/mélodies au top , toujours travaillés et utilisés à bon escient, véritable modèle du genre, on a presque envie de crier au génie ; et toujours cette voix claire et entraînante qui contraste magnifiquement avec la rythmique et les deux guitares ; assez unique même si on pense parfois à Buzzcocks dès tout début (période « Another music in a different kitchen »).
Quelques instrumentaux (trois en fait) tous assez bons voire même très bons « Monkey 88 strings sonics fly », « Harpo's theme » et « Immigrés clandestins » (ces deux derniers particulièrement réussis).
Des morceaux au tempo moyen « As happy as » et surtout « Biking » absolument grandiose.
Des titres un peu plus faibles « Horror toys » et « Desert days » trop mous surtout « Desert days une sorte de petite balade assez poussive !
Et bien sur, ce que je préfère, les morceaux les plus rapides et dévastateurs « Papapapa », « August » « You wanna die » et surtout l'excellent « Flags » (jubilatoire! mon titre préféré du groupe avec « Good friends »).
Energique et puissant oui mais toujours la mélodie avant tout (ah les voix, un régal !!) et surtout l'impression à travers la musique et les textes d'écouter un groupe à la fois humain et humaniste (voir les paroles mais je n'entre pas dans le détail de celles-ci).

« As happy as possible » marque l'apothéose créative et "commerciale" du groupe (40 000 albums vendus, pour du rock « alternatif » le succès est plus qu'honorable d'autant que les Thugs n'ont en rien renié leurs valeurs initiales ; chapeau).
Après cet album les Thugs enregistreront d'autres bons disques mais jamais de valeur égale aux trois cités plus haut, bons certes, mais moins incisifs.
Il est encore temps de se faire plaisir et d'écouter ce que le rock français a produit de meilleur à une période où d'autres bons groupes héxagonaux sont apparus parfois dans un quasi anonymat pour certains (Kill the Thrill, Condense, Skippies, Dazibao, Treponem Pal…)


samedi 20 avril 2019

Dylan en live


Une chronique inspirée par :


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New York 1962 , dans une famille de prolétaires , où le seul avenir des gosses semble de s’enfermer dans une des usines qui poussent comme des champignons, la radio reste allumée dès que les parents ont quitté le turbin. C’est elle qui a donnée sa vocation à des types comme Johnny Cash , et au petit dernier de la famille, Lester , pour qui ces accords de guitares sèches sont comme la lumière au fond du tunnel.

Il adorait Woody Guthrie , sa compassion envers les plus faibles, et sa guitare brandie comme une arme de destruction massive, face à un capitalisme de plus en plus oppressif. Pour lui , son folk était un  blues de blanc , il exprimait les mêmes souffrances de populations emportées dans un monde dont elles ne pouvaient comprendre l’évolution. Mais bon , l’homme était malade , soignant sa maladie de Hutington loin des campagnes où il chantait ses mélodies révolutionnaires. 

Il fallut attendre ce soir là pour que le jeune homme ressente un choc comparable au jour où il découvrit le grand Woodie. Dans le poste, le jeune homme annonce les couleurs , il a tout quitté pour tenter sa chance à New York , se faisant héberger à droite à gauche. Il parle aussi de sa passion pour Kerouac et Guthrie , qui l’ont naturellement dirigés vers la folk, puis le présentateur épelle timidement son nom avant que ne résonne les premiers accords de blowin in the wind.

De toute évidence, l’homme n’est pas un performeur, comme ce vulgaire Elvis qui cartonnait avant lui, et son ton nasillard mal assuré l’éloigne d’un  rock n roll tapageur. Comme Guthrie , les textes sont plus importants pour lui que la musique , la folk se contentant de mélodies simples pour les diffuser rapidement. 

How many roads must a man walk down
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the Wind

Ces mots ont la force des vérités universelles , que l’ont peut parfois trouver chez les grands auteurs français, ils portent aussi une mélancolie que seuls les vrais poètes peuvent transmettre. Ce soir la, son émerveillement rejoint celui de millions de jeunes américains , qui se sont choisis un père spirituel. Dylan a conquis son trône de chef de file d’une génération, et il est aussi séduisant quant il parle de la guerre qui risque de survenir à tout moment (hard rain’s gonna fall) , que quant il se contente de chanter des bluettes innocentes (girl from the north country).

Mais l’homme veut aussi être un rocker, il suffit de le voir sur scène pour s’en rendre compte, il ne s’y épanouit pas, et singe les postures de son maître Guthrie. Mais, quant se qui devait arrivé arriva, et que Dylan se mit à entrer dans le giron électrique des rockers reconnus, Lester ne fut pas choqué.

Les puristes du folk avaient beau l’insulter , le menacer de mort , ou le huer lors de ses concerts , ses mots magnifiques étaient toujours la . Ces mots donnaient une nouvelle grâce à Mike Bloomfield , le guitariste ayant laissé sa couronne de roi du blues rock , pour placer son solo majestueux entre les mots de « ballad of a thin man ». Comme le disait la chanson, quelque chose est en train de se passer , mais personne ne sait ce que c’est . Quelques jours plus tard , Lester a pu voyager jusqu’au Royal Albert Hall, pour assister à ce concert historique de 1966. La première partie du  concert, en acoustique, se passe bien , la foule communiant devant les textes de ce Kerouac folk.

Et puis le groupe s'est pointé, un con a hurlé Judas comme si il était le gardien d’une morale universelle, et l’extase des rares spectateurs dotés de cerveaux en état de marche a du subir l’expression de la morale étriquée de ces folkeux fanatiques. Pourtant , il en était sur , les mêmes se prosterneraient plus tard devant les images de cette date historique , et les photos de ce dylan en costume noir , la guitare électrique en bandoulière , deviendra le symbole de leur jeunesse. Puis les années ont passé , le blasphème électrique est devenu une trilogie d’albums vénérés ( bring it all back home, highway 61 , blonde on blonde) , avant que le maître ne saborde tout une nouvelle fois.

L’homme n’en pouvait plus, sa notoriété l’écrasait , au point qu’il avait refusé de participer à Woodstock , qui fut organisé pour lui rendre hommage. Sur la route où sa moto roule , le soleil est éblouissant , et il le prend en pleine figure. Paniqué, il donne un violent coup de frein qui l’envoie dans le décor. Sa convalescence lui permet de se calmer , et c’est un nouveau dylan qui apparait sur les disques suivants.

Il revient alors dans le costume du chanteur country , chantant girls from the north countrie avec Johnny Cash , avant de faire un passage remarqué dans un film du grand Sam Peckinpah. Entre temps, il aura sorti deux disques bucoliques et controversés, qui perpétuent pourtant un âge d’or qui parait interminable.

Après l’insouciance, le deuil revient le visiter, lui inspirant les blues d’amant déçu de blood on the tracks , dans une douceur acoustique rappelant ses débuts. Après une telle beauté sombre , « desire » ne pouvait que se faire démonter , c’est pourtant un de ses disques les plus accessibles , où on retrouvait le dylan électrique, mais la guitare de Bloomfield n’était pas là pour colorer ses passionnantes visions. 

A la télé, on découvrait un Dylan en tenue hippie , entamant sa performance par un « hard rain’s gonna fall » réarrangé à la sauce bluegrass. Car Dylan ne joue jamais deux fois la même chose, ses titres sont écrits pour suivre le cours de ses évolutions , c’est ce qu’on appelle un artiste dans le sens le plus noble du terme. La prestation gardera ses rythmes nostalgiques, soutenue par une choriste qui n’aurait pas fait tache à coté de Mellenchamp , et qui donne une grâce supplémentaire aux vers de Blowin in the wind.

La set list est parfaite , et déterre même les deux joyaux que sont « mozambique » et « shelter from the storm ». Cette prestation montre que , peu importe ses égarements , Dylan planera toujours au dessus de la mêlée, et tant qu’il pourra monter sur scène sa classe écrasera toute concurrence.

Pourtant ,  la passion de Lester s’est refroidie les années suivantes. « street legal » était un bon disque, mais il montrait un Dylan s’abaissant au niveau de sa concurrence et, même si celle-ci est aussi brillante que Tom Petty , on préfère toujours l’original à la copie. Du coup il s’est rabattu sur Petty, « damn the torpedos » remplaçant blonde on blonde sur la platine familiale.

Il l’avait déjà vu plusieurs fois lorsque, planté au milieu du public australien, il voit une silhouette familière se placer devant son groupe préféré. Maquillé comme un Lou Reed période rocker décadent, Dylan est venu s’encanailler avec son plus remarquable rejeton. Leur performance fut une véritable célébration du folk rock , les heartbreaker apportant leur énergie aux vers d’un Dylan, qui avait enfin l’impression de boxer dans la même catégorie que les enfants d’Elvis. Pour remercier ses hôtes , le barde s’éclipse quelques minutes, laissant Tom Petty seul maitre de la scène.

Après une prestation habitée des heartbreakers, il clôture la célébration avec like a rolling stone et knockin on heaven’s door . Que demander de plus ? L’expérience sera par la suite captée par MTV , lors du passage de Dylan et Petty à New York , la ville où tout avait commencé. Ces concerts seront les derniers où Dylan captera l’attention du grand public, le reste de sa carrière ne devant intéresser que les Dylanophiles les plus fervents. Ils rateront donc le passage de Dylan à Woodstock en 1994 , soit plus de vingt ans après qu’il ait refusé de participer à la version originale. C’est bien dommage car, ce soir la , il avait définitivement prouvé qu’il faisait partie de ces personnages indéboulonnables , dont l’ombre nous rassure au milieu de notre décor anxiogène .        

Aujourd’hui,Tempest a prouvé que sa plume était encore féconde, alors que les concerts cités plus haut montrait un performer infatigable. Et comme Lester , plusieurs de ses œuvres font parties de la bande son de nos vies.  



mercredi 17 avril 2019

perle oubliée -Birth Control : Operation


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Depuis 1969, le Rock semble avoir décidé de former des générations de fous du son, n’appréciant la musique que quand elle est jouée à fond, tuant le Blues pour mieux le faire renaitre. Il y a une certaine grâce là-dedans, une puissance juvénile qui se ménage parfois des apartés romantiques ou épiques. A ce jeu la, deux rois ce sont illustrés, Led Zeppelin et Deep Purple, et leurs lardons hurlent derrière eux, espérant ainsi s’approcher de leurs puissances théâtrales.  

Raconté comme cela, l’histoire est simple, mais c’est vite oublier d’où vient ce vent sulfureux. Le Hard Rock est un enfant du psychédélisme et, si il a connu le succès en retournant téter la mamelle du Blues, il ne se défera jamais complètement de cette filiation. Après tout, Hendrix était un grand partisan des délires hallucinés, et les Pink Fairies et Hawkwind poussaient les potards à des niveaux parfois plus élevés que les disciples de Blackmore et Page.

A partir de là, comment le pays qui a poussé le Rock de drogués à son niveau le plus hallucinant aurait-il pu rester à l’écart ? Phallus Dei, Yeti, Tago Mago, ces disques vous retournaient la tête, la lavait de tous repères, et vous lâchaient dans leurs mondes délirants avec l’innocence d’un nouveau né.  Birth Control se forme à la même époque que les groupes précédemment cités, mais ne sort ce Operation qu’en 1971, à une époque ou le Hard Rock triomphe.

L’ Operation semble d’abord être celle d’esprits pollués par les principes étriqués de religieux fanatisés, représentés par un monstre mangeant des enfants sous les ordres d’un pape excité. La pochette fera son petit scandale, et c’était sans doute l’effet recherché, le groupe préférant parler de guerre au Vietnam que de religion.   

Musicalement, Birth Control navigue entre la subtilité d’arrangements délicieusement jazzy, et la puissance de guitares très Purpleliennes. Placé en ouverture, "Stop Little Lady" est d’ailleurs le titre le plus Hard de l’album. Les riffs répondants aux notes d’orgues, sur un rythme qui rappelle furieusement le duo Lord / Blackmore. On pourrait presque s’y méprendre, si il n’y avait pas ces nappes planantes, et cette voix qui semble hurler du haut d’une montagne cosmique. On aura droit à une seconde attaque rythmique avec "The Work Is Done" , un Rock anti Vietnam d’une efficacité remarquable.

Et puis la véritable grandeur de Birth Control se révèle, explosant dans un final voluptueux de onze minutes. Le solo de piano ouvre la porte à une envolée de cordes et de cuivres, montant crescendo jusqu'à une explosion ou le Rock devient symphonique. Plus que sa puissance, Birth Control soignait ses compositions, sa grandeur ne s’exprimant pleinement que lorsqu’il pouvait se perdre dans de grands instrumentaux classieux.

C’est peut être pour cela que le groupe n’a jamais eu le succès qu’il méritait, et que Hoodoo Man est aujourd’hui plus salué que ce disque pourtant plus original.     

perle oubliée -Guru Guru : Kanguru


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Lâché pour la première fois au début des années 70, le Krautrock définit deux catégories de musiciens qui n’ont pas grand-chose à voir. Utilisé au départ par les anglophones, pour se moquer de  cette bande de teutons tentant de réinventer leur culture, il regroupe aussi bien l’avant-garde électronique chère à Bowie, que le psychédélisme radical de Amon Dull et Guru Guru.

Les deux sont absolument indispensables pour comprendre l’évolution de la Pop, mais des groupes comme Tangerine Dream ou Neu étaient beaucoup plus froids et synthétiques que le groupe qui nous intéresse aujourd’hui. Fondé à la fin des années 60, Guru Guru est la réunion d’utopistes hippies, vivant la vie de libertinage décrite dans une partie d’ Easy Rider. Mais, comme Amon Dull, ce mode de vie vise surtout à créer un nouveau moyen d’expression. Fasciné par l’inventivité de Hendrix, ils travaillent une musique faite de riffs planants, rallongée par la virtuosité d’un batteur issu du Jazz, et dont les rythmes hypnotiques façonnent le psychédélisme délirant du groupe.

De leurs délires cosmiques naitront trois albums incendiaires, mais masqués par le succès des poids lourds anglais et américains. Troisième de cette série, Kanguru est le disque parfait du groupe, celui que l’histoire devrait retenir pour rendre enfin justice à ces avant-gardistes virtuoses.

On conseillera à l’auditeur d’envoyer cette musique le plus fort possible, afin de mieux ressentir les secousses de ce voyage spatial. En fond sonore, les bruitages électroniques font décoller notre cerveau encore plus haut que les contrés magnifiques d’ Electric Ladyland, la guitare abusant de la distorsion, comme si ces riffs se perdaient dans des sommets éloignés de l’atmosphère terrestre.

Les musiciens ayant participé à ce grand délire spatial ne semblent pas conscients de ce qu’ils font, le groupe fonctionnant comme une communauté anarchiste, où ils cherchaient leurs voies à travers de longs instrumentaux planants. Cela ne fait que renforcer la légende de ce disque, dont la cohésion incroyable semble guidée par une conscience supérieure, qui aurait dirigé le groupe lors de ses improvisations sous acides. 
« Ouvrez les portes de la perception. » 
disait Huxclet dans un livre aussi ennuyeux que culte, et c’est sans doute ce que Guru Guru parvient à faire ici, la console ce contentant d’enregistrer leur voyage cosmique.  

La guitare monte lentement, plane dans des nuages sonores enivrants, s’embarque parfois dans de grands délires déstructurés, avant de revenir à un Jazz Rock martiens, nous embarquant vers de nouveaux paysages colorés. Le temps suspend son envol pendants quelques minutes. Le voyage dans lequel nous nous sommes embarqués n’a pas d’âge, et ne ressemble à aucun repère connu. C’est un joyau façonné par une foule d’influences devenues méconnaissables.    

Alors si, dans une caisse poussiéreuse, vous apercevez cette pochette Dadaïste , ne la laissez pas passer.