Si je suis si attaché au support physique, c’est aussi
grâce au nombre faramineux de disques non officiels que ce support a permis. Appelés vulgairement bootlegs , ces live, sortis à l’insu de leurs protagonistes ,
permettent de revisiter l’histoire.
Ils nourrissent ainsi un vieux fantasme de fans , trouver
LE grand live inconnu de sa formation préférée. La recherche peut parfois s’avérer
frustrante, les pirates du rock n’ayant pas les mêmes normes audio que les
maisons de disques reconnues. On peut ainsi se retrouver avec un disque issu d’un
enregistrement cassette, pris du fond de la salle, et vendu au prix fort.
Après avoir écouté en boucle toute la discographie d’acdc
, je me suis tout de même embarqué dans cette entreprise d’archéologie
musicale. J’avais mon repère, planqué au milieu d’une zone commerciale du cap
d’agde , et tenu par un passionné bien sympathique, qui me laissait tester la
qualité sonore de mes trouvailles.Pour des raisons financières, je me suis
rapidement limité à la période Bon Scott, qui reste de toute façon la plus
brillante du gang australien.
Entré dans le groupe quand les frères Young cherchaient désespérément
un remplaçant à la diva Dave Evans, Bon a donné au groupe ce charisme viril,
sans lequel ACDC ne serait qu’une version punk des tauliers du rock n roll.
Si Bon Scott était, et restera, le meilleur chanteur de
rock , c’est parce que cette musique le traversait comme une décharge
libératrice. Après des années passées à imiter divers chanteurs à la mode, il
pouvait enfin développer son propre charisme. Et c’est en 1977, dans cet
auditorium de Cleveland , que celui-ci est le plus explosif.
Nous sommes au lendemain de la sortie de let there be
rock , le disque qui permit au groupe de mettre l’europe à genou. Le vieux
continent conquis, il fallait maintenant prendre d’assaut le pays du blues.
Pour réussir dans le monde du rock , le plan était
immuable. Les groupes imposaient d’abord leurs noms en Angleterre , puis
partaient en Amérique pour rafler la mise. Vu comme un groupe punk , ACDC
devaient aussi remettre les pendules à l’heure.
Les australiens n’ont jamais cédé aux sirènes du
nihilisme cher à Johnny Rotten , et encore moins à celles du heavy metal
naissant. Eduqué par le vieux culte du riff en trois accords, les frères Young
n’étaient qu’une grandiose réincarnation du groove primaire inventé par le
grand Chuck Berry.
En cette chaude soirée d’aout 1977, ce groove allait
faire trembler les murs de l’auditorium de Cleaveland. Les pulsations sèches de
la batterie lancent un live wire en forme de décompte apocalyptique. Toute la
grandeur de Phil Rudd brille déjà dans cette introduction sulfureuse. Ses
battements métronomiques sont des signaux explosifs, la détonation qui permet aux
riffs tendus des frères Young de foudroyer l’auditoire.
Burnin balls , c’est aussi et surtout le son d’un groupe
pur, lâchant ses salves avec une ferveur sans calcul. Bon est la véritable
incarnation de cette force innocente, qui explose sur la meilleure version de
Problem child jamais produite.
Le son , lui , est parfait , et restitue bien le
tranchant des riffs acdciens. On est transporté au milieu du public, la tête
secouée par le boogie déchirant d’high voltage. Le groupe sonne ici comme il ne
sonnera plus jamais, il était déjà trop mur lorsqu’ils sortirent leur premier
live officiel.
« Burnin balls » , c’est le manifeste d’un gang
exprimant sa soif de reconnaissance , l’assaut violent de barbares venus s’approprier
les terres du vrai rock n roll. Petite pause au milieu de ce brasier, the jack
montre qu’acdc est plus proche du blues vicieux des stones, que de n’importe
quoi d’autre. Mais , même ce riff langoureux crépite comme une ligne haute
tension.
Ce soir-là, ACDC ne joue pas le rock n roll, il est le
rock n roll, dans ce qu’il a de plus pur et excitant.
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