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mercredi 26 février 2020

Bob Dylan Dream : Epilogue

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Il fallait bien deux ans pour faire le deuil d’une partie de son insouciance. Heureusement, l’attente en valait la peine.
                                  
Honteusement décrié , Street Legal est un chef d’œuvre. C’est qu’en deux ans , Springsteen et Petty, ses deux fils spirituels, commençaient à lui faire de l’ombre. Alors , en toute humilité , Dylan s’est adapté aux mœurs de son temps. La beauté de son chant est à son sommet, et la production est propre comme une mélodie de Jackson Browne.

En embuscade derrière ce vernis FM , ses influences gospels , rythm n blues , et rock , entretenaient des mélodies dramatiques à faire rougir le boss au sommet de son règne. Mais une bonne part de la critique avait déjà enterré Dylan, et ne comptait pas ressortir son squelette du placard.

Et puis , en 1977 , un autre monstre sacré retenait toute l’attention. Après son service militaire , la carrière d’Elvis ne fut qu’un long déclin , illustrée par cette image pathétique de rocker bedonnant. Le déclin a brutalement pris fin dans sa demeure de Graceland , et la nouvelle fit l’effet d’une bombe. Seuls les punks se réjouirent de cette perte, il est vrai que l’homme n’était plus qu’un symbole du passé,

Mais Dylan a toujours rêvé de ressembler à Elvis, ça restera d’ailleurs son plus grand complexe. Il rassemble donc un groupe composé d’ex musiciens du king , et entre en scène vêtue de blanc, la couleur portée par son héros lors de son ultime retour.

Ses titres étaient joués avec grandiloquence, les cuivres partant dans un grand requiem poétique , une fête à la mémoire de celui sans qui rien ne serait arrivé. Issu de cet hommage, live at budokan sera éreinté par la critique, qui ne supporte pas cette instrumentation tapageuse.

Dylan avait bien échoué, il ne sonnait pas comme Elvis, il était bien trop fin pour reproduire son modèle à l’identique. Live at Budokan était sa récréation, le catharsis où il jouissait enfin du sentiment d’être un frontman au milieu d’un vrai big bang musical. C’était Elvis et Sinatra , Springsteen et  James Brown , le charisme grandiloquent allié à une poésie qu’il ne pouvait laisser de côté.

Après le concert, Dylan commença à lire une bible prêtée par son vieil ami Johnny Cash, et se réfugiait de plus en plus dans ces sermons moralistes. Le guide d’une génération se faisait alors dévot, et chargeait Marc Knopfer de mettre ses sermons en musique. La critique n’avait pas aimé, Street Legal , elle détestera slow train coming.

On pensait l’ex symbole de la liberté de conscience enfermé dans sa foi, un libre esprit retenu dans les geôles d’un obscurantisme gluant. Pourtant, l’homme n’avait pas renoué avec la religion comme un enfant se réfugiant dans les jupons de sa mère. Sa famille était juive, et c’est son parcours qui le mena au christianisme, comme il l’avait mené au folk quelques années plus tôt.
                                                         
Dieu était certes une consolation au milieu d’une période trouble, mais il s’agissait d’une consolation choisie. On peut aussi y voir une nouvelle expression de sa liberté, l’homme n’ayant pas peur de détruire son image pour suivre sa voie.

Quant à sa musique, elle creusait encore le sillon gospel rock de Street Legal. Slow train coming dispose d’un son plus épuré, qui met bien en valeur le feeling unique de Knopfer. Sa guitare n’a d’ailleurs jamais si bien sonné, elle renoue enfin avec le son du missisipi que Dire Strait défigurait. Chacun des disques de cette « trilogie chrétienne » fut un grand disque de rock.

Ce virage fut malheureusement incompris et, après avoir vécu street legal comme une soumission face à l’industrie du disque, le public considérait ces nouveaux disques comme une allégeance à une morale réactionnaire.

Des idoles sont mortes pour moins que ça et, déstabilisé par l’incompréhension qu’il engendrait , dégoûté par le nihilisme d’une époque artificielle , Dylan entama une période de presque dix ans de vide artistique.

Annoncée comme un événement historique , la tournée avec le dead ne laissera que le souvenir d’un album live d’une médiocrité honteuse. Dylan a eu peur de se retrouver statufié en symbole d’une époque, et a donc sélectionné les pires bandes, comme  si la chute de ce disque le débarrassait aussi de son encombrant passé.

On ne reviendra pas sur down on the groove , knocked out loaded, ou empire burlesque , ces disques montraient juste un homme qui se cherchait un avenir , sans savoir si il en avait encore un.  C’est Bono qui lui permit de rentrer enfin dans l’ère moderne.

En 1989 , il lui présente son producteur , avec qui le Zim va travailler sur le disque qui ouvre son nouvel âge d’or. Oh mercy fait partie de ces disques qui ont leur propre ambiance , et Dylan y reprend ce rôle de conteur qui lui va si bien. Dans les moments les plus rythmés, comme everything is broken, il parvient même à ressusciter le country rock du band.

Mais on retiendra surtout ses chroniques musicales, qui le voient enfiler le costume d’Homère moderne. Ring that bell creuse le sillon d’un folk mystique. Patti Smith n’aurait d’ailleurs pas renié sa mélodie en forme de messe païenne.

Man in the long black coat est une fresque rock digne de ballad of a thin man, la révolte en moins. Oh mercy remet Dylan en selle pour les années suivantes, et celui que tout le monde croyait fini entame un nouvel âge d’or.

Victime d’une crise cardiaque quelques années plus tard, il se nourrit de cette expérience glaçante pour enregistrer time out of mind. Disque d’un homme revenu d’un autre monde, et offrant son expérience tel un vieux sage, c’est un brulot spirituel comme il n’en a plus produit depuis les sixties.

Au moins aussi bon, love and left venait ratisser les chemins immortels du rock traditionnel, celui dont les rythmes étaient de glorieux échos du vieux blues. Soutenu par un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu, Dylan offre un disque enthousiaste après la noirceur introspective de time out of mind.

Le blues, il le retrouve encore sur « time go wrong » et « good has I’ve been to you » , disque où l’icône se mut en modeste passeur. Après ses deux recueils de reprises , il apporte sa petite pierre à l’édifice sur le sentimental « together throught life » . La voix a vieilli, et l’homme s’est imposé comme le gardien d’un temple perdu.

Je ne parle pas seulement de la musique profonde venue des studios sun , mais de cette pop exigeante, aussi travaillé dans sa musique que dans ses textes. C’est sans doute ça qui nous manquera le plus, quand le barde du Minnesota sera arrivé au bout de son « voyage sans fin ».  
    


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