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lundi 24 février 2020

Bob Dylan's dream's : episode 4


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La nouvelle parue quelques mois plus tard, Dylan venait d’avoir un accident de moto. La pression mise sur ses frêles épaules avait fini par le toucher gravement, et l’incitait à se cacher pendant plusieurs mois. Adoré par une partie du public, détesté par celle qui avait vu ses débuts, le barde était au milieu d’une pièce dont il ne voulait plus jouer le rôle principal.

Son accident lui donnait une chance d’échapper à l’hystérie qui l’entourait, et de devenir un père de famille comme les autres. On le savait pourtant déjà actif, jammant dans la cave poussiéreuse de sa maison de woodstoock , comme un ermite se préparant à renaitre. Les cassettes de ces jams s’échangeaient déjà sous le manteau, sans que l’on sache qui a bien pu capter les dernières pépites d’une mine devenue inféconde.

Ces titres électriques ne laissaient pas présager le choc qui attendait les nouveaux Dylanophiles. Le guide générationnel s’était mué en père de famille comblé, et il développait désormais une musique retranscrivant cette sérénité retrouvée.  

Sorti en 1969, après près d’un an de silence, John Whesley hardin montrait que Dylan n’était jamais où on l’attendait.

« John Whesley Hardin
Was friend to the poor
He traveled with a gun in every hand
All along the country side
He oppened many doors
But he was never know
To hurt an honnest man »

Le poète beat faisait place à un countrymen contant la vie des légendes de l’ouest, et le progressisme faisait place à la tradition, incitant le poète à nourrir sa prose de récits bibliques.

«  Well Juda , he just winked said
All right . I’ll leave you here
But you better hurry up and choose which of thoose bills you want
Before they all disepear
I’m gonna start my piking right now
Just tell me where you ll be
Judas point down the road
And said eternity »

Celui qui avait conduit ses auditeurs sur le chemin du changement brusque et sans retour, racontait des récits à la gloire chère à l’Amérique profonde. A ce titre, la nouvelle version de girl from the north country était tout un symbole. Sortie sur un « nashville skyline » encore plus Countryman et léger que son prédécesseur, elle entrait désormais dans les terres ancestrales de la country , grâce à la voix de baryton de Johnny Cash.

Dylan espérait sans doute qu’on le lâche , que son statut de guide s’évanouisse dans sa célébration country, musicalement il obtint le contraire. L’arrière garde psychédélique , qui avait grandi avec ses chanson , ne pouvait que suivre ses pas pour sauver sa peau. Cela donnera « hot tuna » , disque country blues enregistré par d’ex Jefferson airplane , le workinman’s dead du grateful dead , et sweatheart of the rodeo des Byrds.

Ajoutez à ça la reprise tonitruante de « all along the watchtower » d’Hendrix, et vous obtenez un écho qui maintient désespérément son créateur au sommet de la mêlée. Il faudra un troisième disque pour que l’artiste parvienne à effectuer son hara kiri artistique.

Sorti à peine un an après Nashville Skyline , self portrait est , dans ses meilleurs moments parcouru par un charme bluegrass rappelant vaguement le band. Mais ses rares éclats étaient noyés dans une bouillie infâme et indigeste, où Dylan chantait comme un crooner léthargique.

Alors, on crucifia l’idole, en rabâchant sans cesse l’évidence, son dernier disque était une daube putride. Le mythe fut si bien détruit, que certains pensent encore que sa carrière est réellement morte avec ce self portrait.    

Le disque ouvrit surtout la voie à new morning, album qui parvient à mettre un peu d’ordre dans le bazar grandiloquent de son prédécesseur. Le rock n’avait pas encore terminé son retour à la terre, mais celui-ci s’exprimait désormais à travers le blues abrasif de rednecks bourrus.

New morning trempait ses racines dans la même source que les contemporains de Lynyrd, mais il l’exprimait avec une classe mélodique plus apaisée. Dernier chapitre de sa période bucolique, son passage dans Pat Garett et Billy the kid ne fut pas des plus mémorable. Le film manquait de consistance, et Dylan semblait perdu au milieu de son intrigue. La bande son lui permit au moins d’écrire « knocking on heaven’s door », qui deviendra un tube planétaire.

Mais comme à son habitude, Dylan est déjà passé à autre chose quand son public découvre son dernier album.  De retour avec le band, il reprend les choses là où « blonde on blonde » les avait laissés. Sorti en 1974, Planet waves sera un de ses plus grand succès, c’était pourtant le disque le plus prévisible qu’il ait jamais écrit.

A l’image de la version country de « forever young » , le disque semble remplir un vide dans la carrière du chanteur. C’est une dernière concession faite aux nostalgiques de l’époque où il se battait pour imposer son virage électrique , un joujou pour fans nostalgiques.

Coincés entre le rock poussiéreux du band , et un reste d’influence country , Dylan mélangeait maladroitement les deux. Le band a d’ailleurs avoué qu’il avait accepté la tournée qui suivit pour renflouer ses caisses.

Dylan n’était plus à l’aise dans ces gigantesques célébrations, où le public semblait plus désireux de s’amuser que de réellement écouter sa prose. Et, du côté de sa vie personnelle , le bilan n’était pas plus brillant, et celle qui lui avait apporté un certain équilibre semblait prête à mettre les voiles. 

La longue fresque « sad eyes lady of the lowland », les rythmes bucoliques de sa période country, une bonne partie de l’âge d’or de Dylan fut influencée par la présence rassurante de Sara. Son départ progressif va influencer un nouveau virage, plus intimiste et méditatif. 

Avec Blood on the tracks , Dylan devenait le Dostoïevski du rock , mais les âmes désespérées que ses vers dessinaient n’étaient qu’une métaphore de ses tourments. Le disque fut unanimement salué comme «  le grand retour du génie Dylanien », alors que son auteur avait déjà abandonné la nostalgie de ce disque. 

Nous sommes en 1976, et une musicienne se balade dans les rues de new york avec son instrument à la main. Une voiture s’arrête près d’elle, et la conductrice lui demande si elle souhaite participer à un enregistrement au studio columbia. Cachée par son ombre, elle ne reconnait pas le passager qui semble être à l’origine de cette demande. Dylan avait embauché Scarlett Rivera simplement parce qu’elle portait cet étui à violon, violon qui illuminera la musique de desire.

L’idée menant à l’enregistrement de desire est née à Saint Marie de la mer, où Dylan était parti s’exiler quelques jours. Le soleil était à son Zenith , et ses rayons éclairaient une plage proche des décors de cartes postales. Un rassemblement attira son attention. Les gens du voyage étaient venus célébrer leur liberté sur cette plage, et leur joie attirait le poète.

Le voilà donc au milieu au milieu de chants mystiques, blues tzigane irrésistiblement festif. Alors forcément, quand il dit qu’il est musicien à une audience qui ne le connait même pas de nom, on lui tend généreusement une guitare. Il invente donc une mélodie enivrante, et les mots lui viennent si naturellement , qu’il semble possédé par un esprit supérieur.
                                                 
« One more cup of cofee for the road
One more cup of cofee where I go
To the valley bellow »

Ce jour-là, au milieu de ces gens qui ne connaissaient pas son nom, Dylan a retrouvé la joie de jouer pour le plaisir. Si chaque auditeur tente désespérément de retrouver les sensations procurées par son premier coup de cœur musical, le musicien lutte pour garder la fraîcheur de ses débuts. 

L’artiste n’est jamais aussi bon que quand il est pris d’une frénésie créatrice. Les œuvres qu’il produit peuvent alors être un peu bâclées, son esprit partant taquiner d’autres muses avant de terminer son ouvrage. Mais l’esquisse qui naît ainsi est dotée d’un charme qui aurait été tué par un processus plus méticuleux. Notre culture n’est, en fin de compte, qu’un amas de brouillons fascinants.

C’est précisément cette frénésie qui fit naître « desire », alors que blood on the traks n’était dans les bacs que depuis quelques mois. Le fossé qui sépare les deux œuvres est impressionnant. Torturé et grave, blood on the tracks est un disque introspectif, dont la sobriété renforce la puissance émotionnelle.

Desire , au contraire , est un disque électrique , festif , et foisonnant. C’est la célébration d’un homme qui a trouvé une nouvelle voie, et la folie de ses débuts. Quand il a fallut promouvoir le disque , Dylan refusa clairement de retrouver la grandiloquence vulgaire des tournées des stades.

Il recontacta Joan Baez , qu’il n’avait plus vue depuis son retour d’Angleterre , ainsi que Roger Mcguinn , et une poignée d’amis recrutés sur la route. Voilà donc nos clochards célestes embarqués dans un van, tels de jeunes idéalistes à la recherche de la gloire.

La rollin thunder revue était une catastrophe financière, en grande partie financée par Dylan lui-même. Mais c’est justement ce que son initiateur cherchait, il voulait retrouver l’énergie de celui qui lutte pour imposer son art.

Les premiers concerts furent grandioses, une expression de liberté comme le rock en connaîtra de moins en moins. Placé en ouverture, « When I paint my masterpiece » était une bluette nostalgique introduisant parfaitement la cérémonie.

Nostalgique , cette tournée l’était en partie. Le point d’orgue du concert était d’ailleurs le duo Dylan Baez , le roi et la reine de la folk ressuscitant le temps d’une tournée. Baez n’a d’ailleurs jamais si bien chanté que sur ce « dark as donjons » poignant, il faut dire que le groupe développait une folk spirituelle des plus raffinées.

Quelques minutes plus tard, la performance se concluait sur « this land is your land » , où Dylan rend hommage à Guthrie , en compagnie de Jonie Mitchell et Roger Mcguinn. Cette chorale finale représentait bien l’esprit bon enfant d’une tournée aussi spontanée que mythique.

Certains purent surtout se délecter des meilleurs versions de classiques du répertoire Dylanien, comme « sad eyes lady of the lowland », « tumbled up in blues » , et autres brûlots lyriques réadaptés par un groupe bluegrass folk.

Mais les lois du marché sont impénétrables, et le déficit força Dylan à côtoyer de nouveau les stades qu’il maudissait. De ce retour forcé naîtra « hard rain » , un live terne et déprimant comme un lendemain de fête. Il faudra deux ans pour que Dylan fasse le deuil de cette période magnifique, deux années de silence totale.

            

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