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samedi 22 février 2020

Bob dylan's dream : partie 3


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A partir de là, les évènements s’enchaînèrent à une vitesse folle. « The freewhelin Bob Dylan » fut enregistré au studio A de Columbia, et réussit à conquérir les foules avec une folk authentique mais plus lisse. Le fossé qui sépare ce disque du précèdent est déjà énorme. Dylan a abandonné les reprises appliquées, pour développer sa propre voie, qui était aussi celle de sa génération.

Le succès du disque lui permettait de quitter les hootenanies , ces réunions de folk singer habités par la pureté de leur art , pour débarquer au festival de Newport. Kennedy était encore à la maison blanche, et son mandat nourrissait les rêves d’une jeunesse qui voulait croire aux lendemains qui chantent.

Derrière l’ascension du grand Bob, il y’avait Joan Baez, qui était déjà au sommet de sa gloire lyrique. C’est avec elle qu’il offrit au spectateur le plus beau moment de ce festival :

« A bullet in the back of a bust took Medgar’s Ever blood
A fire fired the trigger to his name
A handle hid out in the dark
A hand set the spark
Two eyes took the aim
Behind a man’s brain
But he can’t be blame
He’s only a pawn in their game »

Dylan ne le sait pas encore, mais ces mots prendront une dimension prophétique, quand l’espoir au pouvoir sera foudroyé d’une balle dans la tête.

« Seulement un pion dans leur jeu », tout le monde comprit la leçon dispensée ce soir-là. Si, comme le disent ses vers, chacun peut avoir participé à la construction d’un criminel, alors le crime ne peut être qu’une œuvre collective. C’est le sens de ce festival de Newport, et de ses petits frères Woodstock, isle de Wight , et glastonburry, exorciser cette violence que la société nourrit inconsciemment.  

Ce moment va aussi conditionner la perception qu’on aura de Dylan pendant les années à venir, perception que l’intéressé rejettera toujours. Le costume de guide d’une génération ne convenait pas à son caractère farouchement indépendant. D’ailleurs, alors qu’une partie de sa génération commence à le déifier, Dylan a déjà la tête ailleurs.    

En 1964 , des Beatles au sommet de leur gloire rencontrent le barde de New York. Si les ventes de Bob Dylan restaient modestes par rapport à ses amis anglais, sa réputation avait tout de même traversé l’atlantique.

Venu conquérir le pays de l’oncle Sam, le groupe de John Lennon déclencha une hystérie qui le dégoûta de la scène. Dans sa chambre d’hôtel, Dylan offrit aux quatre de Liverpool leurs premiers joints, pendant que Lennon passait ses disques de Buddy Holly.

Pour les Beatles , la révélation se trouve dans les délires provoqués par la fumette , délires qui furent la première influence qui mènera à l’enregistrement de sergent pepper. Dylan, lui, était scotché aux mélodies déversées par l’électrophone. Sa nouvelle voie venait de lui être révélée, il fera du rock.

Mais comment évoluer vers cette musique plus directe sans se renier totalement ?
                                                                                                                 
Les puristes du folk ne l’effrayaient pas , sa décision était prise, mais il cherchait son propre swing. Et c’est un de ses descendants qui lui montrera la voie.
Les Byrds s’étaient formés après avoir vu le film « a hard day night » des beatles, et enregistraient leur premiers titres dans les mêmes studios que Dylan. Passant devant leur salle d’enregistrement, le Zimm reconnut « Mr Tambourine man », ce folk  nourri par le surréalisme de Dylan Thomas , qu’il chantait à chaque concert. 

«  Hey Mr Tambourine play a song for me
I’m not sleepy and there is no place I’m going to
Hey Mr tambourine play a song for me
In the Jingle jangle morning I’me come followin you »

Ces mots étaient entrés dans la légende, et trouvaient désormais un accompagnement aussi fort que leurs glorieuses visions. Les Byrds lui firent l’effet d’alchimistes fascinants, inventant un nouveau culte en mélangeant sa prose à la beauté électrique venue de Liverpool. 

Cette découverte l’enthousiasma tant qu’il courut enregistrer sa propre version électrique. Bouclé en urgence, « brin git all back home » sortit en 1965, quelques jours avant le single des Byrds. Ralenti par une série de déboire avec Columbia, le groupe de David Crosby s’était fait doubler par son idole.

Dans le milieu très conservateur du folk, on s’offusqua de voir que Dylan avait vendu son âme à la fée électricité. Ce que Dylan « ramenait à la maison », c’est le son vulgaire et bruyant du rock commercial anglais.

Les puristes voyaient le folk comme un archipel accessible uniquement aux initiés, et voilà que leur principal porte-parole vendait les clefs du temple. Et ce n’est pas ce film, où il apparait en compagnie de Ginsberg, ni la beauté foudroyante  de vers dignes de « howl » , qui allait apaiser ces illuminés.

La même année, il s’était rapproché de Mike Bloomfield, qui vint illuminer sa poésie à grands coups de riffs bluesy. Plus grand guitariste de son époque, Bloomfield montrait ainsi la voie du folk rock, après avoir initié le rock psychédélique sur « east west » , le second album du blues band de Paul Butterfield.

Drapé dans le groove hargneux de son nouveau guitariste, Dylan pouvait cracher à la figure de ses détracteurs avec classe. « higway 61 » représentait le sommet de ce mélange de rock et de poésie qui fait désormais sa gloire, c’est un road trip musical, « sur la route » version rock. Au milieu de ce voyage, ses mots étaient lancés comme des obus venant abattre les murs du conservatisme :
                        
« You walk into the room
With your pencil in your hand
You see somebody naked and you say Who’s that man
You try so hard
But you don’t understand
Just what you’ll say
When you get home
Because there is somethin happenin here
But you don’t know what it is
Do you , Mister Jones »

Mister Jones désignait tout ceux qui, consciemment ou par bêtise, restaient en gare alors que le train du progrès poursuivait son ascension glorieuse. Lointain écho de « the time they are changin » , ballad of a thin man était un blues électrique d’une puissance remarquable. Ce qui constituait un autre affront fait aux ayatollahs du folk.  
Les concerts suivants furent de véritables combats, où Dylan et son groupe accentuaient la violence de leur rock, pour imposer la révolution en marche. Menacé de mort, traité de judas sur scène , Dylan transforme cette tension en énergie créatrice.

«  They stone you when you’re tryin to be so good
They stone you ya juste like they say they would
They’ll stone you when you try to go home
Then they’ll stone you when you’re all alone
But I would not feel so all alone
Everebody must get stone »

Jeu de mot entre le terme lapider et le fait d’être défoncé, ce titre, ouvrant ce qui restera son chef d’œuvre ultime, annonce la hargne d’un homme qui sait qu’il vient de gagner son combat. Blonde on blonde sortit en 1966, et ces vers montrent un homme passé de la colère au mépris.

Il sait que ce disque, plus qu’aucun autre, fera date, c’est un monument nourri par l’incompréhension qui l’entourait, une œuvre dépassant les codes du rock pour créer une véritable poésie musicale.  Derrière lui, le band est venu donner plus de consistance à ses rêves provocateurs. Un groupe formidable venait de naitre, et pourtant il vivait déjà ses dernières heures.
   

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