Nous sommes dans les
années 90, dernière décennie où le rock est le centre des préoccupations de la
jeunesse. Le grunge était au sommet, et Cobain devint vite son christ sacrifié
sur l’hôtel du show business. Le mouvement ne survivra pas à la mort de nirvana,
et la disparition de ses grondements dépressifs fit rapidement naître un
mouvement plus puriste.
C’est the cult qui
redécouvrent le hard rock , les guns qui remplissent encore les stades pendant quelques mois , et les vieux routards retrouvant un peu de leurs superbes. Bref,
le rock était encore vivant, et le restera jusqu’au début des années 2000.
Pendant ce temps, Gary Clark
Jr faisait humblement ses classes au Joe’s Bar , au Texas. La ville a déjà donné
au blues son dernier enfant prodige, Stevie Ray Vaughan, que le jeune homme idolâtre
autant qu’Howlin Wolf et BB King. Il répéte inlassablement son patrimoine musical,
prostré sur sa guitare , comme si il était en quête de rédemption.
Le blues , Gary Clark l’a
connu dès ses 14 ans , quand son père à trouvé la mort sur une de ces grandes
routes, qui fait la fierté de l’Amérique. Sa mère enchaînait les petits boulots,
femme de ménage, ouvrière à la chaine ,
tous les travaux épuisant que l’on réserve aux oubliés du rêve
américain. Dans cette optique, le blues fut une libération, et il suivit les
leçons de guitare de son grand père comme l’on s’accroche à une bouée de
sauvetage.
Au fil des concerts payés
à coup de pourboires minables, le jeune homme a acquis ce feeling déchirant, ce
cri de damné d’un homme revenu des limbes. Sa route a d’abord croisé celle d’Albert
King , planté dans sa cuisine alors qu’il revenait de l’école.
Gary Clark n’avait que 16
ans , mais il se rappellera toujours ce soir , où après avoir fini sa journée
de boulot, son grand-père l’emmena à un de ses premiers concerts. Sur scène, il
reconnut rapidement l’homme qu’il avait croisé quelques minutes plus tôt. Son
jeu était aussi imposant que son gabarit, comme si toute la puissance de ce
corps immense s’exprimait à travers son instrument.
Le blues n’est pas une
musique qui se joue, elle se vit, et il retiendra cette leçon tout au long de
son parcours. En plus de ses petits concerts sous-payés , Gary commençait à
bosser pour le cinéma , produisant la musique de quelques films underground. Sa
notoriété enfle rapidement, au point que l’homme embarque tout le gotta du
blues originel, dans une tournée de quelques dates.
Steevie Ray Vaughan le
conseille ensuite à Eric Clapton, qui le programme lors de son Crossroad guitar
festival. Celui qui n’était personne quelques secondes auparavant eut le culot de
jouer une de ses compositions, scotchant un auditoire qui en avait pourtant vu d’autre. Son « Brights light » était bien plus qu’un énième brulôt
revival, c’était la puissance hendrixienne rencontrant le groove de Jimmy Reed.
Live sort en 2014, alors
que Gary Clark a su obtenir une liberté artistique devenue rare. Enregistré à
Los Angeles , son premier album montrait un artiste imbibé de tout un héritage
funk , blues et rock. Malheureusement, la production très moderne de ce premier
essai déçut une bonne part de ses premiers admirateurs.
Ceux-ci pouvaient se rabattre
sur ses concerts où, libéré de tout artifice pompeux, le jeune prodige pouvait
exprimer toutes les subtilités de son jeu lumineux. Ce live exprime la
puissance crue d’un homme dépouillant Hendrix de ses fuzz superflus, déchirant
le blues de ses solos funkys, et lâchant des charges hard blues à faire rougir
Jack White.
Introduit par une version
plombée du riff de come together, numb est un blues électrique dépouillé jusqu’à
l’os , qui pourrait bien renvoyer l’ex White Stripes dans son magasin de
Detroit.
C’est que l’homme a
remplacé la fureur stoogienne de Jack White par un groove digne du band of
gypsys au fillmore. Ecoutez la rythmique irrésistible de ain’t messin round ,
ça groove comme Sly and the family stones sur la scène de Woodstock.
Alors oui , l’homme a
commencé par flatter le conservateur moyen , qui ne se doutait pas que catfish
blues ne servait qu’à le prendre dans ses filets.L’homme le connait ce spleen
de ramasseur de coton, il l’a assez joué pour gagner ses premiers cachets. Alors,
forcément, il parvient à développer la même solennité mélodique que ses modèles.
Gary Clark reste avant tout
un bluesmen, et if trouble was money est doté d’une puissance lascive que l’on
croyait réservée à Billy Gibbons. Dans les solos, sa guitare se révolte, hurle
qu’elle est bien plus qu’une copie particulièrement réussie. Les notes s’enchaînent
sans se marcher dessus, torrent millimétré faisant résonner une virtuosité
inédite.
On attend encore que cette
puissance, qui s’inscrit dans une tradition sans la rabâcher, s’épanouisse pleinement dans l’espace plus restrictif des studios d’enregistrements.
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