Ca y’est, Brian
Jones n’est plus un stones ! Même si il dit à qui veut l’entendre qu’il a
claqué la porte, tout le monde sait que les autres ont fini par le virer. Il n’était
déjà plus là à Altamont , et c’est l’ex bluesbreaker Mick Taylor qui a pris la
place vacante.
Rory Gallagher
était pressentit pour prendre la place, mais il préféra tracer sa route en
solo. Bien que mal aimé, Mick Taylor a permis au groupe d’entrer dans son
dernier âge d’or. Comble de l’ironie , ce virage sera visible pour la première
fois lors du concert que le groupe organisa en hommage à son ex leader à Hyde
Park.
Brian Jones avait
fini par noyer ses névroses dans la piscine de sa villa , et le concert devait
saluer son importance dans l’histoire du groupe. Devant une foule post Hippies,
le jeu plus soliste du nouveau venu semblait faire entrer les stones dans l’ère
du hard rock.
Get yer ya ya’s
out confirme ce début de métamorphose, ce départ vers un rock plus riche et
incisif. Sorti en 1970 , quelques mois seulement après la mort de Brian Jones,
il montre un Keith partageant les solos avec le nouveau venu. Il abandonne
ainsi le son des guitares jumelles, qui fit la grandeur des stones jusque-là.
Dans le même temps,
les Beatles avaient disparu, laissant les stones seuls sur le toit du monde.
Alors ils enfoncèrent le clou, en produisant le monument toxique d’une époque
de désillusion. Si le chaos d’altamont était le premier poignard planté dans le
dos du rêve hippie, le massacre de la Manson family sonna son coup de grâce. Avec Sticky fingers , les stones dansent sur
la tombe de l’insouciance passée, et concrétisent l’avènement d’une époque
nihiliste, déjà annoncée par le premier album du Velvet Underground.
C’est d’ailleurs
Andy Warhol qui est chargé d’emballer cette musique corrosive. La pochette représentant
un pantalon étiré par une bosse démesurée deviendra aussi culte que celle du
Velvet Underground and Nico. Elle montre un point de vue plus cru, une musique
qui est au rock ce que Bukowski est à la littérature, le monument provocateur
qui déteindra sur tout ce qui va suivre.
Les paroles
viennent des bas-fonds, elles expriment l’envie de destruction de l’époque, ce désespoir
qu’Al Pacino incarna dans son premier rôle. La beauté de dead flower ou sister
morphine a l’attrait des substances toxiques qu’elle semble dépeindre. Quand
Keith affirme, dans le refrain de dead flower « you can send me dead
flower every morning » , on se doute qu’il ne parle pas de jonquilles.
« Brown
sugar » joue ensuite sur un double sens narcotique et sexuel , son sucre
brun qualifiant aussi bien une certaine drogue , qu’une certaine partie de l’anatomie
de sa petite amie de l’époque.
Les stones
poursuivent leurs réadaptations du vocabulaire blues, les cris libidineux de
Hooker et autre Muddy Waters faisant place à un propos plus sombre. La musique
aussi s’adapte, et le swing devient plus agressif et démonstratif. Ce rock est
le canevas autour duquel aerosmith va broder au début de sa carrière.
Je ne parle même
pas de Humble Pie , réunion de rockers libérés des pompeuses expérimentations psychédéliques , et célébrant leur liberté dans le rock le plus brut. Sans oublier Rory
Gallagher , dont la carrière solo décolle dès 1973 , grâce aux décharges groovy
de tatoo. C’est comme si, à force de répéter les leçons des maitres du blues en
trois accords, les stones avaient fini par écrire les tables de la loi du blues
seventies.
Ils prolongeront
un peu cette fin de règne avec exil on the main street. On a beaucoup critiqué
la production brouillonne de ce disque, mais elle lui donne le charme des vieux
Leadbeally. Sur ce dernier monument, les stones font feu de tout bois , passant
du rock au gospel , en faisant un détour par la country.
A les entendre,
on a l’impression qu’ils sentent déjà que quelque chose se termine. Le disque
sonne comme un vieux film en noir et blanc, le témoin d’une splendeur déjà
révolue.
Certes , le
groupe sortira encore quelques bons albums par la suite , mais aucun n’atteindra
le niveau de aftermath , sticky finger , beggars banquet , let it bleed et
exil. Et si, aujourd’hui encore, des milliers de personnes se précipitent à
leurs concerts, c’est pour entendre ces titres.
C’est là, dans l’espace
gigantesque de stades pleins à craquer, que le plus grand groupe du monde ne
déçoit jamais.
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