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samedi 28 mars 2020

Lou Reed : The Image of the poet in the breaze partie 2

The Velvet Underground - New Age [Live] - YouTube


Malgré toute son admiration pour Lou , Andy pense qu’il n’a pas assez de charisme. Il faut au groupe une figure capable d’attirer l’attention, une devanture attirante. Il impose donc Nico comme chanteuse, et commence à projeter ses films pendant les prestations du groupe. Le velvet devient ainsi « the velvet underground and Nico », et son show mêlant cinéma avant gardiste et rock attire un parterre de snobs mondains.

A cette époque, le public venait surtout voir « la dernière œuvre de Warhol ». C’est d’ailleurs sa notoriété qui permet au groupe d’aller chercher en Californie le succès que New York refuse de lui offrir. Là plus qu’ailleurs, il essuie le mépris des hippies, et les moqueries des mothers of invention.

Le groupe de Frank Zappa était engagé pour faire sa première partie , mais Zappa ne supportait pas les œuvres prétentieuses issues de la factory. Il transforma donc ses show en lynchages humoristiques applaudit par une foule acquise à sa cause. Cet incident eut au moins le mérite de prouver l’inutilité de Nico. Celle-ci avait beau chanter comme une Grace Slick bas de gamme, le public avait vite compris qu’elle était hors sujet.

Sorti quelques mois plus tard, en 1967 , « the velvet underground and nico » ne fait qu’accentuer cette séparation. Le disque, lui, est un monument. Emballé dans une pochette signée Warhol, il immortalise le génie visionnaire du duo Reed/ Cale.

La prose Reedienne atteint son sommet sur « I ‘m waiting for my man », sorte de version musicale des récits décadents de Burroughs. La scène d’intro est aussi mythique que « le festin nu » ou « junkie ».

« I’m waiting for my man
26 dollards in my hand
Up to Lexinton 125
Feelin sick and dirty more dead than alive
I’m waiting for the man »

Les mots plantent si bien le décor, qu’on a l’impression d’attendre à côté du narrateur. Derrière le poète, Moe Tucker et John Cale élaborent un swing nihiliste, un groove toxique et menaçant. Les titres laissés à Lou Reed sont les meilleurs, ceux où le velvet semble poser les bases de ce que sera le rock des seventies. 

« run, run,run » est une réinvention du beat primaire de Bo Diddley, le factory beat succédant au jungle beat. Et puis, pour se venger de l’égérie allemande qui l’a plaqué quelques jours plus tôt, Lou récupère « Sunday Morning » .

On ne le remerciera jamais assez d’avoir sauvé cette mélodie paranoïaque des griffes de la Castafiore léthargique. Le fait que Lou Reed la chante d’une voix presque féminine rend cette berceuse toxique encore plus dérangeante. Le velvet subvertit la pop en utilisant ses propres armes, et fait preuve d’un talent mélodique qui n’a rien à envier aux beach boys et autres beatles. 

« the velvet underground and nico » représente le rock dans ce qu’il a de plus basique, un minimalisme plein d’ambition. Peu de gens écoutèrent le disque lors de sa sortie, mais la légende dit que tous fondèrent un groupe.

Le manque de succès, et l’échec commercial de l’album, créent une tension intenable entre le groupe et son mécène. Comme si cela ne suffisait pas, Nico commence à avoir des rêves de gloire , et exige de chanter tous les titres sur scène.  Acquis à sa cause, Warhol l’éclaire d’une lumière blanche sur scène , pendant que Lou Reed est caché à l’arrière-plan. Warhol perd énormément d’argent avec le Velvet, et considère encore que sa potiche allemande peut sortir le groupe du caniveau.

Le rock ne l’intéresse pas, il voit juste dans ce groupe un moyen de rester dans le coup, ce qui ne l’empêche pas de  nourrir d’autres projets. Ainsi, peu après la sortie de l’album, Warhol s’envole pour Cannes, où il doit présenter son dernier film. Plus attiré par l’aura de l’artiste que par la musique du groupe , Nico en profite pour partir en vacances à Ibiza. 

Le Velvet effectue quelques concerts sans eux, et Lou prend enfin la place de leader qu’il mérite. Résultat, quand l’artiste et sa potiche reviennent à l’improviste, Lou les renvoi à leurs occupations.

La scène se passait quelques minutes avant que le groupe entre en scène, et Lou n’était pas prêt à revenir sagement derrière une chanteuse sans talent. Pour lui, il ne faisait qu’appliquer le conseil implicite que lui donna Warhol lorsqu’il lui dit «  Si tu continues avec moi , ta carrière se limitera aux vernissages et aux expos d’art contemporain ».

Furieux de perdre le groupe pour lequel il avait tant investi, Warhol pique une crise mémorable. Il acceptera tous de même de rompre le contrat que le groupe avait signé avec lui. Lou lui avait promis de lui léguer 25 pourcents des droits lorsque le velvet deviendrait rentable. Prise sans le consentement des autres musiciens, cette promesse ne sera jamais tenue.

1967 sera une année noire pour le velvet. Le premier disque du groupe disparait des bacs quelques jours seulement après sa sortie. Il est remplacé par des oeuvres plus populaires , tel que sgt pepper , pet sound , et autres sucreries pop.

Le Velvet nageait contre le courant, sa musique se noyait dans le flot de chef d’œuvre hédonistes. Mais ce rejet ne faisait que nourrir une tension qui l’amenait à radicaliser sa musique.  

Affublé de lunettes noires, le groupe donnait des concerts de plus en plus violents, comme si la puissance de leur rock nihiliste devait couvrir le flot de niaiseries pop. De retour en studio, il se contente de restituer la tension accumulée sur scène, lors d’improvisations assourdissantes.

Fruit de ce grand défouloir, « white light white heat » annonce la couleur dès le morceau titre. Pur moment de rock n roll joué à une vitesse sidérante, ce titre fait partie des bases sur lesquelles le rock de Détroit construira sa légende.
Le groupe sait aussi ménager ses effets, et se sert d’une jam jouée en concert pour planter le décor de « the gift ». Lou martèle les trois accords de base du rock n roll dans une boucle hypnotique, laissant John Cale déclamer son récit décadent.

La voix de Cale sort du canal de gauche, pendant que la musique se déverse dans le canal de droite. Cette séparation donne vraiment l’impression d’être plongé dans cette sombre histoire de meurtre involontaire. 

White light white heat est plus radical aussi dans ses textes, comme le montre « lady gogiva opération. Grand mythe anglais du Moyen Age, Lady Gogiva était une femme noble qui, convaincue que sa beauté parfaite constituait une œuvre d’art, parcourait les routes nue pour l’exposer aux paysans. 

La musique annonce d’entrée que Lou Reed n’est pas en train de restituer ce conte moyenâgeux. Plus violente que jamais, la partie instrumentale semble exprimer une douleur insoutenable.

« Le chirurgien arrive avec le bistouri , toute sa panoplie
Considère cette excroissance comme un chou
Qui sans plus tarder
Doit être coupé »

Et là l’auditeur comprend qu’il assiste à l’avortement de la nymphe mythique. Après un tel choc, « here she come now » s’apparente à une fleur au milieu d’un mont de cadavres. La mélodie superbe montre une nouvelle fois que Lou Reed n’a rien à envier aux grands songwritters de son temps.

Le repos est de courte durée, et « I hear her call my name » reprend les choses là où le morceau titre les avait laissés. Ce titre est un rock paranoïaque où Lou Reed s’impose comme le bourreau des sixties. Ses solos déchirent la naïveté de son époque, ce sont des salves tonitruantes sensées nettoyer les oreilles innocentes de la guimauve populaire.

Puis cette violence atteint son sumum sur sister ray , véritable éruption électrique que Détroit tentera désespérément de reproduire. En radicalisant sa musique, le velvet a réussi à produire un monument sonore encore plus essentiel que son petit frère à la banane.   

Mais la chute continue, l’album se vend encore moins, et Lou Reed prépare la prochaine épuration du Velvet.


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