Sally can’t dance est enregistré rapidement, et représente le premier fourvoiement de Lou Reed. Bien conscient qu’il vient de publier son plus gros navet musical, il s’empresse de le descendre à chaque interview.
Selon-lui, le disque n’a
été produit que pour inciter MGM à ressortir les disques du velvet underground.
De ce point de vue, « sally can’t dance » remplit parfaitement son rôle,
et la maison de disque s’empresse de ressortir l’œuvre du velvet. En bonus, un
double live du groupe sort sous le titre de « live 1969 », il sera
réédité plus tard sur deux cd hautement recommandables.
Sally can’t dance est vite
devenu le disque le plus vendu du répertoire Reedien , déclenchant une
avalanche de sarcasmes de la part de son auteur. « Plus je suis mauvais ,
plus ça se vend » déclare t’il. On ne peut pas lui donner tort, tant sally
can’t dance est un disque plat et sans personnalité , comme si Lou avait
laissé quelqu’un d’autre confectionner la musique capable de soutenir sa
prose.
Alors sa rage renaît, son
succès n’est dû qu’au conformisme béat de moutons abrutis. Il entre alors en
studio pour préparer sa riposte, une compile des improvisations stridentes
qu’il s’amuse à produire pour passer le temps. Il en tire un double album
volontairement insipide, qu’il s’empresse de faire écouter à ses producteurs.
Dès les premières notes,
les dirigeants de RCA deviennent aussi blancs que leur poulain héroïnomane. Ils prennent tout de même leur mal en patience, une mélodie finira peut-être par
sortir de ce capharnaüm métallique. Leurs espoirs sont vite déçus et , amusé
par son coup d’éclat , Lou sort de la pièce pour éclater de rire.
Il a réussi son coup , sa
maison de disque est prise à son propre jeu. Le contrat qu’elle avait signée obligeait MGM à sortir ce suicide commercial. Alors les producteurs tentèrent
de bricoler, pour limiter les pertes. « metal machine music » est illustré
par une photo de concert de Lou, laissant ainsi penser qu’il s’agit d’un petit
frère de « rock n roll animal ».
Lester Bang aura beau
qualifier l’album de « chef d’œuvre », voir metal machine music
comme autre chose qu’une mauvaise blague est une aberration absolue. Ne
souhaitant pas justifier cette horreur, son auteur se contente d’en rajouter
une couche.
« Quand vous allez
voir un film d’horreur , vous y allez pour être agressé toutes les 15 minutes .
Et bien metal machine music ne vous laisse même pas ces 15 minutes de
répit. » Voilà ce qu’est metal machine music , l’agression d’un artiste en
guerre contre son public. Avec ce disque, Lou semblait vouloir dire
« Puis ce que vous ne comprenez rien, je vais tout détruire. » Et il
a bien failli y parvenir.
Devenu paranoïaque à
cause de sa consommation de drogues, Lou ne parvient plus à monter sur scène.
Pour éviter de trop lourdes pertes, Doug Yule le remplace sur les concerts
suivants. Mais Lou ne veut pas de nouveau perdre le contrôle de sa carrière, et
met rapidement fin à sa tournée.
Bien décider à récupérer
son investissement, RCA lui rappelle qu’il a une dette de 600 000 dollars
envers le label, et qu’ils ne le produiront plus tant que cette somme n’a pas
été remboursée. Au pied du mur, Lou parvient à trouver un arrangement avec le
patron du label.
Il s’engage à produire un
nouvel album plus commercial, et le label le loge en le payant 15 dollars par jours.
Pressé de sauver sa peau, Lou entre immédiatement en studio, et reprend la
méthode qui a fait les grandes heures du Velvet.
Les musiciens jament
librement pendant que les bandes tournent , et le producteur se contente de
sélectionner les meilleurs moments. Les paroles sont elles aussi écrites dans
le feu de l’action, et le disque est bouclé en quelques jours.
S’il est difficile d’extraire
un disque de la grande œuvre Reedienne, « cosney island baby »
est sans doute un de ses plus grands albums. C’est le disque de l’apaisement,
celui où la violence de « kicks » cohabite harmonieusement avec la
douceur nostalgique de cosney island baby.
Le son moelleux et
voluptueux de l’album enrobe les riffs d’un Lou Reed au sommet de son swing. On
ne saura d’ailleurs trop recommander l’écoute du vinyle, qui restitue bien
mieux le feeling de ce grand guitariste que la version CD bien trop lisse.
Lou a réussi à produire un
album personnel, tout en tricotant des mélodies classieuses aptes à séduire le
grand public. Le succès est tel que Lou sortira un second disque dans la même veine,
« rock n roll heart ».
Les cosney island baby et
rock n roll heart sont, avec Berlin, les plus grands aboutissements de Lou Reed
. Il n’ont pas la maladresse du premier album, ni la superficialité glam de
transformer, ce sont des œuvres pures et sincères.
Malheureusement, l’époque
a déjà changé, et « rock n roll heart » sort en pleine invasion punk.
Tous ces jeunes eurent leur révélation en suivant les débuts du dandy de new
York , et ne comprennent pas qu’il ait abandonné sa verve nihiliste. Qu’ils se rassurent,
tonton Lou ne va pas tarder à déterrer la hache de guerre.
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