Fils de pasteur , Don
Covay se tourne naturellement vers le gospel. A une époque où la pop commence à
s’épanouir, il quitte vite ses chants pieux pour surfer sur le succès du doo
woop. C’est ainsi qu’il forme son premier groupe, the rainbow , et est récupéré
par le label stax. Il découvre toute une série d’artistes ayant la même culture
musicale que lui, des artistes nourris par le gospel et le blues. Parmi eux,
Little Richard l’embauche comme chauffeur, avant de le choisir pour effectuer
la première partie de ses concerts.
Le pianiste moustachu est
un demi dieu, celui qui apporta le rock n roll au monde. Influencé par son patron,
Covay joue une musique plus proche du rythm n blues , il renoue avec ses racines.
Après tout, Little Richard n’a fait que prendre le blues, le jouer à une
vitesse affolante, et servir le résultat à une jeunesse qui n’attendait que ça.
Cette expérience lui
apprend aussi comment écrire une bonne chanson, et l’élève dépasse vite le
maître. « Pony Time » devient un classique grâce à l’interprétation
de Chubby Cheker , et Wilson Picket pioche régulièrement dans ses inventions
géniales. Encouragé par le succès que ses titres procurent aux autres, Don Covay
décide de les porter lui-même. Il s’accompagne donc d’un autre ex musicien de
Little Richard, qui n’a pas encore adopté son look de voodoo child. Hendrix n’est
personne quand il pose sa guitare sur le « mercy mercy » de Don Covay
, juste un clin d’œil de l’histoire à son fils maudit.
Little Richard avait
renvoyé le jeune Hendrix par peur que celui-ci ne lui fasse de l’ombre, l’avenir
lui donnera raison. Alors que celui qui jouait humblement de la guitare sur un
de ses titres se prépare à conquérir le monde, les deux premiers albums de Don
Covay sortent dans l’indifférence générale.
Dégouté , Covay se cache
de nouveau derrière les grands noms de son label. Ottis Redding , Aretha
Franklin , les artistes les plus prestigieux du label atteignent un nouvel âge
d’or grâce à lui. Don Covay n’a pourtant pas abandonné tout espoir et , dans l’ombre
de ses interprètes , il prépare ce qui restera sa grande œuvre. L’époque
semblait appeler sa musique, le modernisme qui le mit à terre était mourant.
La fin des sixties est
marqué par un atterrissage de la génération psychédélique , qui ne jure plus
que par la profondeur des grandes musiques américaines. Les frères Allman ont
allumé un brasier dont les premières braises furent attisées par la génération
peace and love. American beauty , hot tuna , sweetheart of the rodeo,
correspondaient à la même réaction affolée d’un rock qui commençait à perdre
pied. Ceux qui voulaient inventer de nouveaux sons rêvaient désormais de folk bucolique,
de country mélodique, et de blues rythmés. Les anglais vivent le même
bouleversement à travers le retour aux sources des stones.
The house of blue light fait plus que suivre
ce retour à la terre, il le réinvente. C’est un disque visionnaire, un hôtel
qui sera ensuite largement pillé. Placé en ouverture, « key to the highway »
est la révélation qui illuminera la carrière d’Eric Clapton. Ce n’est pas pour
rien que son super groupe, Derek and the dominos, reprendra ce titre sur l’album
Layla. La version de Covay contenait déjà le groove bluesy qui fera la grandeur
de Layla and other assorted love song.
Un peu plus loin, but I
forgive you montre le chemin aux stones. Ce boogie blues gras est le modèle sur
lequel le groupe de Keith Richard calquera une bonne partie d’exile on the main
street. On peut d’ailleurs presque voir dans cette pop bluesy une version plus
cohérente du monument stonien.
Sommet de l’album , le
morceau titre est le seul morceau que les pillards anglais ne pourront s’approprier.
Ce blues spirituel fait le lien entre le psychédélisme mourant et le nouveau
blues à venir, les dernières traces des rêves passés et la beauté terreuse du
futur. L’avenir était déjà là, radieux, mais se sont encore les autres qui en
récolteront les fruits.
House of blue light fait
donc un bide, et il ne faudra que quelques mois pour que des versions frelatées
de sa splendeur pop blues atteignent le sommet des charts. Résigné Don Covay
finit par mettre définitivement son talent au service des autres, négligeant
une carrière qui ne veut pas décoller, pour devenir directeur artistique de
Mercury record.
Il avait de toute façon
tout dit, et préférait le statut de génie incompris à celui de looser
désespéré.
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