Si cet engouement éclipse
la sortie de Sea of coward , on ne peut réellement regretter que ce disque soit
passé aux oubliettes. En prolongeant le rock macabre de horeround , sea of
coward en a émoussé le tranchant. Le groupe est désormais bien en place, chacun
a pris ses marques , et les vieux réflexes tuent l’originalité de sa musique.
Premier fautif, Dean Fertita a pris ses aises, et sa guitare prend largement le
pas sur les décors sombres mis en place par le synthé.
Résultat, dans ses moments
les plus violents , les dead Weathers ressemblent presque à ces groupes, qui
réadaptent le heavy rock de black sabbath. Dans les passages plus posés, seule la voix
caverneuse de Mossart empêche blue blood blues ou die by the droop de rejoindre
le rang des puristes du heavy blues.
Seule la jam electro rock
de « I’m mad » renoue avec les décors fascinants de horeround. Le
titre nous fait redécouvrir ce mysticisme violent, la voix de Mossart entre
dans un chaos électrique cauchemardesque, un blues de démon. Pour le reste, le
groupe rentre dans le rang, accentue ses riffs bluesy pour rassurer la masse,
et se met ainsi au niveau d’une concurrence qui ne lui arrivait pas à la
cheville.
Hors , ce passé semblait
enfin derrière nous , et tous voulaient encore croire que le rock populaire et
frais représenté par Jack White n’était pas mort. C’est pour cela que under
great northern light a éclipsé sea of coward . Le premier représentait le
triomphe d’un groupe ambitieux, alors que le second sonne comme un aveu d’impuissance.
Le désastre que tous
redoutait finit tout de même par arriver en 2011 , lorsque la séparation des
whites stripes est officialisée. Le groupe était le dernier à représenter le
rock au sommet des ventes, la dernière tête d’affiche d’une culture qui
commence à s’enterrer. Sans eux, le rock avance comme un canard sans tête, les
groupes se multiplient mais leur popularité reste limitée.
Paradoxalement, la fin du
succès des White Stripes est aussi une libération, elle permet à Jack White de
repartir de zéro. C’est ainsi qu’un tube venu de nulle part envahit les radios
et chaînes musicales , que les bars diffusent ce nouveau riff avec le même
enthousiasme que seven nation army ou Steady as she goes. Jack semble être le
dernier à pouvoir pondre un riff pareil, une telle décharge transmettant le
rock à une nouvelle génération.
Sixteen saltine est le
riff qui ouvre cette nouvelle décennie, un swing urbain ultra moderne, le blues
du futur. Son énergie irrésistible permet à blunderbuss d’être apprécié à sa
juste valeur, il permet à ce premier essai novateur d’obtenir des ventes plus
qu’honorables. Lassé de voir le rock ressasser son passé, tout en s’étonnant de
regrouper un public vieillissant, Jack White réinvente les vieux repères.
Freedom at 21 et take me
with you when you go donnent une nouvelle jeunesse au psychédélisme. La country
devient un spleen urbain, une pop bardée de violons accédant à une nouvelle
jeunesse. Même le blues hypocritical kiss est soutenu par un beat effréné, des
percussions chromées montrant au hip hop ce que peut être la grandeur du groove
urbain. Cette modernité, blunderbuss se la réapproprie, il accomplit un travail
d’assimilation que le rock n’a plus effectué depuis les seventies. Symbole de
cette régénération , « Weep themselve to sleep » est un spoken blues
qui fait passer le rap pour un gargouillement de crétins attardés. Même « I’m
shakin » , qui est une reprise d’un vieux rock n roll , sonne comme un
tube capable de faire danser tous les gangsters de Harlem.
Blunderbuss est aussi
essentiel que le fut electric ladyland , il montre aux rockers un nouveau plan
pour conquérir le monde. Rock du 21e siécle , pop chaleureuse
réinventant son héritage , blunderbuss aurait dû être le début d’un raz de
marée. Chacun aurait alors tenté de transcender cette fraicheur pop, reprenant
à sa sauce cette modernité comme leurs ainés tentèrent de créer leur « revolver ».
Mais notre époque n’a pas su créer ses Stones et autres Beach Boys , elle ne
parvient pas à reproduire un foisonnement qu’elle ne peut que regretter.
Blunderbuss est donc la
brillante base à partir de laquelle Jack White cherchera une formule capable de
sortir le rock de sa léthargie. Le début d’une quête solitaire qu’il effectuera
lui-même dans une relative discrétion.
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