Rubriques

mercredi 8 juillet 2020

Jack White 8


Une foule d'invités est de nouveau réunie devant le third man studio. Une pancarte annonce un événement exceptionnel, le vinyle le plus rapidement enregistré du monde sera pressé ce soir. Cet album immortalisera une des premières prestations de Jack White en solo , et on entend déjà le bourdonnement des machines, derrière le mur séparant la salle de concert du studio. Vêtu d’un costume bleu , Jack se présente accompagné d’un groupe exclusivement féminin. Nommé « the peacock » , la formation représente le coté le plus apaisé de sa musique. Les mélodies s’enchaînent , la pop se marie de nouveau avec la chaleur du bluesgrass , et on aurait bien écouté ce groupe des heures, si le maître de cérémonie n’avait annoncé l’entracte.

Il revient donc avec un autre groupe, entièrement masculin, et s’embarque dans la partie la plus tendue du show. Le changement de décor est radical, ce second acte est un déluge dévastateur , l’éternel retour à la fougue de Détroit. Entre les mains nerveuses de ce nouveau groupe , cut like a buffalo est désossé, pour n’en garder que la puissance schizophrène de son riff sanglant, « my dorbell » devient un rock destroy digne des pires sagouins punks.

En un peu moins d’une heure, plusieurs exemplaires du live sont pressés , et vendus à une foule ravie. Encore distribué aujourd’hui , le live at third man est un vinyle hautement recommandable , il immortalise la naissance du Jack White post white stripes. Coup de maître, qui lui permet aussi de faire la promotion de ce vinyle qu’il considère comme « l’avenir de la musique », ce concert est suivi d’une nouvelle période de discrétion.

Neil Young vient toutefois visiter le studio de ce savant fou de la musique enregistrée, et y grave un disque moyen. Peu importe sa qualité , la rumeur entretenue par l’annonce de l’enregistrement de « a letter from home » permet à Jack de rester dans le coup. Ce genre de coup de communication lui permet de soigner sa prochaine sortie, tout en entretenant sa notoriété. Fruit de plusieurs mois de travail, Lazaretto  sort donc dans le meilleur contexte possible. Le disque est une nouvelle fois promu grâce à la puissance d’un riff , celui de son morceau titre.

Envoyé en avant-première, Lazarreto est doté d’un riff chromé, qui semble annoncer le futur de la guitare électrique. C’est Hendrix plongé dans un décor de science-fiction, le beat urbain remplaçant le jungle beat. Il montre surtout un disque qui s’inscrit dans la droite lignée de blunderbuss , un homme qui parvient à maîtriser sa nouvelle inspiration sans atténuer sa fraîcheur.  En poursuivant cette voie , Jack White espère encore que d’autres exploreront ces décors inédits , mais encore une fois la vague ne se soulèvera pas.

On peut le regretter, mais cela n’enlève rien à la grandeur de ce disque. Après tout, parvenir à prolonger le chemin tracé par blunderbuss avec autant de brio est déjà un exploit qui mérite d’être salué.  D’autant que cette réussite encourage Jack à reprendre en main un autre projet, les dead weather.

Artiste assez discret depuis quelques années, le voilà qui nous gratifie de deux disques en moins de deux ans. C’est que Blunderbuss a annoncé le début d’une période de clarification, un moment fondateur où Jack définit ce que sera la suite de sa carrière.

Il est donc logique qu’il rectifie la trajectoire des dead weather, ce groupe qui semblait chercher sa voie sur « sea of coward ». Dodge and Burn sort donc en 2015 , et s’affirme vite comme le road trip malsain qui fixe le son du groupe.

On retrouve ainsi cet electro rock glauque, parcouru par les ambitions modernistes de son batteur. Le disque doit surtout sa grandeur à la grande forme d’Allison Mossart , dont les hurlements macabres n’ont jamais parus aussi séduisants. Les chœurs la rejoignent parfois, le temps de refrains qui sont autant de clins d’œils fait aux radios. Entre pop malsaine, rock primaire flirtant avec la sauvagerie d’un Ty Segall , et rap rock conquérant, dodge and burn est le disque d’un groupe qui assume ses rêves de gloire.

Le résultat, sans atteindre le niveau des albums solos de Jack, est une réussite enthousiasmante.

Aujourd’hui , Jack White est devenu un explorateur incompris. Sorti en 2018, boarding house reach a été vu comme l’égarement d’un artiste perdu dans ses ambitions avant-gardistes. On a refusé de comprendre que cette folie robotique était le grand aboutissement des deux disques précédents. Ce barnum synthétique, c’était une nouvelle tradition poussant ses premiers cris , l’équivalent moderne de la déflagration des sixties.

Le succès du dernier album des raconteurs , sorti un an plus tard , montre cet immobilisme contre lequel Jack White doit en partie lutter. Le public tient à sa zone de confort, et un disque comme help us stranger sera toujours plus salué que l’originalité de son dernier album solo. Ces deux facettes de sa musique sont primordiales, mais espérons que l’une ne finisse pas par prendre le pas sur l’autre.   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire