Une foule d'invités est de
nouveau réunie devant le third man studio. Une pancarte annonce un événement exceptionnel,
le vinyle le plus rapidement enregistré du monde sera pressé ce soir. Cet
album immortalisera une des premières prestations de Jack White en solo , et on
entend déjà le bourdonnement des machines, derrière le mur séparant la salle de
concert du studio. Vêtu d’un costume bleu , Jack se présente
accompagné d’un groupe exclusivement féminin. Nommé « the peacock » ,
la formation représente le coté le plus apaisé de sa musique. Les mélodies s’enchaînent
, la pop se marie de nouveau avec la chaleur du bluesgrass , et on aurait bien
écouté ce groupe des heures, si le maître de cérémonie n’avait annoncé l’entracte.
Il revient donc avec un
autre groupe, entièrement masculin, et s’embarque dans la partie la plus tendue
du show. Le changement de décor est radical, ce second acte est un déluge
dévastateur , l’éternel retour à la fougue de Détroit. Entre les mains nerveuses
de ce nouveau groupe , cut like a buffalo est désossé, pour n’en garder que la
puissance schizophrène de son riff sanglant, « my dorbell » devient
un rock destroy digne des pires sagouins punks.
En un peu moins d’une heure,
plusieurs exemplaires du live sont pressés , et vendus à une foule ravie. Encore
distribué aujourd’hui , le live at third man est un vinyle hautement
recommandable , il immortalise la naissance du Jack White post white stripes.
Coup de maître, qui lui permet aussi de faire la promotion de ce vinyle qu’il
considère comme « l’avenir de la musique », ce concert est suivi d’une
nouvelle période de discrétion.
Neil Young vient toutefois
visiter le studio de ce savant fou de la musique enregistrée, et y grave un
disque moyen. Peu importe sa qualité , la rumeur entretenue par l’annonce de l’enregistrement
de « a letter from home » permet à Jack de rester dans le coup. Ce
genre de coup de communication lui permet de soigner sa prochaine sortie, tout
en entretenant sa notoriété. Fruit de plusieurs mois de travail, Lazaretto sort donc dans le meilleur contexte possible.
Le disque est une nouvelle fois promu grâce à la puissance d’un riff , celui
de son morceau titre.
Envoyé en avant-première,
Lazarreto est doté d’un riff chromé, qui semble annoncer le futur de la guitare
électrique. C’est Hendrix plongé dans un décor de science-fiction, le beat
urbain remplaçant le jungle beat. Il montre surtout un disque qui s’inscrit
dans la droite lignée de blunderbuss , un homme qui parvient à maîtriser sa
nouvelle inspiration sans atténuer sa fraîcheur. En poursuivant cette voie , Jack White espère
encore que d’autres exploreront ces décors inédits , mais encore une fois la
vague ne se soulèvera pas.
On peut le regretter, mais
cela n’enlève rien à la grandeur de ce disque. Après tout, parvenir à prolonger
le chemin tracé par blunderbuss avec autant de brio est déjà un exploit qui
mérite d’être salué. D’autant que cette
réussite encourage Jack à reprendre en main un autre projet, les dead weather.
Artiste assez discret
depuis quelques années, le voilà qui nous gratifie de deux disques en moins de
deux ans. C’est que Blunderbuss a annoncé le début d’une période de clarification,
un moment fondateur où Jack définit ce que sera la suite de sa carrière.
Il est donc logique qu’il
rectifie la trajectoire des dead weather, ce groupe qui semblait chercher sa
voie sur « sea of coward ». Dodge and Burn sort donc en 2015 , et s’affirme
vite comme le road trip malsain qui fixe le son du groupe.
On retrouve ainsi cet
electro rock glauque, parcouru par les ambitions modernistes de son batteur.
Le disque doit surtout sa grandeur à la grande forme d’Allison Mossart , dont
les hurlements macabres n’ont jamais parus aussi séduisants. Les chœurs la
rejoignent parfois, le temps de refrains qui sont autant de clins d’œils fait aux
radios. Entre pop malsaine, rock primaire flirtant avec la sauvagerie d’un Ty
Segall , et rap rock conquérant, dodge and burn est le disque d’un groupe qui
assume ses rêves de gloire.
Le résultat, sans
atteindre le niveau des albums solos de Jack, est une réussite enthousiasmante.
Aujourd’hui , Jack White
est devenu un explorateur incompris. Sorti en 2018, boarding house reach a
été vu comme l’égarement d’un artiste perdu dans ses ambitions avant-gardistes. On a refusé de comprendre que cette folie robotique était le grand
aboutissement des deux disques précédents. Ce barnum synthétique, c’était une
nouvelle tradition poussant ses premiers cris , l’équivalent moderne de la
déflagration des sixties.
Le succès du dernier album
des raconteurs , sorti un an plus tard , montre cet immobilisme contre lequel
Jack White doit en partie lutter. Le public tient à sa zone de confort, et un
disque comme help us stranger sera toujours plus salué que l’originalité de son
dernier album solo. Ces deux facettes de sa musique sont primordiales, mais espérons
que l’une ne finisse pas par prendre le pas sur l’autre.
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