Il est celui qui
transforma le psychédélisme, l’exilé venu chercher en Angleterre la reconnaissance
que son pays lui refuse. Dans la salle Londonienne, le corps d’Hendrix se
secoue violemment au rythme du blues destructeur de Purple Haze. Les murs
tremblent comme si le monde s’apprêtait à s’effondrer, comme si cette décharge
allait détruire toute trace du passé.
En coulisse, Eric Clapton
est assommé, le monstre qu’il a créé est en train de lui échapper sous ses
yeux. C’est lui qui, dans le groupe de John Mayall, inventa le culte du guitare
hero, et une nouvelle façon de jouer le blues. Cet homme venu de nulle par
semble détruire toute sa crédibilité, il le fait passer pour un petit bourgeois
récitant les leçons de ses héros misérables. Clapton doit désormais suivre le mouvement,
ce qu’il fera avec brio en créant Cream.
Hendrix a aussi
traumatisé le rock américain, il a montré que trois hommes peuvent sonner
comme une armée de musiciens. La leçon fait des disciples. Elle se perpétue à
travers le rock psychotique de blue cheers , le hard boogie de grand funk
railroad, ou le blues enjoué de ZZ top. En Floride , les musiciens de Tin House
tentent eux aussi de suivre la voie du blues moderne. Dans leur garage, ils
improvisent à partir des grands classiques de l’experience , et reproduisent
les riffs du tout jeune led zeppelin 1.
Comme Bonham , le batteur
déclenche des secousses sismiques , amplifiées par une basse au grondement
menaçant. Plongé dans ce bain brûlant, la guitare hurle sa joie sauvage lors de
solos déchirants. Le groupe est repéré dès ses premiers concerts, et devient le
plus jeune groupe signé sur un label. Sur de son succès, son label parvient à
les faire participer au Festival de Bethlo.
Grande date oubliée de l’histoire
du rock , ce rendez-vous annonçait ce que sera le rock n roll moderne. Fort du
succès de leur premier album, les frères Allman tiennent la tête d’affiche en
compagnie de Mountain et Johnny Winter. Le country blues sudiste côtoyait ainsi
le proto hard rock de Leslie West , et le rock n roll puriste de Johnny Winter
ressemblait à une apothéose orgiaque. L’albinos venait de sortir deux disques
dépoussiérant le rock n roll des origines. Quelques jours plus tôt, son jeu
supersonique avait éclipsé led zeppelin , qui l’avait embauché sur une tournée
Américaine.
Et pourtant, malgré le
statut de ces nouveaux géants du rock , Tin House allait être le grand héros de
la soirée. Dans les coulisses, Leslie West et Johnny Winter sont scotchés par ce
trio déchaîné, qui balance ses torrents acides devant un public reconnaissant. Winter prend rapidement ces jeunots sous son aile, et en fait l’attraction
ouvrant ses concerts.
Leslie West tente de faire
de même, mais le management du groupe siffle la fin de la récré. Le groupe
doit rapidement enregistrer son premier disque, si il ne veut pas être enseveli
sous la montagne de chefS-d’œuvre de ses contemporains. Les producteurs sont confiants,
ils se dirigent pourtant vers une des pires débâcles de l’histoire de la musique.
Sorti en 1970, le premier
album du groupe ne se vend qu’à 250000 exemplaires, un nombre ridicule pour l’époque.
Beaucoup trop cru pour surfer sur la vague engendrée par led zeppelin , tin
house (l’album) représente la régression d’un psychédélisme sorti de ses rêves
utopiques.
I want your body ouvre le
délire sur un rock vicieux, une énergie à la Bo Diddley boosté aux hormones. 30
weight blues vient ensuite déformer ce bon vieux chicago blues, il le plonge
dans un bain d’acide qui rend sa nonchalance hypnotique. Les rythmes binaires
servent de rampe de lancement à des solos pleins de fuzz , une éruption
Hendrixienne qui vous propulse dans le cosmos.
Good to be a king , silver
star , personal gain , give me your lovin, endamus finalmus , tous ces titres
suivent le même plan d’attaque. La rythmique forme un pylônne imposant, sur
lequel la guitare bâtie un édifice gargantuesque. Ces rocks ont l’allure
menaçante d’un château planté au sommet de la plus haute montagne, ils écrasent
le rock psychédélique de leur grandeur destructrice.
Un disque pareil serait devenu
un classique, si il avait bénéficié d’une production digne de ce nom. Ne jouant
qu’en première partie de Johnny Winter , Tin House s’est fait écraser par la
notoriété de son protecteur. L’albinos finit par achever le trio en 1974,
quand il récupère son flamboyant guitariste. Tin House était le véritable
phénomène heavy rock de l’année 1969, et ce seul disque le montre dans toute sa
grandeur sauvage.
On en viendrait presque à regretter que Johnny
Winter ne soit pas resté au Texas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire