Nous sommes en 1977 et ,
après avoir conquis les Etats Unis , le punk atteint son apogée en Angleterre.
Dirigée par Johnny Rotten , la déferlante punk anglaise est plus violente , plus
politisée , et plus nihiliste que sa version américaine. Les clash n’ont pas
encore sorti london calling , et appellent à la révolution sur des rythmes Ramonesques.
Les anglais n’ont pas
connu leur Patti Smith ou leur Tom Verlaine , et ils se servent du mouvement
pour crier leur rage. Le pays est en pleine crise, et le chômage devient une
fatalité pour une bonne partie de la population. Ajoutez à cela les émeutes
dans les quartiers de Brixton , où les noirs ne supportent plus le harcèlement
policier , et vous obtenez le terreau dont se nourrit les sex pistols et leurs
contemporains.
Le punk anglais n’était
pas seulement une tarte lancée au visage d’un rock prétentieux, c’était le cri de rage de la génération du vide. Musicalement, le mouvement ne pouvait en
rester à cette rage juvénile, il fallait proposer une porte de sortie.
Et c’est précisément ce
que représente ce Wire , disque maudit d’une bande de visionnaires minimalistes.
Wire sonne comme le plus américains des groupes anglais, pour eux l’esthétique
punk n’est pas une formule figée. Boucles hypnotiques répétitives, les titres
qui composent pink flag sonnent comme Television tentant de ressusciter le
minimalisme froid du Velvet.
Pink Flag prend le punk à
contrepied pour mieux le transcender, il passe par des chemins détournés pour
réinventer sa verve minimaliste. Les rythmes sont lents, hypnotiques , ils
ressemblent à un nouveau minimalisme industriel. Puis les instrumentaux
anarchiques viennent déchirer ce chaos synth punk , et on finit par se demander
où wire veut en venir.
Les titres les plus
violents entrent dans un véritable tourbillon de cris rageurs, ils forment des
hymnes vindicatifs portés par des riffs pesants. Pink Flag pose les bases d’un
certain élitisme punk, une symphonie aride et minimaliste.
« fragile » et « mannequin »
inventent une pop destroy , les mélodies sont réduites à leur plus simple
expression. Quand il hausse le ton, wire se rapproche d’un mélange détonnant
entre le rock gothique des damned, et la folie juvénile des ramones.
Malgré sont faible succès
, Pink Flag représente une première révolution pour le mouvement punk. En
montrant la voie vers un minimalisme ambitieux, le groupe a évité au punk de
devenir un nouveau conformisme. De Costello aux Clash , des Pogues aux jam , tous
contribueront ensuite à élargir le spectre musical du mouvement.
Après avoir annoncé cette
nouvelle ère , le chaos rageur de ce disque continuera de résonner dans les
hurlements dépressifs du grunge. Avec Pink Flag, Wire a fait au punk ce que les Stooges firent au psychédélisme, il l’a enterré vivant.
Chaos anticonformiste,
Pink Flag est proche de son époque sans s’y conformer, il donne des pistes pour
l’avenir sans tracer de lignes claires. C’est un disque qui propose des
solutions sans imposer un plan , son foisonnement l’a toujours protégé de
toute récupération.
Voilà pourquoi, plus de
trente ans après sa parution, il sonne encore comme si il avait été enregistré
hier.
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