Même au moment où toute
une génération le vénère comme un dieu, le souvenir de ses années noires
nourrit sa musique. Il surfe alors sur la vague du rock, reprenant let spend
the night together en compagnie de Mike Bloomfield, sur l’album father and son.
En 1972, c’est Rory Gallagher et Steve Winwood qui sont adoubés par le père du
mojo, sur le live London session.
Mais la gratitude est le
plus éphémère des sentiments humain et, alors que ses descendants continuent de
lui rendre hommage , le label de Muddy met la clef sous la porte. Ayant eu vent
de cette déchéance, Johnny parvient à convaincre son label de produire le
disque qu’il va enregistrer avec Muddy. Sorti en 1977, Hard again est un
monument blues sorti au milieu des cris hystériques de la vague punk.
Johnny et Muddy se connaissent,
ils ont déjà eu l’occasion de jouer ensemble à plusieurs reprises. Connaissant
la virtuosité de son sauveur, Muddy décide de se concentrer sur le chant, et sa
voix atteint ainsi le summum de son charisme virile. Derrière lui , les
meilleurs guitaristes de blues vivants sont au sommet de leur art.
Déjà présent lors du
légendaire concert de Muddy à Newport , James Cotton envoie ses riffs fleurant
bon le bayou avec la force nonchalante des damnés de Chicago. Si Manish Boy
dépasse les versions culte de Willie Dixon et Son House, c’est avant tout grâce
à la ferveur de ce groupe habité par le mojo. Pour accentuer cette énergie, Hard
Again a été enregistré en deux jours, lors de bœufs improvisés.
Certains regretteront que
cette liberté incite Johnny à partir dans des solos un peu brouillons, que cette
énergie s’exprime parfois à travers des improvisations un peu bancales. Mais c’est
justement cette spontanéité qui fait la grandeur de ce disque. Alors que les Stones et leurs semblables tentent de créer une version bien propre de son swing ,
Hard Again ramène tout le monde dans les bars de Chicago , et affirme virilement
que Muddy reste le modèle indépassable.
Johnny Winter vient de
sauver sa carrière et, pour le remercier, le mannish boy lui permet d’enregistrer
son prochain disque avec son groupe. Nothin but the blues sera donc le
générique de fin de ce récit. Et quel générique ! Ce disque est le dernier
chef d’œuvre d’un musicien qui, n’ayant plus rien à prouver, plonge totalement
dans sa vieille obsession. Grâce au groupe de Muddy , l’albinos immortalise son
rêve , sonner comme les géants de la grande époque du blues.
La flamme ravivée par hard
again n’est pas encore éteinte, et elle inspire notre guitariste livide, qui a
écrit la quasi intégralité des titres de nothin but the blues. Le blues a pris possession
de son corps squelettique , et raconte sa glorieuse épopée à travers chacun de
ses titres. Calmé par cette héritage imposant, le jeu de Johnny Winter se fait
plus sobre que jamais. Cette réserve lui permet de jouer sur les variations, de
changer d’époque en accélérant ou en ralentissant ses tempos.
Tired to try et TV mama
ramènent l’auditeur dans ces rues , où boogie chillen et spoonfull résonnèrent
pour la première fois. Johnny prend alors possession du blues d’avant-guerre, et
parvient à lui donner une beauté éblouissante sur le slow I was rainnin. La
guitare électrique s’enroule ensuite autour d’un riff acoustique , et nous
ramène à l’époque où certains bluesmen découvraient l’électricité sous les huées
des puristes. On saluera au passage la splendeur de ce groupe, déjà grandiose
sur hard again , et qui permet à Johnny de sonner comme il a toujours rêvé de
sonner.
Après avoir sauvé son
modèle de l’oubli, Johnny Winter rend hommage à son mojo lubrique. Nothin but
the blues est l’aboutissement d’un cheminement commencé sur the progressive
blues experiment , et qui a finalement ramené notre albinos sur sa terre
promise. Muddy Waters a permis au rock d’accoucher du rock n roll , et grâce à
Johnny Winter le rock a maintenu en vie son père défaillant.
Cher lecteur ,
Pour des raisons de cohérence, je tiens à parler ici
de deux disques que j’ai volontairement exclu de ce dossier.
Sorti en 1978 , White hot and blues est un disque un
peu plus secondaire dans la discographie de l’albinos , qui était alors trop
pris par son travail avec Muddy pour sortir un grand disque. C’est tout de même
un album bien sympathique que tout fan
de l’albinos se doit de posséder.
Quand à Raisin Cain , j’avoue que ce disque m’enthousiasme
un peu moins. Johnny y surjoue le rôle du vieux gardien de l’âge d’or du rock n
roll , et la production surfaite lui donne des airs de has been pas encore
prêt à mourir. Il faut tout de même avouer que sa version de Like a Rolling
stone est impressionnante, et que l’ensemble se tient bien mieux que la suite
de sa carrière.
Voilà, tu es donc arrivé au bout du récit de deux des
parcours les plus impressionnants des 60’s/70’s. Deux visions du swing qui se
sont magnifiquement complétées et affrontées pendant près de 10 ans. Johnny et
Edgard Winter feront à jamais partie de la grande histoire du rock , dont ils
incarnent la grandiose diversité musicale.
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