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mercredi 26 août 2020

Johnny Winter fin

Hard Again" - Muddy Waters - Rock Fever

Depuis les années 60, Muddy Waters s’amuse de voir tout ces blancs-becs jouer sa musique. C’est grâce à un de ses titres que les Stones ont choisi leur nom, et ils ont posé leurs premiers accords en imitant sa musique. Depuis, son mojo se répand dans le rock comme une traînée de poudre , et le vieux bluesman a désormais plus de descendants que Gengis Khan. Conscient du tremblement qu’il a déclenché, Muddy annonce à qui veut l’entendre que « si ces types peuvent jouer ses riffs , ils ne seront jamais capables de chanter comme lui. ». Ce chant , c’est l’expression poignante d’un homme qui a passé sa jeunesse les pieds dans la boue et le nez dans sa misère.


Même au moment où toute une génération le vénère comme un dieu, le souvenir de ses années noires nourrit sa musique. Il surfe alors sur la vague du rock, reprenant let spend the night together en compagnie de Mike Bloomfield, sur l’album father and son. En 1972, c’est Rory Gallagher et Steve Winwood qui sont adoubés par le père du mojo, sur le live London session.

Mais la gratitude est le plus éphémère des sentiments humain et, alors que ses descendants continuent de lui rendre hommage , le label de Muddy met la clef sous la porte. Ayant eu vent de cette déchéance, Johnny parvient à convaincre son label de produire le disque qu’il va enregistrer avec Muddy. Sorti en 1977, Hard again est un monument blues sorti au milieu des cris hystériques de la vague punk.

Johnny et Muddy se connaissent, ils ont déjà eu l’occasion de jouer ensemble à plusieurs reprises. Connaissant la virtuosité de son sauveur, Muddy décide de se concentrer sur le chant, et sa voix atteint ainsi le summum de son charisme virile. Derrière lui , les meilleurs guitaristes de blues vivants sont au sommet de leur art.

Déjà présent lors du légendaire concert de Muddy à Newport , James Cotton envoie ses riffs fleurant bon le bayou avec la force nonchalante des damnés de Chicago. Si Manish Boy dépasse les versions culte de Willie Dixon et Son House, c’est avant tout grâce à la ferveur de ce groupe habité par le mojo. Pour accentuer cette énergie, Hard Again a été enregistré en deux jours, lors de bœufs improvisés.

Certains regretteront que cette liberté incite Johnny à partir dans des solos un peu brouillons, que cette énergie s’exprime parfois à travers des improvisations un peu bancales. Mais c’est justement cette spontanéité qui fait la grandeur de ce disque. Alors que les Stones et leurs semblables tentent de créer une version bien propre de son swing , Hard Again ramène tout le monde dans les bars de Chicago , et affirme virilement que Muddy reste le modèle indépassable.

Johnny Winter vient de sauver sa carrière et, pour le remercier, le mannish boy lui permet d’enregistrer son prochain disque avec son groupe. Nothin but the blues sera donc le générique de fin de ce récit. Et quel générique ! Ce disque est le dernier chef d’œuvre d’un musicien qui, n’ayant plus rien à prouver, plonge totalement dans sa vieille obsession. Grâce au groupe de Muddy , l’albinos immortalise son rêve , sonner comme les géants de la grande époque du blues.

La flamme ravivée par hard again n’est pas encore éteinte, et elle inspire notre guitariste livide, qui a écrit la quasi intégralité des titres de nothin but the blues. Le blues a pris possession de son corps squelettique , et raconte sa glorieuse épopée à travers chacun de ses titres. Calmé par cette héritage imposant, le jeu de Johnny Winter se fait plus sobre que jamais. Cette réserve lui permet de jouer sur les variations, de changer d’époque en accélérant ou en ralentissant ses tempos.

Tired to try et TV mama ramènent l’auditeur dans ces rues , où boogie chillen et spoonfull résonnèrent pour la première fois. Johnny prend alors possession du blues d’avant-guerre, et parvient à lui donner une beauté éblouissante sur le slow I was rainnin. La guitare électrique s’enroule ensuite autour d’un riff acoustique , et nous ramène à l’époque où certains bluesmen découvraient l’électricité sous les huées des puristes. On saluera au passage la splendeur de ce groupe, déjà grandiose sur hard again , et qui permet à Johnny de sonner comme il a toujours rêvé de sonner.

Après avoir sauvé son modèle de l’oubli, Johnny Winter rend hommage à son mojo lubrique. Nothin but the blues est l’aboutissement d’un cheminement commencé sur the progressive blues experiment , et qui a finalement ramené notre albinos sur sa terre promise. Muddy Waters a permis au rock d’accoucher du rock n roll , et grâce à Johnny Winter le rock a maintenu en vie son père défaillant.

Cher lecteur ,

Pour des raisons de cohérence, je tiens à parler ici de deux disques que j’ai volontairement exclu de ce dossier.
Sorti en 1978 , White hot and blues est un disque un peu plus secondaire dans la discographie de l’albinos , qui était alors trop pris par son travail avec Muddy pour sortir un grand disque. C’est tout de même un  album bien sympathique que tout fan de l’albinos se doit de posséder.
Quand à Raisin Cain , j’avoue que ce disque m’enthousiasme un peu moins. Johnny y surjoue le rôle du vieux gardien de l’âge d’or du rock n roll , et la production surfaite lui donne des airs de has been pas encore prêt à mourir. Il faut tout de même avouer que sa version de Like a Rolling stone est impressionnante, et que l’ensemble se tient bien mieux que la suite de sa carrière.
Voilà, tu es donc arrivé au bout du récit de deux des parcours les plus impressionnants des 60’s/70’s. Deux visions du swing qui se sont magnifiquement complétées et affrontées pendant près de 10 ans. Johnny et Edgard Winter feront à jamais partie de la grande histoire du rock , dont ils incarnent la grandiose diversité musicale.

                                                                                                                              

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