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dimanche 27 septembre 2020

Warren Hayne 5



Voilà notre trio transformé en quatuor, et accueillant dans ses rangs un ex membre des Black crowes. Le message lancé est clair, Allen Woody ne sera jamais remplacé, et cette formation annonce plus une seconde partie de carrière qu’une poursuite d’un chemin entamé dans les années 90. Nouveau venu, le clavier de David Luis montre une volonté de varier les sons et les influences. Issu de ce besoin de se renouveler, Déjà voodoo sort en 2003 , et met fin à 3 années de silence créatif.

Le besoin de se réinventer est affirmée dès le premier titre, où le groove de parliament danse sur un riff gras digne de ZZ top. Là-dessus, les solos s’élèvent, puissante lame de fond chaude comme le soleil du Texas. Les décors synthétiques de David Luis apportent un vrai plus au groupe, il est le cadre qui lui évite de se perdre dans des déchaînements instrumentaux. Guidé par ce décor, Hayne économise ses effets, il ne cherche plus la note la plus percutante mais la note juste.

Les riffs ont acquis la profondeur de sa voix de vieux sage sudiste, les échos de chaque note colorent les formes dessinées par les claviers. Cette économie de moyens n’empêche pas le quatuor de hausser le ton, les sifflements argentés du clavier accentuant encore la puissance de son hard blues. Dans cette optique, perfect shelter est un rock acide réveillant le fantôme d’Hendrix dans une série de solos déchirants. Lola leave the light on fait ensuite penser à AC/DC singeant Deep Purple , sans compter l’orgie musicale qui clôture « silent scream ».

Plus harmonieux, le groupe varie les décors, le clavier de David Luis faisant le lien ses rythmes funky, ses envolées hard blues, et ses mélodies planantes. Une telle osmose permet surtout au groupe de faire décoller ses spleens dans le cosmos.

C’est exactement ce qui se produit sur « little toy brain », ce groove nuageux , blues floydien beau à pleurer. Oui, on parle encore de blues, c’est toujours lui qui dicte le rythme de ce crescendo céleste. Uni dans une lente montée en puissance, Gov’t mule fait exploser sa grâce psyché blues dans un véritable feu d’artifice émotionnel. Un étau bienveillant plonge alors votre esprit dans un coton bienfaisant, voluptueux nuage où l’âme se nettoie de ses peines.

Après une telle envolée, le boogie de slawjack jewel vous fait lentement redescendre sur terre. Derrière la justesse de son riff enjoué  se cache des oasis mélodieux, break rêveur rappelant le paradis sonore que l’on vient de quitter. Déjà voodoo est illuminé par ses passages très aériens, ces lumières gracieuses qui accentuent la variété de ses décors.

Ce qui se dessine ici, c’est une musique débarrassée de la rugosité un peu beauf de la musique sudiste , sans renier l’héritage de Lynyrd Skynyrd. D’ailleurs, avec sa slide larmoyante entrant dans un crescendo dramatique « wine on blood » a des airs de « simple man ».

Déjà voodoo est un nouveau départ et un aboutissement, un album proche de la perfection qui laisse présager de nouvelles merveilles.

Quelques jours après la sortie de l’album, profitant de l’essor du numérique, Gov’t mule diffuse l’intégralité de ses concerts en téléchargement payant sur son site. Il réinvente ainsi la coutume qui consiste à combler une période de vide créatif par la sortie d’un ou plusieurs albums live.

Il faudra attendre trois ans avant de voir arriver un nouvel album de Gov’t mule. Paradoxalement, ce disque si attendu reprend les choses là où déjà vodoo les a laissé. Hight and Mighty s’ouvre sur Mr High and Mighty , un hard rock bluesy qui flirte avec le feeling binaire d’AC/DC. La formule va progressivement se complexifier, le groove s’enrichir, et le groove viril remplace l’énergie directe du boogie rugueux. Brand New Angel fait groover les fantômes de Point blank , ces pistoleros maudits venus du Texas.

Progressivement, Gov’t mule reprend sa position à la frontière du rock anglais et américain, sa musique célèbre la rencontre entre le blues massif de Mountain et le tranchant épique de Deep purple. De plus en plus marquées, les ballades planantes atteignent les mêmes sommets émotionnels que « little toy brain ». Gov’t mule vous laisse un peu plus planer sur ses nuages bienveillants , au mid tempos de so week so strong succède le blues rêveur de child of the earth , qui ouvre la voie au final enivrant endless parade.

Entre temps, le divin blues aura ressuscité l’alchimie rock de Led zeppelin sur like flies. Ce titre est le celebration day de la mule , son orgie de cassures rythmiques et de déchainements solistes formant un troisième élément. Le disque en lui-même est construit comme un symbole de ce que le groupe veut construire, sa rugosité laissant progressivement place à une musique puissante mais pleine de contrastes.

Des titres comme Brigther day cachent leurs violences derrière une slide séduisante, alors que sa hargne bucolique termine sa course sur une envolée de piano poignante. On passe ensuite d’une ballade sudiste aux accents gospels, à une jam jazz rock reprenant l’éternel dialogue liant le jazz et le blues.

La véritable surprise vient avec « uring the bell », dont la rythmique semble avoir quitté le sol américain pour la Jamaïque. Au milieu de cette danse reggae, la voix de Hayne se fait encore plus profonde, le bluesman est devenu le nouveau prêtre de la religion rasta.

Hight and Mighty est le prolongement logique de déjà voodoo, un disque qui brille autant dans ses ballades que dans ses envolées hargneuses. Il prouve aussi qu’un album de Gov’t mule est un joyau qui est poli pendant de longs mois, pour atteindre le summum de sa beauté. La suite nous montrera que le groupe a besoin de ces longues périodes de silence créatif pour briller.   


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