Rubriques

dimanche 27 septembre 2020

Warren Hayne 6



Comme je le disais précédemment, Gov’t mule fait partie de ces groupes qui ont besoin de temps pour produire un album. Chacun de ses disques fut le fruit d’un accouchement laborieux, un parcours du combattant où toutes ses influences s’imbriquaient progressivement, comme les pièces d’un grand puzzle musical. Brusquez ce genre d’artiste, et vous obtenez des œuvres mutilées, des canards sans tête aussi affligeants que Human Tuch et Lucky Town de Springsteen.

Mais voilà , la peur d’être oublié poussent régulièrement les groupes à sortir quelques albums bâclés, comme si une nouvelle sortie foireuse allait les maintenir à flot. Mighty Hight fait partie de ces bouche-trous un peu honteux, de ces œuvres balancées comme du fast food musical. Le problème est déjà dans le choix des influences , Gov’t mule ayant décidé de produire tout un album reggae.

Or le reggae est une mode putride, une vibration abrutissante inventée par des jamaicains aux cerveaux ravagés par leurs pétards. Comparer ce ramassis de battements amorphes au jazz , au blues ou au rock , c’est comme comparer les délires névrotiques d’Amélie Nothomb à la « gerbe d’or » de Marc Edouard Nabe. A une époque,  le reggae fut la maladie honteuse du rock, ses battements lourdauds étant néanmoins un peu réveillés par le groupe Police. Seuls les Clash ont réellement donné une allure à cette musique, mais ce n’était plus vraiment du reggae.

Warren Hayne est trop respectueux de ses influences, c’est un moteur qui modèle le carburant qu’il a à sa disposition. Donnez-lui les chants prétentieux de Bob Marley et ses ouailles , et il sonne comme les enceintes des disquaires reggae.

Mighty Hight , est l’incarnation de ce vide qui se prend au sérieux , de ces prêtres rasta à la philosophie de beauf. Toute énergie est tuée dans l’œuf par des rythmes léthargiques , la voie de Hayne perd toutes profondeurs et ses solos semblent hors sujet. Et quand les rythmes s’alourdissent, toujours dans une cadence ralentie, les élucubrations pseudo mystiques d’un illuminé permettent au disque de définitivement toucher le fond.

Comble de l’horreur, le play with fire des Stones est le premier à subir les « Oyoyo ! » débiles d’un zouave décérébré. Le titre a au moins le mérite de prouver que, si Keith Richard était aussi un amateur de ce genre d’étron, son groupe n’a jamais réussi à en tirer quoi que ce soit d’intéressant.

Mighty Hight devait en réalité jouer le rôle autrefois tenu par les albums live , c’est pour cela qu’il est majoritairement composé de reprises. On pourra donc se rassurer en se disant que cette horreur n’est qu’un album de reprises ratées, et que la prochaine création de ce groupe ne souffrira pas de ses égarements.

La basse gronde comme les premières détonations d’un cratère volcanique, elle lave Gov’t mule de sa boue reggae. Down by the brazos est une introduction jouissive, le retour à la fureur heavy blues des débuts.  Avec une telle ouverture, By a thread honore le fantôme d’Allen Woody, montre qu’il n’a pas perdu en intensité ce qu’il a gagné en maturité.

Prévu pour juillet , cet album fut longtemps mis de côté pour permettre à Warren Hayne d’honorer ses engagements auprès du Grateful Dead et de l’ABB. Résultat, quand le disque sort enfin en octobre, c’est un véritable déchaînement, comme si cet album était nourri de toute la frustration cumulée pendant ces mois d’absences. La production est crue, et le clavier autrefois si fringuant se fait très discret face au heavy blues du groupe.

Cette force, c’est l’énergie que l’on croyait enterrée avec Allen Woody, la reprise en main d’une force oubliée. Puissance reste le maître mot de by a thread , et même l’introduction majestueuse de railroad boy est guidée par des accords de basse qui claquent comme des coups de fouet. Le blues introspectif tourne vite à l’assaut groovy, et ZZ top n’aurait pas renié la plupart de ces riffs.

By a thread est le premier album s’inspirant des premiers pas de Gov’t Mule , il est le premier grain de nostalgie dans la grande fuite en avant de Warren Hayne. Les ballades menaçantes rappellent la virtuosité anglophile de dose , le groupe réinvente ses premiers cris dans une orgie bluesy.

Il est certain qu’un tel album n’invente pas la poudre, et que ce n’est pas avec lui que la mule va esquisser le chemin d’une nouvelle exploration. By a thread fait plutôt partie de ces échos agréables qui permettent à un grand groupe d’entrer dans la légende. En s’auto célébrant, Gov’t mule impose définitivement son nom dans la légende du rock sudiste. Ces grondements rappellent l’époque où, après avoir initié le renouveau du hard blues, la mule botta le cul des Black crowes et autres prétendants au trône.

Et même dans un tel déchaînement, le groupe parvient à placer une lumineuse fresque électrique. « gordon jams » voit la mule danser au carrefour du blues et du bluegrass, mélangeant une nouvelle fois les genres dans une envolée, dont les sudistes ont le secret depuis que Lynyrd a joué son free bird. C’est ce qui s’appelle assommer la concurrence avec classe.                

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire