Comme je le disais précédemment, Gov’t mule fait partie de ces groupes qui ont besoin de temps pour produire un
album. Chacun de ses disques fut le fruit d’un accouchement laborieux, un
parcours du combattant où toutes ses influences s’imbriquaient progressivement,
comme les pièces d’un grand puzzle musical. Brusquez ce genre d’artiste, et vous
obtenez des œuvres mutilées, des canards sans tête aussi affligeants que Human
Tuch et Lucky Town de Springsteen.
Mais voilà , la peur d’être
oublié poussent régulièrement les groupes à sortir quelques albums bâclés, comme si une nouvelle sortie foireuse allait les maintenir à flot. Mighty
Hight fait partie de ces bouche-trous un peu honteux, de ces œuvres balancées
comme du fast food musical. Le problème est déjà dans le choix des influences , Gov’t mule ayant décidé de produire tout un album reggae.
Or le reggae est une
mode putride, une vibration abrutissante inventée par des jamaicains aux
cerveaux ravagés par leurs pétards. Comparer ce ramassis de battements amorphes
au jazz , au blues ou au rock , c’est comme comparer les délires névrotiques d’Amélie
Nothomb à la « gerbe d’or » de Marc Edouard Nabe. A une époque, le reggae fut la maladie honteuse du rock, ses
battements lourdauds étant néanmoins un peu réveillés par le groupe Police. Seuls
les Clash ont réellement donné une allure à cette musique, mais ce n’était plus
vraiment du reggae.
Warren Hayne est trop
respectueux de ses influences, c’est un moteur qui modèle le carburant qu’il a
à sa disposition. Donnez-lui les chants prétentieux de Bob Marley et ses
ouailles , et il sonne comme les enceintes des disquaires reggae.
Mighty Hight , est l’incarnation
de ce vide qui se prend au sérieux , de ces prêtres rasta à la philosophie de
beauf. Toute énergie est tuée dans l’œuf par des rythmes léthargiques , la voie
de Hayne perd toutes profondeurs et ses solos semblent hors sujet. Et quand les
rythmes s’alourdissent, toujours dans une cadence ralentie, les élucubrations
pseudo mystiques d’un illuminé permettent au disque de définitivement toucher
le fond.
Comble de l’horreur, le
play with fire des Stones est le premier à subir les « Oyoyo ! »
débiles d’un zouave décérébré. Le titre a au moins le mérite de prouver que, si
Keith Richard était aussi un amateur de ce genre d’étron, son groupe n’a jamais
réussi à en tirer quoi que ce soit d’intéressant.
Mighty Hight devait en
réalité jouer le rôle autrefois tenu par les albums live , c’est pour cela qu’il
est majoritairement composé de reprises. On pourra donc se rassurer en se
disant que cette horreur n’est qu’un album de reprises ratées, et que la prochaine
création de ce groupe ne souffrira pas de ses égarements.
La basse gronde comme les
premières détonations d’un cratère volcanique, elle lave Gov’t mule de sa boue
reggae. Down by the brazos est une introduction jouissive, le retour à la
fureur heavy blues des débuts. Avec une telle
ouverture, By a thread honore le fantôme d’Allen Woody, montre qu’il n’a pas
perdu en intensité ce qu’il a gagné en maturité.
Prévu pour juillet , cet
album fut longtemps mis de côté pour permettre à Warren Hayne d’honorer ses
engagements auprès du Grateful Dead et de l’ABB. Résultat, quand le disque sort
enfin en octobre, c’est un véritable déchaînement, comme si cet album était
nourri de toute la frustration cumulée pendant ces mois d’absences. La
production est crue, et le clavier autrefois si fringuant se fait très discret
face au heavy blues du groupe.
Cette force, c’est l’énergie
que l’on croyait enterrée avec Allen Woody, la reprise en main d’une force
oubliée. Puissance reste le maître mot de by a thread , et même l’introduction
majestueuse de railroad boy est guidée par des accords de basse qui claquent
comme des coups de fouet. Le blues introspectif tourne vite à l’assaut groovy,
et ZZ top n’aurait pas renié la plupart de ces riffs.
By a thread est le premier
album s’inspirant des premiers pas de Gov’t Mule , il est le premier grain de
nostalgie dans la grande fuite en avant de Warren Hayne. Les ballades menaçantes
rappellent la virtuosité anglophile de dose , le groupe réinvente ses premiers
cris dans une orgie bluesy.
Il est certain qu’un tel
album n’invente pas la poudre, et que ce n’est pas avec lui que la mule va
esquisser le chemin d’une nouvelle exploration. By a thread fait plutôt partie
de ces échos agréables qui permettent à un grand groupe d’entrer dans la
légende. En s’auto célébrant, Gov’t mule impose définitivement son nom dans la
légende du rock sudiste. Ces grondements rappellent l’époque où, après avoir
initié le renouveau du hard blues, la mule botta le cul des Black crowes et autres
prétendants au trône.
Et même dans un tel déchaînement,
le groupe parvient à placer une lumineuse fresque électrique. « gordon
jams » voit la mule danser au carrefour du blues et du bluegrass, mélangeant
une nouvelle fois les genres dans une envolée, dont les sudistes ont le secret
depuis que Lynyrd a joué son free bird. C’est ce qui s’appelle assommer la concurrence
avec classe.
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