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mardi 8 décembre 2020

Tom Petty 7

 


Sorti en 1999, echo est un disque de deuil. Quelques mois plus tôt, la femme de Petty l’a quitté, et notre homme n’a plus écrit une ligne. Il faudra toute la persévérance de ses fidèles Heartbreakers pour le ramener en studio. Influencé par ce drame, echo va perdre toute la légèreté qui fait le sel du rock Pettyen.

Sur la plupart des titres , le chant de Petty sonne comme un miaulement de chat blessé , les mélodies ont la noirceur des oraisons funèbres. Il y’a bien quelques exceptions, où les guitares tentent de s’élever au-dessus de cette marée noire. Mais même un rock aussi tendu que free girl now n’exprime rien d’autre que le désespoir poignant de l’homme abandonné. Il est difficile de juger une telle œuvre car, si cette déprime nous parait étouffante, cela prouve que Petty a atteint son objectif artistique.

Comme « tonight the night » , « blood on the track » , ou « nebraska , la valeur d’un disque comme echo ne se mesure qu’à sa capacité à émouvoir l’auditeur. J’ai déjà cité, dans une précédente chronique, cette phrase de Hugo : «  La nostalgie est la joie des gens tristes ». Elle colle aussi parfaitement à ce disque.

De room at the top à one more day one more night , echo est un mouroir fait d’émotions contradictoires. Tonnerres électriques gorgés de colère bienveillante, les rock expriment la révolte contre un être que son auteur ne parvient pas à détester. Si il semble lui dire bon vent sur « free girl now » , les trémolos dans sa voix montrent qu’il ne parvient pas encore à passer à autre chose. Alors les souvenirs défilent devant ses yeux, doudous dont l’ombre s’efface déjà, et qui apportent un réconfort encore plus blessant que le mal dont il souffre.

Alors forcément, on a droit à une grande suite d’accords larmoyants, à une batterie dansant un slow mélancolique. Le morceau titre est un symbole de cette tension dramatique, ses notes s’évaporent comme le souvenir d’un amour qui n’est plus.

Si ce disque n’aidera pas son auteur à percer au-delà de son Amérique natale, si les rockers les plus indécrottables ne retiendront que les quelques coups de sang de ses Heartbreakers, echo contient des titres qui figurent parmi les plus intenses de leur auteur. Un tel spleen est parfois dur à digérer, l’album aurait sans doute été plus efficace si Petty avait fait preuve de plus de concision.

La nostalgie est un sentiment aussi irrésistible qu’éphémère, et la gravité du propos finit par faire naitre l’ennui. Il aurait sans doute fallu, pour éviter cette impression, que les titres les plus enjoués soient chantés avec une voix moins écorchée , que les rock deviennent des éclaircies au milieu de son cimetière sentimental. Œuvre aussi poignante qu’imparfaite, echo fait partie de ces grands projets dont on a dû mal à critiquer l’échec.

Aussi éparpillés soient-ils, les moments de grâce de ce disque font partie des fulgurances qui sont la marque des grands artistes. Au bout du compte, Petty n’a peut-être jamais autant mérité son titre de looser sublime qu’ici.

Sorti en 2002 , the last DJ approfondit le sillon nostalgique de son prédécesseur, mais ce n’est déjà plus la même nostalgie. Echo était trop personnel, et la voix encore écorchée de son auteur rendait son œuvre indigeste. The last dj montre plutôt un artiste qui s’interroge face à un monde en pleine décadence. Alors il fait l’éloge de l’époque qu’il a connue, prône le retour à cette « dreamville » disparue.

Sur le morceau titre , il rend hommage à ces grands explorateurs faisant découvrir leurs découvertes au monde entier. C’était avant que les présentateurs de radio ne deviennent de simples marionnettes, diffusant ce qu’on leur demande de diffuser. C’était aussi avant la horde d’hydrocéphales junkies, poussant leurs boutons en secouant la tête comme des crétins.

Bref, c’était une époque où John Peel et les autres DJ célèbres étaient les chercheurs guidant le peuple sur le chemin de la culture musicale. La guitare tisse la fresque qui fait entrer ces grands hommes au panthéon du rock, le riff d’introduction sonne comme les cloches d’un paradis perdu. Pour chanter les louanges de ces grands hommes, Petty prend la voix grandiloquente d’un Dylan en plein délire mystique.

Le morceau titre annonce la première facette de cet album, il montre la beauté d’un monde qui n’existe déjà plus. Ce qui fait la beauté de ballades comme « dreamville » , ou « when money became king » , c’est ce mélange de tristesse et d’émerveillement devant ce passé glorieux. Après avoir déploré sa perte, Petty lance ses piques électriques sur les coupables de la décadence moderne.

Il y’a d’abord « Joe », symbole d’hommes d’affaires dont la cupidité a tué la poule aux œufs d’or qu’était l’industrie du disque. Sur ce titre, les guitares partent dans un blues rageur, le rythme binaire lance ses poignards massacrant ce capitalisme écœurant. Le blues n’est pas seulement un cri de désespoir, c’est aussi une force qui juge les grands criminels de son époque. De ce point de vue, les cris rageurs de Petty n’ont rien à envier au charisme viril des grands vagabonds du Mississipi.

Après ce coup de colère, Petty ne peut que constater la laideur du monde moderne. Lost Children est marqué par un refrain amer, avant que les Heartbreakers ne partent dans des envolées hard blues. A travers ces envolées, le groupe tente de montrer la voie à ceux qui voudraient rallumer la flamme du rock n roll.

Après tout, comme il le chante sur un folk à la sensibilité proche de Neil Young, on ne peut empêcher le soleil de briller. Cette époque, qui n’est déjà plus la sienne, Petty va devoir apprendre à l’accepter.

Loin de se morfondre, the last DJ est un disque plein d’espoir, qui offre quelques moments de légèreté bienvenue. On pense notamment à « the man who love woman » , où Petty renoue avec la douceur d’un Dylan en pleine période country. Si echo montrait un homme ne pouvant plus voir la beauté du monde, the last dj le replonge dans un passé dont il regrette les merveilles. Il trouve, dans cet émerveillement, la révolte et l’énergie capables de revitaliser sa musique.

Malgré la gravité de certains titres , the last dj est un des disques les plus optimistes de Tom Petty. Grâce à lui , les Heartbreakers sont prêt à conquérir le 21e siècle.              




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