Rubriques

mardi 2 février 2021

Blue Oyster Cult : Secret Treaties

Nous y sommes enfin ! Sentinelle du peuple rock , la critique est enfin sensible à la grandeur du Blue oyster cult . Dans les rédactions, les débats sont vifs, la passion fait monter les voix et trembler les plumes. La question que tous ces brillants analystes se posent est aussi cruciale qu’essentielle : Le Blue Oyster Cult est-il le premier groupe de rock nazi ? Dans les bureaux des grands timoniers de la presse rock , on a soigneusement préparé ce procès Stalinien , ces preuves aussi irréfutables que la sentence d’un juge des procès de Moscou est objective. D’abord, il y’a la pochette de ce secret treaties , œuvre que les camarades du Blue oyster cult sortirent en cette année 1974.

Les musiciens subversifs y apparaissent fièrement plantés devant un Messerschmitt 262 , triste avion à la carrière aussi courte que funeste. Et puis il y’a ce titre, « the subhuman » , clin d’œil appuyé à la philosophie de l’auteur subversif Nietzshe. Allez expliquer à ces plumitifs bas du front que le concept de surhomme n’a rien à voir avec le racisme nazi , que Zarathoustra n’est pas le fils spirituel d’Adolf Hitler. Ce que Nietzche décrivait par ce terme, ce sont les critères qui permettent à l’homme « de dépasser dieu comme il dépassa le singe ». Libération des dogmes, des vieilles angoisses et désirs de dépasser ses propres limites , le  philosophe aborde des thèmes que le rock a souvent abordé.

Comment peut-on être choqué qu’une musique prônant la libération des hommes fassent un clin d’œil au philosophe le plus subversif de son temps ? Le rock ne doit-il pas justement libérer les masses ? Ses riffs ne sont-ils pas aussi des marteaux délivrant les hommes de leurs chaînes, pour les emmener vers des horizons fascinants ?

Le Cult a construit un univers inquiétant et épique, un occultisme rock et sombre, il est donc logique que son imagerie visite aussi la période la plus trouble de notre histoire moderne. Mais les journalistes lisent et relisent ses textes, tentent de repérer l’impardonnable derrière le folklore. Pour eux, Hitler est comme le diable, il se cache dans les détails. Ces textes évoquent plus qu’ils ne justifient, leurs paroles sont une succession d’images accentuant l’occultisme des mélodies. Mais la rumeur se nourrit de ses propres absurdités , et le groupe est rapidement obligé de se justifier. Convoquer à la tribune, le Blue oyster cult affirme que sa musique n’est que du rock n roll, et que plusieurs de ses musiciens sont juifs.

Tel De Funes dans Rabbi Jacob , les journalistes s’empressent de diffuser la rassurante nouvelle : Salomon … Euh le Blue oyster cult pardon , est juif ! Ainsi rassurés, les moralistes rock pouvaient enfin abandonner la forme pour se consacrer au fond.

Secret Treaties est à la première trilogie du Blue Oyster Cult ce que mort à crédit est à Céline, ou ce que le II est à Led Zeppelin , un monument indépassable. Le Cult a mis de l’ordre dans un rock déjà très sobre pour l’époque. Finies les envolées spontanées, les chevauchées folles où certains riffs sortaient du rang. Ces débordements firent le charme des premiers Etna rock du Blue oyster cult , convertirent moult sauvages Stoogien , mais il fallait désormais ordonner ce dogme.

Le son du clavier est donc uniformisé, et sonne désormais comme une version plus agressive des Doors. Il donne ainsi aux riffs leurs couleurs ésotériques, ouvre les portes d’un monde inquiétant et épique. C’est sur un texte de Patti Smith que s’ouvre Secret treaties, le boogie fantomatique Career of evil. A mi chemin entre la ballade et le blues hanté, la finesse de ce groove lugubre est finalement transpercé par le solo lumineux de Buck Dharma. Cette lumière s’éteint ensuite progressivement , et l’on aperçoit progressivement la silhouette de subhuman , bête somptueuse sortant des derniers nuages de fumées provoqués par le titre précédent.

La mélodie de subhuman caresse l’oreille comme peu de titres de hard rock savent le faire, avant d’exploser soudainement dans un final destructeur. Le plan du cult est fulgurant. Un rythme binaire tisse un swing ardent, le blues devient une poudrière que les solos font régulièrement exploser. Secret Treaties est un champ de mines , mais ses détonations chirurgicales frappent avec la précision d’une torpille allemande. Sur les décombre de décharges rock tels que ME262, la fumée mystique s’élève avec la sérénité des lendemains de tempête. Mais des titres comme Flamin telepath sont encore portés par une voix hargneuse comme un désir de vengeance, des guitares menaçantes comme des ennemis préparant leurs armes.

Le réarmement de l’Allemagne dans les années 30 est une anecdote à côté d’un tel bombardement de rock hargneux et menaçant. La seule chose que l’on puisse reprocher à un tel triomphe, c’est justement sa trop grande perfection. Tout est écrit à l’avance, chaque virage rythmique est soigneusement calculée, empêchant ainsi l'arrivée de ces magnifiques erreurs qui illuminent l’histoire du rock. Que le public se rassure, la prochaine tournée donnera lieu à des prestations bien moins calculées, qui achèveront de placer le Cult au même niveau que les plus grands guerriers du hard rock.              

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire