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lundi 5 avril 2021

Patti Smith 2

 


Pour son concert à l’église St Mark ,  Patti Smith arrive dans un style décontracté , son jean et ses baskets semblant créer un contraste avec la solennité du lieu. La poétesse est pourtant sous tension, elle sait qu’Allen Ginsberg est assis au milieu de cette foule. L’homme est une des figures de proue de la beat génération , cette vague d’écrivains ayant fait souffler un vent de liberté sur l’Amérique. Possédée par son texte, Patti gagne vite le respect d’un public hypnotisé par ses prêches poétiques, oubliant ainsi vite qu’il est d’abord venu pour Gerard Malangua. La performance est soutenue par les distorsions de guitare de Lenny Kaye , rugissements mystiques donnant l’impression que des esprits bienveillants s’extasient sur la prose de la poétesse. La performance de Patti est un triomphe qui lui vaut le respect du milieu rock et artistique.

Si Warhol refuse de l’intégrer à sa Factory , Gérard Malangua lui permet de publier son premier recueil de poèmes. Refusant de séparer le rock de l’art jugé plus « sérieux » , elle célèbre aussi bien Rimbaud que Hendrix et Jim Morrison , avec une verve qui lui vaut le respect du monde des lettres. Séduit par ses portraits, le magazine creem la récupère, mais l’aventure ne va pas durer. Trop orgueilleuse pour jouer les groupies, Patti refuse de se contenter de chanter les louanges des rockers de sa génération. Elle plaque donc tout pour partir en voyage en Europe. De ce périple, elle retiendra surtout son passage à Paris, où elle se recueillit devant la tombe de Jim Morrison, après un passage au café Rimbaud.

Contrairement à elle, le roi lézard n’a pas réussi à faire reconnaitre sa prose. Le rock devint vite une cage pour lui , ses frasques masquant la beauté torturée de sa poésie. Patti ne court pas ce risque, son premier livre étant salué par une presse unanime. Elle rentre donc à New York, boostée par sa visite à ses fantômes sacrés. New York lui réserve un véritable triomphe, et tout ce qu’elle touche semblent désormais se changer en or.

Une galerie expose ses peintures, qui attirent une foule de plus en plus nombreuse. Et puis il y’a bien sûr ces lectures, que Ginsberg décrit comme un « festin de mots », envers lequel il ne cesse de crier son admiration. Ginsberg avait compris que Patti sortait la poésie des cercles fermés d’intellectuels austères, sa hargne rendait la grande culture au peuple. Encouragée par les compliments des grands auteurs beat, la future prêtresse punk prépare un concert sous le nom de rock n Rimbaud au Max Kansas City. Présent ce soir-là , Joey Ramone sera durablement marqué par la hargne de cette femme en transe.

Nous sommes alors en 1973, et une nouvelle révolte bout dans l’underground New Yorkais. Foyer de cette révolution, le CBGB voit défiler Iggy Pop , Lou Reed , des Ramones encore trop jeunes , Blondie ….

De passage dans ce club, Patti assiste à l'un des premiers concerts du groupe Television. Mené par Tom Verlaine , le groupe joue une musique diablement mélodique , aussi énergique que raffinée. Tombée sous le charme du chanteur, dont elle devient vite l’amant, Patti se décide enfin à monter son groupe. C’est encore son vieil ami Robert qui l’aide à franchir cette dernière étape, en lui proposant d’intégrer son amant, Richard Sohl , au clavier. En quelques reprises de blues , Richard obtient le job , et participe à l’enregistrement du premier 45 tours de Patti. Pour ces séances , Tom Verlaine tient la guitare , permettant ainsi à « Piss factory » de faire une entrée fracassante dans les charts.

Ce succès impose vite Patti Smith comme la Janis Joplin du mouvement punk naissant. On parle désormais du duo Smith / Verlaine comme le chef de file d’un mouvement en pleine ébullition , et qui fait déjà beaucoup de bruit dans les fanzines New Yorkais. Bien sûr, il y eut quelques secousses annonciatrices , les Stooges et autres MC5 ayant déjà montré le chemin d’une nouvelle sauvagerie rock, mais c’était toute une vague qui allait se former autour du charisme poético rock du duo Verlaine / Smith.

Les spectateurs du CBGB ont déjà pu remarquer que Patti Smith et Télevision étaient plus murs que des Ramones englués dans leur amateurisme , ou une Blondie n’ayant pas encore trouver la formule disco rock qui la rendra célèbre.

La réputation du tout jeune Patti Smith groupe enfle vite, et dépasse les frontières New Yorkaise. La rumeur parvient même aux oreilles des plus grands , comme Bob Dylan. Quand elle le reconnait dans la foule du Greenwich village , Patti n’en croit pas ses yeux. Après le concert, le grand Bob vient voir la chanteuse backstage , et les photos du duo font encore grandir une popularité qui n’est déjà plus à faire. Fort de cette notoriété, Patti Smith s’enferme en studio, où elle demande à John Cale de produire son premier album. Déjà à la manœuvre sur le premier album des Stooges , Cale va enfin concrétiser ce que le Velvet avait annoncé quelques années plus tôt. Nous sommes alors en 1975, et le punk américain est sur le point de naitre.           

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