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samedi 12 septembre 2020

Alice in chains : Dirt (1992)



Formation :
Layne Staley : chant
Jerry Cantrell : guitare, backing vocals
Mike Starr : basse
Sean Kinney : batterie


Après Facelift le précédent disque qui laissait entrevoir de belles qualités mais sans être toutefois complètement abouti, Alice in Chains ne nous déçoit pas avec ce « Dirt » magistral.
Au risque de me répéter encore une fois mais 1992 fut vraiment une année faste  pour le rock "alternatif" : Ministry, Rage against the machine, L7, Faith No More, Nirvana, Helmet et Alice in chains donc.
Avant même d’écouter la moindre note, la pochette, magnifique, donne le ton : on a bien affaire ici à un album malsain, presque glauque, poisseux, sombre et oppressant par moment, tout en gardant un fort goût pour les mélodies (voix et guitares).
Entre Heavy métal sabbathien, grunge (c'est l'époque et en plus le groupe vient de Seattle mais pour moi Alice In Chains ne peut être assimilé que de loin à cette vague), stoner rock 70's et hard rock plus classique (Dam that river a par exemple un petit quelque chose d'Aerosmith je trouve).

Et si le chant de Lane Staley colle parfaitement à l’atmosphère de l’album – voir plus loin – on se rend tout de suite compte que Jerry Cantrell, le guitariste sait manier le manche aussi bien pour les riffs, les solo ou les passages acoustiques, avec plus d'une corde à son arc, en plus de magnifiquement bien composer.
« Them bones » qui ouvre l’album est une claque qui donne le ton, cela faisait un certain temps qu’on avait pas entendu quelque chose aussi pesant !
Je trouve personnellement que la seconde partie est la plus intéressante, la plus révélatrice de la face sombre du groupe, de la noirceur des compositions avec « Junkhead », « Dirt », Godsmack », « Hate to feel » et « Angry chair » et un son qui est quasiment une marque de fabrique du groupe, facilement identifiable. Plus les titres s’enchaînent, à partir de « Dirt » plus on est pris par cette atmosphère suffocante.

Les autres morceaux forts : « Dam that river », « Sickman » et « Down in a hole » (très belle balade, très réussie ; l'autre balade « Rooster est moins bien, sans plus je dirais)
Un classique « métal » (au sens large) des années 90's, un excellent album qui fera date et qui aurait mérité, au delà des ventes relativement importantes, à être davantage reconnu comme ayant révolutionné le genre, alors que Nirvana - pour le grunge - et Korn - pour le Nu métal ont eux récolté les lauriers. L'album suivant, sans titre, celui avec le chien à trois pattes sur la pochette, sera également très bon, juste peut-être moins marquant et pas de titres aussi accrocheurs que les perles qu’on trouve sur « Dirt ».

Et puis c’est l'occasion ici de rendre hommage à Layne Staley (décédé en 2002) et à sa voix si envoûtante et mystérieuse (par exemple sur « Hate to feel » ou « Rain when I die »), cet écorché vif qui hurlait son mal de vivre et qui à travers ses textes nous envoyait directement sa souffrance en pleine face.

Warren Hayne 4

 Deja Voodoo de Gov't Mule sur Amazon Music - Amazon.fr

La mort d’Allen Woody a mis un coup d’arrêt à l’aventure Gov’t mule, le choc était trop fort pour trouver un remplaçant au deuxième fondateur du groupe. Hayne a donc soigné son traumatisme en se réfugiant dans l’ombre de l’Allman brother band, et on ne verra plus son nom dans les bacs des disquaires pendant trois longues années. Les Allman sont eux aussi dans une mauvaise passe, la mésentente entre Dickey Betts et Gregg Allman étant arrivée au point de non-retour. Gregg finit par évincer celui qui fut le partenaire de son frère, mais les procès intentés par Dickey Betts paralysent le groupe. Sorti vainqueur d’une bataille qui a durée plusieurs années , l’ABB s’offre les services de Dereck Truck, qui forme vite avec Hayne un duo grandiose.

Cette nouvelle formation entre en studio, et hittin the note sort enfin en 2003. Plus mélodieux que celui de Dickey Betts ,  le jeu de Dereck Truck offre au groupe un son plus jazzy. Les titres s’allongent, les douceurs jazz psychédéliques poussent comme des champignons magiques , les solos se croisent et s’enlacent sur un rythme boogie. Si Shade of two word sonnait parfois comme un hommage à un blues très pur, hittin the note revient à un mojo plus libre. Le vrai purisme brille ici, dans ces divagations qui réveillent les fantômes de Charlie Mingus et Bo Diddley. Le musicien puriste n’est pas un homme qui ressasse toujours les mêmes plans comme un dogme inviolable. C’est au contraire celui qui les réinvente pour entretenir la splendeur de sa musique.  

Dans ce cadre, les Allman enrobent leurs blues dans les notes d’un clavier chaleureux comme le saxophone de Sonny Rollins. Les racines sont plantées par une rythmique qui se nourrit de la régularité implacable des premiers albums du gang . Là-dessus,  les mélodies s’élèvent comme ces grands chênes, qui semblent exister depuis des millénaires. Les rythmes varient les cadences , créent une liberté qui accouche d’une variété de sons et d’ambiances. Le spectre sonore de ce disque va du groove funky de « firrin line » , au spleen champêtre de old before my time. On est embarqué dans un vieux train, sur les rails de l’histoire musicale américaine , et les ombres de James Brown , Miles Davis , ou des Outlaws se laissent admirer à travers ses fenêtres.

Hittin the note impose le duo Hayne/Truck comme l’un des plus brillants que les Allman Brother aient connu. Sa classe est comme une plante qui aurait sa tête dans les étoiles, tout en restant solidement enracinée  dans ses terres. Il fallait bien une réussite telle que celle-ci pour que Warren Hayne retrouve progressivement l’envie de sortir de l’ombre.

C’est une grande fête, l’hommage du fils du blues à un de ses parrains. Le Jazz fest de la Nouvelle Orleans a été créé pour entretenir les liens étroits qui unissent le jazz au blues et au rock. Régulièrement, une poignée de rockers au swing cuivré s’y réunissent pour saluer l’âme de Charlie Parker, et de ceux qui grâce à lui se sont mis à jouer.  

En cette année 2003, la tradition des grands big bang sera totalement respectée. N’ayant pas pris le temps de chercher un remplaçant à son bassiste, Gov’t mule joue avec les musiciens de passage ce soir-là. Du côté de la set list, ils se font plaisir , en jouant les titres sur un coup de tête. La spontanéité est parfaite, elle permet de ne mettre aucune barrière entre les musiciens et l’émotion engendrée par leur retour. C’est une vingtaine de bassiste qui se succède au côté de Gov’t mule , des pointures telles que Roger Glover , John Enthwiste , Jack Cassady , pour ne citer que les plus illustres.
Dans les trois heures qui furent immortalisés dans « the deppest end » chacun pourra retenir la facette de la mule qu’il préfère. Dans cette grande fête, les survivants de la formation originale expérimentent, se rapprochent de splendeurs abandonnées, redécouvrent leur palette sonore et la profondeur de leurs mélodies.

On retrouve cette capacité à faire groover le tranchant du hard rock anglais , comme si Lynyrd s’était mis à jouer avec Deep Purple. Cette puissance de feu constituera une bonne partie du premier disque de ce double live, elle explose sur le duo ravageur « blind man in the dark » et « bad little doggie ». Les riffs de ces titres sont de véritables sirènes apocalyptiques , qui prennent toute leur ampleur menaçante sur scène. On est dans le même registre que « Immigrant song » , ce titre où la guitare de Page et les hurlements de Plant sonnaient vraiment comme l’assaut sanguinaire des terribles vikings.

Un peu plus tard , Jason Newsted embarque le groupe dans son passage le plus violent , qui est paradoxalement son plus faible. En plus de montrer que Metallica a perdu toute sa finesse avec la disparition de Cliff Burton il prouve aussi que les musiciens rock et métal sont aussi antagonistes que le rock et le métal eux mêmes. Le bassiste sacrifie tout à la puissance sonore, suit les plans dictés par Black Sabbath sans parvenir à se les approprier. Avec lui, « sweat leaf » et « war pig » sonnent comme un hommage appliqué mais plat, un clin d’œil sans intérêt. Au final, les deux reprises ressemblent à un cheveu de sorcière dans une soupe bluesy.

Heureusement, il y a ces moment hors du temps, où le groupe sculpte patiemment ses mélodies.  C’est lors de ces moments que les genres se rencontrent et s’enlacent, que les frontières artificielles séparant les différentes musiques américaines s’écroulent.

Sur John the revelator , Warren Hayne nous refait le coup du prophète hypnotisant la foule. Introduisant le titre seul, sans instrument pour parasiter son charisme mystique, il a l’aura fascinante d’un Johnny Cash chantant le folk au crépuscule de sa vie. Cette voix qui s’élève dans cette arène, c’est le cri de rage des oubliés de l’américan dream et l’homélie saluant le courage des pionniers. C’est l’expression de l’histoire d’un pays qui connut ses grands drames et ses gloires. Les instruments entrent ensuite dans la danse , et le saxophone salue la mémoire de Charlie Parker , celui qui « permit aux autres de souffler ».

Le Jazz et le blues reprennent alors un dialogue entamé dans les bars de Chicago, et que Gov’t mule incarne désormais mieux que personne. On ne parle plus vraiment de Jazz , de blues , on admire juste le résultat d’un mélange dont on ne discerne plus les ingrédients.

Les moments les plus marquants de ce concert sont dans les envolées chaleureuses de Sco mule , dans la transe voodoo de John the revelator , sans oublier cette jam digne de Jethro tull sur 32/20 blues. Avec ses collaborateurs d’un soir , Gov’t mule dessine le chemin de son avenir.

Ce qui était prévu comme un point final digne de l’histoire du groupe laisse entrevoir des lendemains radieux. Ces hommes avaient foulé la scène du jazz fest en se disant qu’il devaient écrire une fin digne de leur histoire , ils en ressortent avec la conviction d’avoir un avenir.    

Warren Hayne 3

GOV'T MULE: Dose: Avis/Chronique

La batterie déclenche des détonations sismiques, la guitare hurle comme une sirène annonçant l’apocalypse. Cette ouverture sur blind man in the dark est chargée de toute la puissance accumulée lors de la dernière tournée. Second album du groupe , Dose ne pouvait trouver meilleure introduction. Le groupe déclenche une tempête heavy rock, broie le fantôme de l’Allman Brother Band dans un riff sanguinaire. Déjà joué lors du concert au roseland balroom , trane est une poudrière menaçant de s’enflammer. Tout le charme de ce titre tient dans son groove pesant, sa noirceur menaçante.

Les chorus de guitare rugissent comme une bête prête à mordre , la batterie semble marquer le pas d’une procession funèbre. Dose est un second disque tendu , ses jams sont tranchantes comme un solo de Ritchie Blackmore. Thelonious Beck transforme le boom boom de Hooker en explosion heavy rock , un séisme donnant à chaque pulsation de batterie des airs de décharges dévastatrices. Warren Hayne ne retient plus ses coups , ses solos tonnent désormais comme des décharges de canons frappant le mur de la tradition sudiste. Entre deux éruptions, des titres comme game face laissent la mélodie s’envoler dans des bulles aériennes , doux relent psychédélique réveillant les grandes heures de San Francisco.

La violence de Gov’t mule n’est pas un artifice pour impressionner le chaland, c’est un ingrédient dans son tableau rempli de contrastes. Cette violence accentue la grandiloquence des refrains, donne au chant des airs de supplication face à l’apocalypse , et la puissance reste un émissaire au service de la mélodie.

La ballade towering fool annonce une seconde partie plus apaisée. La mélodie est douce , presque tendre , c’est un ange que le groupe n’ose brusquer. Les solos rendent hommage à ce blues tranquille , ils s’élèvent comme David Gilmour sur Confortably numb. Ce genre de blues rêveur fait le lien entre le monde virtuose du Floyd et la rugosité sudiste , il rappelle que Gov’t mule se nourrit à ces deux mamelles antagonistes. La basse de « Birth of the Mule » sonne d’ailleurs comme la contrebasse de Charle Mingus , dirigeant ainsi un free jazz heavy, dont les saccades boogie saluent la naissance du rock sudiste. Là-dessus, la guitare hurle comme une âme damnée,  elle fait penser que le Black sabbath des premières heures s’est joint à cette improvisation folle.

La gloire de Warren Hayne se situe justement dans cette capacité à marier la carpe et le lapin , en restant fermement enraciné dans le passé. Il faut entendre son groupe reprendre John the revelator de Blind Wille Johnson pour comprendre. Ce qui était un gospel blues terreux devient une grande messe voodoo aux accents bluegrass.

Pris dans ce tourbillon mystique , les lamentations de Warren Hayne semblent tutoyer les grands esprits. La tradition danse une valse fascinante, les fantômes du passé accouchent d’une mélodie unique. Les mélodies de Gov’t mule ont le charisme de ces vieux disques qui dorment dans les caves des grands labels, ces documents retraçant une époque où tout était à inventer.

Les critiques pourront toujours chercher , dans le moindre solo ou la moindre note , les traces d’un plagiat de classiques du passé. Cette recherche laborieuse ne fera que faire grandir leur admiration face à cet édifice novateur fait d’un bois venu d’un autre âge. Si le groupe parvient à rapprocher des éléments en apparence opposés , c’est qu’il joue comme si tout restait à inventer.

Après tout , Chuck Berry n’a fait qu’accélérer le blues , Sun Ra a joué du bebop pendant des années , et les premiers hard rockers n’étaient que des bluesmen blancs. Mais ceux-là s’étaient approprié ce patrimoine , et l’emmenaient progressivement sur des chemins de plus en plus inexplorés. C’est exactement ce que fait Gov’t Mule avec ce Dose.

Ce second album est aussi le début d’une période de maturation qui va, progressivement, mener la mule à produire des mélodies de plus en plus riches.

Après la sortie de Dose , Gov’t Mule effectue une série de concerts monumentaux , où il réinvente ses standards entre deux titres de ses albums. ZZ top , Black Sabbath , Neil Young , les classiques se réinventent ainsi dans des prestations qui n’ont rien de nostalgiques. Sorti après cette série de concerts triomphaux , life before insanity est un disque plus anglophile que son prédécesseur. Le boogie le plus gras côtoie ainsi les mélodies tolkenniennes de Led Zeppelin , les ballades font preuve d’une douceur pop digne des sixties. Il y a un monde entre wandering child et life before insanity , Gov’t mule dessine de nouvelles contrées et nous guide à travers ses décors.

La mélodie féerique de « life before insanity » rappelle les paysages fantastiques d’house of the holy, alors que bad little doggy suit les leçons de Led Zeppelin IV. La rythmique s’emballe , ralentit brusquement, change de direction brutalement , et les solos décollent au milieu de cette terre pleine de cratères impressionnants. Cette alchimie musicale est celle qu’initia Jimmy Page, grand druide du hard rock alliant l’ombre menaçante du rock le plus dur , et la beauté lumineuse de mélodies épiques.

Your Burden Down permet à Gov’t mule de ramener cette magie en Amérique, d’appliquer ce procédé aux terres plus traditionnelles de la musique américaine. Le synthé purplelien entre dans une chevauchée sanguinaire , qui donne au boogie blues un tranchant inédit. Incantation de l’esprit d’Howlin Wolf dans un chaos heavy , le titre est un puissant hommage aux martyrs des champs de cotons.

Puis vient ce qui restera comme le sommet de la première période de la mule , fallen down. Ce titre dépasse toutes les étiquettes , c’est une pop solennelle comme les vieux blues , un blues drapé dans la finesse séduisante de la pop, une homélie musicale appelant Dieu sur un solo céleste. Autant l’avouer, la mule n’a jamais fait mieux que ce titre , ce qui ne veut pas dire que life before insanity est son meilleur album. Ce troisième disque montre encore un groupe à peine sorti de l’œuf, il fait encore partie des premiers pas d’une formation qui ne demande qu’à mûrir.

Life before insanity montre  un groupe qui s’emballe dans de grandes orgies heavy , des éruptions impressionnantes sans être complétement maitrisées. Si beaucoup considèrent les trois premiers albums de la mule comme des sommets indépassables, c’est par attachement à la formation originale.

La fin brutale de la première formation de la mule a entrainé une forme de nostalgie qui a beaucoup nuit à la suite de la carrière du groupe. Quand, quelques mois seulement après la sortie de Life Before Insanity , Allen Woody fut retrouvé mort d’une overdose , tout le monde savait qu’il emportait l’identité du trio dans la tombe.

Si il est vrai que les trois albums qu’il a produit avec le groupe sont des classiques incontournables , que le groupe ne sonnera plus jamais de la même façon , il entame tout de même une seconde partie de carrière brillante.

Mais avant la renaissance vient le temps du deuil.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

Warren Hayne 2

Gov't Mule: Gov'T Mule: Amazon.fr: Musique 

 « Don’t you mind people grinin in your face »
Warren Hayne déclame ses paroles avec la ferveur du premier communiant. Il est le loup hurlant qui a perdu son choral gospel, un ange mystique perdu sur terre. Toutes les grandes musiques sont mystiques, la musique n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une religion qui crée ses dieux. Devant une telle ferveur, les musiciens restent muets , ils savent que leurs instruments ne feraient que déranger cette communion. Ce chant à capela est aussi puissant que Billy Holiday chantant le blues des victimes du KKK sur strange fruit . Cette complainte fait partie de la grande expression de l’âme humaine.
Premier album de Gov’t mule ,  cet album éponyme est un hommage à cette mère universelle, cette terre d’Amérique dont les paysages accouchèrent de tout ce que la musique compte de grandiose. Après la prière a capela de son leader, le trio développe une puissance digne des power trios légendaires. Ce qui frappe avant tout , c’est ce groove gras et rugueux , cette locomotive heavy qui semble tirer toute une partie de l’histoire musicale du sud.

La batterie apache dirige la cérémonie, les riffs dansent autour de ses incantations comme la tribu de Geronimo en pleine fête voodoo. Dans un chaos paroxystique, la guitare entre en transe , grande dévote au service des grandes icônes noires. On sent déjà, dans la mélodie et les instrumentaux rêveurs, une envie de sortir des clichés liés au rock sudiste. La tentative est encore timide, le trio battant un fer brûlant qui ne lui autorise aucun calcul.

Alors Gov’t mule donne quelques pistes permettant de deviner ses futurs coups d’éclat , il esquisse le plan du prochain voyage.  Les riffs lâchent parfois quelques bulles psychédéliques , qui éclatent avec une grâce Gilmourienne. Sur trane , le groupe cherche un peu son groove , fait un détour du coté de Macon , terre natale des frères Allman. Puis le rythme s’emballe, le déluge s’intensifie, et l’âme d’Hendrix ressuscite dans un brasier free jazz rock. Gov’t mule a retrouvé le cœur d’un puissant cratère, et joue comme si sa puissance permettait d’en entretenir la puissance flamboyante.
Ce qui s’exprime ici, c’est la terre et le ciel, la rigueur de la tradition et la recherche dévote d’une beauté mystique . C’est une force supérieure descendant sur cette terre qui a porté tant de grands hommes. Dans ce contexte, Mr Big est bien plus qu’un hommage au groupe Free, c’est le point d’orgue que le groupe de Paul Kossof n’a pu atteindre.  Même quand il rend hommage à un groupe anglais, Gov’t mule garde cette ferveur groovie que seuls les américains savent entretenir.
Gov’t mule est un premier album qui a déjà des airs d’aboutissement, un pavé issu d’une époque où la musique était un totem sacré. Ainsi naquit Gov’t mule , glorieux gardien d’une flamme céleste.
 Le premier album ayant eu un succès honorable, Gov’t mule s’embarque dans une grande tournée américaine. Conscient de la puissance qu’il déploie en concert, le trio enregistre son premier live au Roseland Balroom.

 Ouvert en 1917, cette salle était à ses débuts réservée aux blancs. Les bourgeois venaient y danser sur des airs pompeux, inconscient de la révolution culturelle qui s’apprête à envahir leur salle. Dans les années 20 , le jazz déploie ses ailes d’or , et ses noires magnifiques défoncent les barrières ségrégationnistes à grands coups de swing. De la douceur de Neil Armstrong , à la tristesse éblouissante d’Ella Fitzerald , le jazz est la force irrésistible qui permet à la musique noire d’envahir une première fois les radios et salles de concerts. La révolution en marche atteint vite le roseland balroom , où l’on vibre désormais au rythme du dixieland.

 Quand on sait que Gov’t mule doit son nom à un décret qui promettait à tout esclave libéré une terre et une mule pour la cultiver, enregistrer son premier concert ici sonne comme une évidence. Le rock est le prolongement du jazz et du blues, l’achèvement d’un combat culturel entamé dans les années 20. Après avoir lutté pour imposer leur culture, les dieux du jazz et du blues donnaient naissance à des enfants blancs , caucasiens et noirs se lançaient dans un groove métisse.
 Quand Gov’t Mule découvre le roseland Balroom , il voit d’abord une de ces façades grisâtres qui forment le décor des vieux films américains. Sur le fronton,  le nom de la salle s’affiche en grandes lettres rouges , seule couleur sur un mur sinistre. Le groupe s’installe, la salle commence déjà son grondement dévot, et le rideau s’ouvre. En lançant les première notes, Warren Hayne est impressionné par la disposition des spectateurs. Devant lui, le public forme un gigantesque entonnoir qui semble prêt à l’engloutir. Un étage supérieur est placé sur les côtés de la salle enfermant le trio dans une avalanche de clameurs.

 Une foule pareille ne se maîtrise pas avec des berceuses, et la présentation du groupe laisse rapidement place à une rythmique de plomb. Gov’t mule prend alors le temps de construire son groove sismique, et les instruments hurlent sous la torture de musiciens déchaînés. Ce déchaînement n’est pas dénué d’une certaine finesse et, porté par la puissance de sa section rythmique, Warren Hayne décolle vers des sommets qui n’étaient plus explorés depuis la mort de Duane Allman. Gov’t mule déchire le blues , et Hayne se charge de lui passer la pommade , la grâce de sa guitare sort le groupe du bourbier assourdissant dans lequel trop de ses contemporains se complaisent. Longue improvisation de 16 minutes , Trane met le public à genoux dès les premières notes. Comme une grande apothéose céleste , cette longue divagation s’éteint sur le riff de St Stephen.

 Le San Francisco sound est ainsi repris à la sauce redneck , la cote hippie se réconcilie avec le sud sur un boogie lumineux. Ce soir-là, Gov’t mule redonne un avenir au rock, il défend son héritage sans l’ériger en monument intouchable.

Pour clore la fête, Voodoo child ressemble à l’incantation assourdissante d’une secte antique face au kraken. Cette fois, la force réveillée par cette incantation est le rock dans ce qu’il a de plus virulent. Les amplis tremblent encore lorsque les dernières notes de Voodoo Child s’éteignent, le rideau se refermant ainsi sur les débuts glorieux de Gov’t mule.

mardi 8 septembre 2020

Warren Hayne 1

Tales of Ordinary Madness: Warren Haynes: Amazon.fr: Musique

Ca y’est c’est fini ! Cette cochonnerie de pop a fini par avoir sa peau !
Ils étaient pourtant nombreux derrière Lynyrd Skynyrd , armée incorruptible au service d’une terre sacrée. Une bonne partie de la musique américaine est née ou a grandi dans le sud, cette terre est chargée d’une histoire que ses musiciens étaient prêts à défendre jusqu’au bout. Lynyrd fut le premier gardien du temple , celui qui n’hésitait pas à en venir aux mains pour préserver sa musique des calculs sinistres des producteurs. Les hommes se battent bien pour leur boulot , leur famille , leur patrie , ils doivent désormais se battre pour la musique.

 Une fois sa guerre gagné, Lynyrd a ouvert la voie à une armée de rednecks grandioses , le soleil du sud venait réchauffer un rock sortant de quelques années de psychédélisme pompeux. Point Blank , Molly Hatchet , Blackfoot , la liste des combattants sudistes est trop longue pour être résumé. Cette valeureuse armée a survécu au rock progressif , aux glaviots punk , mais elle ne pouvait résister aux années 80.
 Les années 80 voient l’émergence d’une nouvelle vision de la musique, plus uniforme et artificielle. C’est sans doute à cette époque que la musique a commencé à être perçue comme un divertissement, les clips confortant l’auditeur dans une niaiserie terne. Les synthés ont ensuite pris une importance démesurée, et les sifflements de ces infâmes serpents robotiques ont tué la grandeur du rock . Mélodie plate, chant grandiloquent et production proprette sont devenus la norme .Ce n’était plus de la musique que l’on produisait, mais un bruit de fond assez agréable pour isoler l’homme moderne d’un monde déprimant.

 Paradoxalement, l’avènement de la pop moderne fut plus un coup de grâce qu’un véritable génocide du groove sudiste. Déjà en 1977, la mort brutale de plusieurs membres de Lynyrd Skynyrd avait entamé l’assurance de ses combattants privés de chef. Alors ils ont durci le son, pactisant avec les forces du hard rock pour survivre à la mort de leur emblème. « Beatin the odd » de Molly Hatchet sonnait presque comme du AC/DC, Blackfoot se transformait en Status Quo américain, et cette stratégie permit en effet à ces groupes de sortir des disques brillants . Mais le ver était dans le fruit et , si le rock sudiste s’était plié une première fois aux exigences de son époque , c’est qu’il était prêt à recommencer.
 1983 fut donc l’année de la grande capitulation, les sudistes produisant les mêmes mélodies niaises que les autres, pour ne pas être jetés aux oubliettes. La traversée du désert va durer 7 ans , et sera largement incarnée par la fameuse voiture rouge de ZZ Top. Cette génération était morte, détruite par les exigences de producteurs à qui elle a fini par céder trop facilement.

 Leur salut, les sudistes le trouveront dans leur passé, grâce au groupe qui a tout inventé. Les frères Allman étaient mort avec Duane , et les quelques bons disques qu’ils sortirent juste après sa mort n’étaient que les tremblements d’une formation à l’agonie. Il mirent des années à trouver celui qui, coincé au milieu de la scène locale, avait le charisme et la virtuosité capable de ressusciter la grandeur que les Allman avait atteint lors de leurs concerts au Fillmore. Après une série de formations dont l’histoire n’a pas retenu le nom, Warren Hayne a atterri dans le groupe de Dickey Betts , un des membres fondateur de l’Allman brother band.

Impressionné par son jeu fin et puissant , Betts réussit à l’imposer à Gregg Allman , et les pionniers du rock sudiste enregistrent ensuite shade of two word. Avec ce disque, les frères allman retournent le pâturage sudiste pour lui rendre sa fertilité , ils redonnent de l’air à une terre qu’ils furent les premiers à cultiver.
 End of the line est l’équivalent moderne de whippin post , le premier remet tout le monde sur les rails tracés par le second. Lynyrd et ses disciples n’ont jamais réellement atteint ce groove terreux, ils étaient trop attachés au rock anglais pour parvenir à ce niveau de pureté.  La génération de Lynyrd s’extasiait devant Cream et Free , alors que les Allman ne juraient que par les grands du blues.
Pour imposer son appropriation du blues, les Allman l’ont étendu lors de grandes improvisations inspirés de la virtuosité du jazz. Au fil des instrumentaux, leur mojo se faisait plus hypnotique , leur blues rock se colorait de psychédélisme séduisant les rockers de San Francisco. Shade of two word reprend à la lettre cette formule qui fit la légende des frères Allman.

 Boogie apocalyptique sur nobody knows , délire de mangeur de champignon magique sur midnight man , shade of two word part de sommets vertigineux, pour s’éteindre sur les notes chères au peuple du blues. Il fallait redonner forme à un modèle déformé, et Warren Hayne est le phare qui permet aux Allman d’y parvenir. Sa guitare slide flirte avec la chaleur des premiers blues , ses solos mènent une danse hypnotique et majestueuse , ses riffs redonnent au Allman brother la fougue des jeunes loups.
 Le signal est lancé, et il s’achève sur un blues qui flirte avec le « you gotta move » des Stones. Il ne faudra pas longtemps pour que ce signal soit entendu, et un autre groupe naît de ce groove quelques mois seulement après la sortie de shade of two word. Sortis en 1989 et 1991 , shake your money maker et  The Southern Harmony and Musical Companion placent les Black crowes en tête d’une nouvelle vague qui va déjà ramener les Allman au second plan. Avec ses deux disques , les jeunes texans n’ont pourtant rien inventé, ils se sont contentés de ressusciter le rock anglophile qui s’est étiolé après la disparition de la première formation de Lynyrd. Ils avaient un feeling stonien et une puissance digne de led zeppelin , le tout mâtiné de gospel  et porté par un groove sudiste irrésistible.

Doublé par ces jeunes à qui il a pourtant montré la voie, Warren Hayne profite d’une pause dans la carrière des frères Allman pour enregistrer « tales of ordinary madness ». Ce disque pourrait à lui seul définir cette « grandeur de l’échec » vénérée par Marc Edouard Nabe. Hayne avait coché toutes les cases , durcissant son jeu et flirtant avec ce hard rock que les crowes vénéraient. Les synthés étaient agressifs et puissants comme ceux de John Lord , les solos avaient la grandiloquence d’un Jimmy Page construisant son escalier vers le paradis. 

 Mais Warren Hayne restait plus fin, plus mélodieux, plus mature que ses rivaux juvéniles. Comparer ce disque à ceux des Crowes , c’est rejouer l’éternel combat entre la maturité et l’énergie , la finesse et la puissance viscérale. Hayne ne s’inspire pas de Lynyrd , il a cette musique dans le sang , cette époque fut autant la sienne que celle de Steven Van Zandt. Oublié au milieu des terres où tout a commencé, l’imposant guitariste représente le réveil d’une génération qui n’est pas encore prête à mourir. L’anonymat a conservé la fraîcheur de son jeu, son rôle de second couteau lui a permis de mûrir sans vieillir.

 Plusieurs des solos présents ici sonnent comme des échos de free birds , Hayne salut les glorieux contemporains qu’il va désormais remplacer. Tale of ordinary madness était trop mélodieux, trop travaillé pour séduire les adeptes des Black crowes. Il reste tout de même un classique trop peu salué, un disque qui se nourrit de l’énergie de son époque sans oublier d’où il vient.
 Après ce coup d’éclat sorti dans l’indifférence générale, Warren Hayne fait la connaissance d’Allen Woody. Les deux hommes partagent la même vision de la musique, et décident rapidement de former le power trio qui va révolutionner une nouvelle fois la musique sudiste.      

mercredi 2 septembre 2020

Thelonious Monk Quartet

 Monk's Dream: Thelonious Monk, Thelonious Monk: Amazon.fr: Musique
Thelonious Monk représente, avec Mingus et quelques autres, la naissance du jazz moderne. Comme beaucoup de musiciens des années 30 à 50, son parcours musical démarre dans une église , où il plaque ses premières mélodies sur un vieil orgue poussiéreux. Ses progrès rapides lui permettent d’intégrer ses premiers Big Band, et d’en sortir avec la conviction que ces formations tapageuses ne sont pas faites pour lui.

Il en arrête donc ses errements collectifs, pour former son quintet , et trouve sa voie à force d’improvisations. Sa première inspiration, le grand Monk la trouve en se promenant en ville. Au milieu de bâtiments imposants, les automobilistes expriment leur empressement à grand coup de klaxon rageur. Ce son, qui pour le commun des mortels n’est que l’expression irritante de la bêtise d’hommes qui fonceraient dans les murs pour gagner quelques secondes , est la base du swing Monkien.

 Notons en passant que l’essor des moyens de locomotion a fait autant pour la musique américaine que n’importe quel instrument. Du côté du Missisipi , les travailleurs de coton passent leur vie à reproduire le rythme des trains pour accompagner leurs complaintes. De cette manière, le jazz et le blues furent liés dès leur origine , le premier représentant le swing urbain alors que le second entretenait un swing terreux et rural.

Après quelques années chez Blues note , qui publia le grandiose « criss cross » , Monk est enfin signé par Columbia. Ce label n’est pas une simple maison de disques, c’est un temple qui a abrité les plus grands artistes contemporains, d’Aretha Franklin à Bob Dylan, en passant par Miles Davis et Duke Ellington. C’est donc logiquement sur ce label que Thelonious Monk livre ce qui restera le sommet de sa classe dissonante.

Cette musique, c’est un édifice magnifique mais bancal, une beauté excentrique qui semble toujours sur le point de s’effondrer. Titre emblématique de l’album, Monk dream est le symbole de cet équilibre au-dessus du chaos. Monk joue comme un pianiste schizophrène , ses mains semblent dotées de deux volontés autonomes. L’une d’elles montre une discipline implacable, elle martèle le rythme autour duquel vient s’enrouler une charpente faussement bancale. La seconde main danse follement autour de son swing, elle initie une valse délirante que la basse et le saxophone vont bientôt poursuivre.
                           
La mélodie se dessine ainsi, fragile et mystérieuse , les silences accentuent les contours de sa fresque excentrique. Ce jeu sur les silences donne l’impression que Monk Dream (l’album), largement écrit et répété, est issu de l’improvisation hasardeuse d’un groupe en pleine exploration sonore. L’excentricité du piano passe pour une recherche de mélodie, les silences ressemblent aux hésitations d’un groupe qui ne sait pas où il va. Les mélodies jouent avec nos nerfs, mais tiennent comme par miracle.

Quand on parle de Jazz moderne, le blues n’est jamais loin, comme le montre five spot blues et bolivas. Ecoutez un peu ces notes dépouillées, cette rigueur minimaliste qui dit plus en trois ou quatre notes que la plupart de la concurrence en un disque. Aujourd’hui, on parlerait sans doute de blue jazz ou de jazz blues , comme si il fallait une étiquette pour rassurer l’auditeur inquiété par une trop grande originalité. Il suffit pourtant d’un mot pour qualifier ce disque : swing.

Quand la basse plaque ses accords répétitifs, quand le piano de Monk manie les dissonances comme un équilibriste au bord de la brèche, quand les silences laissent résonner les notes et vibrer la mélodie, c’est le swing qui est à la fête.

Malheureusement, Monk sera victime d’une vague terrible et irrésistible, celle du rock. Conscient que sa musique ne peut plus cohabiter avec le fils du blues, Monk devient de plus en plus irritable, il sent que la fin est proche. Même les plus grands artistes ne sont pas éternels et, voyant désormais le vieux jazzman comme un boulet , Columbia le vire sans ménagement en 1972.

Dans le milieu du jazz, son comportement colérique permet aux snobs de faire courir la rumeur qu’il serait idiot, et que son génie ne serait que le fruit d’un don inné. Cette rumeur ne fait que renforcer le mythe Monk. Elle permet à Monk Dream de s’imposer comme le chef d’œuvre d’un homme qui, à force de travail acharné, a atteint une forme de beauté que ses contemporains ne peuvent expliquer de façon rationnelle.  


lundi 31 août 2020

LUNACHICKS : Jerk of all trades (1995)

Formation :
Theo Kogan : chant
Sidney « Squid » Silver : basse, seconde voix
Gina Volpe : guitare
Sindi Benezra Valsamis : guitare
Chip English : batterie


Après un « Babysitters on acid » et un « Binge and purge » corrects mais sans plus, quel choc que ce « Jerk of all trades » démentiel  à tout point de vue (son, compositions, voix, originalité).
Formé à la fin des années 80 par cinq new-yorkaises le groupe a sorti pas mal d'enregistrements (EP, LP, live) mais deux sortent du lot « Jerk of all trades » et « Pretty ugly » l'album qui suivra.
16 titres, 16 réussites, rien à jeter, tous les titres sont bons ; on pourrait en faire 16 « tubes »  punk rock  !

Sorti sur le label Go Kart ce disque est l'un des dix meilleurs albums punk rock (au sens large) de tous les temps !
C'est tonique, rafraîchissant, neuf, au delà du punk rock.
Lunachicks nous surprend, nous étonne, c'est souvent imprévisible.
Pour résumer : énergie + mélodies/refrains au top + gros son + originalité + trouvailles dans les compositions travaillées (musique et surtout la voix) et qui marquent les esprits.
Lunachicks assimile , absorbe aisément ses influences rock, punk, métal et garage pour prendre le meilleur à chaque fois et pour sortir quelque chose d'assez unique, quelque chose qui se démarque de ce qui avait déjà été fait dans le genre, sans oublier l'humour, le look, les paroles décalées, l'attitude, les pochettes, leur amusement à s'enlaidir (y compris sur scène), le côté loufoque et « provoc » second degré du meilleur goût que j'adore.

Je soupçonne la chanteuse Theo Kogan d'avoir un peu écouté (voir beaucoup écouté) Nina Hagen, source d'inspiration évidente avec la volonté de trouver de nouvelles tonalités et intonations vocales, de nouvelles subtilités dans la façon de chanter et d'une part ça fonctionne et d'autre part cette influence est loin de me déplaire.
En tout cas Théo est sans doute la meilleure chanteuse punk depuis Nina.
Si la musique tient (bien) la route et assure sans problème le côté vocal / harmonies / est vraiment le plus du groupe.
Au niveau musical la marque de fabrique du groupe sont les nombreux changements de rythme, qui donnent de la vigueur aux chansons et qui font qu'aucune n'est monotone, des breaks au moment où on ne les attend pas, toujours dans la surprise d'où l'originalité (par exemple de la guitare « flamenco » sur « Drop Dead » ou du cor de chasse sur « Jerk of all trades » !!!).

On trouve trois morceaux hyper rapides du vrai punk qui arrachent « Drop dead », « Buttplug » et « Jerk of all trades » (ah ce titre ! Implacable, imparable, une grosse claque !).
Le reste des titres est à géométrie variable c'est à dire alternance de tempos quasiment à chaque titres par exemple « Spoilt », « Bitterness Barbie », «  Insomnia », « Dogyard »...
Tous les titres sont bons donc mais mes morceaux préférés sont « Drop dead », « Fingerful », « Dogyard », « Insomnia », « Jerk of all trades » , « Brickface + stocco » mais le must du must reste l'enchaînement du génial et hallucinant « Bitterness Barbie » avec « Deal with it » (vocalises sublimes, effets de voix de haute tenue).

Plus original que L7, Babes in Toyland ou Hole davantage marqués grunge, plus déjanté aussi mais surtout plus créatif dans la démarche et dans ce que le groupe arrive à produire.
Une réussite incontestable, un groupe trop méconnu et qui mériterait d'être redécouvert y compris dans les milieux du punk et du rock alternatif (mais l'album est sorti sur un « petit » label c’est vrai et c’est l’éternel problème de nombreux groupes punk talentueux mais qui ont, volontairement ou non, fui les majors et sont victimes d’une distribution souvent limitée - et encore Go Kart n'est pas le plus petit d'entre eux).
Et n'hésitez pas à jeter une oreille sur « Pretty Ugly » l'autre super album des Lunachicks.
Un coup de maître et un de mes coups de cœur…mais peut-être que sur ce coup là vous ne me suivrez pas !