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jeudi 23 mai 2019

Blues Pills : Lady In Gold


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Le rock se rit des chroniqueurs qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. Des années qu’on nous rabache que les groupes ne sont pas assez inventifs , que leur musique est un ronronnement monotone et nostalgique , et pourtant on continue à tout faire pour que les choses restent ainsi.

Le cas blues pills illustre parfaitement la nostalgie larmoyante dans laquelle se complait une part du public rock. Le premier disque du groupe sort en 2014 , et entre tranquillement dans la lignée des totems gentiment traditionalistes. Loin de moi l’idée de cracher sur un disque d’une telle puissance, mais , là ou tous se sont empressés de saluer les solos acérés de Dorian Soriaux , ce sont les danses vodoo et autres balades plus posées qui m’attirèrent .

Le temps passant , le venin avait fait son effet , et voila un  groupe dépouillé de sa spécificité , pour rentrer dans le rang des bourrins chevelus de l’époque. Blues Pills a lui-même sans doute joué ce jeu , conscient qu’il y avait une place à prendre entre les hard rockers en pleine ascension qu’étaient graveyard , kadavar , ou rivals sons.

Sauf que voilà, le public n’est visiblement pas aussi ouvert qu’en 1969 , et « lady in gold » dut subir les quolibets des mêmes personnes crachant sur toutes nouveautés au nom d’un pseudo progressisme. Pour , eux , blues pills était juste un autre groupe à guitare .Ils n’avaient pas compris que c’était la voix qui faisait sa grandeur , et non les bavardages d’une six cordes brillante mais classique.

Blues Pills n’était pas le descendant de led zeppelin , mais s’inscrit plutôt dans la liste des groupes n’existant que pour transcender le charisme d’une chanteuse impressionnante. Bref , ils pensaient à led zeppelin , et voila que le groupe se montre comme Janis Joplin , le Jefferson airplane de Grace Slick , ou la trop peu connue Ruth Coppeland.

Conscient de ses atouts, le groupe s’est assagi, laissant sa chanteuse s’épanouir en déclamant des prédications de vieux bluesman :

« Lady dressed in gold
She is young, she is old
She's the keeper of the soul
She's called death … »

Je ne vais pas citer toutes les paroles de lady in gold mais elles le mériteraient , tant ces refrains entrent dans la tête pour ne plus en sortir. Et puis derrière, le piano tricote un boogie endiablé , se contentant de souligner un rythme déjà imposé par le phrasé impeccable d’Elin Larson.

Cet album est son woodstook, et sa voix est une ode au rythm n blues. Bad Talker n’aurait pas fait tache sur « cheap trills », ou comme une version plus rustique de Sly and the family stones. Et puis , certes la guitare s’égare moins dans des solos Pagiens , mais n’allez pas me dire que cette collection de riffs ne vous arrache pas un hochement de plaisir. D’ailleurs, pour les fanatiques obtus , ils reste quelques os savoureux à ronger , comme le solo slashien de « you gotta cry ».

Ok , avant la guitare s’est amusé à tricoter un riff ne laissant que peu de place aux épanchements solistes . C’est que blues pills a dépoussiéré une formule frustre qui eut ses lettres de noblesse dans le hard blues de Free , où avec les riffs défoncés des pink fairies.

Une époque où les guitaristes ne se regardaient pas encore le nombril pendant des solos interminables, en espérant que la grâce Hendrixienne se poserait sur leurs doigts déchainés. Mais , le métal a beau être passé par là , un groupe peut encore atteindre le nirvana en proposant autre chose.  

Même le clavier se fait moins agressif , préférant dresser un décor planant plutôt que d’entrer dans des sifflements Purplelien. La démarche fait un peu penser à Uriah Heep , même si on reste bien loin des teintes progressives conspuées par une bonne partie des amateurs de hard rock.

Bref , on était plus dans une tradition bien définie , mais face au résultat d’un mélange des genres vivifiant. On peut y voir le mariage entre un heavy/psyché et une voix plaintive ramenant le tout sur les douces terres du blues.  

Au final ce qu’on retient le plus , c’est le refrain inoubliable du morceau titre , et la ballade plaintive « I Felt a change » , ou le blues enivrant « gone so long ».  Et c’est sans doute ça que certains observateurs ne purent pardonner. Mais , dans ce cas , ces intermèdes sont juste les témoins d’une certaine classe.                                                     

Dans tous les cas , nous sommes loin d’être face à un disque faible , la production elle-même donnant plus de pêche à un rock discipliné sans perdre sa puissance de feu. J’en viens d’ailleurs à espérer que le groupe poursuive dans cette voie, clouant le bec de la concurrence avec une autre bombe acid blues.

mercredi 22 mai 2019

Can : Tago Mago


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Le groupe le plus punk était il allemand ? Quand on observe le parcours et la philosophie de Can la question se pose. Attention, je ne parle pas de punk au sens musical du terme, mais d’idéologie punk.

Pour comprendre cette interrogation, partons à Cologne, où les membres de Can suivent une initiation qui est loin de les prédestiner aux rythmes primaires du rock. Holder Czukay et Irmin Shmidt ont effectué de brillantes études de musique, avant d’enseigner leur savoir, quand le premier ne dirige pas des orchestres symphoniques. Pour eux , la révelation viendra lors de l’écoute du premier album du velvet. Malgré la simplicité de son instrumentation, il se dégage de ce disque une poésie et une inventivité digne de la grande musique qu’ils enseignent.

Il s’adjoignent alors les services de David C Johnson , un compositeur qui a fait ses armes dans l’électro naissante , et du batteur free jazz Jackie Liebezeit. Ensemble, ils s’enferment de longues heures pour jammer , en essayant de perdre tous les automatismes virtuoses acquis lors de leurs brillants parcours. Une fois ce désapprentissage effectué, il leur faut trouver un chanteur. La femme de Czukay leur présente alors Malcolm Mooney , un artiste qu’elle a rencontré lors d’un voyage à Paris.

Ayant surtout consacré sa vie à la sculpture, l’homme est le chanteur qui convient parfaitement au projet du groupe. De cette formation naitra deux albums délirants , monster movie et soundtrack, où la simplicité retrouvée par les musiciens leur permet de créer un univers hypnotique et dérangeant. Mais ces rythmes hypnotiques joués à un volume indécent finissent par affecter le chanteur, qui quitte la formation après que son psy lui ait annoncé que cette musique nuisait à sa santé mentale.

Ce départ n’affecte pas le groupe, convaincu d’avoir ouvert une voie novatrice, qui mérite d’être explorée. Il recrute donc Kendji Suzuki , qui augmente le coté hypnotique de leur musique en chantant en Japonais, obligeant ainsi les spectateur à oublier les paroles pour se concentrer sur les rythmes hypnotiques et les ambiances planantes tricotées par les musiciens.

Sortie en 1971, « tago mago » est le meilleur représentant de cette musique hors norme.

Les influences Jazz et electro des musiciens sont dynamitées dans une grande messe expérimentale, où la musique s’empare de votre cerveau progressivement pour vous emmener dans des territoires inconnus. La première face peut paraitre plus « conformiste ». La guitare est présente, et même si les rythmes sont répétitifs, l’auditeur peut encore trouver quelques éléments auxquels s’accrocher dans ce dédale de sons étranges. Les influences Jazz câlinent ses oreilles , avant de s’effacer progressivement.

Ainsi les quatre premiers morceaux sont portés par une rythmique implacable, à laquelle l’auditeur pourra s’accrocher pour ne pas sombrer dans ce déluge hallucinogène.

Mais ces morceaux n’étaient qu’une préparation pour la partie la plus hallucinée de l’album.

Des lors toute trace de mélodie sera systématiquement détruite, et on ne peut s’empêcher d’être fasciné par l’ambiance malsaine qui se dégage de cet enchainement de sons.

Le fond electro dresse un décor paranoïaque , la voix lance un râle inquiétant de mariashi démoniaque , embarquant le bien nommé « halleluhwah » dans un mysticisme décadent. La musique de Can apparait alors dans toute son excentricité, une excentricité telle qu’elle semble aussi dangereuse pour les cerveaux qu’une overdose de LSD. On pourrait y voir un pont entre la froideur électronique de tangerine dream et autres neu , et le psychédélisme délirant d’Amon Dull et Guru Guru. Comme si le meilleur de l’expérimental allemand s’était allié dans un délire paranoïaque. Du Velvet , le groupe a gardé une certaine simplicité instrumentale , ce focalisant sur les sons sans se préoccuper de la technique. Et c’est bien cet apparent amateurisme qui rend ce disque aussi fascinant, leur imagination s’exprimant ainsi directement et sans barrières.

Ecoutez encore cette batterie sur la fin de « halleluhwah », elle semble frapper sans cesse le même rythme avec une frénésie angoissée, pour partir dans une succession de beats binaires et convulsifs. Après un déluge spatial pareil, « Aumg » repose un décor plus calme, l’électro peignant un paysage sonore fascinant, à faire rougir le groupe d’Edgard Froese. Puis l’instrumental s’en mêle, réinventant les règles du jazz rock sur une succession de rythmes délicieusements répétitifs. Et les repères disparaissent de nouveaux , nous propulsant dans un musique inédite , où les sons ne sont que des couleurs composant un tableau surréaliste. Et puis le vaisseau Can redécolle, nous emmenant dans d’autres contrées space rock.

Cette contrée, c’est la mélodie hypnotique ouvrant « peking O » qui semble la décrire. Le titre donnerait presque une idée de ce qu’aurait pu produire Miles Davis , si il  s’était adjoint les services d’un groupe d’electro ambient. Là, les notes ne courent plus sur un rythme infernal, elles semblent au contraire s’enchainer dans un plan déstabilisant mais implacable. Ce feeling presque mélodieux représente un groove d’un genre nouveau, et dont la formule non écrite ne sera jamais reproduite.

Bring me coffee tea enfonce ce sillon majestueux, comme pour terminer le délire dans une apothéose fascinante.

Can avait finit par trouver se qu’il cherchait , une nouvelle forme d’expression artistique. Pendant des années, une poignée d’artistes viendront chercher l’inspiration dans ces contrées expérimentales, piochant quelques éléments de la grandeur de Tago Mago sans parvenir à l’égaler. Et dire que cet exploit fut réalisé par une bande de virtuoses qui s’acharna à retrouver la simplicité d’ados jouant dans leur garage.  

mardi 21 mai 2019

THE RUNAWAYS Eponyme Premier album (1976)


FORMATION:
Cherrie Currie (chant)
Joan Jett (guitare)
Lita Ford (guitare)
Sandy West (batterie)
Jackie Fox (basse)
Imaginez la scène : nous sommes en 1975/1976 le rock féminin est quasiment égal au néant (hormis quelques très rares individualités telles Suzie Quatro ou Deborah Harry) et voici que débarquent d'on ne sait d'où cinq américaines de 16 ans de moyenne d'âge avec à leur tête Kim Fowley un producteur/manager « génial»  mais complètement « givré » , « manipulateur », « sulfureux » et très « controversé » dans l'esprit d'un Malcolm Mac Laren le "gourou" des Sex Pistols (voir à ce sujet le film Runaways qui malgré quelques défauts propres au biopic raconte bien les débuts du groupe et le rôle de Kim Fowley).
Fondé par Sandy West et Joan Jett, puis rejointes par Lita Ford, les Runaways sortent donc en 1976 leur premier album, surtout connu pour le célébrissime « Cherry Bomb » morceau explicite s'il en est avec au chant une Cherrie Curry des plus sensuelle pour ne pas dire plus (qui n'a jamais entendu Cherrie Currie lancer son fameux Cheeeeeeerriiiiiiiiiie Bomb.... a quand même raté quelque chose ! ).

Remettez vous dans le contexte et allez mater la vidéo de « Cherry Bomb » live in Japan et la tenue de Cherrie Currie. Assez incroyable !
Musicalement c'est un mélange réussi entre glam rock, proto punk, rock 70's et hard rock ; hormis « Cherry bomb » cet album comporte d'ailleurs d'autres titres intéressants ; « Secrets », « Thunder », le très réussi « Is it day or night ? » et l'excellent « Dead end justice » qui s'étire magnifiquement sur six minutes. Les riffs de guitares sont efficaces, la voix bien en place, les refrains sont plutôt bons voire même accrocheurs.

Et pas de ballades à la différence de l'album suivant.

Certes il y a quelques imperfections, quelques titres plus faibles (dont « Rock'n'roll » composé par Lou Reed à l'époque du Velvet Underground, bel hommage mais le morceau est loin d'être une totale réussite) et le groupe ne fait que mixer divers styles musicaux existant déjà ; toutefois c'est le concept du groupe lui-même qui est original (une groupe 100% féminin et qui plus est que des adolescentes, loin d'être majeures !) et au final l'album est plutôt convaincant et n'a rien à envier, loin de là, à Kiss, Dictators ou Silverhead.

Et ceux qui considèrent ce groupe uniquement comme un produit commercial marketing se trompent sur toute la ligne, les filles savent jouer et assurent, notamment en concert où elles montrent sans complexe leur grande maturité.

Un album quasiment culte que j'adore mais plus pour l'esprit et pour « Cherry Bomb » que  d'un strict point de vue musical (même si encore une fois c'est tout à fait correct et plutôt réussi). Pas un chef d'oeuvre certes mais un album pionnier qui a permis d'ouvrir la voie au rock féminin.
Pour moi ce premier album reste de loin le meilleur même si je sais que le second « Queens of noise » a également ses fans mais je le trouve moins spontané et moins bien composé, le vent de fraicheur du premier album a quelque peu disparu.
Les Runaways sortiront encore trois albums studio et un live entre 1976 et 1979, avant de séparer définitivement en 1979, notamment à cause de divergences musicales entre les deux guitaristes Joan Jett et Lita Ford .

D'ailleurs seules ces deux dernières connaîtront une carrière solo réussie, la première avec du glam rock matiné de punk et de garage et notamment son méga tube planétaire « I love rock'n'roll » (qui rappelons le est une reprise), la seconde avec plusieurs albums de heavy metal / hard FM corrects,  à la différence de Sandy West qui ne connaîtra que des échecs dans ses différentes tentatives de retour jusqu'à son décès en 2006 ; quant à Cherrie Currie elle deviendra actrice puis artiste en sculpture.
Mais les Girlschool, L7, Babes in Toyland , Bangles et autres Donnas peuvent leur dire un grand merci car The Runaways sont les vraies pionnières.

vendredi 17 mai 2019

Amon Dull II : Yeti


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Lorsqu’on demandait au groupe guru guru pourquoi les musiciens allemands avaient tendance à propager leurs idées d’extrême gauche, il répondait que c’était sans doute lié au chaos laissé par Hitler. Quand le krautrock émerge, à la fin des année 60, la guerre s’est achevée il y a à peine vingt ans , autant dire hier. Ne voulant pas porter le deuil d’un événement qu’elle n’a pas vécu , les musiciens krautrock  vont naturellement se tourner vers un rock libertaire.

Amon Dull I et II font partis de ceux là, et regroupent d’abord une communauté de fans de Coltrane et Hendrix , célébrant leurs passions dans de longues jams sous LSD. Les deux groupes se séparent en 1968 et, alors que la partie la plus politisée du groupe veut s’allier aux mothers de Zappa , Amon Dull II finit par être signé sur un label munichois. Ne prenant pas au sérieux cette bande d’anarchistes défoncés, la maison de disque ne leur accorde que deux jours pour enregistrer leur premier disque.

Contre toute attente , le pari est tout de même réussi , et le succès de « phallus dei » permet au groupe d’enregistrer son second disque en toute liberté. Il faut dire qu’Amon Dull a pu travailler son art , forgeant ses jams hallucinées lors de l’année de tournée qui a précédé la sortie du premier album.

Mais c’est avec « Yeti » que le groupe atteint les sommets de l’acid rock.

La première partie , à l’origine contenue sur un premier vinyle, voit le groupe voyager entre son côté le plus hypnotique, et une sauvagerie électrique à faire rougir led zeppelin. Ouvrant le disque, Soap shock rock est déjà un monument d’instrumentation défoncé. Le groupe montre déjà toute son excentricité, les rythmiques s’emballent progressivement , avant de s’évanouir dans les fascinantes sonorités orientales de « flesh colour anti aircraft alarm ».

Vient ensuite la partie la plus « pop » du monument, avec ses cinq pièces montrant un groupe plus discipliné, capable d’une douceur inattendue. A ce titre « she came throught the shimey » développe une mélodie envoûtante, à grand renfort de violon plaintif et de clavier harmonieux. Cette veine mélodique est accentuée par un « the return of the rubezahl » aux sonorités orientales , dans la tradition d’un psychédélisme fasciné par les ambiances musicales du pays de Shéhérazade.

La violence revient progressivement sur « archangel thunderbird », où Renate garde sa voix claire, alors que les guitares qui l’accompagnent s’alourdissent.   Le trip paranoïaque refait ainsi surface, la guitare ridiculisant la violence des hard rockers le temps d’un « cerberus » tonitruant. Symbolisant le passage à un psychédélisme libéré de toutes limites , le titre démarre dans une tendre douceur acoustique , avant que les guitares n’envoient des notes qui semblent vouloir broyer votre cerveau.

A partir de là, la voix se fait plus lointaine , plus inquiétante .

La seconde partie est une pilule hallucinogène aux effets beaucoup plus puissants.  Contenue sur un second vinyle, cette seconde partie déploie trois improvisations sans filet , où le groupe semble toucher une sorte de perfection expérimentale.

Le principe est un pied de nez à tous ces groupes anglais, embarqués dans des calculs savants visant à rendre le rock plus « intellectuel ». Via ses improvisations , Amon Dull rend le rock au peuple , ce qui ne l’empêche pas d’atteindre un niveau de symbiose impressionnant. Le LSD a t’il permis à ces esprits fertiles de former une conscience supérieure, qui guident leurs accords comme si leurs corps était devenu de simples marionnettes ?

Certes , je m’égare dans les mythes proférés par Huxley , mais cette symbiose emmène le psychédélisme à un niveau de perfection hypnotique que peu de groupes peuvent égaler. Amon Dull II semble même abolir le temps , étirant ses improvisation pendant de longues minutes, en nous donnant l’impression de pouvoir assister à ce spectacle pendant une éternité.

Inutile de préciser que cet exploit ne sera jamais renouvelé. Faisant de Yeti (l’album) , le monument d’une génération souhaitant éclater toutes les barrières. La pochette délirante qui contient le disque fut d’ailleurs imaginée par le groupe, faisant de ce disque une œuvre complète.    


lundi 13 mai 2019

RAMONES : IT'S ALIVE (enregistré en 1977, sorti en 1979)


FORMATION
Joey (chant)
Dee Dee  (basse)
Johnny  (guitare)
Tommy  (batterie)





New York 1976, quatre types débarquent, sortis de nulle part, ou alors tout droit d'une BD, avec leur look de rockeurs des 60's, et ce chanteur dégingandé avec ses lunettes d'intello et ces cheveux longs (Joey a longtemps été proche du mouvement hippie) : ces quatre types vont bientôt enregistrer leur premier album ; leur nom ? les Ramones.
Et pourtant en l'espace de quelques années et de quelques albums ils vont tout simplement devenir culte.
En effet en 1976 sort le premier album du groupe considéré à juste titre comme le premier album punk rock de l'histoire.
Tout comme à Londres à la même période, à New York, tout s'accélère très vite y compris sur un plan musical.

Le punk a t-il été «inventé» à Londres ou à New York ? En fait peu importe, chacun a ses arguments, je me garderai bien de trancher. Il y a débat  car en fait les deux mouvements punk ont leurs points communs mais aussi leurs différences (ensuite il y a une autre thèse possible - et je l'avoue elle se défend - selon laquelle le punk serait apparu à New York et le mouvement punk à Londres).
A New York comme à Londres à la même époque 1974/75 la musique s'accélère, le look évolue, le mouvement hippie s'essouffle. Le glam rock est à la mode.

A New York l'influence d'Andy Warhol est prépondérante et le punk américain naît de fait d'un certain esthétisme (mais aussi d'une certaine révolte cela va de soit).
Les New York Dolls ont jeté l'éponge : les Heartbreakers n'ont encore rien enregistré et Blondie, Television, Patti Smith, Voivods ou Talking Heads ne peuvent pas encore être qualifiés de punk. Mais tous ces groupes commencent à faire parler d'eux ; toutefois c'est Ramones qui fera preuve de plus de réactivité.
Comme déjà dit le punk rock de NY a bien sur des points communs avec celui de Londres, mais ils ont aussi de nombreuses différences musicales et surtout sociales.
Le punk new yorkais s'inscrit dans une certaine continuité, le punk anglais s'inscrit lui dans la fracture qui secoue la perfide Albion.

A Londres le climat social est différent, quasi explosif, le mouvement est plus prolétaire, il porte en lui la rébellion, la haine du système, avec la provocation qui va avec. Le look aussi est différent, souvent plus « destroy ». La provocation pure et dure est également plus visible à Londres où les outrances et outrages sont monnaie courante.
Les Ramones sont moins provocateurs et nihilistes que les Sex Pistols , ils sont moins militants et politisés que Clash
A la différence des Clash les Ramones ne veulent pas changer la société et appeler à l'émeute
A la différence des Sex Pistols les Ramones ne veulent pas faire table rase du passé et cracher sur les vieux groupes

D'ailleurs les membres des Ramones revendiquent leur admiration pour les Beatles et les Beach Boys autant que pour les Stooges ou MC5.
Ce n'est pas leur truc (d'ailleurs Johnny est ouvertement républicain/conservateur), ils ne veulent rien changer du tout .
Les Ramones n'en veulent ni à la reine ni à l'Etat ni à la société, ils se contentent de décrire leur vie et leur état d'esprit.

Il n'y a pas la rébellion, la haine qu'on trouve chez de nombreux groupes punks anglais (sauf rares exceptions comme Buzzcocks)
Mais attention les Ramones ne dédaignent pas – punk oblige – une certaine provocation quand ils chantent « All the kids want sniff some glue ».
Et puis il y a leur dégaine : leur dégaine et leur look sont différents, ils cultivent une certaine « cool attitude », leurs paroles ne sont pas engagées (mais attention sans être extraordinaires elles sont moins « bêtes » et qu'elles n'y paraissent de prime abord ; mais le groupe à travers ses textes et son look perpétuent et cultivent cet aspect j'm'en foutiste un peu niais, l'air d'être indifférent à tout, un nihilisme un peu provocateur certes mais pas autodestructeur.

Et ce look différent des autres punk, cette dégaine, feront bientôt partis de la légende du groupe
Alors disons que les deux mouvements avaient chacun leur légitimité et leurs arguments (avec un état d'esprit un peu différents et peu importe qui étaient là le premier car les Ramones sont différents des Clash ou des Sex Pistols) ; et rappelons qu'avant eux existaient déjà des groupes « pub rock » ou « proto-punk » qui ont grandement influencé les premiers combos punk , qui ne sont pas sortis de nulle part.

Avec ce premier LP les Ramones posent les bases d'un certain punk rock. Objectivement il restera comme le premier album punk de l'histoire même si certains pensent comme je l'ai déjà dit plus haut, que le « vrai » punk vient de Londres mais au final peu importe.
Pour ma part je préfère cependant leur second disque « Leave home » sorti en 1977, mieux produit, mieux composé et qui est pour moi plus représentatif du « son Ramones » en studio
Toujours en 1977 sortira leur 3e LP « Rocket to Russia » très bon également (chaque album a ses fans)

Mais leur disque culte, celui qui met tout le monde d'accord, leur apogée, reste ce double album vinyl de 28 titres et environ 54 minutes enregistré en concert le 31 décembre 1977 à Londres et sorti en 1979.
Ce live, un des meilleurs jamais enregistré, contient les meilleurs titres des trois premiers albums, que du lourd, aucun temps mort, aucun temps faible et surtout les morceaux ont une rapidité d'exécution sans égale à l'époque
Il contient tous les classiques du groupes : : « Pinhead » « Now I wanna sniff some glue » « Blietzkrieg hop » « I wanna be a good boy » « Suzy is a headbanger » « Gimme gimme shock treatment » « Teenage lobotomy »...pour n'en citer que quelques uns parmi d'autres. Sans oublier le fameux « Hey oh let's go » et les « One two three four » qui débutent quasiment chaque titre.
En moins d'une heure les Ramones passent leur « tubes » à la moulinette avec ce fameux « son Ramones », les fameux riffs de trois accords de Johnny, basiques mais qui ont forgé la légende du groupe, la voix de Joey, chaude et plus mélodieuse que celle traditionnelle des autres chanteurs punk et dont le timbre se fera même sensuel sur les quelques balades que le groupe enregistrera.
Musicalement c'est du garage punk simpliste mais qui accroche et puis à cette époque les faux frères ne se détestaient pas encore notamment Joey et Johnny qui finiront par se haïr définitivement.
Quand un groupe sort trois excellents album de punk rock puis enregistre un double live avec un excellent son, live reprenant ses meilleurs titres cela donne un album...PARFAIT !

Ce « It's alive » est un sorte de « best of » en live des premières années des Ramones là où le son était le plus brut, le plus garage . Et on a quasiment jamais fait mieux depuis car ce « It's alive » malgré son côté simpliste est unique : 28 titres et 55 minutes de bonheur absolu  et de pogo sans fin !
Toutefois il faut noter que longtemps, et c'est parfois encore vrai de nos jours (mais beaucoup moins), le côté un peu « crétin » des textes et leur attitude en général ont rebuté la frange la plus radicale, la plus politisée et la plus sociale des punks qui pour certains n'ont pas considéré Ramones comme étant des leurs. Mais d'un autre côté le groupe a compensé en touchant d'autres fans (rock garage, headbangers..).

Pour conclure il faut rendre hommage aux Ramones car peu de groupes peuvent se vanter de faire partie du cercle fermé des groupes ou artistes ayant révolutionné le rock.
Les Ramones, quoiqu'on en pense, en tant que pionnier du punk, en font partie, sans rien revendiquer , en ayant l'air de rien, mais leurs riffs de guitare sans oublier leur dégaine sont rentrés à jamais dans la légende du rock. Culte pour toujours. 

dimanche 12 mai 2019

The Temperance Movement : Eponyme


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Les temperance movement sortaient de nulle part, et ont eu l’intelligence de sentir le classique rock revenir quelques semaines avant que tout le monde ne s’y mette. Aujourd’hui , malgré l’état lamentable du marché du disque , le rock reste une fête pour tout observateur curieux.

Malgré l’intégration d’un ex membre de Jamiroquai , désirant revenir à une énergie plus pure et brute , ce premier album est passé totalement inaperçu. Pourtant, alors que  les rivals sons se taillaient la part du lion avec leur vénéré  Great Western Valkirie, sorti la même année que ce disque , les temperance movement survivaient en parcourant l’europe. Leur tournée passa par l’Angelterre , la France , l’Allemagne , la Suisse et la Belgique. Tourner, tourner , tourner . Pour survivre , pour forcer ce destin capricieux qui ne voulait pas comprendre ce qui était en train de ce passer.

Les temperance movement aurait pu être la réponse anglaise aux assauts hard rock des Rivals Sons , et l’éternelle rivalité entre les deux pays aurait pu renaitre. Mais, si les groupes sont toujours partis chercher la notoriété en Angleterre , aucun n’a pu s’imposer dans le paysage pop sans séduire le pays de l’oncle Sam.

Pourtant , le génie de la formation est palpable dès les premières secondes de « only friend », hymne de tous ceux qui croyaient encore au rock en 2014. La guitare claque calmement, laissant un peu de place au silence pour installer le groove de son rock dansant. En dehors de cette intro Richardienne en diable, le groupe déploie surtout une énergie primaire comme on n'en entend plus depuis le fameux live au Fillmore de Humble Pie.

Les silences sont sans doute l’ingrédient le plus important de la célébration des temperance movement. « be lucky » tricote un boogie dansant , sur lequel Campbell peut poser une voix digne de Chris Robinson. C’est justement cette rigueur qui permet au groupe de varier les registres avec une facilité déconcertante. Même sur le tempo soutenu de « midnight black », les guitares ont cette science de ne pas se marcher dessus, ménageant leurs effets pour laisser briller une finesse so british. Cette science était chère à Keith Richard, lui qui trouvait Mick Taylor trop démonstratif, et a toujours vanté la justesse rythmique de Ron Wood. Les titres les plus rocks sont de véritables orgies rythmiques , Campbell criant sa joie au milieu de la cérémonie, sa voix dansant sur des riffs célébrant la vie avec un enthousiasme communicatif.   

Mais les temperance movement ne se résument pas à une bande de rockers à l’ancienne , et restent brillants lorsqu’il s’agit de tricoter des mélodies séduisantes. « Chinese lantern » vient flirter avec une country bucolique, qui ferait presque penser au premier disque d’Humble Pie. « lovers and fighters » est plus belle encore, avec sa nostalgie bluesy portée par une douceur dans laquelle les groupes anglais excellent.

Et je ne parle même pas de « know for shure » , ballade beaucoup plus rythmée, venant marcher sur les terres de blackberry smoke. On retrouve ainsi la passion de ces musiciens pour le sud américain , proximité qui se sentait déjà dans leur énergie de descendants des black crowes.

Mais ce groupe , contrairement au sympathique my dynamite , et autres ersatz nostalgiques , avait assez de personnalité pour faire le lien entre ses influences disparates. Si les black crowes furent pendant des années les derniers représentant d’un rock humble et classieux , les temperance movement leur succède enfin avec classe.

Si vous avez encore un doute , jetez une oreille sur le live présent dans la version deluxe du disque. On y retrouve un groupe rigoureux , appliquant son rock primaire en le parcourant de solos réduit à leur plus simple expression. Efficacité , voilà le maitre mot des temperance movement , brillante formation vouée au culte du riff précis et direct.  


vendredi 10 mai 2019

howlin sun : howlin sun


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Presque cinquante ans , c’est l’âge qu’a la glorieuse œuvre zeppelinienne. Pourtant , son héritage n’a jamais été aussi palpable qu’aujourd’hui, la plupart des nouveaux groupes se sentant obligés de passer par les décors dépeints par le beau dirigeable. Le stoner en a fait une matière planante ou bluesy , passant des formations les plus respectueuses , tel que scorpion child , aux plus novatrices ( rivals sons et palace of the king).

Mais l’histoire choisit ses héros, et à l’heure où Greta Van Fleet remplit les stades, passe au Saturday night live , et fait la couverture de rock et folk, howlin sun ne bénéficie que d’une page facebook pour assurer sa promo. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que leur premier disque soit sorti dans l’indifférence générale , et ce malgré un talent évident.

Sournois, les norvégiens ont opté pour une pochette mystique, montrant un chaman s’appropriant une lumière chaleureuse, surement pour séduire les fans de graveyard et kadavar. Le verso présente un décor digne des stroboscopes utilisés à la grande époque psychédélique. Sur ces dix pistes, Howling Sun alterne les registres , bottant le cul des stones sur un « move » en forme de blues hurlant. Et puis il y a bien sur l’ombre du Zepp , brillant de toute sa splendeur épique sur « yellow lit road », après avoir ouvert le disque sur un riff tonitruant avec « hitchiker of love ».
                                            
Parlons en de ces riffs , qui donnent de grands coups de boutoirs dans le blues à papa , les solos cajolant nos oreilles entre deux charges. On ne se dit pas fils spirituel de led zepp sans une rythmique explosive , et de ce coté howlin sun n’a rien à craindre. Chaque coup de batterie est une explosion , un séisme , le marteau divin dirige des riffs d’acier avec une régularité métronomique.

Le chant ne cherche pas à singer Robert Plant , et préfère ménager ses effets , à l’image de ce que pouvait faire wolfmother à ses débuts. L’influence des australiens se fait d’ailleurs sentir sur les passages les plus fédérateurs , où le groupe troque son charme mélodique contre un blues résolument rythmique ( nothing like a shelter).

Bien sur , ce premier disque n’est pas exempt de quelques défauts , la formule pouvant parfois sembler répétitive , et prêter le flanc aux soupçons de plagiat qui sont monnaie courante dans le rock actuel.   Mais, quand un groupe est capable de réinventer ainsi une formule qu’on croyait connaitre par cœur , que le pied se met à battre la mesure alors que la tête voudrait parfois relativiser son enthousiasme , et qu’en plus les tâcherons sont capables de payer leurs dettes au blues avant de partir sur un déluge hendrixien (the day toom my sunshine away) , je ne peux que saluer la performance.