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samedi 21 septembre 2019

SLEATER-KINNEY : Call the doctor (1996)


Formation

Carrie Brownstein : guitare, chant

Corin Tucker : guitare, chant

Laura Mac Farlane : batterie, chant



Formé à Olympia (Oregon), berceau du mouvement Riot Grrrls, par Carrie Brownstein (ex Excuse 17) et Corin Tucker (ex Heaven to Betsy) accompagnées par Laura Mac Farlane batterie mais qui cédera sa place dès le troisième album à Janet Weiss.
Excuse 17 et Heaven to Betsy avaient fait des concerts ensemble dans la première moitié des 90's.
Dans le mouvement Riot Grrrls, Heaven to Betsy était le troisième groupe du « noyau dur » avec Bratmobile et bien sûr Bikini Kill.
Le mouvement riot grrrls prend forme au début des 90's aux USA, avec pour but de « féminiser » le mouvement punk, y faire rentrer des revendications féministes dans un univers machiste (un peu moins dans l’anarcho-punk anglais mais beaucoup dans le mouvement hardcore US à de rares exceptions près : Nation of Ulysses, Fugazi, Bad Religion…) tout en gardant un esprit DIY (production sur de petits labels, diffusion de fanzines), une contre-culture en opposition à la culture de masse « mainstream » et contre l’attitude rock stars de nombreux musiciens y compris « alternatif ».

Musicalement parlant peu de groupes du noyau dur des Riot Grrls sont connus avec une exception de taille : Bikini Kill ; les autres groupes sont Bratmobile, Heavan to Betsy, Huggy Bears…Sleater Kinney étant venu un peu plus tard ; quant à L7, Lunachicks, Seven year bitch et Babes in Toyland, plus connus, elles sont « sympathisantes » du mouvement de par les thèmes abordés (essentiellement féministes) mais ne peuvent pas être entièrement affiliés aux Riot Grrrls sauf si on prend le terme au sens large ce qui est souvent mon cas.
Avec Sleater-Kinney il y a bien sur le côté engagé des Riot grrrls mais l'attitude est plus « soft », SK n’a jamais fait dans la provoc ou le sulfureux : revendicative, engagée mais sérieuse.
On est loin de la furie et de la tornade Babes in Toyland (si le mouvement Riot Grrrls ne t’intéresse pas mais que tu veux néanmoins écouter seulement un titre histoire de ne pas mourir idiot alors c’est « Dust cake boy » de Babes in toyland qu’il te faut) ni du côté provoc de Bikini Kill qui adorait se faire détester.

Après un premier LP éponyme très prometteur sorti en 1995 mais encore très brut, très influencé par la vague grunge et riot grrrls punk, pas assez poli pour vraiment marquer les esprits.
Avec ce second album « Call the doctor » sorti en 1996 on a droit à ce subtil mélange de pop/rock, de noise et de punk mélodique qui est en quelque sorte la marque de fabrique musicale du groupe c'est à dire énergie, finesses des mélodies et trouvailles vocales.
On est dans les années post grunge et l'âge d'or des Riot Grrrls est passé, la plupart des groupes ont disparu, sont sur le déclin ou ont du mal à trouver leur place. Mais pas Sleater-Kinney dans la mesure où leur musique s'inscrit dans une démarche un peu différente.
A noter que ce deuxième album (le dernier avec Laura Mac Farlane à la batterie) sort sur Chainsaw, label de Donna Dresch , grande prêtresse du punk féminin et queercore à travers fanzines, groupes et labels (en l’occurrence Chainsaw, le grand label des Riot Grrrls avec Kill Rock Stars).
« Call the doctor » est peut-être le meilleur album du groupe (encore que beaucoup sont de valeur sensiblement égale), là où l'équilibre punk et pop est le meilleur, là où le travail des voix est le plus abouti ; disons le tout de suite au fil des albums suivant le groupe tout en gardant une certaine énergie va évoluer de plus en plus vers la pop classique.

Je trouve cet album plus équilibré que le premier album mais aussi que « Dig me out » le suivant également très bon mais avec moins de titres qui font mouche.
Si musicalement parlant ça tient parfaitement la route, entre punk (très) mélodique et pop minimaliste mais énergique, la grande force du groupe, la particularité, ce sont les voix qui s’entremêlent (les trois musiciennes chantent à tour de rôle et sur certains titres elles chantent à plusieurs même si Corin reste la chanteuse principale) ; les trouvailles dans les harmonies vocales sont en effet la marque de fabrique de Sleater-Kinney, l’atout numéro 1 du groupe : chorus, refrains, superpositions, chassé-croisé des voix c’est magnifiquement travaillé et impeccable.

Autre particularité Sleater-Kinney joue avec deux guitaristes mais sans bassiste, d’où un son assez original car à la manière du chant les guitares se superposent harmonieusement.
Ajouter à cela la façon de composer qui met en opposition le côté « douceur » et le côté « rage » et on a donc des morceaux qui ne ressemblent pas à ce qu’on entend ailleurs dans les années 90 (c’est même très différent des autres groupes de Riot Grrrls).
La première partie c'est à dire les 5 premiers titres est excellente (notamment l'enchaînement des titres 3,4 et 5, les meilleurs morceaux de l’album à savoir « Little mouth », « Anonymous » et « Stay where you are », une petite merveille que ces trois titres, à écouter en boucle, c'est ça que j'aime chez Sleater-Kinney).

La seconde face est un peu moins bonne même si « I wanna be your Joey Ramone » (ah l'humour du titre et qui en plus a le bon goût d'être excellent) et « Heart attack » sont de bons morceaux.
En fait seule « Good things » est légèrement raté.
Sans doute le meilleur album de Sleater-Kinney en tout cas celui où la pêche et l’énergie communicative du trio semble s’exprimer le mieux.
Malheureusement encore un groupe trop méconnu et qui pourtant a joué un rôle important dans le mouvement des Riot Grrls durant les années 90 et plus généralement dans le rock alternatif indépendant. Vraiment dommage mais il n'est jamais trop tard pour le découvrir !
Après un break le groupe s’est reformé, a enregistré un album en 2015 « No cities to love » et vient de sortir courant août 2019 un nouveau disque « The center won't hold », dont les trois morceaux que j'ai pu écouter sont assez …quelconques (de l’électro pop sans aucune originalité même dans les voix !), ça n’a malheureusement plus grand-chose à voir les débuts.

Sleater-Kinney est donc le dernier groupe de l’ « épopée » riot grrls des années 90 encore en activité (on peut rajouter L7) mais le changement de style et l’évolution qu’a pris le groupe s’avère décevant.
On pourra néanmoins les voir en concert à Paris en février 2020 (à priori il s’agit de l’unique date en France programmé à ce jour).

En tout cas, par son attitude, son intransigeance (dans le choix des labels par exemple), sa longévité et sa qualité Sleater-Kinney est un groupe qui force le respect.
Pour finir voici ce qu’en dit Manon Labry, auteure d’un très bon bouquin sur le mouvement Riot Grrrls (« Riot Grrrls – chronique d’une révolution punk féministe », éditions La Découverte 2016 ; très bon ouvrage que je conseille, musicalement c’est axé sur Bikini Kill et Bratmobile essentiellement) : « Et si ce nom ne vous dit rien (…) ce sera l'occasion pour vous de découvrir l'une des plus fantastiques formations rock de ces vingt dernières années (…) auteur de huit albums plus réjouissants les uns que les autres, novateurs, extrêmement ouvrés, mais sans jamais d'excès » (page 135)

mardi 17 septembre 2019

Bob Dylan: Highway 61 revisited




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Comment imaginer une pochette plus iconique que celle-là ?Il faut dire que sa production fut un véritable casse-tête, Dylan posant dans de nombreuses rues du Greenwich village, sans que le photographe Daniel Kramer ne trouve le bon plan. L’homme est déjà responsable de la pochette de « brin git all back home » , mais c’est finalement Dylan qui aura l’idée qui va débloquer la situation. Il arrive donc aux séances avec un t shirt de motard et demande juste au photographe de le shooter avec. Kramer ajoutera juste son manager à l’arrière-plan pour donner un meilleur équilibre à l’image.
La photo est là, prête à marquer des millions de rétines, tant elle revendique clairement ce que le précèdent album ne faisait qu’esquisser timidement.

 Le voyage de Dylan en Angleterre fut une véritable renaissance, l’énergie du swinging london lui redonnant le gout du rythm n blues qu’il n’osait pas revendiquer.

On oublie un peu vite que le poète a fait ses premières armes dans le blues , avant de se tourner vers un milieu folk qu’il pensait plus porteur. Ce que les fans prirent pour une trahison, lorsqu’il sortait sa guitare électrique, n’était qu’un retour aux sources. Voilà pourquoi il appela l’album précèdent brin git all back home », le rock était une musique américaine, et il allait le rappeler aux blancs becs anglais.
Mais le virage était trop timide, le disque ne comportant qu’une face de rock électrique qui, malgré sa grandeur, ne suffira pas à faire trembler ces stones auxquels Dylan voudrait tant ressembler.

Pour confirmer son virage, il lui faut son Keith Richard , un homme jouant le blues comme si il coulait dans ses veines. Cet homme, ce sera Mick Bloomfield, que les derniers disques de Paul Butterfield ont élevé au rang de roi d’un blues électrique tout neuf.           

Selon Dylan, Bloomfield est tout simplement le meilleur guitariste de blues, et quand il rencontre Al Kooper , il forme sans le savoir un des duos les plus brillants de l’histoire de la musique. Quelques jours avant les sessions d’enregistrement, Dylan s’enferme dans sa maison de Woodstoock pour peaufiner le voyage initiatique qu’il va enregistrer.

 Il a une idée nette de ce qu’il veut et, quand le producteur Wilson semble vouloir reprendre la formule des albums précédents , il lui lâche cette phrase cinglante : « Je ferais mieux de le produire avec Phil Spector ».

Bob Johnson saute sur l’occasion pour prendre le relais, et ce même si il n’est producteur chez Columbia que depuis 1965. Mais c’est justement cette fraîcheur que cherche Dylan, Johnson n’ayant pas cette manie de vouloir faire sonner ses musiciens de la façon qu’il juge la plus commerciale. Il laisse juste le groupe créer en toute liberté, se contentant de trouver le meilleur son pour chaque instrument, et de ponctuer les sessions de cette déclaration enthousiaste : « C’est le meilleur disque que j’ai jamais produit ».

On a trop souvent collé à Dylan la parenté du folk rock, étiquette réductrice qui empêche de comprendre l’importance de ce « highway 61 ». Le folk rock, c’est la rencontre entre la pop des beatles et la folk acoustique, c’est des refrains légers posés sur des guitares carillonnantes.Le folk rock est l’enfant des Byrds, et grandit grâce à CBNY et Neil Young.

« higway 61 » serait plutôt le disque à mettre dans la série restreinte des albums de rock les plus purs et parfaits. Du coté des textes, l’auditeur se retrouve embarqué dans un road trip fascinant , où plane l’ombre de Kerouac, sur fond de mélodies flirtant tantôt avec la simplicité d’un chuck Berry , le spleen de Muddy Water , ou le génie pop de Phil Spector.D’ailleurs, Like a rolling stone vaut bien tous les let it be , Imagine , et autres perles Spectoriennes , tant elle révolutionne les codes de l’époques. Personne n’avait encore osé dépasser la barre des 6 minutes, qui permettait à un titre de passer à la radio.

 Si la formule finira par devenir ennuyeuse quelques années plus tard, elle permet à Dylan de déployer une poésie fascinante. Le duo Bloomfield Kooper est déjà parfaitement en place, et invente ce son « sauvage et vif comme le mercure, brillant comme l’or ». La « miss lonely » , qui provoque le mélange de compassion et de ressentiment que Dylan exprime ici est sans doute Edie Segwick , nouvelle égérie de Warhol dont l’histoire ne retiendra pas longtemps le nom.
Derrière cette poésie, c’est encore le rock qui mène la danse, le titre s’ouvrant sur une pulsation de batterie qui marquera définitivement la mémoire d’un certain Bruce Springsteen.

Et puis il y’a cette rythmique imparable et irrésistible , qui fera dire aux observateurs les plus rétrogrades que Dylan a troqué son lyrisme poétique contre une vulgaire énergie rythmique.C’est aussi à eux que Dylan s’adresse dans « ballad of a thin man », quand il écrit : « something is happening here but you don’t know what it is », la chanson pouvant aussi être vue comme une description de la déchéance de son ami Brian Jones. Encore une fois, Bloomfield brille autant que l’écrivain dont il illumine les textes. Le guitariste atteint le sommet du jeu puissant qui le caractérise, ses notes se déversant en un torrent majestueux, avec ce feeling chaleureux qui disparaîtra avec lui.

Puis nous reprenons la route, passant dans les rue de Tombstone sur fond de rock n roll aussi pur qu’un riff de Chuck Berry, et on se souvient que c’est ici qu’eut lieu le règlement de compte qui donna à Kirk Douglas un de ses plus grand rôle *.    Dylan envoie ensuite une lettre d’amour au blues , sa Buick 6 étant la meilleure bécane pour entreprendre la traversée de la highway 61 , cette route qui va de la nouvelle Orléans à la frontière canadienne , en passant par le missisipi . Dylan place ainsi sa silhouette au milieu des images vénérées de Muddy Water , Bo Diddley et autres dieux de la musique américaine.

C’est ensuite de cette même route 61 qu’il parle sur le morceau titre, la version originale étant plus aérée et le rythme plus net que sur la reprise tonitruante de Johnny Winter. Le titre est la dernière déflagration rock, avant que Dylan ne reprenne son costume d’Homère moderne.

On se retrouve ainsi auprès d’un homme coincé dans une ruelle glauque de Rio Bravo où « les hommes laissent leurs cheveux pousser et leur moralité glisser ». Derrière ce décor décadent plane encore l’ombre de Kerouac, dont le roman « ange de la désolation » partageait la même ambiance glauque. Derrière ce récit sombre, l’orgue d’Al Kooper brille comme la lumière au fond du tunnel.

Dylan n’est jamais aussi fascinant que dans ses récits compatissants , et « desolation raw » s’impose comme l’apothéose d’un album incontournable. Cette fois, cette désolation row n’est pas clairement située, comme si Dylan voulait en faire le symbole d’une violence que l’on croise autant à New York qu’au Mexique. Western moderne, le récit montre aussi la lucidité d’un Dylan qui semble autant se moquer de ceux qui construisent les chaînes de montages, que des manifestants brandissant des slogans simplistes en espérant améliorer leurs conditions de vie.                     

 Les guitares acoustiques, lancées sur un rythme enjoué , contrastent avec un récit foncièrement pessimiste, qui semble exprimer ce que Dylan répondait quand on lui demandait ce qu’il pensait de Joan Baez : « Elle croit qu’elle peut changer le monde . Moi je pense que personne ne le peut ».
Dylan n’aura pas changé le monde avec ce disque, mais il aura définitivement changé la face du rock. On pouvait désormais déclamer des vers sur fond de rock électrique, et des artistes comme Springsteen ou Patti Smith sauront retenir la leçon. Nous sommes en 1965 et le rock produit ses premières pensées.



* règlement de compte à OK Corral 


vendredi 13 septembre 2019

Can: Future Days


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Et si le psychédélisme s’était réellement épanoui en Allemagne ? La question oblige encore une fois à redéfinir le psychédélisme, qui ne fut pas le même dans les nombreux pays où il a éclos. Aux Etats Unis , il fut campagnard , proche de la douceur bucolique de la folk, ou du feeling plaintif du blues. L’Angleterre le verra plus pop, tant il est vrai qu’elle ne s’est jamais remis de cette nouvelle merveille du monde qu’est sgt pepper. Et puis il y’eu les autres perles anglaises , tel que le premier move , oden nut’s flakes des small faces …

Si l’Amérique s’est servi du psychédélisme pour moderniser sa tradition musicale, l’Angleterre l’utilisait pour la réinventer. C’est pour cela que des groupes comme grateful dead ou les byrds retournèrent flirter avec les rythmes poussiéreux de la country, dont ils ne s’étaient finalement pas tant éloignés.

Les allemands avait une autre vision de l’avant-garde planante, et celle-ci était surtout lié au fait que leurs représentants étaient avant tout des artistes. Can est le groupe le plus représentatif de cette spécificité, le groupe ayant accueilli un sculpteur, avant de le remplacer car « sa musique lui provoquait des troubles mentaux ».  

Ces allemands ont découvert le rock en même temps que l’avant-garde, et ont simplifié leur jeu pour s’approcher de l’inventivité du premier album du Velvet.  Le premier résultat est un peu bancal , même si l’on oublie vite que les premières traces de punk sont à chercher dans le son primaire et crade de « monster movie ». Et puis il y eut l’explosion « tago mago » , et son jazz hypnotique partant progressivement vers une symphonie électronique déstabilisante.

Le disque fut si puissant, sa matière musicale si incomparable, que beaucoup voudrait cantonner le groupe à ce chef d’œuvre avant gardiste. C’est sans compter sur son successeur, qui s’impose rapidement comme le parfait opposé de tago mago.

Tago mago fut brayard et déstabilisant , futur days sera introspectif et réconfortant.  Comme si le groupe n’avait pas réellement d’identité, comme si son vocabulaire musicale était si riche, sa palette sonore si développée, que ses œuvres ne connaissaient plus de limites. Il y a, dans ses ambiances vaporeuses, dans ses rythmes, qui restent répétitifs sans prendre votre cerveau en otage, un coté foncièrement pop.

Je parlais de monster movie au début de cette chronique, et future days vient justement achever ce que ce premier disque avait maladroitement entamé. La batterie , toujours très présente , se met désormais plus en retrait , pendant que le groupe instaure une mélodie cotonneuse, qui ressemble à une nouvelle forme de jazz. Les pièces comme bel air nous plonge dans l’ambiance relaxante d’une balade nocturne, le son se déployant comme un décor cinématographique en trois dimensions.

Si ce futur days partage une chose avec son prédécesseur, c’est son pouvoir de fascination. C’est un disque dans lequel on s’immerge complétement pour voyager entre les nuages planants de spray, ou la douceur nocturne de Bel Air . Placé en ouverture, Futur days laisse même poindre une mélodie d’un nouveau genre, avant que Moonshake ne réinvente le groove sur une rythmique répétitive digne des plus grands savants fous allemands.   

Le tranchant paranoïaque de tago mago fait ici place à un son d’une ampleur sans précèdent, à des décors musicaux mystérieux et fascinants, comme si les deux derniers disques de can étaient les deux faces d’une resplendissante pièce.  
                                                                                 

jeudi 12 septembre 2019

The Jam : All Mods cons


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Les punks doivent tout à la vague psychédelique et progressive, ne serait-ce que parce qu’elle donnait une définition de plus en plus floue de ce monument aux multiple facettes qu’est le rock. En Angleterre , la vague progressive a survécu jusque 1975 , sous les crachats d’une critique trop amoureuse des stooges pour dérouler le tapis rouge à ces virtuoses pompeux. D’ailleurs, ce sont les musiciens de ce rock dit progressif qui donneront la première réponse au mouvement qui les rendirent célèbre : Marche arrière toute !

Comme pour rassurer les auditeurs déboussolés, ils ont nettoyé leur son de toute originalité , ont répété des formules que l’on disait modernes , se sont rendus au culte de la ballade synthétique et mielleuse. Yes devenait Asia , king crimson lançait discipline , et ELP pondait le gluant love beach.

Les chantres de l’inventivité finirent plus conservateurs que les futures stars de la « new wave » , dépeche mode n’ayant rien à envier à leur platitude moderniste. Heureusement, entre temps, les sex pistols avaient lancé l’invasion d’une bande de nihilistes à trois accords, qui contaminent l’angleterre dès 1977.

Dr feelgood avait tout annoncé dès 1975, et son rock basique, joué dans les pubs anglais, déclencha la vocation d’un certain Joe Strummer . Sans oublier que bon nombre de punks, qui ont entamés leur carrière en reproduisant la puissance rythm n blues du groupe de Wilko Johnson.

Voilà pourquoi , à ses débuts , le punk anglais fut plus dur que celui venu de New York , les rosbifs souhaitant massacrer la pop à grand coups d’hymnes basiques. Les damned et les sex pistols étaient bien plus violents, agressifs et basiques que des Ramones dont on ne voudra jamais reconnaitre la finesse.

Les sex pistols voulait tuer la pop alors que les Ramones cherchaient à s’y faire une place, les damned vénéraient les stooges alors que les Ramones devaient leurs noms à l’histoire des beatles. Heureusement, la balance s’est vite réequilibrée , et aux premiers cris des pionniers anglais sont venus succéder l’énergie plus mature des clash et des jam.

Les jam sont d’ailleurs la grande affaire qui divise la génération no future, ceux-ci n’en partageant ni le style ni la violence agressive. Le premier disque nous présentait même trois jeunes hommes propres sur eux , cintrés dans des costards de banquiers.  On sentait aussi dans la musique que quelque chose de plus ancien pointait derrière cette débauche de riffs joyeusement simplistes, mais cette beauté n’était pas encore prête à éclore.

Comme leurs contemporains, les jam avaient trouvé leurs vocations dans les disques de rythm n blues des Who et de dr feelgood , mais contrairement à ses semblables il le revendiquait encore dans leur son. Leur look était aussi un pied de nez à ceux qui voulaient effacer le passé , tant leurs dégaines n’auraient pas fait tache dans une scène du film quadrophenia.

Mais le premier album était encore mal dégrossi, et la plupart des auditeurs retinrent surtout les tempos speedés portant des décharges de quelques minutes, joués toutes guitares dehors. Le second disque sera un échec totale, le genre de disque que l’on voudrait oublier, avant que le groupe ne trouve enfin la clef de voute capable de faire éclore sa classe.

C’est encore une formation anglaise qui sera à l’origine de cette révolution , Paul Weller ayant eu la bonne idée de se repencher sur les disques trop méconnus des kinks. Il ressort de ses écoutes régénéré , le groupe eut un parcours proche du sien , passant du rythm n blues à une pop de plus en plus raffinée.

Cette influence l’incite à soigner la production, qui ne sera jamais aussi clinquante que sur ce disque, mais elle lui donne surtout la formule du refrain inoubliable. Paul Weller manie les rythmes syncopés comme Ray Davies maniait les mélodies nostalgiques , en virtuose. Sous sa plume, l’euphorie moderne issue du punk se pare de refrains dignes du swinging london, la pop redevenant excitante au contact de son euphorie rythmique.

Le culte du riff cher aux mods trouve une nouvelle expression dès le morceau titre, qui ouvre le disque sur un rythme dansant que n’aurait pas renié Costello. Les jam n’ont pourtant pas perdu la simplicité punk d’in the city , « billy hunt » et « a bomb in wardour street » possédant une vivacité capable de faire rougir les Pistols.

Pourtant , Paul Weller continue de refuser d’être rapproché des musiciens de sa génération : « nous ne faisons pas de punk mais de la new wave » lâche-t-il à un journaliste de rock et folk. Quand sa reprise de « David Watts » arrive à nos oreilles , on finit par comprendre ce qu’il veut dire.

 Le titre fait partie des morceaux d’anthologie qu’il faudrait intégrer si l’on voulait résumer le rock anglais en quelques titres, et le groupe parvient à en faire une version speedée, sans perdre l’efficacité de son refrain d’anthologie.

A travers cette reprise, c’est le rock qui entrait définitivement dans les eighties, qui ont peut être vraiment commencé à la sortie de ce disque en 1978.     


   

mardi 10 septembre 2019

Lou Reed : New York


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New York , Babylone du 21e siècle , Byzance des privilégiés et enfer des sans grades. Ton seul véritable mérite aura été d’inspirer la prose d’un des plus grands poètes américains.

 Pour bien te comprendre, et voir à quel point tes moeurs hypocrites sont en train de contaminer le monde , il faudrait d’abord relire « le bûcher des vanités » , chef d’œuvre littéraire d’un ancien journaliste qui a si bien décrit tes contradictions.

On y découvrait alors, caché sous la grandeur de tes gratte-ciels tapageurs , une ville pourrie par les conflits raciaux , dirigée par une bande de cochons de wall street érigés au rang de maître d’un monde malade. Si Lou Reed a  commencé par diriger ses sarcasmes contre la niaiserie hippie, c’est toujours tes décors rances qui lui inspirèrent ses récits de dealers et de déviances sado maso.

Tu me diras que tu ne fus pas la première, que la grandeur des villes symboliques n’a toujours bénéficié qu’à une poignée de privilégiée , laissant les autres trimer pour survivre , tout en remerciant leurs geôliers de la chance qu’ils leur offraient. Napoléon III , Thatcher, Reagan , ces gens faisaient partie de la même race d’affameurs, la modernité ayant rendu la barbarie plus aseptisée, sans la rendre plus supportable aux damnés de ta terre que l’on dit ultra moderne.

Pourtant , j’écris ces lignes pour te remercier , car tu as ressuscité la verve de ton enfant terrible. On croyait Lou Reed fini, perdu entre sa rébellion suicidaire et ce besoin de reconnaissance à jamais blessé par le bide du grandiose Berlin. Et puis la mort des eighties lui fit redécouvrir le rock dépouillé dont il fut toujours l’égérie, alors que tes moeurs hypocrites ressuscitaient sa verve.

Sous sa plume , Romeo and juliette devient une fable sur la vie que tu réserves aux habitants de quartiers portoricains transformés en ghetto. « Je mettrai Manhattan dans un sac poubelle avec ces mots écrit en latin : Difficile d’en avoir quelque chose à foutre aujourd’hui ».

J’aurais encore un petit faible pour « Dirty blvd » , qui décrit ton monde inégalitaire à travers les yeux d’un jeune pauvre qui, de sa fenêtre, voit les stars de cinéma arriver en ville, pendant que « les ruelles sordides sont toujours plongées dans le noir ». Car dans l’immeuble sans vitres où vit Pedro, « personne ne rêve de devenir docteur » . Dans son « sale boulevard » , on a plutôt tendance à devenir dealer, mais ne croit pas que ce récit pathétique est livré avec les larmes du bon musicien compatissant.

Ces pavés verbaux , où Reed préfère souvent parler que chanter , sont lancés sur un ton sarcastique, ton monde brûle et Lou Reed danse au milieu de la fournaise. La musique n’est pas en reste , les riffs claquent comme aux grandes heures du rock , et une énergie révolutionnaire se dégage de ses mélodies flamboyantes. Au bout du compte , Reed sera toujours le punk ultime , ce qui est venu après n’est qu’un frelaté de sa grandeur rebelle.

Même quand il parle de relations père fils , c’est toi qui semble visé par la métaphore. Et quand il dit que les névroses du père se transmettent souvent au fils , on ne peut s’empêcher de voir l’image de tes rejetons européens développant les mêmes tendances inégalitaires , la même violence , et les mêmes tensions ethniques. La conclusion est plus terre à terre quand le narrateur lâche « En fait ils sont plus heureux quand ils souffrent. En fait c’est pour ça qu’ils sont mariés ». C’est tout de même ta poésie beat qui influence ce qui restera la plus belle mélodie de Reed depuis des années, mais ce sera le seul compliment que tu obtiendras dans cette chronique.  

Ah si , tu as quand même réussi à provoquer la réunion de deux ex Velvet , qui crachent à la figure de ta bigoterie, à travers le récit abracadabrantesque de the great américain whale. Dans le couloir de la mort , un indien ayant tué un maire raciste attend sa dernière heure. Pendant ce temps, sa tribu initie un rite ancestral et parvient à invoquer les esprits, qui envoient une baleine géante purifier la saloperie New Yorkaise. C’était sans compter sur la puissance de ta méprisable NRA , qui explose la fiole du cétacé à grand coup de bazooka.

Inutile de préciser quelles dérives le récit pointe du doigt …

Tu finis même par lui inspiré une vision sarcastique de la parenté, qu’il résume parfaitement dans ces vers :

« ça serait cool d’avoir un petit enfant à qui filer des coups de pied au cul .
Une petite miniature à remplir de mes pensées.
Un petit moi , un petit gars ou une petite nana à qui refiler mes rêves.
Histoire de dire que la vie n’est pas du gâchis. »

Voilà une profession de foi contre la reproduction pleine d’humour, et qui serait peut-être la seule solution pour ralentir l’inexorable avancée de ta bêtise. En fin de compte, l’acte le plus rebelle qu’on puisse envisager face à un monde malade est de ne pas se reproduire, on condamne ainsi symboliquement ce bourbier à la mort.

Lou Reed continue son œuvre sur une note d’optimisme. « busload of faith » nous invitant à ne croire personne, il faut remplacé la foi en l’homme par une foi supérieure. Selon ses propres dires , chacun est libre d’y ajouter la sienne.
                                                                                  
Puis vient une nouvelle suite de récits décadents ou « on ne vend plus de choux parce qu’ils ont retrouvé des seringues dedans ». Livré sur un air country western sur « hold on » , ces histoires renouent avec une verve crue qui rappelle le tranchant du premier velvet. Aujourd’hui on se rend compte que le bon salarié du tertiaire a parfois tendance à se piquer pour supporter la platitude de son existence. Tu vois grosse pomme, tu rodes encore entre ces vers.

Passons ensuite à une catégorie qu’on ne se lasse pas d’attaquer, les politiciens étant rarement autre chose que de nouveaux curés ayant remplacé Jésus par Marx ou Maurras. Et ça les mène parfois à commettre les pires horreurs , comme ce cher Mr Waldheim qui se vit rappeler son passé nazi. Le récit de sa déchéance dans   « Good evening mr Waldheim » pourrait presque passer pour une version musicale de «  les dieux ont soif », livre où Anatole France montrait déjà que si l’idéologie devenait un dogme, elle ne pouvait mener qu’au massacre.

De politique, il en est encore question sur les titres suivant, Reed en profitant pour dédier une mélodie à des vétérans vietnamiens qui resteront les pires victimes de l’injustice américaine. Le système libéral si bien représenté par tes « maîtres du monde* » de wall street en prend encore un coup, Lou Reed faisant une nouvelle fois remarquer l’évidence : Comment une minorité privilégiée peut-elle encore se gaver sur le dos d’une masse de miséreux. 

La conclusion quitte tes déviances new yorkaise, pour reprendre à son compte la morale rédemptrice de « la passion du christ ». L’ex martyr punk a mûri , et annonce cette nouvelle maturité dans un final aussi majestueux que mystique. La musique est magnifique, le texte plein de regrets et d’humilité . En fin de compte la seule chose que tu partages avec celui que tu as inspiré sur ce disque qui porte ton nom , c’est une philosophie contradictoire.   

  *Tom Wolf :le bûcher des vanités 

dimanche 8 septembre 2019

VARDIS : 100 mph (live) (1980)


formation
Steve Zodiac (guitare, chant)
Alan Selway (basse)
Gary Pearson (batterie)


Là je vais chroniquer un album tombé dans l'oubli le plus total, porté disparu par tous les radars du monde ; et pourtant....
Sorti en 1980 en marge de la NWOBHM dont Vardis ne saurait être affilié (assimilé très souvent à ce courant, à tort à mon avis, car hormis le fait d'être anglais et de sortir en 1980 ce live n'a pas grand chose de commun avec Iron Maiden, Tygers, Praying mantis, Saxon, Diamond head ou Samson les principaux groupes de ce mouvement).
Plutôt une espèce de chaînon manquant entre Rory Gallaher (live) et Motorhead.
D'ailleurs Vardis évolue en trio mais on devrait dire en power trio. En tout cas un groupe atypique dans la scène métal du début des années 80.

« 100 mph » est le premier album de Vardis et c'est directement un live. Osé !!
On sent que le groupe ne débute pas et connaît son sujet. Il faut dire qu'il écume les salles anglaises depuis 1977. D'ailleurs Vardis est avant tout un groupe de scène.
A sa sortie l'album a eu un beau succès d'estime, de bonnes critiques dans la presse spécialisée mais le public n'a pas suivi en masse et le disque s'est peu vendu. Il fait partie donc de ces très bons albums des années 80 injustement oubliés, pourtant c'est un live dans la lignée des Foghat ou Blackfoot (même si Blackfoot est largement plus connu).
Techniquement il y a des lacunes (plein de petites imperfections et c'est ça justement qui fait son charme) mais que d'énergie, de punch, du blues hard à fond la caisse, un rouleau compresseur. Par contre les solos sont bien ficelés.

« Du sang de la sueur et des larmes » tel est le leitmotiv, Vardis est un groupe de besogneux mais dans ce cas c'est loin d'être une tare, presque un compliment même. Du rock joué avec ses tripes, l'impression parfois d'écouter un bon vieux live bootleg (mais le son est correct malgré tout, juste ce qu'il faut).
Effectivement ça sent bon le concert dans une petite salle miteuse avec une table de mixage bien pourrave ; mais qu'importe Vardis fait le job. Des milliers de concert à leur actif alors ça ne peut pas leur faire peur.

C'est rapide, sans temps mort, rentre dedans , un côté garage/blues, sans concession (et garanti sans overdubs - c'est écrit en gros sur la pochette!! -, garanti crasseux, reverbs, larsens en veux tu en voilà).
Les vocaux sont quasiment accessoires, ici l'instrument phare c'est la lead guitare de Steve Zodiac, l'archétype du "guitar hero" inspiré par Hendrix, Alvin Lee, Uli Roth et bien sur Ted Nugent et autres grands guitaristes des 70's (attention ici on est loin, très loin de Vai, Malmsteen ou Satriani).

De même la section rythmique, loin d'être mauvaise, sert avant tout à mettre la guitare dans les meilleurs dispositions possibles.
Aucun titre ne sort vraiment du lot, tous quasiment dans le même moule mais citons tout de même « The lion's share », « If I were king » (le « classique » du groupe), « Move along », « Situation negative » « Let's go ».

Parfois le tempo ralentit, se fait plus blues notamment sur l'intro de « The loser » mais qui s'accélère pour au final être le morceau le plus rapide de l'album, pas loin des premiers Motorhead dans l'esprit.
Plus « authentique » que cet album tu meurs, garanti 100% rock'n'roll, 100% sincérité.
Du hard blues garage boogie comme on aimerait en entendre plus souvent même si depuis quelques années une nouvelle vague remet au goût du jour ce type de production...pour notre plus grand plaisir.

Gov't Mule : Dark Side Of The Mule


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Lorsque ce live est sorti, en 2014 , les puristes ont du se demander ce qui était arrivé à gov’t mule. Certes , le groupe a toujours pris un malin plaisir à parer le blues sudiste de ses dorures mélodiques. Les premiers albums annonçaient donc la renaissance de ce rock rugueux, qui se parait désormais de sonorités plus complexes, d’un son au pouvoir de séduction moins immédiat.

Les trois premiers disques gardaient pourtant une puissance groovy propre aux enfants de Lynyrd , tout en laissant deviner une virtuosité qui ne demandait qu’à s’épanouir dans des univers plus larges. Un compromis entre la rugosité de leur Amérique profonde et la puissance mélodique des plus grands groupes anglais, voilà ce que représentait la mule. Mais de là à crier son amour d’un symbole de la pop élitiste il y’avait une marge.

Nous voilà donc, encore une fois face à cette vieille peur : les messies que les rockers avaient choisis étaient-ils en train de nous faire leur aveu d’impuissance. On en a vu tant s’étioler dans le bain visqueux du passéisme putride, que la peur nous serre le cœur à chaque reprise, et le moindre hommage est fatalement déclencheur de soupçon. Le rock est comme l’homme, s’il ne bouge pas il s’affaisse, perd toute puissance de séduction, et finit par ne susciter que dégout et rejet.

Voilà pourquoi les jeunes préfèrent le rap au rock. Certes le rap est con, mais il s’agit d’une connerie variée, foisonnante, aussi inépuisable que celle qui qualifie une bonne part de l’espèce humaine.  

Alors, pour dissiper toutes ses peurs , la mule lâche les chevaux dans une ouverture où il dynamite ses classiques. Les solos ravageurs de Warren Hayne renouent alors avec la puissance des débuts, pendant que les claviers nous préparent en douceur à la prestation d’un groupe, qui ne cessera de troquer la naïveté de ses premiers cris contre une nouvelle forme de beauté musicale. Une approche en douceur du « coté sombre de la lune », voilà ce que représente la première partie de ce concert, le gang de l’ex Allman produisant un boucan digne d’une fusée en plein décollage, pour rassurer ses passagers sur les capacités de l’appareil dans lequel il embarque.

On commence à entrevoir les décors lunaires grâce à un instrumental fiévreux , ou eternity breath est transformé en groove spatial , avant de laisser place à une version dépouillée du fameux riff de St Stephen. Avec une rare intelligence, gov’t mule parvient à s’approprier l’ambiance fascinante d’eternity breath , St Stephen enchainant sur une énergie beaucoup plus directe. Comme si le groupe dessinait sa propre dualité à travers ce passage majestueux.

Le premier décollage a eu lieu, mais il est rapidement suivi d’une dernière escale sur terre, le temps de refaire parler la poudre. Et puis le groove change progressivement de forme, la mélodie passe lentement devant la puissance électrique, comme si la brute avait laissé place au poète.

C’est que gov’t mule a muri depuis le départ tragique de son premier bassiste , et ce live commence à ressembler à une victoire du groupe dans son long combat vers la maturité. J’avoue pour ma part apprécier autant la première période que la seconde, et je ne suis visiblement pas le seul à apprécier que gov’t mule puisse faire autre chose que du blues tueur de tympans.

La preuve, lorsque Warren Hayne annonce un set « vraiment spécial » , et que les premières notes de child of the earth résonnent , le silence se fait et une autre magie commence à faire effet. Vient ensuite « shine on you crazy diamond » , qui nous permet de saluer l’humilité d’un guitariste qui n’a pas cherché à singer la beauté atmosphérique du jeu de David Gilmour.

A la place, il fait entrer le groupe dans un jazz cotoneux et éblouissant, le prodige spirituel naissant de l’alliance de ces musiciens plus attachés  à leurs buts qu’à leur égo.  C’est encore une nouvelle spiritualité qui semble ressortir de ce moment merveilleux, où le public uni comme un seul homme déclame les fameux vers de wish you were here. Cette ballade dédiée au génie perturbé que fut Syd Barett devient alors un hymne universel, la perte de ce grand homme résonnant dans chaque cœur d’une façon différente, mais avec la même force. Si il y’a une force supérieure, elle se situe dans ces refrains , qui nous attirent pour mieux nous élever. La musique ayant réussi à produire des moments de communions que la religion ne peut que singer gauchement.  

Et ses classiques, que le public a choisi de s’approprier, gov’t mule les encre entre ses compositions, comme si ils étaient issus du même moule. Il fait ainsi plus que rendre hommage à un monument qui brillera toujours tel un diamand fou , il justifie un virage élitiste que beaucoup semblait lui reprocher depuis la sortie de « déjà voodoo ».

L’élève est allé chercher auprès du maitre la matière capable de justifier sa nouvelle existence, et les deux parties se sont régénérées à travers cet échange plein d’humilité.