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vendredi 15 novembre 2019

Mott The Hoople : Wildlife


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Depuis 1969 , et alors que mott the hoople ne parvient toujours pas à obtenir un large succès , la country est devenue la nouvelle grande préoccupation de l’époque. S’il est admis que le chaos d’Altamont signa la fin du rêve hippie, cette mort est actée musicalement par ce changement pour le moins radical.

Le psychédelisme était une musique révolutionnaire, aventureuse , et ayant pour ambition d’exprimer ce désir de liberté , et de changement, qu’illustrait brillamment Kerouac dans les pages de « sur la route ». La country, elle, était une musique traditionnelle, une musique de pionnier. Pendant des années, les deux cultures étaient bien séparées, les disquaires marquant les disques de Muddy Water et John Lee Hoocker du sceau de « race record ».

Si le rock est devenu si important, c’est avant tout parce qu’il a su marier deux influences qui exprimaient les mêmes idéaux. La country, comme le folk n’étaient rien d’autre qu’un « blues de blanc », et ce n’est pas pour rien que la voix rocailleuse de Cash semblait parfois proche des grands bluesmens (écoutez sa version de rusty cage et le live à San Quentin si vous en doutez).

En somme, après des années passés à planer sous l’effet du LSD , les groupes de San Francisco atterrissaient et redécouvraient le charme des mélodies rustiques. Berceau du mouvement psyché, la ville devenait désormais le centre de ce retour à la terre.

A l’origine de ce changement, il y’a celui qui fut toujours le guide de ces jeunes freaks, Bob Dylan. Démarré dès 1967, son virage country a d’abord dégouté le public hippie, qui réévaluera l’album « John Whesley Hardin » après que ses héros creusent le même sillon.  

Parmi les chefs d’œuvres ayant converti ces hippies , on trouve le premier album que d’ex airplane produisirent sous le nom de hot tuna , workinman’s dead , sweartheart of the rodeo , et wildlife… Enfin non, pour wildlife ce fut plus compliqué.

Le premier défaut de mott sera d’abord d’être anglais , à une époque où l’angleterre est bien loin des mélodies campagnardes de l’Amérique. L’Angleterre, c’est encore le hard rock, et les excès progressifs de groupes qui continuent de répondre à un géant psychédélique enterré. In the court of the crimson king et led zepp I , voilà encore les disques qui définissent la culture musicale anglaise lorsque wildlife sort , en 1970.

Dylanien à une époque ou Dylan perdait déjà progressivement son influence, et privé du soutien d’une scène qui s’épanouissait à plusieurs kilomètres , wildlife ne pouvait que confirmer la réputation de groupe maudit que le mott commence à se trainer.

Sur plusieurs mélodies, le groupe sonne presque comme le band, qui vient de sortir music from the big pink un peu plus d’un an auparavant. « wrong side of the river » est d’ailleurs doté d’une mélodie nostalgique que n’aurait pas renié le groupe de Robbie Robertson. Et je ne parle même pas de ses bluettes, où le clavier se fait plus solennel, soutenant des chœurs qui semblent parfois fouler les terrains balisés par Crosby Still et Nash.

Pour faire bonne mesure, le groupe ouvre l’album par le boogie « whiskey women » , avant de botter le cul d’Eddie Cochran sur un final redéfinissant le rock des pionniers. Comme je l’ai dit précédemment, le blues et la country ne sont que les deux faces d’une même pièce, et cette pièce se nomme rock n roll.     

        

lundi 11 novembre 2019

CRASS : Penis Envy (1981)


Formation :
Eve Libertine - chant
Joy De Vivre - chant sur "Health Surface", choeurs
Phil Free - guitare
B.A.Nana (N.A.Palmer) - guitare
Pete Wright - basse
Penny Rimbaud - batterie


« Penis Envy » est le troisième album de CRASS, le groupe fondateur de l'anarcho-punk, le groupe qui fonctionne comme un collectif. Pour commencer il faut bien avoir toujours en tête que dans ce courant musical la pochette et l’esthétisme en général (look, logo) et les textes (surtout les textes, qui ici sont engagés et intéressants) sont aussi importants voire plus que la musique. Le but étant ouvertement de faire passer un message politique, anarchiste et/ou pacifiste, de politiser les punks (en opposition par rapport aux punks uniquement dans un trip « destroy », « provocateurs » ou nihiliste et n’ayant aucune vision politique hormis de se revendiquer « anti-système »). De faire réfléchir. Le groupe s’en prend dès le départ à Clash, politisé certes, mais qui a signé chez le gros label CBS et les accuse de critiquer le capitalisme tout en signant sur une multinationale (cf morceau « Punk is dead » sur le premier LP), ce à quoi Clash rétorquera que cela permet d’avoir une audience et une portée beaucoup plus grandes, une meilleure visibilité (et de fait le London calling de Clash aura une audience plus importante que n’importe quel album de CRASS). Le débat n’est toujours pas résolu et reste ouvert (deux conceptions différentes de l’attitude à avoir face aux majors), malgré tout les faits montrent qu’au final c’est toujours la multinationale qui a le dernier mot (et très rares sont les groupes qui ont assez de poids pour ne pas faire de compromis). Toujours est-il que CRASS fidèle à ses idées créée son propre label, et le mouvement aura ses propres réseaux de distributions, ses propres réseaux de concerts (squats, centres autogérés) ses propres fanzines, les bases du DIY (do it yourself = le faire par soi-même) sont posées. CRASS dès ses débuts joue une musique basique, ultra primaire (notamment sur les deux premiers albums).

De prime abord, à la première écoute, c'est vrai que cela peut sembler très basique et primaire mais en écoutant plus attentivement on se rend compte qu'au delà de l'aspect minimaliste évident les compositions sont plus travaillées et mélodiques qu'elles n'y paraissent notamment sur « Where is Colombus ? » voire « Systematic death ».
Car musicalement parlant « Penis Envy » est le meilleur album du groupe », plus abouti que les deux précédents, le plus accessible aussi, avec les deux chanteuses au micro, Eve Libertine (la chanteuse principale), secondée de Joy de vivre (l’habituel chanteur de CRASS Steve Ignorant n’est donc pas présent sur cet album). J’ai d’ailleurs toujours trouvé que les voix féminines pouvaient amener des ambiances différentes au punk rock, quelque chose de plus, d’intéressant et là c’est clairement le cas avec un timbre de voix assez inhabituel pour l’époque (cf titre « Poison is a pretty pill »). On a beaucoup reproché à CRASS sa pauvreté musicale mais là le groupe s’est surpassé, c’est toujours minimaliste (mais ce punk minimaliste c'est aussi la marque de fabrique du collectif) mais ça tient parfaitement la route à tout point de vue. Oui CRASS sait jouer ! 

Le son, notamment des guitares, est assez typique des premiers groupes anarcho-punk anglais. Mais la voix atténue un peu le côté austère de l’ambiance générale. Sur cet album les textes, habituellement axés sur un pacifisme intransigeant et sur l’anarchisme, prennent ici une thématique plus féministe. Musicalement il y a vraiment de bonnes chansons, ma préférée étant « Where next Colombus ? » avec un refrain qui ne vous lâchera plus. Un très grand titre. Mais aussi « Bata motel », « Systematic death », « Poison is pretty pill » et “Berkertex bribe”. Et je ne vois que deux titres un peu faibles « What the fuck ? » (avec son texte récité) et « Our weeding ». En tout cas ce Penis Envy me réconcilie avec CRASS car j’avoue que musicalement parlant je ne suis pas trop fan du premier LP « The feeding of the 5000 » même s’il contient la plupart des standards du groupe.

Après la dissolution du groupe fondateur l’anarcho-punk verra quelques divergences apparaître entre ceux qui veulent rester sur la ligne anarcho-pacifiste de CRASS et d’autres qui auront une vision et une stratégie un peu différente (Conflict…), avec malgré tout une base et un cadre communs : le DIY… mais cela est une autre histoire et pour le moment ne boudons pas le plaisir d’écouter ce « Penis Envy » un classique de ce courant, plus important qu’il n’y paraît, mais souvent méconnu dans la mesure où l’intransigeance des groupes les confinait dans un (relatif) anonymat, alors que certains avaient un indéniable talent (Subhumans, Citizen Fish, Inner Terrestrials ou Oï Polloï…pour rester en Grande Bretagne).

Et puis si d'un point de vue strictement musical Clash est sans doute supérieur à CRASS ces derniers représentent l'autre facette, l'autre Histoire du mouvement punk, celle du Do it Yourself et celle de certains principes de fonctionnement non négociables.

Mott the hoople : Mad Shadow


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La plupart des groupes ne sont jamais aussi bons qu’à leur début, quand leurs riffs nourrissent le puissant brasier de leurs ambitions juvéniles. Mocky disait que, pour réussir, un artiste doit avoir faim, son art n’étant ainsi que l’expression de son désir de réussir. Cette vision peut paraitre un peu galvaudée, mais elle a guidé les plus belles années du rock.

Des groupes comme led zepp , les blue oyster cult, ou black sabbath étaient en mission pour imposer leurs visions, et passer devant la concurrence. Puis le commerce reprend ses droit, imposant une vision plus standardisée de ces groupes , ou les dirigeant vers des voies plus populaires.

Si ce n’est pas forcément le cas pour les groupes précédemment cités , cela explique qu’ACDC n’a jamais dépassé la puissance spontanée des albums produits par vanda et young, et je ne parle même pas des deux premiers aerosmith, qui valent bien la virtuosité sacralisée de « rock ».
                           
Pour mott the hoople , le constat est encore plus cruel. Ecouter les premiers disques du groupe, c’est se rendre compte que Bowie a sacrifié l’essence de leur charisme pour les livrer aux hordes de disciples de ziggy stardust. « all the young dude » est tout de même un très bon disque, mais il ne représentait plus la puissance de ce qui fut surtout une furieuse bande de rockers crasseux. Malheureusement, le public est lui-même buté, et ne donne du succès à un disque que si il s’insère dans la vague dominante.

 Le premier album de Mott ne devait son succès qu’au hard rock naissant, dans lequel ses riffs tonitruants semblaient s’insérer. L’album était brillant , mais le soufflet est vite retombé , laissant « mad shadows » sortir dans une indifférence unanime. Il faut dire que le disque n’a rien fait pour creuser le même sillon prometteur, le groupe ayant décidé d’affuter son feeling stonien.

En ce sens , « mad shadows » est une grandiose déclaration d’intention , un brasier rythm n blues au milieu duquel le groupe dynamite jumping jack flash des stones. Et puis il y’a les ballades comme « I can feel », où brille la voix inimitable de Ian Hunter. Là encore, ces ballades sont bien loins des douceurs pop de « all the young dude », la guitare sortant rapidement de son silence pour imposer un solo tout en puissance contenue.

Mott the hooples garde sa force, mais celle-ci est désormais plus maitrisée, comme si le grand bazar du premier album était mêlé au blues fascinant de beggar banquet, le disque que les stones ont sorti quelques mois auparavant.

Commercialement , ce virage va s’avérer désastreux , le rythm n blues de mad shadows paraissant bien poli à côté des grandes déflagrations que sont les premiers albums de black sabbath et led zeppelin.

Et ce n’est pas le final cataclysmique de thread of iron qui allait berner les disciples de la nouvelle religion heavy, qui avaient bien compris que ce disque était un nouveau brulot rythm n blues. Et c’est justement sa force , « mad shadows » affirme une nouvelle facette de la personnalité musicale de mott the hoople, en délivrant une énergie d’une nouvelle nature, incomprise de tous.

Y gouter c’est découvrir que, contrairement à ce qui est aujourd’hui admis, mott the hoople était bien meilleur sans Bowie.    
                                                                         

samedi 9 novembre 2019

Mott the hoople : mott the hoople


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On reproche toujours à la critique d’être cartésienne, de prétendre séparer le bon grain de l’ivraie, d’écrire un évangile rock qui, dans son appellation même,  est une aberration. La critique, au contraire, est saine parce qu’elle incite à la réflexion et au doute, qui resteront toujours de puissants remèdes contre le fanatisme.

Plus que croire, les fanatiques exigent que nous ne doutions pas, que nous prenions leurs opinions brutes et complètes. Le critique, lui, ne peut que douter, chaque disque lui ouvrant les portes d’une nouvelle vision de sa musique.
                                                                          
Quand le coffret mental train est sorti*, il n’a pas du s’en vendre beaucoup. Ceux qui achetaient encore des disques suivaient le plus souvent les conseils avisés des magazines, et des « discothèques rocks idéales » qui se multiplient sur les étals des libraires. Or, mott the hoople n’a jamais était la tasse de thé de la critique rock, qui fut juste forcée de reconnaitre son talent lorsque Bowie les aida à accoucher du superbe « all the young dude ».

Les plus aventureux y ajoutaient les plus rugueux « mott » , « the hoople », et le sulfureux live. La messe était ainsi dite, et on oubliait tous les passionnants tâtonnements qui précédèrent la sortie de ces albums. Car, avant que Bowie ne les convertisse à l’esthétique glam, Mott était un gang de sauvages maudits.

A ses débuts, le groupe trouve une rampe de lancement en Italie , où il déploie un rythm n blues d’une puissance à faire rougir les compagnons de Pete Townshend.  Une petite maison de disque s’intéresse rapidement au groupe, mais , si elle lui permet d’enregistrer ses premiers titres, elle ne parvient pas susciter l’intérêt des gros distributeurs que sont EMI et polydor.

Le groupe rentre donc à Londres , qu’il fait swinguer plusieurs années après le passage des who , stones et autres kinks.Là-bas , ceux qui se nommaient the shakedown sound sont renommés mott the hoople par leurs manager , et island record décide de sortir les albums de ce qui est alors un groupe prometteur.

Parait ensuite un disque qui est à mott the hoople ce que « john mayall and the bluesbreaker » fut pour Clapton , l’expression la plus pure de ce que les musiciens souhaitaient offrir. L’ouverture cueille le rock à froid, en faisant de « you really got me » un magma sonore, d’une puissance que même Van Halen ne parviendra à égaler quelques années plus tard.

Si il existe une version définitive du brulot des kinks , elle se trouve bien dans ce raffut instrumental , où les riffs fulgurants viennent gifler la concurrence proto hard rock. La plupart des critiques de l’époque prirent d’ailleurs ce disque pour une autre réponse aux riffs stridents des yardbirds , le condamnant ainsi à un succès éphémère.

D’autres, plus fins, lui reprochent cette hésitation entre mélodie Dylanesque et rugissement de rocker crasseux. Cette hésitation entre classe et spontanéité qui tiraillera le groupe tout au long de sa carrière , et qui s’exprime ici dans son plus simple appareil a même trouvé une étiquette pour la qualifier : garage rock.

Mais c’est vite oublier le travail du producteur Guy Stevens qui , tout juste sorti de la production du premier free, décide de mettre un peu d’ordre dans le grand foutoir produit par le groupe. Et, contrairement à Bowie, il ne fera rien d’autre, et se contentera de donner un feeling presque stonien à ces envolées juvéniles.

Comment résumer ce disque ? C’est les stones singeant les who , c’est Dylan déversant ses mélodies devant le clavier de Keith Emerson , c’est ce que le rock a de plus puissant tout en prenant le temps de soigner sa grâce pop.

« Wrath and roll » et « rock n roll queen » sont des riffs irrésistibles, dont le minimalisme est un véritable « fuck ! » envoyé aux enfants d’Hendrix, un rock carré et efficace que seul Keith Richard semblait encore capable de produire.

Juste avant , Ian Hunter s’était pris pour Dylan, annonçant les mélodies campagnardes de wildlife sur  « Laugh At Me » et « Backsliding Fearlessly » . Et puis le groupe a tout foutu en l’air , clôturant la mélodie grandiloquente de « laugh at me » dans un monumental chaos sonore, sans doute un des moments les plus rock capturé sur disque.

Ici , mott the hoople n’est pas seulement une formation tiraillée entre ses influences , c’est un réceptacle ardent, qui s’est imprégné de ce que le rock a produit de meilleur, et qui décide de le dégommer violement. Ian Hunter disait que Bowie voyait le groupe comme «  un gang de bikers maudit ». La malédiction réside surtout dans le fait que ce premier disque soit tombé dans l’oubli. 

*Coffret regroupant la période island de Mott , soit les quatre premiers disques, un live , et une compil de singles.          

jeudi 7 novembre 2019

THEATRE OF TRAGEDY : Velvet darkness they fear (1996)

Formation :

Raymond Rohonyi - Chant masculin
Liv Kristine - chant féminin
Geir Flikkeil - guitares
Tommy Lindal - guitares
Eirik T. Saltrø - basse
Hein Frode Hansen - Batterie
Lorentz Aspen – claviers, piano






Années 90 : une nouvelle vague de métal gothique apparaît emmenée le plus souvent par des chanteuses. Ainsi beaucoup de groupes de ce genre à voix féminines/masculines surfent sur la vague nouvelle, celle-ci apportant alors indéniablement quelque chose de neuf au métal ; dans le lot on eut droit à plusieurs bons albums, mais au final deux groupes ont surnagé : The Gathering (un peu différent musicalement parlant, plus atmosphérique, planant et avec juste une chanteuse) et Theatre of Tragedy le groupe qui a popularisé le style qui verra apparaître Tristania, After Forever, The Sins of thy beloved, Within Temptation, Darkwell, On Thorns I Lay, Lacuna Coil...(TOT peut être considéré comme le pionnier du métal à chant alterné et/ou superposé mixte).
« Velvet darkness they fear » sorti en 1996 est le second et meilleur album de Theatre of Tragedy (après le premier album éponyme et déjà prometteur), l'album de la consécration pour les norvégiens.
L'alchimie entre les voix est ici parfaite pour l'un des meilleurs albums de métal gothique : les voix sont sublimes (féminine éthérée et masculine gutturale), les compositions entre gothique et doom/death.
Avec un côté lyrique très présent dans les compos ce qui en fait sans doute l’album le plus abouti du genre.
Le violon les synthés et surtout le piano sont très bien utilisés, le piano dont chaque note tombe comme des gouttelettes de pluie.
Car ici tout est magnifiquement composé et orchestré (le groupe entier est crédité mais c'est le pianiste / claviériste Lorentz Aspen qui est le compositeur principal).
Beaucoup de groupes, autant métal que new-wave, refusent l'étiquette de gothique mais là le terme colle vraiment à la musique : du vrai métal gothique (mélangé certes à des influences plus doom/death) mais celui est bien présent (également dans les textes et les thèmes des morceaux, le look, la pochette…).
Dès les premières notes de « Fair and guiling copesmate death » on rentre dans le vif du sujet : piano, voix féminine éthérée de Liv Kristine, violon, gros riffs de guitare (même si les guitares restent en retrait, ici pas de démonstration technique ou de solos), voix masculine grave ou gutturale de Raymond J Rohonyi : « la belle et la bête », « la glace et le feu » on a tout dit et écrit sur ce duo de vocalistes qui a influencé tant de groupes.
Liv Kristine est de tout façon l'une des trois meilleures chanteuses de métal il n'y a même pas débat à avoir car sa voix a des intonations tellement sublimes et féérique qu’elle n’a pas besoin de s’étaler sur plusieurs octaves.
Les voix se succèdent, se superposent ou se répondent mais Theatre of Tragedy est à mon avis le groupe qui maîtrise le mieux le sujet.
Les ambiances sont alternées à merveille entre la facette death et celle plus atmosphérique.
C’est grandiose, magistral, beaucoup de nostalgie, de tristesse ; c’est d'une grande beauté, d’une beauté à couper le souffle, plus mélancolique que véritablement sombre d’ailleurs. Une musique et des voix habitées par une passion qui donne le frisson.
Le rythme est lent mais sans être lourd, les morceaux durent entre 5 et 8 minutes.
Les meilleurs titres hormis, « Fair and guiling copesmate death », sont « Der Tanz der Schatten (avec un chant en allemand où l'influence de l'opéra germanique et notamment wagnérien est évidente, un chant époustouflant où on atteint le sublime, la grande pièce du disque), là où les voix font merveille puis « Seraphic Deviltry », « And when he falleth », « Black as the devil painteth » et « The Masquarade and Phoenix » pour son final.
Des morceaux qui vous emportent très loin vers des horizons inconnus et magiques, envoûtants.
Ensuite le groupe évoluera vers un autre style plus électronique (avec le néanmoins très bon « Musique ») jusqu'au départ de la chanteuse...puis une résurrection avec une nouvelle vocaliste et enfin l'arrêt final en 2010.






Robert Wyatt Different every time : epilogue

Déjà mis à l’écart sur third , Robert Wyatt est presque ignoré sur fourth , comme si ses collègues le prenait désormais pour un simple exécutant. Aussi déçu par la direction de plus en plus élitiste que prend son groupe, que blessé dans son orgueil par cette mise à l’écart, Wyatt claque la porte en 1971. Il entame ensuite une période de dépression, et ne doit l’échec de sa tentative de suicide qu’à la bienveillance de voisins vigilants.
Matching Mole


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La blessure liée à sa mise à l’écart ne guérira jamais totalement, mais elle cicatrise suffisamment pour lui permettre de reprendre les concerts. Il effectue donc quelques performance en solo, accompagné de musiciens locaux, avant de rejoindre son vieil ami David Aellen pour renforcer temporairement le vaisseau gong. Progressivement, la muse revient le visiter, le poussant à chercher de nouveaux musiciens, pour donner vie à des idées qu’il n’aurait jamais pu construire avec soft machine.

La formation est annoncée en même temps que son nom : Matching molle , qui montre que Wyatt n’a toujours pas fait le deuil de son ancien groupe. Robert Wyatt, David Sinclair, Bill Mccornik et Phil Myer commence donc à jamer sur « moon in june » et « beware of darkness » de George Harrison. Si ces titres montrent bien l’attachement à la pop du batteur , les improvisations emmènent progressivement le groupe vers des sentiers moins balisés, et représentent les premières notes de sa seconde vie artistique.


De ses instrumentaux naissent rapidement un matériel hétéroclite , montrant les hésitations d’un Wyatt écartelé entre son amour de la pop et ses ambitions expérimentales. L’homme le résumera très bien en affirmant que, parfois, il se met à chanter de petites ritournelles pop au piano, et commence à penser qu’il s’agit de sa véritable vocation. Puis il reprend la batterie, et retrouve son gout pour les rythmiques alambiquées, les structures atypiques , et devient l’homme qui interdit à David Sinclair de renouer avec les chemins balisés par caravan.

Si son talent d’architecte fait de « matching mole » un grand disque , il montre encore une formation en rodage, suivant les hésitations de son leader sans réellement savoir où il s’embarque. Sur les titres les plus pop, la voix de Wyatt prend trop de place, et réduit ses collègues au rang de groupe d’accompagnement.

L’instrumental « instant pusssy » semble flirter avec l’élitisme virtuose que Wyatt a fui chez soft machine. Puis vient « part of the dance » , où les musiciens parviennent enfin à faire copuler l’agressivité électronique de « volume two » , la liberté portée par ce jazz qui reste tout de même la véritable inspiration de Wyatt , et l’efficacité d’un groupe de pop virtuose . Le batteur résumera ce son par la formule « concerto pour groupe , et on a pas encore trouvé meilleure formule pour qualifier cette musique expérimentale, aux apparences parfois décousues, mais dont le charme ne cesse de se dévoiler à chaque écoute.

Alors que soft machine développe une musique de plus en plus « classique », gommant progressivement toute trace d’expérimentation, dans l’espoir d’atteindre le niveau des grands virtuoses jazz, matching molle devient rapidement le nouveau tôlier de la scène Canterburienne. Le groupe commence à se souder lors de sa première tournée de 1972, ses concerts rodant une machine qui s’apprête à sortir son chef d’œuvre en novembre 1972.

Little red record


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Si les traumatismes de Robert Wyatt ont engendré les défauts du premier disque, ils guideront aussi le processus qui mènera à la naissance de ce little red record. Ayant besoin de se rassurer sur ses capacités de musicien, Wyatt a dirigé les séances du premier album de la façon la plus autoritaire, à tel point que le groupe hésitait à poser son nom sur un album qu’il n’a pas composé. Conscient de cet excès d’autoritarisme, le luttin batteur ne veut pas reproduire sur ses collègues ce qu’il a subit à la fin de soft machine. Il se place donc en retrait, laissant ses collègues composer la quasi-totalité du nouvel album, afin de prouver que matching molle est désormais un groupe solide et soudé.

De cette manière, il obtient une œuvre plus homogène, et plus concise. Les taupes n’ont pas perdu leurs capacités à expérimenter, et continuent de nourrir leurs expérimentations de sonorités résolument jazz rock, mais elles le font à travers une musique plus travaillée.

La voix répond enfin aux instrumentaux sans les masquer, ce sera la seule fois où celle-ci trouve une telle harmonie avec les musiciens qui l’accompagne. Pourtant, ce qui fera grand bruit à la sortie de l’album , c’est cette pochette singeant les affiches de propagande communiste , et les propos d’un Wyatt qui préfére : « être envahi par les chinois plutôt que de se voir imposer l’Europe ».

Dans ses textes, les pro communistes verront un manifeste en faveur de leur idéologie, alors que les anti communistes se délecteront de ces exagérations perçues comme une parodie de la nouvelle religion fondée par Marx.

Ces visions opposées auront au moins le mérite de prouver que la musique est bien plus sérieuse que la politique. Wyatt prenant soin de noyer ses déclarations dans une cacophonie de voix burlesques, comme si il se moquait de ses propres convictions.

Résultat, on retiendra surtout que, alors que son ancien groupe est en pleine déchéance , Wyatt a su rester au sommet de son art . Trop peu cité , son petit album rouge fait clairement partie des disques qui définissent cette époque où le jazz et l’expérimentation avaient aussi un potentiel commercial.

Little red record n’est pas encore sorti lorsque , lassé par le manque de succès et les difficultés financières , Robert Wyatt décide brutalement de mettre fin à matching molle. Ses collègues sont abasourdis, d’autant que les derniers concerts du groupe avait obtenu l’éloge de la critique, et que le succès semblait enfin à portée.

Wyatt , lui , voit plutôt dans ces chroniques la preuve de fidélité de journalistes qui l’ont toujours soutenu. La raison de cette fin brutale est toutefois plus profonde, et vient directement du processus plus démocratique qui a mené à la création de little red record.

Si ce processus a permis à la formation de s’affirmer en tant que groupe, elle a largement frustré son leader, qui avait de nouveau l’impression de ne pas pouvoir réaliser ses ambitions artistiques. Le batteur veut désormais être reconnu en tant que chanteur, et affine sa voix en participant à divers concerts d’Hatfield and the north et Kevin Ayer.

Après ces performances , il accompagne sa compagne Alfie à Venise , où elle travaille sur la réalisation d’un film. C’est là-bas qu’il écrit les premières paroles d’un disque qui prendra réellement forme après son accident.

La scène se passe lors de la soirée de promotion de flying teapot , le dernier album de gong. Après avoir noyé ses névroses dans l’alcool et différentes substances , Wyatt s’enferme dans la salle de bain en galante compagnie. Lorsqu’il est sur le point d’être surpris, le lutin barbu a la mauvaise idée de tenter de s’enfuir en descendant par la gouttière, qui cède rapidement. Résultat, une chute de quatre étages à laquelle il ne survit que grâce à la décontraction liée à son état d’ébriété.

Devenue paraplégique, il parvient à se soigner grâce à l’aide financière de divers artistes , avant qu’un Dave Mason en pleine gloire Floydienne ne lui propose ses services pour l’enregistrement de son prochain disque solo. Averti du projet, Mick Oldfield se joint rapidement à l’achèvement d’une grande œuvre que l’artiste avait démarré avant son accident.


Rock Bottom

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Chaque époque exprime le génie humain d’une façon différente, la renaissance le fit dans l’architecture et la peinture, Leonard de Vinci et Michel Ange étant le symbole de l’âge d’or de l’occident. Les années 50 le feront via le cinéma, l’âge d’or d’hollywood nourrissant les rêves de millions de jeunes se prenant pour John Wayne et Henry Fonda. Les années 60-70 , elles, marqueront l’âge d’or de la musique , sergent pepper , pet sounds et rock bottom s’affirmant comme les descendants de l’œuvre sublimant le plafond de la chapelle Sixtine.

L’Angleterre est donc devenue la nouvelle Italie, le rock un nouvel art majeur. « Pour comprendre un peuple il faut écouter sa musique » , comme le disait si bien Platon , des années avant que la paix ne permette aux musiciens de s’épanouir. Vous vous demandez sans doute pourquoi je commence cette chronique par une introduction que certain pourrait trouver trop pompeuse.

Et bien tout simplement parce que, à force de chercher à transcender le rock , les musiciens progressifs réussissent parfois à produire une œuvre qui dépasse ce simple qualificatif, et c’est largement le cas ici. La force de rock botom, c’est d’abord que son auteur a toujours pris plaisir à jouer sur les dissonances , à se jouer de la vision que l’on peut avoir de la beauté musicale.

Sa voix, qu’il qualifie lui-même d’androgyne, ne dévoilait sa beauté qu’après plusieurs écoutes attentives. Après l’avoir travaillé à la fin de matching molle , il l’a transcende ici grâce à une sensibilité d’une pureté incroyable, comme si l’homme nous invitait à explorer sa psyché tourmentée.

Rock Bottom est un disque introspectif, comme pouvait l’être rubycon, ou les grands disques ambiant, un album qui définit un paysage sonore enivrant et immersif. Autrefois partisan d’une musique foisonnante et parfois bruitiste, Wyatt apprend à alléger ses compositions, à ménager les espaces , laissant l’esprit de l’auditeur vagabonder entre ses espaces magnifiques.

Rock bottom , c’est le calme d’atmosphères apaisantes, entretenues par les claviers luxuriants mis en place par le duo Mason/ Wyatt , avant que le calme ne soit rompu par une complainte bouleversante, portée par des trompettes semblant annoncer une apocalypse tragique. Wyatt n’avouera qu’à demi-mot la portée autobiographique de ce disque, il a sans doute raison.

Dans rock bottom , ses sentiments deviennent universels , l’homme se servant de sa douleur pour produire une musique capable de réparer les âmes, pendant que la musique vibre comme une ode à l’innocence. Ce n’est plus du jazz, ce n’est plus du rock, ce n’est même pas réellement de l’ambiant. Ces étiquettes sont trop réductrices pour parfaitement résumer cet édifice sonore, où les instruments se complètent dans une symphonie apaisante.

Innocence est le maitre mot de ce disque, tant celle-ci permet à Wyatt de dévoiler ses sentiments sans tomber dans l’exhibitionnisme vulgaire. Comme pour relativiser l’exploit, le lutin virtuose achève son catharsis musical par un rire enfantin de génie espiègle.

Le résultat est au-delà des mots, et on l’écoutera sans doute aussi longtemps qu’il restera une étincelle d’humanité dans un monde transformé en cloaque numérique.

dimanche 3 novembre 2019

Robert Wyatt : Different every time : Partie 2 , grandeur et décadence


Quand le premier album sort enfin, Soft Machine est officiellement séparé, usé par une tournée de trois mois qui a eu raison de sa témérité. Grâce à la persévérance de son producteur américain , son premier album finit tout de même par sortir, et le groupe qui se croyait libre de tout engagement se retrouve contraint de produire le second disque prévu par son contrat. Heureusement, soft machine a continué à composer pendant sa période d’inactivité, et dispose déjà d’un matériel conséquent. Avant les premières sessions, Hugh Hopper annonce qu’il s’en ira si « le groupe produit encore de la pop » , ouvrant ainsi un conflit entre les influences pop de Wyatt et les ambitions jazz des autres membres du groupe.

Voyant au départ le projet comme une obligation contractuelle, le trio répète 17 titres, qu’il compte lancer comme une aumône à sa maison de disque. Mais, au fil des répétitions, le projet se densifie, les sessions s’allongent, et ce qui devait être un travail bâclé se transforme en disque foisonnant  où le gang atteint le sommet de sa cohésion.

Seule ombre au tableau, la production est un peu brouillonne, et donne un écrin un peu rudimentaire à ces perles. Mais la perfection des titres rachète largement l’amateurisme des producteurs, et tout ce que le premier disque avait annoncé se réalise dans nos oreilles ébahies.

Volume two


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Mélange de dadaïsme et d’intellectualisme musical, l’école de canterbury nait réellement avec ce disque. De caravan à Khan , sans oublier hatfield and the north , tous vont broder leurs œuvres autour de cette base rutilante. Volume two est le seul disque de soft machine qui réussit ce pari fou, marier la spontanéité et l’avant-garde, la légèreté pop, et la sophistication jazz. The soft machine (l’album) était encore trop brut, les stridences de son orgue rapprochant le groupe d’un psychédélisme aussi violent qu’aventureux.Third , lui, est un chef d’œuvre. Mais il n’auraît pu naitre si le groupe n’avait pas tourner le dos à la pop, au grand dam de Robert Wyatt.

 Le lutin batteur est le véritable maitre d’œuvre de ce volume two , réarrangeant les instrumentaux écrits par Hugh Hopper , tout en écrivant toute la prose absurde qui parcourt ce disque.

Plus que jamais au centre des mélodies de la machine molle, sa voix aère des instrumentaux alambiqués. Ceux-ci sont compressés sur des pièces de deux/trois minutes, qui s’enchainent comme les pièces d’un fabuleux puzzle. Encouragé par le collège libertaire de la pataphysique, Wyatt libère ses textes de toute logique, ses exubérances vocales se mariant à une musique extrêmement riche, dans une perfection jazz pop que seul Frank Zappa parviendra à approcher.       

Les années précédentes ont consacré la pop, 1968 marque le début de l’avènement du free jazz. Chacun en donnera sa version, instrumentale et envoutante chez Zappa (hot rats) , atmosphérique et électrique chez Miles Davis (bitch brew) , sans oublier la symphonie grandiose de King Crimson (in the court of the crimson king).

En plus de lancer toute une scène , volume two est passé avant tout ces chefs-d’œuvre. De là à dire qu’il les a influencé il n’y a qu’un pas, que nous éviterons de franchir. Si Zappa a en effet côtoyé la machine molle , c’était à l’époque où sa musique n’était encore qu’un rock pyché expérimental. Quant à Miles Davis , il ne se mit à métisser son jazz qu’après avoir été époustouflé par un show de Jimi Hendrix.

En revanche, volume two était le pavé dans la mare, un signal envoyé à tout ceux qui étaient restés bloqués dans le blues rock sixties. Le jazz et la pop ont conçu un enfant, voici ses premiers cris.   


Le succès semble proche, les maisons de disques commencent à voir un réel potentiel commercial dans ce groupe pop/ Jazz, et se pressent pour offrir un contrat à l’ex coqueluche de l’underground anglais. Si elles encouragent le groupe à retourner en studios , celui-ci veut désormais obtenir une liberté totale. Enrichi par une autre tournée en compagnie de Hendrix, le groupe décide de financer lui-même les sessions de son troisième disque.

Parallèlement, le duo Hopper/ Ratlehedge a pris le pouvoir, écartant définitivement les compositions pop de Wyatt. Déjà complexé par le talent de ses collègues, et doutant de ses propres capacités, le lutin anglais parvient juste à glisser une composition. En plus d’être une des compositions les plus réussies de ce disque, Moon in june représente l’adieu du groupe à la pop. Un adieu qui sera confirmé par le départ de Wyatt après la sortie de fourth.

Lors des enregistrements , Ratlehedge et Hopper refusent de jouer sur la composition de leur batteur, qu’ils semblent désormais voir comme un frein à leurs ambitions. Toujours aussi mal produit, third est heureusement composé de titres toujours aussi brillants, et d’une inventivité qui ne laisse pas présager que la fin est proche.

Third



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Cet album me fait toujours penser à l’histoire mise en scène sur « the grand wazoo » , le chef d’œuvre de Zappa, qui relate la lutte d’une tribu virtuose contre la horde des dangereux médiocres. Cette image exprimait bien le combat entre l’élitisme et la spontanéité que le rock a toujours provoqué. Jusqu’où peut-on aller sans tomber dans la démonstration stérile ? A partir de quand dépasse t’on les frontières du rock pour partir sur les terres pernicieuses d’une musique pompeuse et sans âme ?

Ces questions ont parcouru les groupe depuis que le rock existe. C’est la lutte entre les mélodies discos de Jagger et le blues de Keith Richard, ce sont les contestations provoquées par les changements brusques de Bowie , ou par les nouvelles mélodies de led zeppelin.

Chez Soft Machine plus que chez n’importe qui , ce problème ne pouvait que finir par se poser. Dès le départ, la formation était écartelée entre les tendances de son époque et son amour pour la « grande musique » de Mingus , Coltrane …

On pourrait aussi penser que volume two , sommet de cohésion entre ses influences contradictoires , représentait un point d’orgue que le groupe ne pouvait reproduire , sous peine de tomber dans le même bain que sa descendance. Parce que la formule a fait des adeptes, qui lanceront bientôt des disques qui sont autant d’échos à cette nouvelle pop.

Pour prolonger son statut de précurseur, soft machine devait partir vers d’autres territoires, et tant pis si Wyatt devait être sacrifié sur l’autel de l’avant-garde. Usant des capacités des studios modernes, la machine molle reprend la technique du collage cher à Zappa, sur un facelift où les envies de liberté de Hopper ouvre la voie à la musique extrémement composée qu’affectionne Rattlehedge. Le groupe creuse le même sillon expérimental sur « out bloody rageous » , où les boucles rythmiques s’accélèrent , s’entrechoquent , ou s’accordent dans une nouvelle forme de symphonie jazzy.    

Entre temps, on se sera émerveillé sur ses longues pistes moelleuses, où le groupe flirte avec la douceur avant gardiste du premier king crimson. Si volume two était son chef d’œuvre pop , third donne une nouvelle définition du free jazz , soft machine accélérant le son de ses bandes , ou les inversant tel un savant fou du free jazz.

Si third est un grand disque, c’est parce qu’il se défait de ses influences , pour inventer une nouvelle définition de la musique. Après ça, soft machine pouvait se dissoudre dans un jazz de plus en plus académique. Ce sommet-là ne pouvait, de toute façon, que le tuer.