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mardi 18 mai 2021

EMPEROR : In the nightside eclipse (1994)



Une fois n'est pas coutume voici un peu de métal extrême dans Rock In Progress, après la chronique de l'album "Individual Thought Patterns" du groupe Death, publiée par Julien il y a de cela déjà quelques mois. 
Le black métal est un genre méconnu, que l'on réduit souvent à la "médiocrité sympathique" d'un Venom ou à quelques extrémistes nazillons, alors que c'est l'un des genres parmi les plus créatifs et offrant de multiples possibilités musicales. Aussi il n'est pas rare de voir de plus en plus de groupes de black métal incorporer avec réussite néo-folk, prog', classique ou ambiances atmosphériques/symphoniques. dans leurs compositions poussant ainsi leur univers vers des horizons illimitées. 
Quelque part le black métal est au métal ce que le rock progressif est au rock. 
L'exemple le plus marquant et frappant étant Agalloch qui mélange majestueusement sur son chef d'œuvre "The mantle" neo folk, post-rock et Black métal.
Pour en revenir à notre chronique "In the nightside eclipse" est le premier album d'Emperor le sulfureux groupe de Black métal norvégien, leur meilleur. Une musique violente, agressive, sauvage, rapide...du black métal basique certes ; mais ici il y a un côté symphonique qui côtoie le côté chaotique. Symphonique car l'emploi des claviers est magnifiquement utilisé. Omniprésents et discrets à la fois ils sont en toile de fond et donnent une légère mais majestueuse coloration mélodique, apportent une touche moins brut (d'où la différence avec des groupes comme Marduk, Mayhem ou Immortal). De même les chœurs également présents donnent un son moins épais, une touche de finesse (dans un monde de brutes évidemment !). Avec ce disque Emperor donne un nouvel essor au Black métal qui prend ainsi un virage important et radical, créant ainsi une nouvelle vague.
C'est symphonique (attention j'ai dit symphonique pas atmosphérique, nuance) mais plus violent que Cradle of filth ou Dimmu borgir. Toutefois l'univers musical s'éloigne des Venom, Bathory, Mayhem et autres pionniers du genre durant les années 80.
Cet album est à écouter d'une traite, impossible d'en sortir un titre et de l'écouter séparément du reste. "In the nightside eclipse" est un bloc, compact et indivisible, d'une densité incroyable. L'ambiance est dantesque, l'impression d'être au cœur des ténèbres, dans les forêts du nord de la Norvège en plein hiver. Une orgie, un déluge de riffs titanesques et de chants hallucinés, possédés. Un ouragan, une déflagration terrifiante. Impossible d'en sortir indemne. Sombre mais toutefois pas lugubre.
Une atmosphère où haine et beauté se marient et se mélangent à merveille. Aussi incroyable que cela puisse paraître c'est à la fois aérien et surpuissant.
Si l'écoute en une seule fois est nécessaire pour mieux apprécier et se fondre dans l'œuvre proposée, pour ceux qui préféreront commencer doucement avec un morceau on pourra néanmoins citer "Into the infinity of thoughts" qui ouvre l'album et met directement l'auditeur dans le vif du sujet et "Towards the Pantheon" et son intro, seul passage calme du disque.
Bordélique et travaillé, brutal et symphonique, des compositions de haut niveau, avec d'excellents musiciens, loin d'être de vulgaires "bourrins" (et de bons musiciens il y en a pas mal dans ce genre musical, malgré ce que beaucoup pensent).
Un album magistral du début à la fin qu'on peut aisément placer dans le top 3 du black métal toute période confondue et malgré la grande diversité de ce courant musical.
Et le suivant "Anthems to the welkin at dusk" est également très bon.

dimanche 9 mai 2021

Aymeric Leroy : Rock progressif



Alors que le premier album de King Crimson « In the court of the Crimson King » est sorti il y a 50 ans (1), je ne peux que conseiller cet excellent livre sur le rock progressif, une véritable « bible », qui offre un panorama complet du style, une étude quasi exhaustive sur le sujet. On commence bien sûr par les pionniers/précurseurs indirects tels Pink Floyd, Beatles, Procul Harum, Moody Blues, ceux qui ont influencé les débuts du rock progressif, qu'ils soient des groupes ou artistes jazz, rock, pop, jazz rock ou psychédélique (voire même venant du classique).
Le premier King Crimson, sorti en 1969 et considéré comme le véritable premier album du genre, a eu pour conséquence une transformation de la musique de la fin des années 60 et du débuts des années 70 avec des morceaux plus longs, plus élaborés, l'apparition de nouveaux instruments, de nouvelles perspectives musicales...pour un genre iconoclaste et varié.
Ce livre est donc indispensable pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au rock prog' ou ceux qui veulent connaître (ou approfondir leurs connaissances) de ce genre musical unique et tellement riche. Il s'adresse d'ailleurs autant aux fans qu'à ceux qui n'en ont qu'une vision superficielle.
C'est plus ou moins classé chronologiquement mais l'auteur regroupe aussi par sous-genres (Zeuhl, école de Canterbury...) et nous propose également un tour d'horizon par pays (Italie, France, Scandinavie...)....pour remonter jusqu'à 2010 environ, date de sortie du bouquin.
Aymeric Leroy ne se contente pas des groupes purement prog il parle aussi de groupes plus ou moins assimilés comme Jethro Tull, Magma, Pink Floyd, Gong, Soft machine, Ange, des groupes plus jazz rock sans oublier le hard progressif (Rush, Dream Theater...), le néo prog (Marillion, IQ...) et les groupes plus récents (Mars Volta, TransAtlantic...).  
C'est complet, clair, intéressant , pas prise de tête, pas redondant et surtout écrit par un auteur passionné du genre et surtout un vrai grand connaisseur du rock progressif et qui est considéré comme une référence sur le sujet ; cette histoire du rock progressif se caractérise par son côté vivant, concret et surtout passionnant.
Au delà de la vision complète d'ensemble, l'auteur raconte des anecdotes sur les groupes et sur les albums clés.
Il aborde bien sur les influences, les musiciens, les groupes, les interractions entre eux, les enregistrements d'album , les compositions et leur particularité technique, l'apogée du genre puis la période creuse, le déclin et enfin le (léger) renouveau entamé au milieu des années 80.
Les groupes connus y ont bien sur leur place (King Crimson, Yes, ELP, Genesis, Van der Graaf Generator, Caravan...) mais aussi les groupes moins connus (Anglagard...) ou quasiment inconnus comme les français de Tiemko.
A l'heure où l'on « fête » les 50 ans du progressif il serait dommage de passer à côté de cette véritable bible.
A noter que cet ouvrage est publié chez le très bon éditeur le Mot et le reste qui a sorti de très nombreux livres sur la musique, tous très intéressants (citons Magma, Pink Floyd , King Crimson l'école de Canterbury pour rester plus ou moins dans le même sujet, certains ayant d'ailleurs Aymeric Leroy pour auteur).

(1) chronique initialement parue sur Sens Critique en 2019 à l'occasion des 50 ans du premier album de King Crimson 

mardi 20 avril 2021

PINK FLOYD : Ummagumma (1969)


Syd Barrett devenu ingérable pour les raisons que l’on sait, David Gilmour arrive pour l’épauler puis, l'état mental de Syd ne s'arrangeant pas, finit par le remplacer définitivement. En 1968 Pink Floyd sort un "A Saucerful of secrets" en demi-teinte puis la B.O du film "More", musique de film plutôt réussie mais qui malgré tout reste une bande son et enfin ce disque "Ummagumma" en 1969. Pink Floyd tâtonne encore. Il ne trouvera réellement sa (nouvelle) voie qu'avec "Atom heart mother", "Meddle" et bien sûr "Dark side of the moon".
Revenons à "Ummagumma" : je n’ai jamais très bien compris quelle était la raison de ce double album avec un disque live et un disque studio expérimental, les deux disques étant très différents.
Disons-le tout de suite je n'aime d'ailleurs pas trop cet enregistrement studio, chaque musicien y allant de sa petite pièce musicale sans beaucoup d'intérêt il faut bien le dire.
Mettre ces expérimentations avec un enregistrement public est une erreur de casting fort dommageable. Quasiment une faute professionnelle.
D’ailleurs Waters n'a jamais caché qu'avec le recul ce disque studio était une erreur, un raté dans la discographie de Pink Floyd, le groupe n'ayant d'ailleurs pas trop apprécié le résultat final.
Selon moi seul surnage "The narrow way" le morceau composé par David Gilmour qui s’avère un vrai titre, tenant à peu près la route sans être époustouflant ; et non un bidouillage expérimental sans ligne directrice, de la masturbation intellectuelle avant-gardistes assez pénible comme le crieront les détracteurs !! Ce qui n'est d'ailleurs pas totalement faux même si certains apprécieront cette tentative de faire quelque chose de différent, de sortir des sentiers battus du pop/rock "classique".
Mais je reste avec la désagréable impression que les musiciens jouent avant tout pour eux, se font plaisir en faisant leur petite cuisine musicale, recette que le public ne comprendra pas forcément.
Passons...
J’ai donc décidé de ne pas m’éterniser afin de m’attarder plus longuement sur le disque live enregistré en avril et mai 1969 et dont les quatre morceaux, sans doute les plus psychédéliques de la période 1967/69 du Floyd, s’avèrent non seulement plus intéressants mais au final un voyage musical assez unique, que je considère volontiers comme l'un des sommets du rock psychédélique. Quatre titres d'anthologie, enregistrés ici dans des versions allongées, souvent plus expérimentales et ambitieuses que les originaux studio et qui resteront à jamais dans l'Histoire du rock même si ce n'est pas ce que Pink Floyd a fait de plus connu ; car l'ensemble captive et dégage une ambiance unique, une expérience auditive et pose définitivement les bases du ROCK psychédélique et non plus de la pop psychédélique "gentillette" qui avait fait son apparition depuis les années 66-67. On peut volontiers qualifier Ummagumma (live) d'apogée, d'apothéose du rock psychédélique des sixties.
"Ummagumma" est aussi un album charnière avant la sortie de disques plus "pop", planants, atmosphériques ou symphoniques (mais qui garderont souvent une ambition qui fera la force du groupe). Ce live clôture la période Barrett en quelque sorte, Syd Barrett dont l'ombre plane encore sur ces quatre morceaux live qui rappellent encore avec insistance les premiers concerts du groupe donnés au U.F.O, mythique salle londonienne.
Ecouter cet enregistrement public c'est entrer et explorer une nouvelle dimension musicale...
« Astronomy domine », écrit par Barrett, tiré du premier album et qui débute ce live, reste ma préférée même si c'est assurément le morceau le moins aventureux. Ce titre a quelque chose d’hypnotique, de galactique, de mystérieux. Avec une voix venue d'un autre monde qui rappelle que Pink Floyd est le premier groupe rock à avoir exploré un univers musical qu'on peut qualifier de cosmique.
Et si les extra-terrestres existent alors c'est ce morceau qu'il faut envoyer dans l'espace pour prendre contact avec eux !
Une pop psychédélique qui se transforme "sur scène" en rock psychédélique spatial.
Et comme tous les morceaux de ce live la voix n'est là que pour accompagner la musique même si sur ce titre les choeurs "hallucinés" donnent une dimension qui colle parfaitement à l'instrumentalisation. Le morceau par excellence d'un "space rock" psychédélique.
« Careful with that axe, Eugene » est assez différent qui alterne passages planants et violents. Cela monte progressivement en puissance, emmené par un clavier mi-reposant mi-angoissant jusqu'au hurlement effrayant, terrifiant et légendaire de Waters qui débouche sur quelques minutes où progressif et psychédélique se mélangent dans une furie magistrale puis c'est la descente magique vers des horizons plus apaisants...
Mais sur ce titre quasi instrumental on est déjà dans les contrées plus planantes du Floyd.
Ce morceau sorti seulement en 45 Tours en 1968 demeure un grand classique scénique de Pink Floyd.
Vous avez bien accroché votre ceinture ? Le voyage continue avec "Set the control of the heart of the sun" qui est assurément le plus "flippant" des quatre titres avec le clavier hypnotique de Wright et la batterie désarticulée de Mason, la voix quasi murmurée ; encore un titre époustouflant, avec l'impression d'être parfois en apesanteur dans l'espace et où les passages calmes ont une ambiance inquiétante, bonifié par rapport à la version de l’album, en l'occurrence le second, « A saucerful of secrets » ; on navigue dans un psychédélisme plus traditionnel que pour "Astronomy domine" qui garde, malgré ses digressions une structure pop, désarticulée certes mais pop à la base, alors que "Set the control" s'affranchit totalement des structures classiques pour se tourner vers l'exploration musicale.
"A Saucerful of secrets", lui aussi est tiré de l’album éponyme, et là encore Pink Floyd propose un morceau quasi instrumental où le groupe accentue le côté rock psychédélique mais davantage expérimental, enlevé de toute substance pop dans sa première partie puis planante dans la seconde. On est déjà presque dans ce qu’on pourrait appeler du rock progressif, tant dans les variations musicales proposées que pour les différences ambiances abordées.
Et on comprend mieux pourquoi le principal groupe de post hardcore / sludge metal, Neurosis, cite volontiers le Pink Floyd de cette époque comme influence majeure.
Ce live est un univers à lui tout seul, un témoignage d'une époque révolue.
Une explosion. Une exploration sonore unique, une expérimentation auditive inoubliable, un cataclysme, accentué par un son qui laisse filtrer le côté mystérieux et inquiétant de l'oeuvre, presque ésotérique.
Une invitation à un voyage sidéral, inter-galactique, cosmique.
Un disque qui hypnotise et envoûte littéralement l'auditeur pour ne plus le lâcher.
Au final une atmosphère à la fois psychédélique (beaucoup) progressive (un peu) planante (parfois), expérimentale (évidemment)...que personne n'arrivera jamais à égaler, mis à part peut-être  Hawkwind par séquence au début des 70, mais dans un registre un peu différent.
Car Pink Floyd navigue déjà à cette époque - et surtout à cette époque - dans un autre monde.


lundi 12 avril 2021

VARIATIONS : Nador


Dans les années 60 le rock en France c’est le quasi néant : quelques artistes rock’n’roll qui la plupart du temps font des reprises des standards US du genre (Dick Rivers, Eddy Mitchell, Johnny Halliday) ou d’autres davantage yéyé que rock (Antoine et ses problèmes, Jacques Dutronc et encore Johnny qui rentre, lui, dans les deux catégories !).
Et alors que le rock est denrée rare dans l’hexagone voici qu’en 1970, quasiment à la même période que Magma, débarque dans les bacs le premier album de Variations (selon certaines sources l’album est sorti en 1969 ! Difficile de trancher !).
Formé par Jo Leb (chant), Marc Tobaly (guitare), Jacky Bitoun (batterie) et Jacques "p'tit pois" Grande (basse) , tous d'origine juive marocaine, fans de rock et notamment des Rolling Stones, Variations a déjà plusieurs 45 tours à son actif et une flopée de concerts (notamment en première partie de Johnny et de Led Zeppelin en 1969) depuis sa création en 1966 ; il faut dire que c’est avant tout un groupe de scène, inspiré par MC5 et les Stooges.
« Nador » montre un groupe qui évolue d’emblée entre blues rock et hard blues (avec des ingrédients soul et psychédélique sur certains morceaux) et si ce n’est ni Cream, ni Led Zeppelin, ni Ten Years After, ni Humble Pie, ou encore Grand Funk Railroad (ces trois derniers s’avérant être musicalement les plus proches de Variations), le groupe, sans complexe, n’a pas à rougir et l’album tient parfaitement la route, démontrant que Variations est non seulement le précurseur du genre en France mais un groupe de qualité musicale indéniable.
Dès « What a mess again » qui ouvre le disque on découvre une voix blues/soul vraiment de haut niveau et un guitariste pas manchot du tout et pour tout dire vraiment très bon ; ça explose, ça crie, ça arrache, ça vibre, du très bon blues hard.
Le groupe alterne brûlots hard (« What a mess again » et « Waiting for the pope », d’autres blues rock (« Generations » exceptionnellement chanté en français, « Free me »), ballades (la très hippie blues « We gonna find the way » qui se rapproche assez de Jefferson Airplane), instrumental blues psychédélique « Nador » qui n’est pas sans rappeler le « Black Mountain Side » de Led zeppelin et boogie rock (« Mississipi Women »).
Le tout sonnant très anglo-saxon certes et très typique d'un hard blues des années 69-70 mais Variations sait apporter sa petite touche personnelle.
Tout cela était sans doute trop beau pour être vrai car le public français ne suivra pas entièrement et le groupe devra se contenter d'une popularité réduite mais néanmoins pas totalement inexistante. Trop clivant peut-être les Variations en ces années-là. Certains chroniqueurs rock pensent que le look et le côté frimeur du groupe les ont desservi, d'autres pensent que le groupe aurait dû chanter en français - éternel débat ; quant à Patrick Eudeline dans le livre de Philippe Manoeuvre "Rock français : de Johnny à BB Brunes / 123 albums essentiels" il estime que Variations était à la fois le groupe le plus populaire et le plus détesté du rock français. Mais Variations aura ouvert la voie à d’autres groupes bien qu’il faudra encore attendre quelques années pour voir apparaître Ganafoul puis Silvertrain, Shakin’street, Océan et dix ans plus tard Trust. Signalons qu’ensuite Variations mettra, notamment avec l'album "Moroccan roll" (1973), sur certains titres des ingrédients de musique arabe dans son rock et si ces albums sont plus inégaux ils contiennent quelques petits bijoux assez remarquables et là encore le groupe, dans un style différent, sera un précurseur des Carte de Séjour ou Dazibao qui reprendront la formule dans les années 80.
Et Variations fut non seulement un bon groupe mais un groupe précurseur, qu’il convient de ne pas oublier quand on évoque les formations françaises qui ont apporté leur pièce à l'édifice dans un pays où le rock n'a jamais eu la même exposition que dans d'autres pays.
Car après sa séparation en 1975 le groupe disparaîtra quasiment des radars.

samedi 3 avril 2021

THE BLACK HEART DEATH CULT : Sonic Mantras (2021)

 


Après deux mini albums "She's a believer" et "Black rainbow" sortis respectivement en 2016 et 2017 puis un premier album éponyme datant 2019 les australiens (de Melbourne) répondant au doux nom de The Black Heart Death Cult sont de retour avec leur heavy rock psychédélique saupoudré d'un zeste de shoegaze et d'une pincée de stoner rock (juste ce qu'il faut) pour leur second album "Sonic mantras". Si le groupe n'a certes rien inventé il maîtrise son sujet à la perfection avec une maturité étonnante et propose l'une des premières grosses claques auditives de 2021. Si j'attendais cet album avec impatience le résultat dépasse mes espérances. On rentre dans un autre monde. Le psychédélisme des années 60 revu et corrigé avec la technique des années 2020 car ici le son n'est pas très garage, et on a effectivement une bonne production. Tout en clarté, presque lumineux, y compris le mur du son et les riffs des guitares. La voix de Sasha L. Smith n'en fait pas trop laissant volontiers la place à l'exploration et l'expérimentation sonore musicale, le groupe appréciant notamment l'introduction de parties de sitar des plus réussies sur certains titres. Le tout avec le côté à la fois hypnotique et aérien propre au rock psychédélique.

TBHDC fait clairement partie des groupes les plus intéressants évoluant dans cette nébuleuse musicale et parmi ceux qui arrivent à propulser ce style plus haut vers les sommets en lui ouvrant encore de nouveaux horizons et en élargissant un peu plus les possibilités sans fin qu'offre le rock psychédélique au sens large. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu un album récent aussi envoûtant et il suffit d'écouter les neuf minutes de "Goodbye Gatwick Blues" (le meilleur titre avec "One way through", "Trees" et "The sun inside") qui ouvre l'album pour se mettre dans l'ambiance et ensuite il n'y a plus qu'à fermer les yeux et vous laisser tout simplement guider pour le reste du disque . Bon voyage ou plutôt "Have a nice trip" 
!

mardi 30 mars 2021

PAIN TEENS : Destroy me, lover (1993)


 Pain Teens est un groupe de noise rock américain formé dans les années 80 autour de Scott Ayers (guitare) et Bliss Blood (chant) ; et "Destroy me, lover", sorti en 1993, est leur cinquième album.
Ce groupe est bluffant, pour son originalité, le son particulier qu'il donne à sa musique (notamment la guitare mais aussi grâce à une excellente utilisation des samples et de toute la panoplie des bidouillages électroniques, présents sans être omniprésents) et surtout Pain Teens démontre sur cet album qu'il est à l'aise dans différents styles musicaux, passant d'un genre à l'autre avec une maîtrise et une dextérité surprenante qui ne nuit jamais à la cohérence artistique de l'ensemble même si sa ligne conductrice reste le noise rock.
On navigue d'une ambiance à l'autre avec un grand sourire de contentement et on passe allègrement de la noise expérimentale bruitiste à la noise plus pop et même au folk avec la remarquable reprise de Léonard Cohen "Story of Isaac" qui nous tombe dessus par surprise. Une douceur totalement inattendue et éclatante.
Le magnifique "Prowling" est également une sorte de ballade noisy à l'atmosphère plus que mystérieuse avec son fond sonore lancinant. .
Pain Teens nous offre aussi du rock plus traditionnel avec les excellents "Cool your power" et "Lisa knew" .
Avec "Tar pit" on explore une noise plus industrielle mais là encore absolument magistrale .
"RU 486" est le morceau le plus pop de l'album mais montrant s'il en était besoin que Pain Teens est à l'aise les différents styles auxquels il s'attaque.
Citons enfin le surprenant "Dominant man" avec une section cuivres donnant un côté boogie jazz funk au titre. Tout en swing. Là encore ça surprend et là encore c'est très réussi. Du haut niveau dans la diversité !
Et bien sûr la voix envoûtante de Bliss Blood la charismatique et énigmatique chanteuse.
Mais Pain Teens délaisse un peu le côté trop expérimental de "Born in blood" notamment pour écrire des titres plus abordables, presque plus pop pourrait t-on dire, même si la noise désarticulée avant-gardiste n'est pas totalement absente loin s'en faut ("Body memory" et "Shock treatment" en sont la preuve), disons plus discrète, moins omniprésente .
Mais sur ce disque Pain Teens réussit un mélange parfait entre noise pop et noise expérimental avec en plus quelques jolies surprises à découvrir.
Un album qui ne ressemble à aucun autre parmi ceux que j'ai pu écouter jusque là, vraiment surprenant, original et très créatif.

dimanche 28 mars 2021

IRON BUTTERFLY : In-A-Gadda-Da-Vida (1968)


Cet album débute sur un malentendu révélateur. Selon la légende, alors que celui-ci devait s’appeler « In the Garden of Eden », Doug Ingle le chanteur, claviériste, principal compositeur et leader de la formation californienne, en plein trip LSD, aurait prononcé « In a gadda da vida » borborygme qui devient ainsi le nom de l’album accentuant encore la bizarrerie de ce disque sorti en 1968 et deuxième album d'Iron Butterfly, un album vraiment bizarre dans tous les sens du terme car vous l’avez deviné on a ici clairement affaire à une bande d’allumés, comme beaucoup de musiciens de l’époque, autant adeptes de musique que d’expériences hallucinogènes et qui mélangeaient d’ailleurs volontiers les deux, l’un allant de pair avec l’autre.

Mais par rapport à d'autres groupes comparables de la même époque (Pink Floyd, Seeds, Doors, Cream, Jefferson Airplane...) disons le tout de suite cela a davantage vieilli, même si lorsqu’on parle de rock psychédélique, plus que pour tout autre style musical, il faut se remettre dans la contre-culture de l’époque et les expérimentations en tout genre dont furent friandes les sixties.
Et si j’apprécie volontiers le rock psychédélique je ne pense pas que ce soit le meilleur album du genre.

Surtout le gros problème est que l'album est qualitativement parlant clairement divisé en deux parties avec une première partie, les quatre premiers titres, très moyenne, datée, par exemple « Most anything you want » ressemble à un mix raté entre Cream et Doors du premier album, quant aux trois titres qui suivent on se croirait dans un mauvais trip. On est alors en plein dans ce qu’était la pop anglaise des années 1965-1967 mais sans des compositions comme savaient en écrire les Who, les Kinks, les Stones ou les Beatles ; parfois le clavier rappelle plus les Doors mais là encore le génie en moins. Heureusement, géniale et inattendue métamorphose, la seconde partie est aussi bonne et créatrice, aussi lumineuse et hallucinée que la première était passable, avec deux morceaux d'anthologie, plus dans le blues rock psychédélique. C’est plus enlevé, avec davantage de furie, un véritable régal sonore, la guitare se fait aussi plus agressive.

« Are you happy ? » est par exemple du blues rock excellent dans la lignée du meilleur Cream, puis vient le chef d'oeuvre de 17 minutes « In a gadda da vida », morceau qui mérite, lui, le titre de "classique" et même de "culte" avec son solo légendaire de batterie (mais aussi d’orgue et de guitare) et son côté psychédélique très plaisant. On rentre clairement dans la cinquième dimension, une dimension parallèle où la perception devient totalement différente. Un morceau charnière entre l’acid rock psychédélique et le hard rock qui pointe déjà son nez.

Une deuxième partie, et notamment son dernier titre, qui elle, a clairement influencé de nombreux groupes des générations qui ont suivi, notamment les groupes de hard blues, et de hard rock du début des années 70. Et qui a surtout contribué à la légende Iron Butterfly.
Donc tout n'est pas mauvais et on gardera évidemment le meilleur, la partie qui sort du lot mais franchement à l'inverse de Led Zeppelin, des Who, de Jethro Tull, des Stooges, de MC5, des Stones ou de King Crimson j'ai vraiment du mal à écouter avec plaisir tous les morceaux de cet album. Cela manque trop souvent de la magie d'un Pink floyd ou des Doors de la même époque par exemple. D'où une impression d'inachevé. Et d'un autre côté c'est tellement précurseur ! Avec d'indéniables qualités créatives.

Un disque difficile à analyser objectivement donc mais ne boudons pas notre plaisir d'écouter les deux derniers titres qui méritent vraiment le détour et qui placent ce disque au panthéon du rock psychédélique.
Et de fait « In a gadda da vida », demeure et restera donc un disque incontournable malgré quelques temps faibles.

samedi 27 mars 2021

JEFFERSON AIRPLANE : Surrealistic pillow (1967)


« Surrealistic pillow » est le deuxième album, le plus connu et sans doute le meilleur de Jefferson Airplane, sorti en 1967, début de l’épopée « Flower power » partie de San Francisco et dont le groupe fût l'un des principaux protagonistes (et de fait également du mouvement hippie en pleine effervescence), l'année du Summer of love, l'année de tous les possibles, de tous les espoirs, l'une des années qui a révolutionné la musique.
Pour analyser cet album, ce groupe et ce style musical il faut avoir en tête que nous avions là (en Californie), à cette époque, le fer de lance de la contre-culture politique, artistique et sociale, sorte d'avant-garde contre l’Amérique raciste, contre l’autorité, contre la guerre du Viet Nam, pour la libération sexuelle et pour l'hédonisme, une vague qui a ébranlé un temps le système tout puissant américain.

Un immense espoir qui a secoué la jeunesse américaine et le monde et qui fut relayé par les principaux groupes musicaux comme Jefferson Airplane, Scott McKenzie, Grateful dead, Quicksilver Messenger Service…
Après un premier album « Jefferson Airplane Takes Off » sorti en 1966 le groupe décide de changer de batteur et surtout il embauche une nouvelle chanteuse, Grace Slick, qui s’avérera des plus charismatiques et des plus marquantes de sa génération.

Musicalement on a un mélange de folk (que le groupe abandonne néanmoins progressivement mais qui demeure présent sur quelques titres), de pop, de blues et de psychédélique ; quelque part entre Grateful dead, les Byrds, Doors et Mamas and Papas.
"Surrealistic pillow" contient bien évidemment deux titres incontournables et cultes, largement au dessus du lot, deux hymnes ("White Rabbit" qui représente le côté plus rock psychédélique et "Somebody to love" qui lorgne plus vers la ballade hippie folk pop ), le tout emmené de main de maîtres par Grace Slick dans des registres différents, dommage qu'elle ne chante pas sur tous les morceaux car elle arrive à hypnotiser et envoûter l'auditeur par le timbre de sa voix, notamment sur « White Rabbit ».
En 1967 le groupe passe dans de célèbres émissions télévisées tels "The Ed Sullivan Show" ou "The Smothers Brothers Comedy Hour" où leur interprétation de White Rabbit avec en arrière plan des incrustations psychédéliques et des effets d'optique donnant l'impression que la chanteuse est en lévitation au dessus du clavier, reste mémorable et participe à accroître grandement la popularité des californiens, et les fait connaître de l'Amérique entière.

Citons également parmi les moments forts de l'album: « she has a funny car » où Jefferson Airplane, dans un titre où se côtoie blues, pop et folk, montre son sens inné de la mélodie, « Plastic fantastic lover » et « 3/5 of a miles in ten seconds ».
Enregistré au bon moment, au bon endroit mais avec un subtil dosage de pop/rock/folk/blues/psychédélique "Surrealistic Pillow" est donc un classique, un album incontournable, un enregistrement-témoignage magnifique et représentatif d'une époque à jamais révolue (même si je n'adhère pas forcément à tous les titres, par exemple « my best friend » assez quelconque) et dont l'influence va largement au delà du simple contenu musical.

Cet album est à classer à côté du premier Doors, du premier Pink Floyd et de Sergent Peppers des Beatles, tous ces disques étant des précurseurs d'une époque charnière où la musique évolue à vitesse grand V. 
Et puis un groupe qui a joué au festival international de musique pop de Monterey en 1967 puis à ceux de de Woodstock, de l'Isle de Wight et d’Altamount en 1969 (bon là dans des conditions très spéciales il est vrai) cela vous situe un peu le niveau et la popularité, cela vous classe définitivement un artiste et ça vous bonifie un C.V jusqu'à la fin de vos jours..

samedi 6 mars 2021

URBAN DANCE SQUAD : Persona non grata (1994)

 


Urban dance squad est un groupe néerlandais et « Persona non grata », sorti en 1994, est leur troisième album, album où le groupe muscle sa musique, son rock, avec plus de guitares et d’agressivité et moins de samples.
On peut le considérer comme un classique de la période de "rock fusion" des années 90, un album d'une redoutable efficacité sur certains titres et Urban Dance Squad comme un des meilleurs groupe du genre.

Les cinq premiers morceaux sont excellents, d'un haut niveau, un enchaînement tonitruant avec « Demagogue » (le tube), « Good grief », « No honestly », « Alienated » et « Candy strip exp. », du funk / rock/ métal de haute tenue, des riffs qui font mouche, un flow excellent, on est dans la lignée de Rage Against the Machine (avec toutefois le côté hardcore en moins), un groove à faire réveiller un macchabée.
Malheureusement sur la durée de l'album le niveau baisse et à partir du huitième morceau ça s'essouffle un peu. Dommage !

De la bonne fusion réussie car le groupe mixe à merveille ses influences ce qui est loin d'être le cas de tous les groupes naviguant dans cette catégorie relativement vaste (entre rap, funk, hardcore, rock, électro…). Et une fusion qui reste très électrique et où les guitares se taillent la part du lion, même si le côté funk est bien identifiable.
Gloire à cette période, la fin des années 80’s et le début des 90’s, où les barrières musicales ont explosé, où les groupes ont pu, davantage qu’avant, mélanger les styles et quand cela atteint le niveau des meilleurs titres de "Persona non grata" c’est tout simplement jubilatoire.

Par rapport à Red hot chili peppers , UDS a également quelques points communs mais on est moins dans les subtilités techniques, plus dans les gros riffs qui déménagent tout en restant subtils et « Alienated » et « Some chitchat » montre que Urban dance squad peut aussi la jouer "finement" et atteindre un niveau correct de ce point de vue (mais à mon avis le groupe est plus efficace en général sur les morceaux qui « arrachent »).
La voix de « Rudeboy » ressemble un peu à celle de Zack de la Rocha (RATM), ce qui n'est pas déplaisant bien au contraire et il semble même tout à fait probable que les deux premiers albums d'Urban Dance Squad - avec d'autres disques sortis avant 1992 - aient consciemment ou non influencé Rage Against the Machine. 

En tout cas nous avons là un bon album, plaisant à écouter (surtout dans sa première partie), qui rivalise avec les meilleurs albums de rock « fusion » et qu'on peut placer aisément dans le top 10 de ce style au côté de Rage Against the Machine, Senser, Faith no more, Red hot Chili Peppers, Dog Eat Dog, Fishbone et deux ou trois autres…Il montre aussi que ce qu'on qualifie de fusion dans les années 90 recoupe des horizons qui peuvent s'avérer assez différent d'un groupe à l'autre.
Urban Dance Squad ne retrouvera jamais plus l'inspiration de ce "Persona non grata" et comme beaucoup de groupes de grunge, de fusion ou de rock alternatif de cette période il ne se relèvera pas de la funeste vague "électro" qui va déferler et contraindre le rock de mettre un genou à terre. 

mercredi 3 mars 2021

ROLLING STONES : Gimme Shelter


Attention cette chronique ne s’adresse pas aux fans des Stones mais s’adresse aux jeunes générations, à ceux qui ne connaissent pas les Rolling Stones ou alors uniquement de nom. Pour vous qui lisez Rock In Progress régulièrement cela semble impossible…!!
Et pourtant certains jeunes – et parfois moins jeunes - ne connaissent pas les Stones ou alors de façon très vague et superficiel à travers deux ou trois morceaux !
On ne devrait plus à avoir à présenter les Rolling Stones, l’un des cinq plus grands groupes de l’Histoire du Rock, celui qui, avec d’autres, a fait le lien entre blues et rock, celui a marqué les années 60 et 70 de son empreinte et qui a sorti des classiques « immortels » à la pelle.

Cette compilation "Gimme shelter" sort au moment où le groupe est à son apogée, à son zénith et vit son âge d’or ; malgré le désastre du concert d’Altamount il est sommet de sa gloire.
Mais l’année 69 a été une année charnière avec le drame d’Altamount en décembre, méga concert qui devait concurrencer Woodstock dont les Stones avaient été absents et qui vire au cauchemar avec quatre morts provoqués par les Hell’s angels du service d’ordre, drame marquant la fin d’une époque d'utopie et qui suit également le décès du guitariste Brian Jones en juin de cette même année. 1969 laissera donc des traces et malgré encore quelques bons albums le groupe ne s’en remettre jamais totalement.

Pour en revenir au disque « Gimme shelter » comporte deux parties : une partie live avec des titres issus d’enregistrements de concerts datant de 1966, comprenant des tubes de la première période du groupe, l’autre studio sorte de "best of" des années 68/69 parfait donc pour ceux qui ne connaissent les groupes car en gros tous les standards de la période 64-69 y sont.
Mais si « Gimme shelter » est juste une compilation ce disque a pour moi une saveur toute spéciale, une place à part car c'est par lui, au début des années 80, que j'ai découvert les Stones et ses « tubes » de la fin des années 60 d'où le lien assez fort qui me lie à cet album (bon je dois avouer que si je suis plus Stones que Beatles les Who m’ont toujours davantage enthousiasmé !).

Donc je confirme que c'est l'album parfait pour découvrir le groupe à travers ses principaux « classiques » de la première partie de sa carrière, et de fait la plus intéressante (« Jumping jack flash », « Honky tonk woman », « Sympathy for the devil », « Gimme shelter » et bien sûr « Satisfaction » qui figure ici en live...) et le moins connu mais aussi excellent « Under my thumb » ; sont présentes également quatre belles ballades, qui sont parfois des reprises : « Lady Jane » et surtout « Time is on my side » (j'ai une tendresse particulière pour ce morceau) sans oublier « I’ve been lovin’ you too long » et « Love in vain » ce dernier plus blues.

Les deux faces sont donc complémentaires et on a donc une bonne vision de la période 64-69 du groupe, sans doute la meilleure. Ne manque en fait que "Paint it, black"
Pas un album phare ni vraiment indispensable, notamment pour les fans les plus « puristes » mais un bon disque pour qui ne connaît pas ou peu les Rolling Stones et veut découvrir à travers un « best of » plus accessible.
Sinon bien sûr mieux vaut directement se plonger dans « Sticky fingers », « Beggars banquet » « Aftermath » ou « Exile on main st » .

dimanche 21 février 2021

CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL : Bayou Country (1969)


Ni vraiment country ni vraiment blues ni vraiment rock, un peu tout ça à la fois et un style musical qu'on a même parfois a qualifié de "Bayou Rock", Creedence Clearwater Revival est un groupe unique avec un univers et un son uniques (marque s’il en est des grands groupes) mais aussi le géniteur de compositions qui ont traversé les âges et les modes.
Formé à la fin des années 50 mais n’ayant pris son nom définitif qu’en 1967 le groupe des frères Fogerty a mis du temps pour se faire connaître et a galéré de nombreuses années durant ces sixties avant de connaître le succès.

Du rock très roots qui sent bon le terroir, les racines de l’Amérique (même si CCR vient de Californie et n'a jamais mis les pieds en Louisiane quand sort l'album !) le bayou et le Mississipi, la terre des pionniers, les terres du blues, qui est comme la country, une des grandes influences des musiciens et qui font que Creedence reste un groupe atypique de la galaxie du rock de la fin des années 60, presque à part, y compris aux USA.

"Bayou country", leur deuxième disque, est peut-être leur meilleur album, en tout cas celui qui contient les sublimes ‘’Bayou country" et surtout "Proud Mary" l'un des grands classiques indémodables de l'histoire du rock; cette dernière est l’égal de "Sympathy for the devil", "My Generation", "Light my fire", "Help" ou « Somebody to love » avec un refrain prenant qui ne vous lâche plus. On sent le vécu, la moiteur du Mississipi, ça vient des tripes ça ne fait aucun doute ! Et puis il y a quelque chose de chaleureux chez CCR, chaleur que l'on retrouve dans chaque titre.

CCR c'est aussi une voix unique, celle de Tim Fogerty, voix qui est le mix parfait entre blues et rock ; c'est aussi des guitares qui procèdent par petites touches en ayant l'air de ne pas y toucher mais qui sont terriblement efficaces et qui vous entrainent dans un rythme qui vous envahit tout doucement (et au final guitares et voix s'harmonisent parfaitement).
"Bayou country" est en grand album, original, indémodable, intemporel, et qui n'a absolument pas vieilli, un album à la fois typique de la fin des années 60 tout en gardant son originalité (on est pas loin du blues rock mais ça reste très différent des anglais de Cream par exemple).

Hormis "Bayou country" et "Proud Mary" deux autres titres sont hautement recommandables : "Keep on Chooglin" un grand morceau de blues rock qui s'éternisent pour finir comme une jam session entre potes et « Penthouse paper » où Tim Fogerty nous fait encore preuve de ses talents de chanteur et de guitariste (encore un remarquable blues au son assez primaire où la guitare fait merveille), titre sur lequel on frôle l’extase tant le blues rock, quand il est joué comme ça, tutoie les sommets auditifs.

Citons encore « Bootleg » un excellent blues rock qui sent bon la fin des sixties alors qu’à l’inverse « Graveyard train » est un vieux country blues plus « roots », assez traditionnel. Les deux facettes du blues que CCR alterne avec dextérité.
Comme je le disais plus haut une atmosphère vraiment spéciale entoure ce disque ; un album à découvrir car il est unique.

Et alors que le succès commercial mais aussi d’estime, largement mérité, jaillira enfin sur CCR, que la reconnaissance tant attendue était là, le groupe, suite à des tensions internes, notamment entre les deux frères, tirera définitivement sa révérence en 1972 mais en ayant eu la bonne idée de sortir sept albums entre 68 et 72, albums dont certains font largement partie de la grande Histoire du Rock.

samedi 13 février 2021

CREAM : Disraeli Gears (1967)



Il faut rendre à Cream ce qui appartient à Cream, non seulement il fut un très grand groupe mais il fut surtout parmi les plus novateurs dans la deuxième moitié des 60's, un groupe important autant pour le blues rock que pour l'acid rock psychédélique, très en vogue à cette époque.

Cream se forme en 1966 avec des musiciens ayant déjà quelques cordes à leur arc, notamment Clapton le guitariste, qui a passé quelques années avec les Yardbirds (Cream et Yardbirds peuvent d'ailleurs être considérés comme les premiers "supergroupes" de l'histoire du rock).

Toutefois, avec le recul, je trouve que par rapport aux Stones, aux Who et au premier Led Zeppelin la musique de Cream a moins bien vieilli (avis personnel, vous pouvez ne pas être d'accord), même si cela reste du blues rock de qualité avec des musiciens hors norme .
Il faut avoir en tête qu'en 1967/68 ce groupe était culte à Londres (et ailleurs), l'équivalent des Beatles, des Stones, des Kinks et des Who, une pièce maîtresse de l'underground naissant, du Swinging London, avec également Pink Floyd évidemment et que Clapton le guitariste était tout simplement surnommé God (Dieu), excusez du peu, sans doute le premier guitar-hero de l'histoire du Rock. Comme on l'a dit Cream est un groupe pionnier du blues rock et qui va grandement et largement influencer Led Zeppelin lequel passera à la vitesse supérieure en 1969 en électrifiant encore un peu plus ce blues pour créer le hard rock.

Avec « Disraeli Gears », deuxième album de Cream, produit par Felix Pappalardi, futur bassiste/chanteur de Mountain, le format des morceaux est encore très courts entre 2 et 3 minutes, alors que sur scène le groupe improvisait avec des titres dépassant souvent les dix minutes.

Globalement, selon les morceaux, on oscille entre pop 60's gentillette, hard-blues rock pré Led Zeppelin, psychédélique et acid rock.
Et puis il y a ce fameux son de guitare de Clapton, reconnaissable entre 1000, tels Hendrix ou Townsend, et qui est la véritable marque de fabrique du groupe, le son « Cream ». Un son qui vous donne des frissons de bonheur. Et c'est ce son qui fera la légende de Cream. Mais la rythmique (Bruce/Baker) n'est pas en reste, loin de là, elle est tout simplement phénoménale.

Deux titres sublimes « Tales of brave Uysses » (là désolé mais c'est l'extase totale) et « Sunshine of your love » mais citons aussi « Strange brew » et « Swlabr » également excellents.

« Strange Brew » qui ouvre le disque est d’ailleurs le symbole même du titre entre pop (la voix) et blues rock (la guitare) les deux facettes principales de Cream.
Ces quatre morceaux à eux seuls valident le fait que cet album est un must et quasiment un disque culte. Quatre titres où l'on tutoie vraiment les sommets. Quatre titres qui font franchir un nouveau cap, un palier supplémentaire au Rock.
L'ambiance, la voix et la guitare y sont tout simplement magiques.
« World of pain », ballade mi pop mi psychédélique très 60's m'inspire moins même si elle ne manque pas de charme; de même pour « Blue condition » et « We're going wrong » dans des registres proches.

Par contre « Outside woman blues » est un bon titre blues rock, encore sublimé par le jeu de guitare, tandis qu'avec « Take it back » on revient au blues traditionnel.
Le petit « problème » et c’est fort dommage c’est que le groupe semble hésiter entre vieux blues traditionnel, pop 60's, psychédélique et blues rock, cherche son équilibre musical, sa voie, une ligne directrice claire entre différentes options et on regrette que Cream ne s'engage pas plus franchement dans la direction acid blues rock où les musiciens peuvent véritablement donner leur pleine mesure. Mais à cette époque beaucoup de groupes avaient, pardonnez-moi l’expression, le cul entre eux chaises et n’osaient pas encore explorer au-delà d’un certain seuil, 1967 étant en quelque sorte l'année charnière.

Mais on retiendra avant tout quatre titres tellement bons et incontournables qu'on oubliera les quelques petits temps faibles du disque et de toute façon il demeure et restera un album important de l’histoire du rock. Un album qui a grandement influencé des groupes comme Jethro Tull, Led Zeppelin, Mountain, Ten Years After, Humble Pie et beaucoup d’autres, notamment l’importante vague blues rock fin 60’s / début 70’s dont Cream est quasiment le dépositaire.

Malgré une durée de vie très courte (à peine 3 ans : 1966-1968) le groupe a réussi le tour de force de laisser quelques albums qui ont marqué l'histoire du Rock (on peut également citer "Wheels of fire" et ses deux disques l'un studio, l'autre live).
Cream a également à son crédit le fait d'avoir mis au goût du jour le power trio, formule qui fera vite des émules.

Et bravo aussi pour la pochette très réussie (dessiné par Martin Sharp que l’on découvre dans le très bon bouquin de son complice Richard Neville « Hippie hippie shake »), très représentative d'une période que personnellement j'adore. Nostalgie quand tu nous tiens...

dimanche 7 février 2021

LAWLESSNESS : On the run (1982)


Lawlessness se forme au début des années 80 autour du guitariste Michel Pineda qui trouve progressivement ses musiciens pour compléter sa formation. Manque un chanteur, il passe donc une annonce et voici que débarquent deux filles, une blonde et une brune, Nina Scott – laquelle avait à son actif une expérience d’actrice - et Jenny Jones, deux copines d’enfance et qui finalement seront embauchées ensemble. Lawlessness est donc certainement le premier groupe de hard rock avec deux chanteuses. Après un premier 45 tours sorti en 1981 le groupe de Marseille est signé par le label Saravah (distribué par le major RCA) et enregistre son premier (et unique) album en 1982 « On the run ». Celui-ci démarre tambour battant avec l’époustouflant « Youth on the run ».

L’alternance des voix entre les deux chanteuses nous donne un rythme assez enlevé et soutenu. La grande force du groupe car les deux voix se marient bien.
« Youth on the run » est une sorte de croisement entre Girlschool et Riot ; ah les voix (et la guitare de Michel Pineda, décédé il y quelques années, n’est pas en reste, pas un guitar-hero certes mais pas un manchot le gars).

« I get pain » est plus lent, plus mélodique tout à fait dans la lignée des bons groupes de la NWOBHM de l’époque.
« Take your bag » c’est du blues rock « classique » avec une slide guitare efficace.
« Don’follow me » le second meilleur titre, quelles voix, on est scotché, ça arrache bien. Efficacité maximum.

La deuxième partie un peu moins bonne, même si « The cats » est entraînant et assez réussi.
« Rape man » est un peu différente, les voix se superposent par moment sur certains passages, ce qui donne un peu plus de charme encore les deux voix étant différentes.
Huit titres et 30 minutes de bon niveau : un groupe qui s’annonçait donc des plus prometteurs malgré une production assez moyenne et des compositions, globalement réussies mais toutefois assez inégales (soyons objectif).

Malheureusement un problème avec le label qui ne leur fera pas beaucoup de promotion et qui fera une distribution à minima et le groupe en conflit (1) avec lui sera obligé de jeter l’éponge assez vite, Nina Jones allant rejoindre Klaxon groupe de hard FM, pour un album moyen (le premier album de Klaxon étant lui des plus intéressants).
Pourtant en écoutant certains titres comme « Youth on the run » on mesure le gâchis. Car le potentiel saute aux oreilles.

Encore plus rageant quand on sait que On the run et Lawlessness avaient reçu de bonnes critiques de la presse hard/métal de l’époque.
Une période où il était particulièrement difficile de percer et de se faire connaître à un moment charnière où le hard en France était à ses balbutiements, marginalisé (hormis 4 ou 5 groupes mais même ceux là, je pense à Warning, Speed Queen, H Bomb ou Sortilège auront une carrière assez courte, Trust étant un cas à part).

(1) dans une interview de 2010 à la question : « la maison de disque ne vous a pas soutenu à l’époque ? », Nina Scott répondait, désabusée : « No comment ! Que les chiens restent à la niche ».

mardi 2 février 2021

THE STOOGES : The Stooges (1969)


On connaît l'histoire : 1967, Iggy Pop, accompagné des frères Asheton et de Dave Alexander, embauché car il avait une voiture, forment les Stooges.
Detroit et ses environs : 1968/69 avec MC5 les Stooges se font remarquer par des prestations scéniques hallucinantes et des plus sauvages.

Si les Stooges et les MC5 qui viennent tous deux de la même région (le Michigan, à l'époque fleuron de l’industrie l’automobile américaine), ont tourné ensemble, sapprécient et ont une vision proche de la musique, ils ont toutefois une approche « philosophique » totalement différente: politisée, rebelle et revendicative pour les MC5 dont les appels à la révolte inquiètent les autorités en ces temps agités de contestation alors les Stooges sont davantage dans l’autodestruction et le mal de vivre, le nihilisme et le désarroi.
Mais les deux sont en rupture totale avec le mouvement hippie, non violent et pleins d’utopies « enfumées », tant sur le plan musical qu'autour des thèmes abordés.

Pour canaliser l’énergie et la fougue bordélique de ces "fous furieux" qui composent le groupe et pour mettre un peu d’ordre, Elektra, le label, fait appel à John Cale du Velvet Underground pour produire leur premier album qui sort en 1969.
Une vraie bombe pour l'époque car même si le rock était en pleine évolution le degré d'intensité et de violence dépasse tout ce qui avait pu être produire jusque là.
Dès les premiers accords de « 1969 » le ton est donné, sorte de Stones en plus "destroy", plus cradingue et hystérique, à la rythmique saccadée et au chant sauvage.
Des textes bruts, qui suinte le chaos, l’ennui et le désenchantement mais loin du spleen poétique d’un Jim Morrison par exemple.

Des riffs qui sont de plomb, tranchants, sans concession.
Un album où le mot d'urgence prend toute sa signification, le quatuor enchaîne les morceaux comme si sa vie en dépendait.
Le fameux son « stoogien » incisif, reptilien, qui s’infiltre, se faufile en vous, pour ne plus vous lâcher est bel et bien là, véritable marque de fabrique.
Ce premier album des Stooges est un missile qui va propulser le groupe dans le top 10 des artistes qui ont marqués l'Histoire du Rock (et ce en seulement 2 ou 3 albums selon que l'on compte ou pas Raw power).

Plusieurs classiques sont déjà présents et non des moindres: « 1969 », « I wanna be your dog » (déjà vraiment punk celle-là), « No fun » (et sa guitare garage déglinguée et dévastatrice ), « Little doll » (peut-être ma préférée et qui pourtant ne figure pas parmi des classiques des Stooges) et à un degré moindre « Not Right ».
C'est crade, brut, du rock qui vient du cœur, du fond des tripes, sans artifices.

Pour moi il n'y a qu'un seul titre un peu déroutant (comme dans chaque album des Stooges d'ailleurs) : « We will fall » aux accents trop psychédéliques par rapport au reste du disque.
Je préfère néanmoins légèrement l'album suivant « Fun House », au son encore plus crade, aux rythmes plus tranchés et avec l'apport incroyable d'un saxophone sur la deuxième face, plus expérimental et avant-gardiste aussi qui mélange avec bonheur rock ultra violent et free jazz halluciné. Et ce « Fun house » reste pour moi le chef d’œuvre du groupe au-delà de l’aspect original de ce premier opus.

Mais c’est ce premier album éponyme qui a consacré à jamais The Stooges comme pionniers du punk, du hard et plus globalement du rock « sale » (avec MC5 que l'on doit associer), un album et un groupe qui ont marqué des générations de musiciens et de fans.
Un classique indémodable, un album référence, un disque culte. Un disque qui représente l'essence même du rock tel qu'il ne devrait jamais cesser d'être.

mercredi 27 janvier 2021

THE SEEDS : A web of sound (1966)



Les Seeds se sont formés en 1965 autour de Sky Saxon le charismatique et excentrique chanteur du groupe.
Et si la formation, qui nous vient des U.S.A rappelons-le, donnera souvent l’impression de sonner davantage british qu’américain c’est tout simplement parce qu’il a été influencé dès le départ par les principaux groupes anglais des années 64/65 tels Animals, Them et Pretty things. Pas étonnant alors d’avoir plus tard, lorsque le groupe aura rajouté un peu de rock psychédélique à tout cela, l’impression de se retrouver dans le swinging London de ces années-là !

Sorti en 1966 "Web of sound" est le deuxième album du groupe et par rapport à son prédécesseur intitulé simplement "The seeds" il est plus psychédélique mais globalement on navigue entre pop, garage et rock psychédélique.
Si le groupe s’est surtout fait connaître en 1965 grâce au single "Pushin’ too hard" (leur titre le plus connu mais pas leur meilleur selon moi et qui de toute façon qui ne figure pas sur cet album), les titres les plus représentatifs sont plutôt à chercher du côté de ce Web of sound, qui malheureusement à l’époque connaîtra moins de succès que le premier album éponyme.
Côte pop classique nous avons le single "Mr Farmer", pop mais avec déjà un son de guitare assez particulier et qui se complète à merveille avec le clavier. Également" Pictures and design" et "I tell myself" assez quelconques ceux là.

Ce n'est pas l'aspect des Seeds que je préfère, en tout cas ce ne sont pas les morceaux les plus marquants du disque.
Nettement plus intéressant "Trip maker" le morceau envoutant par excellence, avec lequel on rentre dans la danse psychédélique , tout en restant entraînant, un petit bijou du genre. On monte également d'un ton au niveau de l'agressivité, autant musicale que vocale.
De même que "Just let go" dans un registre un peu similaire ; avec ces deux morceaux les bases du rock psychédélique à venir sont définitivement posées. L'osmose clavier/guitare rappelle ce que feront les Doors sur leur premier album.

"Rollin' machine" est un blues psychédélique assez réussi avec des sonorités antagonistes qui se mixent avec bonheur...l'impression d'entendre parfois le premier Pink Floyd qui sortira un an plus tard.
"A faded picture" quant à lui est une sublime ballade 60’s vraiment réussie, poignante, très belle et qui montre une autre facette des Seeds, plus dans l'émotion.
Le dernier morceau phare de l’album, celui qui clôture "Web of sound" étant évidemment "Up in her room" 14 minutes de rock psychédélique, hypnotique, une envolée véritable annonciatrice d'une nouvel ère musicale (on peut là parler sans crainte de road-"trip" musical).

Les Seeds sont l'archétype du groupe psychédélique de la moitié des 60’s, mais ici du rock psychédélique qui tend plutôt vers un format pop très en vogue alors et assez accessible par rapport à d’autres groupes plus expérimentaux.
Mais, notamment avec « Up in her room » et ses 14 minutes, on va déjà, doucement mais surement, vers quelque chose de plus aventureux ; on est en 1966 et 1967, année charnière dans l’Histoire du rock (Pink Floyd, Doors, Jefferson Airplane, Grateful dead, Hendrix…), approche à grands pas.

Les Seeds ont beaucoup de points communs avec les Sonics, dont j’ai récemment chroniqué un album, autre groupe américain de la même époque mais même si leur style est différent, les Seeds étant moins garage et plus psychédélique (c’est toutefois encore les prémisses du genre, on est assez loin du Pink Floyd d’Ummagumma ou d’Hawkwind), les deux groupes auront toutefois cette même particularité d’être remis sur le devant de la scène et redécouvert sur le tard, à la fin des années 80 et dans les années 90, avec un revival garage/blues-rock/psychédélique.

Après « Web of sound » le groupe enregistrera encore deux albums avant de stopper en 1972 puis de se reformer occasionnellement pour des concerts en 2002 jusqu’au décès de Saxon.

Même si la vague de rock psychédélique qui va déferler à partir de 1967 sera des plus intéressantes et dépassera les Seeds en expérimentations ces derniers resteront à jamais parmi les pionniers du genre.

lundi 18 janvier 2021

THE SONICS : Introducing the sonics (1967)


J'ai lu que les Sonics n'aimaient pas trop cet album (leur troisième et dernier), notamment le son, pourtant il me semble représentatif de ce que pouvait produire le groupe, un bon aperçu et témoignage sur cette période (le milieu des années 60).
Bien sûr il faut reconnaître que leur premier « Here’s the sonics », sorti en 1965 est un poil meilleur, en tout cas c'est celui qui créera la légende. 

Les Sonics nous viennent de Seattle (tiens donc quelle coïncidence…), ville dont les groupes ont toujours aimé le son brut, et a signé entre 1965 et 1967 trois albums monumentaux après s’être fait connaître par une reprise de « Louie Louie » et un premier 45 tours « the witch » en 1964.
Formé aux débuts des années 60 le groupe a révolutionné le rock mais ne récoltera les fruits que beaucoup plus tard, après sa séparation, dans les années 80 et 90’s.
Les Sonics sont en effet parmi les pionniers du rock garage , parmi les fondateurs de ce style musical avec ce son si particulier : basique et primaire. Mais le garage 60's n'est pas tombé du ciel par la grâce de Dieu, il est une extension,  un prolongement logique du rock'n'roll des années 50, mais plus brut et plus violent.
 
Pour mieux apprécier il faut se remettre dans le contexte de l'époque (1965-1966) ; le rock « moderne » n'en est qu'à ses débuts et était plutôt pauvre au niveau de la diversité , les Beatles font de la pop assez gentille , les Who, les Kinks et les Stones connaissaient tout juste leurs premiers succès (sinon tout le reste était pop acidulé ou rockabilly / rock'n'roll 50's) .

Donc il faut bien avoir en tête que ce qu'ont fait les Sonics personne ou presque ne l'avait fait jusque-là ! On n'avait encore jamais entendu un son aussi basique et électrique à la fois, aussi sale, aussi sauvage.
Un son crade, le groupe reprend ouvertement le côté le plus « sale » du rock’n’roll des années 50, des hurlements légendaires (sur « the witch » et surtout sur le final de « psycho », un must), un son de guitare sale aussi bien pour les intros, la rythmique ou les solos (écoutez par exemple « Like no other man » pour vous faire votre propre idée). Idem pour la batterie, basique et survolté à la fois.
Les Sonics populariseront ce fameux son saturé et garage en trafiquant leurs amplis !
Cela ressemble un peu aux Animals (autre groupe incontournable des 60's) en plus violent, en plus brut et bien sûr en plus garage. Mais la voix de Gerry Roslie est assez proche de celle d’Eric Burdon et on sent l’influence des chanteurs noirs, ceux qui viennent du blues.

Sur ce troisième album les classiques du rock garage sont légions même si l'on sent encore l'influence évidente du rythm'n'blues et rock’n'roll « traditionnel » sur certains morceaux.
Pour moi les meilleurs titres sont « The witch », « Psycho », (ces deux titres sortis en single figurent déjà sur le premier album), « Dirty old man »* (avec son rire de maniaque diabolique en intro !) mais « High time » (et son superbe refrain), « Like no other man » et « I m going home » auraient tout à fait pu devenir des tubes rock des sixties. De même que « I m a rolling stone »,plus cool, dont le clavier n’est pas sans rappeler celui des Doors. Avec « Maintening my cool » on est plus dans un registre soul/ rythm’n’blues/blues rock. 

Quant à la ballade « Love lights » elle est ici presque comme une intruse, ne collant pas trop avec le reste !
La version CD éditée plus tard nous offre en bonus quelques reprises de rock’n’roll (comme de nombreux groupes le faisaient à l’époque) et davantage de saxo (bien utilisé toutefois) pas franchement indispensable mais « Leave my kitten alone » de Little Willie John vaut néanmoins qu’on y prête une oreille.

Et même si on peut aujourd’hui trouver ça un peu « daté » (mais tellement original et moderne pour l’époque) l’ensemble reste très bon et surtout il s’agit d’un moment important de l'histoire du rock, un groupe qui a compté et leur influence sur les Stooges, MC5, White Stripes, le punk, le grunge (Nirvana a souvent cité les Sonics comme inspiration majeure) et tous les groupes "garage rock" de façon générale est indéniable, notamment dans les années 80/90 où ce courant va connaître un nouvel essor et que The Sonics deviendront cultes, le mot n’est pas galvaudé, tant il est évident qu’ils sont les géniaux précurseurs de ce genre.

Car lorsqu'il faudra dépoussiérer les oeuvres majeures de ces années là celles des Sonics, déjà populaires malgré tout dans les années 60, seront largement remises sur le devant de la scène et considérés comme incontournables et le groupe aura alors la place qu'il mérite dans l'histoire du rock jusqu'à devenir "tendance" et entraîner une reformation autour de Roslie et des frères Parypa, dans les années 90 puis en 2008.
Certains considèrent d'ailleurs The Sonics comme le premier groupe proto-punk et en écoutant des titres comme The Witch ou Psycho on ne peut pas leur donner tout à fait tort

* Seulement sur la réédition en CD datant de 1991 de l’album sous le titre de « Maintening my cool »

vendredi 8 janvier 2021

SONIC YOUTH : Washing machine (1995)


Formé au début des années 80 à New York, Sonic Youth a d’abord pratiqué une sorte de no wave expérimentale sur ses premiers enregistrements avant de produire ce qu’on a appelé le noise rock sur Bad Moon Rising, Evol et Sister.

Puis arrivera le temps de la reconnaissance et des albums phares : Daydream Nation, Goo et Dirty.

La particularité du groupe est bien évidemment à chercher du côté du son et notamment des guitares à saturation, à la limite de la rupture, presque bourdonnante comme une nuée d’insectes.

Sorti en 1995 Washing Machine est l’un des meilleurs albums du groupe mais surtout l’un des plus représentatifs, entre légèreté pop, expérimentation sonore/sonique et noise rock bruitiste.

Le dernier très grand album de Sonic Youth qui continuera à produire de bons disques jusqu’à The eternal le dernier, sorti en 2009, que je trouve vraiment bien et qui achève une carrière de presque 30 ans

Avec « Washing machine » en osant un peu on pourrait presque dire qu'on a droit au mix parfait entre punk désarticulé et rock planant / psychédélique tant les atmosphères sont bizarres , ce qui ne surprend pas avec un groupe comme Sonic Youth.
Un des albums les plus « cool » du groupe même si bien sur ça reste du rock noise et toujours expérimental mais il y a parfois quelques petites ambiances ou touches bluesy ou planantes assez sympas (plus que sur Goo ou Dirty en tout cas).


Quelques morceaux cools plutôt intéressants : « Saucer-Like », « Unwind » (qui part doucement pour mieux monter progressivement en intensité, en puissance mais tout en contrôle), « Little trouble girl » qui fait penser à une balade « californienne (bof bof !!) et « The diamond sea » (cool seulement en partie !!) ; cette pièce de 19 minutes entre blues, noise, rock planant et expérimentations sonores est le titre phare de l'album - mais pas forcément mon préféré - une espèce de « noise planante » puis bruitiste assez bluffante et hallucinante. une expérience auditive magnifique et parfaitement réussie.


Pour moi les meilleurs titres sont « No queen blues » et « Panty lies » (morceau hypnotique s'il en est ), c'est le Sonic Youth que j'aime. Énergique, hargneux, rageur, puis « Junkie's promise », « Washing machine » (légèrement blues rock par moment, avec notamment une magnifique seconde partie blues planante), « Becuz » et bien sur « The diamond sea » déjà cité.
Toujours un son et une ambiance uniques, c'est ça qui fait le charme de Sonic Youth ; même si on connaît le groupe on a toujours droit à quelques surprises d'un album à l'autre.

Car Sonic Youth a un style musical qui lui est propre (et reconnaissable entre 1000), avec un sens de la mélodie bien particulier car la mélodie est elle-même déstructurée par des guitares qui sont sans cesse sur le fil du rasoir, une impression d’être toujours à la limite, proche de la rupture, quasiment en déséquilibre permanent.

Déstructuration qui peut aussi parfois, sur certains titres, concerner le chant tenu alternativement, selon les morceaux, par Thurston moore l'un des guitaristes ou Kim Gordon la bassiste.

Et Sonic Youth peut se targuer d'avoir inventer et donner ses lettres de noblesse au noise rock, au moins sous cette forme.

Alors bien sûr si l'on ne connaît pas et qu'on n'a pas l’habitude de ce son si atypique cela peut surprendre l’auditeur et nécessiter plusieurs écoutes avant d’apprivoiser la musique générée.

Un disque un peu plus calme, plus  « planant » , plus mature, plus maîtrisé que les précédents.
Et davantage de longues plages instrumentales que sur « Dirty » ou 
« Goo » mais toutefois qui s'éloigne du côté pop qu'on pouvait trouver sur Goo  (ce dernier restant sans doute l'album le plus accessible du quatuor New-Yorkais).

C’est aussi peut-être l’album où Sonic Youth explore le plus d’univers musicaux différents, le plus aventureux mais toujours avec finesse et maestro, toujours en maîtrise.
Un très bon album que je situe juste derrière le trio magique (
« Dirty » « Daydream nation » et « Goo ») des meilleurs albums de Sonic Youth qui a été, rappelons-le,  pendant plus de 25 ans l’un des groupes les plus novateurs et créatifs de la scène rock et pas seulement « alternative », un groupe incontournable qui a marqué son époque, influencé maintes artistes et qui a toujours su se renouveler


mercredi 6 janvier 2021

SUICIDAL TENDENCIES : Suicidal tendencies (1983)




Avant de passer au crossover (à partir de l'album "Join the army" ) puis au thrash métal (à partir de "How will I laugh tomorrow"...) avec le succès que l'on sait mais avec aussi quelques petits ratés discographiques, on oublie trop souvent que Suicidal tendencies a été l'un des précurseurs d'un certain type de hardcore ayant autant influencé le skate punk que la frange la plus extrême du punk US. 
Ce premier album est une bombe sortie en 1983 et qui marque le mouvement hardcore de son empreinte. Un des albums les plus agressifs de son époque et qui a largement influencé la musique extrême, quelle soit punk, hardcore ou métal. 

Il est d'ailleurs pour moi leur meilleur même si le groupe en a sorti quelques uns de qualité. 
Un style musical punk hardcore bondissant, tout en souplesse, d'ailleurs ce n'est pas pour rien que Suicidal tendencies a toujours été un des meilleurs groupes sur scène et Mike Muir un showman hors pair (le concert de ST de 1988 à l'Elysée Montmartre reste parmi les cinq meilleurs que j'ai pu voir, avec une intensité rarement égalée) . Et même sur disque on l'imagine bondir, courir et sauter tel un fauve ! Pas étonnant que Suicidal Tendencies a été une grande influence pour de nombreux groupes skate punk (rappelons le morceau "Possessed to skate" sur le second album) . 
Musicalement ST est toutefois différent des groupes punk hardcore de la côte Est des USA , ici la rythmique est moins lourde, plus aérienne. Avec beaucoup de changements de rythme, des accélérations, décélérations qui sont presque la marque de fabrique musicale de Suicidal tendencies. 
Il y a certes un côté un peu bourrin parfois mais c'est plus technique que ça en a l'air. Les musiciens assurent et les compositions montrent beaucoup de liant. 

C'est très novateur dans le genre et assez différent également par rapport aux ténors du hardcore US à savoir à Dead Kennedys, Black flag, Bad brains ou Minor threat ... Et à 1000 lieues des groupes punk britanniques de 1983 tels Exploited ou GBH. 
Et puis ST c'est aussi le look, celui des gangs à l'instar des groupes hardcore de la côte Est, ici les gangs sont ceux de Los Angeles et les fameux bandanas. 
Car ce premier album des Suicidal tendencies ne ressemble à rien de semblable déjà sorti dans le punk hardcore. C'est bien violent tout en gardant toujours une certaine mélodie. Mais comme je l'ai déjà dit ce qui caractérise ST et qui sera sa marque de fabrique y compris quand le groupe prendra son virage crossover puis thrash métal ce sont les changements de rythme incessants qui ponctuent quasiment chaque titre. 

Des accélérations de folie, souvent cinglantes atteignant pour l'époque une vitesse quasi inouïe. 
Le groupe a aussi un son et un style propre, quasiment inimitable, la façon de chanter de Muir y étant également pour beaucoup. 
Une voix assez spéciale , presque chaloupée et qui monte progressivement en intensité. 
Et puis un mot sur les textes fidèles au genre mélangent politique, social et humour décapant avec le petit zeste de provocation mais sans être méga politisées comme Dead Kennedys ou MDC. 
Ça commence avec "Suicidal's an alternative / you 'll be sorry" qui donne le ton. 
Le mélange des tempos vous prend à la gorge, pas le temps de respirer. Idem pour "Subliminal" , "Institutionalized", "I want more" et l'excellent "I saw your Mummy" . 

Certains de ces titres annoncent déjà l'album suivant "Join the army", plus crossover et qui ne sortira que quatre ans plus tard en 1987.
D'autres titres privilégient le rentre-dedans sans détour : "Fascist pig" , "Memories of tomorrow" et le sulfureux "I shot the devil", morceau dans lequel Mike Muir se met dans la tête du type qui a tiré sur le président Reagan et livre un texte au vitriol. Pour moi le meilleur titre de l'album avec "I saw your Mummy" . 

Sur "I want more" la voix de Muir se fait même douce, posée et calme par moment. Quant à "Suicidal failure" qui termine l'album c'est un titre presque cool dans la première partie , qui monte progressivement en puissance pour finir en apothéose. 
Que les morceaux soient courts et rentre dedans ou longs et plus travaillés il se passe toujours quelque chose avec ST. 

Ensuite que ce soit dans sa période crossover ou thrash métal Suicidal Tendencies reprendra en partie la même recette mais avec des morceaux mieux structurés, plus travaillés et surtout un son très différent, notamment au niveau des guitares. 
Mais nous avons là un monument du punk hardcore et un des disques les plus ultimes de la première moitié des années 80.

Un brûlot punk hardcore parmi les meilleurs du genre, une tuerie avec des classiques à la pelle, des morceaux indémodables et qui resteront des modèles du genre tels "I shot the devil", "I saw your mummy", "Institutionalized", "Subliminal", "Suicidal's an alternative / you will be sorry", "Fascist pig", "Two sided politics"... Quasiment tous les titres en fait !!!

vendredi 25 décembre 2020

YES : Close to the edge (1972)


1972 : Yes, album après album, arrive enfin à son apogée, atteint sa maturité et livre avec ce cinquième disque son meilleur album, son chef d’œuvre. 

Ce « Close to the edge », est en effet tout simplement un must du rock progressif (selon moi dans le top 5 du genre, sans aucune hésitation), rarement égalé dans un style où les oeuvres de qualité sont pourtant nombreuses.


Je ne suis pas un fan absolu de Yes même dans sa période "progressive" ; si j'adore certains albums, il y en a que j'aime moins voire pas du tout (par exemple j'aime bien « The Yes album », « Fragile » ou « Relayer » mais pas trop « Tales from topographic oceans »).


Disons ouvertement que globalement je préfère Van der Graaf Generator, King Crimson et Genesis mais ces groupes bien que tous soient qualifiés de prog' sont issus d’ “écoles” pas forcément identiques (folk, jazz, classique, pop..) et ont clairement des influences différentes ; par exemple pour Yes la filiation avec la musique classique est évidente. 

Toutefois je ne vais pas parler technique ici, c’est évidemment de haut niveau, chacun en conviendra avec de tels musiciens, mais plus de ressenti et des impressions que m’ont donné les écoutes du disque.


C'est sur cet album qu'on retrouve la formation « classique » de Yes à savoir Anderson, Squire, Bruford, Wakeman et Howe, c’est à dire sans doute la meilleure formation du groupe. 


On remarque tout de suite la voix exceptionnelle de Jon Anderson et l'excellent travail de Rick Wakeman au clavier/synthé (ah l’orgue sur Close to the edge, magistral, grandiose, tout simplement monumental !). 

Si l'on parle souvent, à juste titre, des prouesses d’Anderson ou de Wakeman moi ce qui me marque et ce dont je voudrais parler et mettre en avant c’est avant tout la basse titanesque de Squire, à la fois pesante et virevoltante, pleine de contrastes et qui donne plus que jamais le tempo aux compositions. 


 « Close to the edge “ dure environ 37 minutes, répartis sur trois titres (deux de 10 minutes environ et un qui occupe toute une face), tous trois tout à fait typique du rock progressif du début des années 70.   

Le titre phare est bien sur « Close to the edge » 18 minutes magnifiques, morceau qui alterne les ambiances et où les différentes parties s'enchaînent sans fausse note, où les thèmes musicaux s’articulent à merveille, de façon très cohérente, avec aussi quelque chose de poignant qui se dégage de ce titre, quelque chose de majestueux que seuls la Nature et les Arts peuvent nous léguer...mais les deux autres titres sont loin d'être des faire-valoir soutiennent malgré tout sans problème la comparaison, notamment "And you and I". Le tout avec une certaine diversité rythmique.


Je ne trouve pas les morceaux ennuyeux ni même pompeux (reproche qu'on fait souvent à Yes), en tout cas nettement moins pompeux que « Tales from topographic oceans » un des autres albums importants de Yes ou que certains disques de E.L.P le groupe pompeux par excellence ! Si “Close to the edge” a un côté “pompeux” disons que cela ne me gêne pas alors qu’en général un trop plein de grandiloquence peut vite me sembler pénible et me rebuter mais là quand on évalue le niveau des compositions et la technicité, le résultat final est grandiose car la beauté de l’œuvre se trouve à la fois dans sa globalité mais aussi dans ses prouesses musicales et vocales.


La musique est complexe bien sûr au niveau des compositions mais malgré tout assez épurée (par rapport à Genesis de la même époque par exemple).  Comme tous les grands groupes Yes a un style et un son propres et reconnaissables très rapidement. 
L 'atmosphère du disque a certes un côté “cool” et planant mais c’est surtout somptueux, d'une grande beauté. L’impression parfois de voguer vers des univers et des contrées inexplorées, l'impression de faire un voyage dans un monde de merveilles et de pureté (mot qui caractérise parfaitement l'ambiance du disque je trouve), presque comme dans un rêve. 

Juste dommage que la pochette ne soit pas du même calibre que celles des albums qui vont suivre.


Un album à couper le souffle donc et qui restera l’un des plus beaux disques de "rock", au sens large, jamais enregistrés, un des grands moments de l’âge d’or du prog’, culminant à son apogée, à son zénith, avant son déclin à partir de 1973/74. Osons le dire, quelque part « Close to the edge » représente la quintessence même du rock progressif.