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mardi 21 avril 2020

The Rolling Stones : Some Girls live in texas


Some Girls: Live In Texas '78 : Mick Jagger, The Rolling Stones ...

Depuis 1977 , le rock est victime d’une farce qui a trop durée . Toute cette bouillie inécoutable, lancée par un Joey Ramone au teint cadavérique, finira bien par tout détruire. Comment une bande de cinglés en t shirt mickey , et incapable d’enchainer trois notes correctement , peuvent ils lancer un mouvement qui infecte à ce point le rock. Ces mecs ont juste volé une guitare à la boutique du coin , et se mettent à la torturer avec une joie sadique qui rend Keith fou.

Le virus a fini par atteindre l’Angleterre, qui n’a fait que le radicaliser. Johnny Rotten fait passer ses appels à la révolte avant sa musique , qui de toute façon se résume à un glaviot putride envoyé à la face du vrai rock. Nevermind the bollock était une blague, ses auteurs semblaient d’ailleurs assez cynique pour en être conscient, mais la blague a fait des disciples.

Seuls les clash paraissent bon, mais le jugement de Keith est sans doute influencé par le fait qu’ils aient ajouté du reggae dans leurs brûlots gauchistes. Et dire que les stones sont passés à deux doigts de botter le cul de cette vermine à épingle à nourrice.

Issu du groupe de Jeff Beck, Ron Wood accélère le swing stonien , et son jeu rythmique ressuscite la technique de la double guitare. Les stones la maitrisaient déjà avant que Brian Jones ne commence à déconner, mais Mick Taylor avait enterré ce son. Quand deux guitares jouent les même notes, on obtient le feeling ultime, et ce feeling est la base des stones.

Bref, les stones ont retrouvé un son plus tranchant, une poignée de compositions électriques donnait le ton d’un « some girls » résolument rock. Et puis Mick a tout foutu en l’air. On s’est donc retrouvé avec, plantés au milieu de ce swing d’élite, les guimauves pop « beast of burden » , « far away eyes », et le coup de grâce disco qu’est « miss you ».

Keith est interrompu dans ses réflexions par un roadie , qui lui annonce qu’il est temps d’entrer en scène. Ce que les stones ont raté sur disque, il compte bien le réaliser ce soir. Ils ont donc choisi le sud-américain, berceau du rock n roll, pour enregistrer un nouveau live. 

Comme le montrait déjà « some girls », la symbiose entre Ron Wood et Keith Richard est parfaite. Son jeu plus agressif et rythmique met fin à la période blues entamé sur Beggard Banquet, et marque ici le sommet la période rock des stones. Le groupe de Keith Richard, autrefois célébré comme la réunion des plus grands bluesmen de son époque, devient le sauveur du swing.
                                                                                     
Les stones aiguisent le riff de «  all down the line », accélère le feeling boogie de star star et when the ship come down, avant de défier Chuck Berry sur let it rock. On regrette d’ailleurs, comme sur le disque précédent, que le groupe ne soit pas allé au bout de sa radicalité rock. 

Bien sûr, ils s’en sortent magnifiquement sur les passages plus apaisés, mais Ron montre ses limites. « honky tonk women » , « love in vain » , ou « brown sugar » perdent donc un peu de leurs grooves bluesy , pour ne pas faire retomber la pression d’une performance impressionnante d’efficacité.  

Malgré ce petit bémol, et les égarements mielleux que sont « miss you » , « beast of burden » , et « far away eyes » , ce disque renvoie tous les gamins à crêtes au berceau. Quand les stones font résonner les dernière notes de « jumping jack flash » , qui clôturent ce « some girls live » , ils sont redevenus le plus grand groupe de rock du monde.
                                                                     
                                                                                                                      

dimanche 19 avril 2020

Bob Dylan : More blood more tracks


Bob Dylan - More Blood, More Tracks: The Bootleg Series Vol. 14 ...

Je me rappelle encore de l’annonce du prix Nobel de littérature 2016. Les journalistes ne pouvaient s’empêcher de démarrer la présentation de l’heureux élu par un « non ce n’est pas une blague ». Ces avatars ridicules n’ont sans doute plus ouvert un livre depuis l’obtention de leur diplôme stupide (est ce que Zola ou Cavanna avaient un diplôme de journalisme ?) , ils ne pouvaient donc pas comprendre ce que représentait Dylan.

Ces gens ont l’amour des idées toutes faites, de la modernité absurde, et de la bien pensance ronflante. Pour eux, la musique est une distraction, ou un bien de consommation parmi d’autres.

Si je commence cette chronique par cette attaque apparemment hors sujet, c’est pour mieux ouvrir un chapitre essentiel du mythe Dylanien.
                                                                                     
Replaçons les choses dans leur contexte :
Nous sommes en 1975, Dylan vient de subir la trahison de sa maison de disque, et tente de se refaire une santé au côté du band. Sorti sans son autorisation en 1973, « Dylan » est le premier album d’une série décevante. « Planet wave »  est trop peu inspiré pour relever le niveau, et la tournée des stades qui suivit ne servit qu’à faire tourner la machine à cash.

Enregistré pendant cette tournée, « before the flood » est l’œuvre d’honnêtes fonctionnaires, des has been paumés se débattant dans un environnement trop tapageur pour eux. En dehors de la scène, le tableau n’est pas plus joyeux. Sara commence à se lasser des discussions musicales et des infidélités du Zim. Celle qui inspira « sade eyes lady of the lowlands » s’éloigne tant que le couple semble avoir atteint le point de non-retour.

Si Dylan réfutera toujours cette hypothèse, les textes qu’il écrit pour blood on the tracks sont tout de même parcourus par une tristesse, sans doute influencés par ses déboires sentimentaux.

La suite, tout le monde croit la connaitre. Dylan se serait précipité au studio Columbia, afin de donner à ses récits l’écrin digne de leur puissance poétique.  C’est vite oublier que blood on the track fut d’abord enregistré par Phil Ramone, l’ingénieur du son qui s’est occupé de « before the flood ».

Les sessions se sont d’ailleurs bien déroulées, le disque était prêt à sortir, et Phil était fier de faire écouter le résultat à Dylan. Sauf que le barde est aussi un maniaque anxieux, et ce qu’il entend ne correspond pas à ce qu’il souhaitait produire.

Voilà pourquoi le disque fut finalement refait au studio de Columbia, en compagnie de John Hammond. Les pistes enregistrées à New York devinrent vite un grand fantasme de Dylanophile , qui arrive enfin entre nos mains aujourd’hui.

A l’écoute de cette version résolument acoustique, on ne peut que souscrire au principe énoncé par Johnny Cash « Si les démos sont meilleures, on met les démos sur le disque ».  Les mélodies acoustiques laissent plus de place à la prose de Dylan, qui peint ses âmes tourmentées avec une précision chirurgicale. 

Il y’a quelque chose de Dostoïevski dans cette façon de peindre ces âmes en perdition. Le texte de « Lily Rosemary and the jack of heart », plus romancé a la force romantique des grandes nouvelles d’Hemingway.

D’un point de vue musical, on retrouve le Dylan folk des débuts. Son chant a néanmoins gagné en maturité, et se contente désormais de ponctuer délicatement ses arpèges. Seul « meet me in the morning » s’écarte de cette folk nostalgique, pour raviver la splendeur du blues acoustique.

Le lyrisme fait place à la retenue, et idiot wind montre que le grand Bob n’a pas besoin de lever la voix pour que ses mélodies donnent le frisson.

« more blood more track » montre une émotion plus subtile que la version finale. Si cette retenue semble donner plus de puissance aux textes, on n'ira pas jusqu’à dire que c’est celle-ci qui aurait dû sortir.

Ce nouveau numéro des bootleg serie apporte simplement un regard plus complet sur ce qui restera un des chefs d’œuvre Dylanien. L’écouter, c’est comme découvrir un nouveau chapitre à « crime et chatiment » ou un poème oublié issu des contemplations. Et, quoi qu’en pensent ceux qui voient la musique comme une distraction, ces bandes font parties de notre patrimoine culturel.

samedi 18 avril 2020

RUSH : CLOCKWORK ANGELS (2012)

FORMATION :
Geddy Lee : basse, chant, claviers
Alex Lifeson : guitare
Neil Peart : batterie

Cette critique est autant une chronique de « Clockwok angels » sorti en 2012 et qui est le dernier album de Rush, dont je voulais saluer sa carrière qui s’est achevée en 2017, qu'un hommage à Neil Peart un des grands batteurs de l’histoire du rock qui nous a quitté en début d’année 2020. Chapeau bas.

Rush est un groupe qui, comme Uriah Heep par exemple, n’a pas toujours eu en France la reconnaissance qu’il méritait (un peu de sa faute car il est très rarement venu y faire des concerts), alors qu’il a sorti entre 1975 et le début des années 80 quelques uns des plus beaux disques du hard progressif, dont il est considéré comme le fondateur.
Un groupe unique qui a eu la même formation entre 1974 et 2017 date de fin du groupe soit 43 ans, qui dit mieux (sauf peut-être ZZ Top) soit 19 albums studio consécutifs enregistrés avec ce trio , seul le premier étant enregistré avec un autre batteur. Groupe avec de nombreux très bons albums mais dont le chef d’oeuvre reste pour moi « 2112 » sorti en 1976 (avec ici même une très belle chronique de ce disque).
Un des groupes les plus influents des années 70/80.

Bien sûr « Clockwork Angels » sent un peu la fin de carrière et il n’est pas l’un des meilleurs albums de Rush. Certes, mais il est loin d’être mauvais et le groupe finit en beauté avec un bon album vraiment réussi et à un niveau encore plus qu'acceptable et supérieur à bien des albums du même genre loin d'atteindre une telle technicité.
Depuis les débuts du groupe Geddy Lee a changé sa voix nettement moins haut perchée que pendant les années 70 et 80.
Une basse/batterie qui montre tout de suite que le prog sera encore présent, moins que dans les albums des années 70 mais Rush garde de beaux « restes » notamment dans sa rythmique.

Un peu de claviers mais pas trop, moins que dans la seconde partie des 80s où Rush avait pris un virage très "synthétique".
Toujours un côté SF dans l’ambiance et dans les textes (avec parfois un petit côté B.O.C des années 80 mais en plus léger).
Les compositions sont à la fois heavy et sophistiqués, agressives et mélodiques.
On navigue ici entre hard prog’ et hard mélodique (mais pas trop FM) et une ballade pour finir.

Mais plus morceaux de 10, 15 ou 20 minutes, les plus longs durant 6 ou 7 minutes mais quelques passages prog’ ici ou là surtout pour la rythmique.
« Clockwork angels » est un concept album et donc assez compact au niveau des compositions (exceptée la ballade) mais aussi niveau qualité, pas vraiment de morceaux qui surnagent.

Pour moi les meilleurs titres sont le très énergique « Clockwork angels », « Carnies » est pas mal du tout, citons également « The Wreckers », très bon avec son riff intéressant et son très beau refrain entraînant.
Un peu plus FM, mais rien de bien méchant pour« The anarchist » et « Seven cities of gold ».
Et bien sur la ballade « The Garden », bien mais qui reste toutefois assez dans les standards du genre.
Encore une fois je voudrais rendre un grand hommage à Rush, groupe que je place très haut au panthéon du hard rock et je vous invite à aller réécouter leurs classiques de 2112 à Hemispheres en passant par Fly by night et A Farewell to kings.

vendredi 17 avril 2020

Jim Jones and the righteous mind : Super Natural


Jim Jones & The Righteous Mind - Supernatural - Chronique - La ...

Jim Jones est un rocker comme on en fait plus depuis la mort des stray cats. La Jim Jones revue, son premier groupe, ramenait le rock au berceau. Une guitare, une basse , une batterie , et un rythme binaire, voilà de quoi ressusciter cette devise immortelle : bebopalulabebopbamboum !

La Jim Jones revue , c’était les stray cats avec le feu au cul , Eddie Cochran croisant le fer avec le MC5. Autant dire qu’en 2011, quand ces puristes ont tiré leur révérence, leurs fans sont partis noyer leur chagrin dans les bars rétro. Et la cuite allait durer 6 ans, jusqu’au jour où une bande de teddy boy recroisa le nom de Jim Jones. C’était dans une de ces foires aux disques , qui sont autant de lieux de résistance au milieu de la médiocrité ambiante.  

La pochette les rebuta un peu , elle ressemblait trop aux délires morbides des crétins du heavy metal. L’agressivité des enfants de black sabbath était en grande partie responsable de la mort du swing , alors ils ne voulaient pas voir Jim Jones tomber dans cette bouillie infâme.

Nos amis puristes prirent tous de même le disque, et enfourchèrent leurs vieilles Harley pour écouter cette curiosité. La vieille sonorisation crache un riff déchirant, qui ouvre la voie à une orgie sonore assourdissante. Cette entrée les laisse sans voix, ce qui est joué ici avec une force inédite, c’est bien le rock dans ce qu’il a de plus cru.

S’inscrivant dans la lignée du pur rock n roll , ce premier riff semble ressusciter la hargne proto punk des frères Asheton. Jim Jones and the righteous mind , c’est la Jim Jones revue plongée dans un bain acide , et produisant sa propre version du rock psychédélique psychotique.

Après une intro qui botte les fesses d’Iggy Pop , les mercenaires s’en prennent au groove vicieux de John Lee Hooker sur base is loaded. Le jungle beat est violement lacéré par un riff chromé, tout droit sortie du Detroit de la belle époque. Le solo réveille d’ailleurs le fantôme de Fred Sonic Smith, chaque note sonnant comme une décharge dévastatrice.
Kick out the rock motherfucker !

La pression ne redescend même pas sur « somethings gonna get it hand on you » , cette dance voodoo jouée avec un groove sulfureux. « Super Natural » fait partie de ces disques qui prennent l’auditeur à la gorge dès les premières secondes, pour ne plus le lâcher. 

Quand le tempo ralentit , c’est pour mettre plus de force dans chaque décharge. La batterie de « no fool » imprime un rythme tribal, sur lequel vient se calquer un riff répétitif et dévastateur. Les distorsions donnent au titre un air de délire psychotique, une simplicité dérangeante sortie du brasier « sister ray ». 

Les auditeurs commencent alors à demander grâce devant tant de violence groovy. Qu’ils se rassurent le piano de « aldecide » lui donne presque des airs de ballade. Mais la guitare est encore là, rugissant entre deux cœurs vindicatifs, et le rythme ne tarde pas à s’accélérer. 

                                                                           
Sorte de pub rock sous hormones, « boil yer blood » est un boogie saignant qui ferait passer endless boogie pour une bande de sous allman brothers. Jim Jones ménage ensuite ses effets , posant une voix plus apaisée sur le blues ésotérique « shallow grave ». 

Cette petite accalmie prépare le terrain pour le dernier assaut, la charge électrique nettoyant l’auditeur de toute la guimauve que ses oreilles ingèrent à longueur d’année. « till it’s all gone » est le titre le plus sauvage de l’album et, si « everyone but me » semble refermer le bal sur une note apaisée, il flotte dans cette mélodie une aura de danger que l’on a plus croisé depuis la sortie de « raw power ».

Lorsque les dernières notes s’évanouissent, nos teddys boys finissent leurs jacks d’une traite. Le rock n roll venait encore de se réinventer pour quelques années, et ce disque était un acte de renaissance digne des grands disques de, Creedence , des Stooges , du MC5 … 

Il est le descendant de tous ces groupes qui, de différentes manières, ont su ramener le rock au bercail.


mercredi 15 avril 2020

Captain Beefheart : Lick my decalls off baby


Lick My Decals Off, Baby" - Captain Beefheart & His Magic Band ...

Contrairement aux idées reçues, Trout Mask replica obtint un succès commercial non négligeable. Si l’Amérique a rapidement rejeté le virage expérimental de celui qu’elle voyait comme un nouveau héros du blues, l’Angleterre a apprécié cette bizarrerie expérimentale.

La réception de ce disque confirmait le fossé existant entre le public américain, fortement attaché à son patrimoine musical, et un public anglais plus friand d’avant-garde. Il ne faut pas oublier que l’Angleterre a donné les Beatles, qui furent la figure de proue de cette avant-garde. Grâce à cette devanture commerciale, les maisons de disques laissaient leur chance à toute une bande de valeureux explorateurs.   C’est ainsi que les deviants , soft machine , et plus tard les pink fairies et le edgard broughton band, repoussèrent les limites du psychédélisme.

Trout mask replica est surtout le disque qui déboussola toute la critique rock , qui ne parvenait pas à classer cette cacophonie merveilleuse. Les interview devenaient donc de grandes joutes verbales, les journalistes tentant de faire rentrer Beefheart dans ces cases qu’il méprisait. Qu’on lui parle de jazz ou de blues, d’Howlin Wolf ou de Coltrane, le bon captaine rejetait toute filiation.

Sa méthode de travail était justement faite pour l’éloigner de ces grandes figures. Beefheart n’était pas musicien, il prenait juste son instrument comme il le sentait, et tentait d’en tirer des sons dérangeants. Parfois il le faisait sur un piano, parfois sur une trompette. Une fois qu’il était satisfait de ce qu’il avait effectué, ses musiciens devait reproduire un schéma que même son auteur est incapable de jouer une seconde fois. 

Don Van Vliet n’est pas un compositeur, c’est un réservoir d’idées. Il est l’ingénieur chargé d’esquisser le plan de ses monuments sonores , avant de laisser ses ouvriers s’occuper des détails techniques. D’abord sculpteur, il a gardé cette approche pour la musique. Et c’est justement son dilettantisme musical, allié à sa vision de l’art, qui rend ses œuvres si originales. 

Sorti la même année que « trout mask replica » , « lick off my decall baby » fit d’abord scandale. Beaucoup voyait dans ce titre ambigu un jeu de mot ouvertement grivois. Pourtant, ces « étiquettes » que Don demandait de lécher, étaient celles que certains tentaient de lui coller depuis la sortie de Trout Mask. Il voulait simplement qu’on le nettoie de ces filiations hasardeuses, pour que sa musique soit enfin jugée à sa juste valeur. 

Prise dans les studios Warner, la photo de couverture montre nos ex hippies débraillés en smoking classieux, ils sortent le grand jeu pour une grande œuvre. Ses « étiquettes » , le magic band les décolle à grand coup de cassures rythmiques , de dissonances , et de croassements dadaïstes lancés par un Beefheart en grande forme.

Essayer de comprendre est vain, et l’auditeur se fatiguera vite en cherchant à rapprocher ce fouillis de quoi que ce soit. Et c’est justement l’effet cherché, le magic band veut que votre esprit abdique, que votre inconscient soit nettoyé de tous ses repères culturels. C’est là, quand ses délires ont fini par vous vider la tête, que les choses intéressantes commencent.

L’auditeur retrouve alors l’innocence de ses premiers émois musicaux, et « lick my decalls off » peut imposer ses propres règles. On se rend alors compte que ce qu’on avait d’abord pris pour un détritus joué par des pecnos incapables de s’accorder, est en réalité une symphonie d’un nouveau genre. On comprend le fil télépathique qui relie tous ses musiciens, le plan délirant mis en place par ce groupe délirant.  

« lick my decalls off » n’est pas un album rock dans le sens conventionnel du terme. Beefheart y manipule les sons comme une palette de couleurs et, pour apprécier la toile, il faut se débarrasser de tout la gadoue qui forme vos repères culturels.  
   

lundi 13 avril 2020

Captain Beefheart safe as milk

Safe as Milk (Mono) de Captain Beefheart & His Magic Band sur ...

Passionné de sculpture dès sa plus tendre enfance , Don Van Viet est repéré par un artiste portugais alors qu’il n’a que huit ans. L’homme , reconnu comme une référence de l’art contemporain , propose ses service pour aider l’enfant à développer ses dons. Ses parents , ne voient pas d’un très bon œil la vocation précoce de leur fils.

Après tout, comment pourrait-il accéder au bonheur des 8 heures de travail par jour avec un métier si peu sérieux ? Non, il fallait le dévier de cette pente pernicieuse. Ils n’eurent pas grand-chose à faire et, découragé par la désaprobation parentale, le jeune Van Viet semble abandonner sa vocation pendant quelques mois.

La suite est floue et, si il jure ne pas être allé à l’école, Don Van Vliet connut tout de même Frank Zappa lors de ses études d’art. Il est vrai que Don séchait la plupart des cours , ce qui explique une dyslexie qu’il gardera toute sa vie. Les études furent pour lui l’occasion de s’éduquer musicalement, en partageant son amour du rythm n blues avec le jeune Zappa.

Cette initiation pousse rapidement les deux hommes à déserter définitivement les bancs de l’école, pour construire divers projets avortés. C’est ainsi qu’ils inventèrent le scénario tordu de « captain beefheart and the groung people ». Le film ne verra jamais le jour par manque de moyen, mais Van Viet décide de garder le nom de son personnage principal.

Don Van Viet devient ainsi Captain Beefheart, et forge son chant en copiant les râles plaintifs d’Howlin Wolf. Le résultat impressionne tous ceux qui le fréquentent. C’est comme si ce petit homme rondouillard était parti faire la tournée des bars du Missisipi , où le Jack Daniels lui forgea une voie de crapaud plaintif.  

Les maisons de disques refusent toujours de produire la musique « bizarre » qu’il joue avec son ami Zappa, mais les musiciens locaux commencent à s’intéresser à lui. C’est ainsi qu’il forme, avec Alex Snouffer et Jerry Handler, la première version du magic band.

Grande secte dirigée par le capitaine cœur de bœuf, le groupe ressuscite le blues du Delta . Pour eux, le blues est comme une bête fascinante, qu’ils doivent maitriser pour accéder à des territoires inexplorés. La réputation du groupe ne cesse de gonfler dans le milieu underground, et la maison de disque A et M décide de tenter l’aventure proposée par ces bluesmen débraillés. 
                                  
Un premier 45 tours est enregistré mais , malgré le succès du single « diddy wha diddy » , la maison de disque ne souhaite pas aller plus loin. Qu’importe , le magic band décide de se refaire une santé sur scène. Là, face à son premier public, le groupe rôde ses blues aux textes surréalistes. Buddha record les récupère, et les envoie rapidement graver leur folie sur un premier album.   

Safe as milk annonce la couleur dès son premier titre. « Sure nuff yes i do » est un boogie que n’aurait pas renié Howlin Wolf lui-même, une reproduction de la classe du missisipi si parfaite, qu’elle ferait passer les stones, Johnny Winter et autres Eric Clapton pour des poseurs. Les guitares callent leur boogie sur le croassement surréaliste de Beefheart , offrant ainsi les prémices des délires surréalistes à venir. 
                                                                                                
Le magic band réussit à donner un souffle délirant à ses influences , et les mélodies sous LSD se trouvent elles mêmes transfigurées par l’esprit tordu de ce gourou délirant. Zig Zag wandered ressemble à l’airplane singeant les grands bluesmen noirs un soir de défonce.

Si safe as milk est parcouru de chœurs faisant référence aux mélodies Californiennes, ce n’est que pour les détourner. La douceur des enfants fleurs est parcourue par une folie dissonante encore timide, mais bien présente, un chaos naissant accentué par la poésie folle de Beefheart.

Comme si cela ne suffisait pas , Ry Cooder vient poser sa guitare sur ces blues acides , leur faisant ainsi bénéficier de ce feeling irrésistible , qui fera les beaux jours de Taj Mahal. Bien qu’encore timide, la touche expérimentale qui commence à émerger sur ce disque fera vite fuir les enfants fleurs.

Comble de l’ironie, le disque est aujourd’hui décrié pour son soi-disant manque d’originalité. Celui qui n’a pas réussi à conquérir le cœur de la génération woodstock est ainsi vu comme un chapitre insignifiant de son histoire.

Il est temps de redonner à cette réinvention du blues psyché la place qu’elle mérite dans la mythologie rock. Si vous n’êtes toujours pas convaincu, rappelez-vous que ce disque fit partie des albums de chevet d’un certain John Lennon.      

samedi 11 avril 2020

Blue Cheer : Insideoutside


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San Francisco en 1967.
La ville est toujours bercée par la pop psychédélique de Jefferson Airplane et autres grateful dead. « Surrealistic pillow » est sorti la même année, et les hippies ne cessent de s’extasier sur ses rêveries utopistes. Blue Cheer vit alors ses premières heures, et tente de s’approprier l’hédonisme rêveur de ses contemporains. Malheureusement, la sauce ne prend pas, les tacherons ayant un jeu trop basique pour flirter avec les mélodies réconfortantes du flower power.

Le groupe cherche donc un son qui lui serait propre, et il va le trouver sur la plaine de Monterey. Première grand-messe hippie, le festival est le théâtre d’un basculement qui va largement influencer les générations à venir. Si le dead , moby grape , et autres Jefferson airplane sont toujours là , il côtoient des musiciens plus extrêmes.

Il y’a bien sur les Who , grands dynamiteurs du rythm n blues en pleine ascension , qui font place à une Janis Joplin au sommet de sa puissance vocale, elle ouvre ainsi la voie au véritable maître de cérémonie.

Hendrix revenait juste de son voyage anglais, où il a réuni un power trio accentuant la violence de son jeu mystique. Pour Blue Cheer ,  la performance du voodoo child est une révélation, et il s’empresse de forger ses propres blues acides.

A partir de là, sa puissance de feu lui vaut une solide réputation dans le milieu professionnel de San Francisco. Cette renommée arrive vite aux oreilles de la maison de disques phillips , qui s’empresse de les envoyer en studio. 

Le premier album de blue cheers est terminé en quelques heures, le groupe se contentant de dynamiter quelques standards du rock et du blues, auxquels viennent s’ajouter trois compositions de son guitariste.

Le disque, porté par une version sulfureuse de summertime blues, atteint rapidement le sommet des charts américains. Si ce premier album est un monument ouvrant la voie du heavy rock , outsideinside est la concrétisation de ce que ce premier disque avait esquissé. 
                    
Cette fois le groupe se limite à deux reprises, et pas n’importe lesquelles. Le boogie blues the hunter voit son feeling vicieux alourdi par un riff, qui ridiculise les futurs blues démoniaques de black sabbath. Vient ensuite une réadaptation sous amphétamine de satisfaction, le fameux hymne des stones devenant le nouveau brulot culte du hard psyché.

Outsideinside montre un groupe soudé, lançant ses déflagrations acides blues sur le bastion du rock psychedelique. C’est que le San Francisco sound n’avait jamais subi un tel outrage, et les salves ne font que se multiplier.

Un an plus tard, le edgard broughton band sort le tonitruant « wasa wasa ». Il est rapidement rejoint par le proto punk des pink fairies , alors que les deviants sortent un second album encore plus primaire que le premier.

Une nouvelle époque est en train de naître, mais Blue Cheer est déjà sur la pente glissante. L’enregistrement collectif de outsideinside a permis à chacun de développer sa vision du groupe, et les points de vue artistiques divergent. Le guitariste Leight Steven est le premier à claquer la porte et, si le groupe continue un peu sans lui, il ne retrouvera jamais l’efficacité implacable de ses débuts.

Quelques mois seulement après cette déchéance, Deep purple , Cactus , et Led Zeppelin commencent à atteindre le sommet des ventes. La puissance hard blues de ces groupes s’impose comme un lointain écho de ce que Blue Cheer développait sur son second album.