Rubriques

samedi 19 décembre 2020

Tangerine Dream : Zeit

 


Après la sortie de alpha centaury , Shroyder quitte le groupe , qui le remplace par Peter Bauman. Ce changement offre enfin une certaine stabilité au groupe, et la formation va vivre les six plus belles années de tangerine dream. A la même époque, ce nouveau trio produit la bande-son du téléfilm vampira. Anecdotique , cette BO sera exhumée en 2005 , par un groupe de fans passionnés. Cette musique, comme beaucoup de bandes-son que le groupe produira par la suite, ne peut intéresser que les fans les plus indulgents.  

Tangerine dream est déjà une bande de cinéastes du son , sa musique suggère ses propres images , vous plonge dans son monde. Le seul défi valable serait de demander à un cinéaste de produire un film capable d’illustrer ses grands espaces sonores. Kubrick en aurait sans doute été capable, mais son odyssée spatiale fut écrite trop tôt pour rencontrer l’éléctro cosmique d’Edgard Froese. Malgré le fait que « vampira » représente un épisode anecdotique de sa carrière, elle a tout de même incité le groupe à produire plus de 300 heures de musique.

Cette boulimie de travail a forcé Edgard Froese à accepter l’impasse dans laquelle il était. A l’écoute de ces bandes, il comprend qu’il ne peut pas aller plus loin avec des instruments traditionnels. Il a certes réussi à libérer son groupe de l’enclos du psychédélisme, mais ce n’est que pour le faire entrer dans une cage plus large. Si il fut parmi les premiers, Tangerine dream n’est plus le seul à explorer les paysages de cette musique cosmique.

En ces années 1971-1972, Pink Floyd fait décoller ses voyageurs vers les mêmes sommets, et je ne parle même pas du rock dystopique d’hawkwind. De son coté Edgard sent bien que la batterie et la guitare sont des bouées embarrassantes,  auxquels trop d’auditeurs s’accrochent pour ne pas être emporter dans ses mondes inconnus. Si il veut larguer la concurrence, son groupe doit utiliser un nouveau carburant.

Edgard Froese demande donc à ses musiciens de revendre leur matériel traditionnel. Pour en revenir à 2001 l’odyssée de l’espace, le rocker lui rappelle ce singe frappant sur son os, et il ne veut pas moisir dans cette préhistoire musicale. Tangerine dream récupère donc du petit matériel électronique, sculpte les sons produits par ses générateurs d’ondes sinusoïdales. Il se rend vite compte que ces machines produisent des sons biens plus profonds que leurs vieux violons. Si cette découverte donnait vraiment l’impression que le trio communiquait désormais avec le cosmos, cette musique était trop cacophonique pour durer.

Pendant quelques semaines pourtant, le groupe effectue ses expérimentations devant un public sidéré. Conscient qu’il ne produira rien de concret avec ces machines, tangerine dream finit par vendre la plupart de ses instruments, et s’offre un synthétiseur. Invention ultra moderne, l’imposante installation devient le centre de gravité autour duquel tourne un orgue, et quatre violoncelles.

Poursuivant la voie tracée par la pièce maitresse de alpha centaury , tangerine dream abandonne les pastilles sonores , pour produire de grandes symphonies cosmiques. Avec Zeit , Tangerine dream sculpte les sons comme Rodin sculptait la pierre . La tête plongée dans les étoiles, les musiciens triturent les boutons, cordes et touches qui forment leur précieux argile sonore. Le synthétiseur donne à ses décors  une couleur plus froide, et plus inquiétante que ses œuvres précédentes.

Les violoncelles plantent un arrière-plan sombre , l’orgue monte au milieu de ce ciel noir , comme une comète propulsée depuis une planète lointaine. Au milieu de ce ciel d’encre, le synthétiseur module des signaux qui semblent stopper la marche de l’univers, free jazz morbide prenant le temps par le col, et l’obligeant à suspendre son vol. La bête de métal est un animal menaçant, ses gémissements inquiétants et fascinants noircissent encore le tableau dans lequel cette ambiance nous enferme.

Quand cette symphonie démarre, c’est comme si notre pauvre terre s’arrêtait de tourner, comme si l’horloge universelle qui dirige nos vies stoppait son avancée destructrice. Il faut écouter Zeit comme un hermite , coupé de toute perturbation auditive et visuelle. C’est là, dans cet exil volontaire, que l’album vous enferme dans ses décors torturés. Ne vous débattez surtout pas, n’essayer pas de trouver dans cette mer d’idées noires une trace de lumière apaisante. Il faut plonger au fond de cet abysse pour que sa beauté angoissante pénètre votre esprit.

C’est une œuvre que l’on explore en apnée, un mouroir qui vous étouffe et vous fait revivre, vous effraie et vous émerveille. Et ne comptez pas sur les percussions pour vous sauver de cette torture jouissive , il n’en subsiste aucune trace. Si vous avez le courage de plonger entièrement dans cet univers tourmenté, ce qui vous apparaissait au départ comme une suite de gémissements menaçants devient progressivement plus uniforme. Les plaintes robotiques entrent alors dans un lyrisme d’outre-tombe.

Sombre comme une nuit sans lune , triste comme un matin sans soleil , ce décor est pourtant d’une beauté inoubliable. Malgré sa froideur glaciale, malgré le coma déprimant dans lequel il vous plonge, on ne demande qu’à revivre l’expérience quand les derniers échos de Zeit s’éteignent. Quand le temps reprend sa marche inexorable, quand nous sommes forcés de quitter cet exil que nous voudrions continuer éternellement, les sensations terrestres nous paraissent bien futiles.   

 

mercredi 16 décembre 2020

Tangerine dream : Alpha centaury


 Alors que la plupart des groupes seraient partis sur les routes, pour diffuser sa musique, tangerine dream refuse d’enchainer les grands récitals. Sa musique est à l’image de la vie , éphémère et unique , fragile et précieuse. De toute façon, les deux autres mages ayant guidé la méditation électrique sont déjà partis visiter d’autres galaxies.

Pour former son nouveau trio , Edgard Froese récupère le batteur de agitation free. A une époque où les premiers pas de l'homme sur la lune ont été diffusés en direct, la pop tente elle aussi d’explorer le cosmos. Grâce aux synthétiseurs, agitation free fut parmi les premiers à dessiner la carte d’un nouvel univers pop. Pour compléter la nouvelle incarnation de tangerine dream , Steve Shroyder prend place derrière cet imposant tableau de bord qu’est l’orgue.

Le trio est attendu sur la scène autrichienne de Kapfenberg , où il fait installer quelques flippers reliés à des amplis. Chacune de ces machines est dotée d’un micro , et le groupe devint le chef d’orchestre de cette chorale mécanique. Philip K Dick aurait sans doute adoré cette prestation où, aidés par la technologie moderne, les musiciens devinrent des dieux donnant vie à la machine.

En embarquant un objet aussi banal dans une telle prière , tangerine dream montrait que les sons les plus robotiques pouvaient atteindre une certaine spiritualité. Plutôt habitués à abrutir leur propriétaire , ces jeux stupides invitaient désormais le public à entrer dans une transe méditative. En 1970, le progrès n’était pas source de peur ou de méfiance, mais vénéré comme le génie permettant à l’homme d’être supérieur à la bête.

A une époque où les religions dogmatiques semblaient enfin s’éteindre, tangerine dream inventait une religion athée, une musique méditative capable de mettre le pire des anarchistes à genoux. Elle contredisait aussi la vision dystopique que certains auteurs donnaient de la robotisation du monde. La machine ne prive pas forcément l’homme de son âme, elle peut même tenir le rôle que les dogmes tenaient avant elle.

Cette symphonie vous caresse l’esprit, c’est un baume qui vous soigne de vos craintes face à la fragilité de l’existence. Pour le public australien, il y’avait quelque chose de divin dans ces machines produisant des sifflements mystiques. Ce dieu se nommait désormais progrès, et tous vénéraient sa grandeur.

Après ce concert , Edgard Froese se plonge dans la musique du compositeur d’avant-garde Gyoergy Ligeti. Dans cette musique, qui se déploie comme des vagues sonores, séparées par des silences de plus en plus longs, il trouve un modèle qui va influencer ses spirales futuristes. Sorti de ses études, il convoque, en plus de son trio, un flutiste et un synthétiseur. C’est ainsi que fut enregistré le troisième album de tangerine dream.

En accord avec les préoccupations cosmiques de son époque, tangerine dream nomme ce disque Alpha centaury. Le titre fait référence à une étoile située à 4 années lumières de la terre. Comme son titre l’indique, alpha centaury coupe les amarres qui reliaient encore ces musiciens à l’atmosphère terrestre. Finis les chorus de guitare propulsant l’ange déchu Hendrix sur des sommets stratosphériques, finis les violons et les free jazz de flûtes célestes, la tour de contrôle a définitivement perdu le signal du major Froese.

Isolé sur sa planète lointaine , il dirige une symphonie définissant un nouvel héliocentrisme . Le soleil n’est plus le centre de ce système gravitationnel, qui tourne désormais autour d’un orgue enfermant les esprits dans sa danse spatiale. Cette machine psalmodie comme un prêtre martien, dirige un cœur chanté par des anges d’une espèce supérieure . C’est une lumière enivrante qui sort de ces gosiers synthétiques, c’est un fil sonore tissant une fresque digne de Kubrick.

Si 2001 l’odyssé de l’espace n’est sorti que deux ans plus tôt , son récit abstrait semble se réincarner dans ces sifflements atmosphériques. A la sortie de Alpha Centaury , une critique admirative célèbre la naissance de la « musique cosmique ». La pop est désormais trop grandiose pour se limiter à nos tristes préoccupations terrestres, et alpha centaury lui offre un nouveau cosmos où elle peut s’épanouir.

La sortie de ce voyage spatial permet à tangerine dream de conquérir la France et le Japon. Leur maison de disque ne voit dans ce second disque que le résultat d’un coup de poker réussi. Ils ont signé ce groupe, dont ils ne comprenaient pas la musique, pour tenter de surfer sur la mode de la science-fiction. Ils sont bien les seuls barbares incapables de comprendre la portée d’une telle œuvre, les voies qu’elle ouvre à la musique et aux explorations sonores en générale.         

dimanche 13 décembre 2020

WARNING : Warning I (1981)


Fin des années 70 / début des années 80, le hard rock français est quasiment moribond, pas grand chose à se mettre sous la dent et un seul groupe semble alors pouvoir rivaliser avec Trust qui émerge comme la tête de gondole nationale : Warning. Ce dernier est en effet présenté comme LE challenger (alors que Ganafoul a arrêté et que Shakin’Street est également sur le point de jeter l’éponge).
Formé en 1980 par des musiciens ayant déjà fait leurs classes ici ou là (Christophe Aubert a joué notamment avec Johnny Halliday) le groupe enregistre dès 1981 son premier album éponyme. 

Un album plein d’énergie mais aussi de mélodie, de poésie parfois et dont on sent l’influence des seventies. On pense parfois au Scorpions d'Ulrich Roth.
Les textes en français sont plutôt bien ficelés, claquent et font mouche ("New-look" notamment).
Seul point qui pourrait prêter au débat le chant très aigu de Rapha mais moi j’aime bien, une voix qui arrache et accroche.
Et bien sûr un excellent guitariste Christophe Aubert (écouter le sur “ciné regard”), au top, beaucoup de talent, un son énorme et qui rappelle parfois Mickael Schenker de l’époque UFO. 

Une voix et une guitare largement au-dessus de la moyenne et qui donnent une tonalité particulière et originale à l’album.
Car “Warning I” en plus d’avoir des compos bien travaillées est un album relativement diversifié : la très belle ballade "Tel que tu l'imaginais" où Rapha évoque notamment Easy Rider, Hendrix (Foxy), les Beatles (Yesterday) et Led Zeppelin (Babe I m gonna leave you), des paroles rendant hommage à la seconde partie des 60's, nostalgie d'une époque "âge d'or" d'une certaine utopie, désormais disparue, évaporée...

Sans oublier l'étonnant reggae rock "Satan relaps".
Et bien sûr du hard "classique" : on peut citer les plus traditionnels mais néanmoins excellents "Ciné regard", "New-look" et à un degré moindre "Going to USA".
Le tout avec beaucoup de charme, de finesse et de couleurs très 70s.
Comme de nombreux autres groupes de cette époque Warning a eu une carrière assez courte (1980-1985) et seulement trois albums, les deux suivants étant moins bons (le second dans un registre plus speed métal où Rapha change sa voix pour un résultat mitigé et le troisième très moyen avec un nouveau chanteur). Le groupe splittera ensuite et on peut ici saluer la mémoire de Christophe Aubert décédé en 1994, un des plus grands guitaristes de rock en France (le second guitariste Didier Bernoussi, est également décédé dans l'oubli il y a quelques années).
Et au final nous avons là un des meilleurs albums de hard français.

Tom Petty : Epilogue

 



Le soufflet est déjà retombé, ramenant le rock dans l’underground qu’il ne quittera plus. On a pourtant cru à un nouvel âge d’or, les whites stripes et autres libertines réinventant l’héritage seventies avec brio. Up the braket succédait à is this it , elephant redonnait vie au blues rock nourri par l’énergie stoogienne. On pouvait de nouveau découvrir un chef d’œuvre régulièrement en suivant les évolutions de ce cher rock n roll moderne.

Puis les strokes se sont noyés dans un éléctro rock vaseux , les libertines ont subi les frasques d’un Pete Doherty en plein bad trip de junkie , et les Whites stripes se sont séparés à cause des crises d’angoisse de Meg White. En à peine une décennie, ce qui apparaissait comme une résurrection inespérée est retourné dans son tombeau, et le mainstream est parti se réchauffer dans une nouvelle médiocrité.

On a ainsi sacralisé les foo fighters , les critiques faisant semblant de ne pas remarquer que Dave Grohl resservait sans cesse la même soupe fade. Les foo fighters sont l’équivalent moderne du groupe de hard rock toto , vaste blague radiophonique dont le nom annonçait la couleur. Comme les blagues de Toto, la musique des foo fighters était plus dramatique que comique , elle ramenait le rock au vide entamé dans les eighties , sans espoir de sursaut.

Alors ceux qui pensaient encore que le mot rock n roll avait un sens se sont réfugiés auprès de leurs vieilles idoles. En cette année 2012 , les vieilles reliques écrasaient bien souvent la concurrence , d’autant que le nouveau millénaire semble leur avoir donné une nouvelle jeunesse. Devenu un dieu vivant, Dylan déclamait ses Odyssées rock avec la voie éraillée d’un Homère folk rock sur tempest. La même année, Neil Young a ré enfourché son cheval fou, pour livrer un psychedelic pills plus intrépide que Sitting Bull lançant sa charge mortelle sur les armées de Custer. 

Troisième pilier de cette trinité folk rock , Tom Petty sort hypnotic eyes en 2014. Après le passage de Petty dans mudcrutch , la musique des heartbreakers s’est durcie. Le chanteur a toutefois retenu la leçon de mojo , et ne se perd plus dans ses références blues. Le blues de ses Heartbreakers fait grandir son mojo sur un riff poisseux, tout en sachant arrondir ses angles sur les refrains. Power drunk est un modèle du genre, sa guitare rappelant le temps glorieux du rock seventies, avant que la slide de Campbell n’emmène le refrain sur les terres de la country folk.

Le bourdonnement de guitare de american dream plan b annonçait déjà l’énergie d’un folk rock tendu comme une jam du crazy horse. Quand Petty laisse ainsi ses guitares hurler, ce sont ses influences anglaises qui remontent. Cette série de charges binaires, ses solos tonitruants retombant dans un refrain power pop , c’est un tunnel temporel nous ramenant à l’époque où Londres commençait à swinguer.

Petty est comme les grands blues rockers anglais, il ne sait jouer la musique de ses modèle qu’en l’adaptant à ses refrains pop. Seule exception à cette règle, burn out town joue le jungle beat du grand hook , avec un feeling capable de faire swinguer tous les bayous de Louisiane.

Voilà sans doute pourquoi , à l’heure où les jeunes loups disparaissent déjà , des groupes comme Tom Petty and the Heartbreakers vivent un second âge d’or. Ces musiciens n’imitent personne, ils ne rendent hommage à aucun passé glorifié, ils se contentent de s’approprier la musique qui les fit grandir.

Et , si la relève tarde à venir , les riffs d’hypnotic eyes raisonneront encore longtemps dans les enceintes des vrais rockers. Tant que nos vieilles gloires pourront accoucher de célébrations pareilles, le rock pourra garder espoir.

Nous voilà arrivé au dernier acte de notre récit, en 2016, année de sortie du second album des Heart… Heu de Mudcrutch pardon. Mon lapsus a au moins le mérite de montrer que, en produisant mudcrutch de façon plus soignée, Petty a créé une espèce de frelaté de l’énergie de ses premiers disques. Cette suite de ballades radiophoniques me fait plus précisément penser au spleen radiophonique de straight into darkness , mais son énergie larvée semble remplacée par une certaine nonchalance contemplative.

Le résultat n’est pas foncièrement mauvais , la plupart de ces ballades sont d’ailleurs sympathiques , mais on est loin de la ferveur folk rock du premier volet. Mudcrutch , c’était la réunion d’une bande de vieux gamins , rejouant la musique de leur début sans calcul. Plongé dans une production plus soignée , le groupe évoque vaguement , suggère des images sans les imposer. Beautiful blues rappelle vaguement l’époque où le grateful dead flirtait avec la country , sans que sa mélodie n’atteigne le niveau de ces « beautés américaines ». Un peu plus loin, un harmonica bluesy pleure la disparition des grands rockers sudistes.

L’ensemble est beau , dans le sens où il forme un fond sonore agréable et pas trop envahissant, mais ne parvient pas à créer un réel enthousiasme. Mudcrutch est un cheval qu’il faut chevaucher à crue, et dont il faut accepter les emballements de bête folle. Pour rendre hommage au « bon vieux temps du rock n roll » , il n’existe qu’une méthode valable : envoyer la sauce sans se poser de question.

A la sortie de mudcrutch deux , nombreux sont ceux qui se mirent à espérer un troisième volet plus direct , où qui partirent se consoler avec le dernier disque des Heartbreakers. L’avenir de Tom Petty paraissait encore radieux, mais le cœur de ce rocker s’arrêta de battre quelques mois plus tard.

Encore plein de projets, le chanteur souhaitait notamment jouer l’intégralité de wildflowers dans une série de concerts exceptionnels. Sorti en 1994 , ce disque restera son plus grand chef d’œuvre , celui qui doit rester dans les mémoires de tous les mélomanes. Et nous l’écoutons désormais le cœur brisé par la disparition de son auteur.          


Tom Petty 8



La guitare entame un boogie montant progressivement en puissance, la batterie trépigne avant de s’emballer dans un rythme revisitant la grange de ZZ top. Sur le refrain, le clavier siffle de façon mélodieuse, il transforme ce boogie rock en power pop énergisante.

Saving grace , le titre qui ouvre highway companion , célèbre les retrouvailles de Jeff Lyne et Tom Petty. Responsable du grandiose full moon fever , le producteur sait mieux que quiconque comment habiller les mélodies de son protégé . Les deux hommes reproduisent donc les mélodies électros acoustiques qui firent le charme de leurs albums précédents.

Lyne retrouve la profondeur de ses grandes années, et transforme chaque titre en tube. Flirting with time renoue avec l’énergie juvénile de runnin down a dream , à tel point qu’on le croirait issu du même moule lunaire. Ces rocks, c’est les Byrds chantant leurs harmonies devant un crazy horse qui tente d’imiter les Beatles.

Débarrassé de la gravité de ses albums précédents, Petty écrit une grande comptine boogie rock , repart à l’assaut des radios avec un efficacité digne d’un Chuck Berry pop. Highway companion redonne vie à ses riffs, moteurs rutilants qui se sont un peu grippés sur les albums précédents. Petty n’essaie plus de nous faire pleurer sur un quelconque paradis perdu, il nous invite à nous laisser emporter par ses guitares sauvages.

 Sur la première partie de highway companion , l’électrique a pris le pas sur l’acoustique , le rock écrase la folk. Si big weekend fait encore penser à Dylan, son swing rugueux flirte surtout avec la rusticité de son band. On regrette presque que night driver ressuscite les arpèges de yer so bad , que la sérénité venue de la fièvre de la pleine lune brise une tension qu’on avait perdue depuis hard promise.

Mais ces mélodies portent l’optimisme des grandes ballades Pettyenne , elles sont le cœur de la musique des Heartbreakers. C’est d’ailleurs sur cette légéreté plus apaisée que se referme le disque, le tonnerre rock du début laissant place à une beauté qui nous apprend de nouveau à voler. 

Qui d’autre que Petty pouvait évoquer le rythme paysan de out on the weekend , le titre qui ouvre harvest de Neil Young , sans passer pour un plouc rétrograde ? Sur this old town , il décrasse la mélodie terreuse du loner , la fait briller pour l’imposer sur les radios américaines.

L’album se referme sur ankle deep et golden rose , deux titres où l’acoustique et l’électrique se réconcilient dans un slow accéléré. Plus que l’inventaire d’un passé indépassable, highway companion est le dernier volet d’une trilogie qui définit une nouvelle perfection folk rock.

Ils étaient une bande de jeunes avides de gloire. Mudcrutch est un épisode obscur de l’odyssée des Heartbreakers, c’est une première formation qui n’a laissé aucune trace. Après tout, son noyau dur était le même que celui des Heartbreakers, il se composait de Benmont Tench , Mike Campbell , et Tom Petty.

Ces musiciens s’étant épanouis sous le nom de Tom Petty and the heartbreaker, à une époque où leur mélodie ont rencontré les eighties , il paraissait inutile de revenir en arrière. Et voilà bien le problème ! Les clips et les superproductions des années 80 ont donné une image tronquée de la musique de Tom Petty.

Pour ceux qui se contentent des apparences , notre homme était au folk rock ce que Freddy Mercury était au hard blues , une icône artificielle. Voilà pourquoi Petty, Campbell et Tench ont récupéré les musiciens qu’ils ont laissés derrière eux à la fin des seventies. Une fois en studio, ces vieux routards ont vite retrouvé la simplicité de leur début . Le rock est un art collectif, et même le musicien le plus doué ne sonnera jamais aussi bien qu’avec son groupe. Keith Richard a beau être bon en solo, il n’atteindra jamais le génie des stones, et je ne parle même pas de Springsteen sans son E street band , ou Townshend sans les who. 

Dans le studio où ce jeune groupe de vieux se retrouve, il n’y a ni producteur ni cabine susceptible d’isoler les musiciens. Les instruments sont simplement disposés au milieu de la pièce, comme si ils attendaient que leur propriétaire leur donne vie. C’est Petty qui entame ces retrouvailles, ses arpège flirtant avec le folk des Pogues. 

Là-dessus, les chœurs s’harmonisent comme une bande de marins légèrement avinés. Dans un break tout s’emballe, les solos prennent des allures  de typhons sonores, avant que les chœurs reprennent un refrain d’aventurier sorti du déluge. Le second titre est plus proche de ce à quoi Petty nous a habitué. 

Servi par une production plus crue, Scare easy a un petit air de « déjà vue » , comme diraient ces chers Crosby Still Nash and Young. Sans producteur pour maquiller sa musique, Petty montre son véritable visage. Mudcrutch plonge dans un océan de références , mais ne s’y noie pas . La simplicité de sa méthode d’enregistrement permet à ses souvenirs de s’exprimer.

Le musicien se fait ainsi fan, et ses accords rendent hommage à ses pères spirituels. Orphan of the storm a le charme du band jouant sa dernière valse devant les caméras de Scorcese. Mudcrutch prend ensuite la voie du rock n roll des origines, salue Chuck Berry en ressuscitant son immortel rock binaire ( six day on the road).

On est ensuite transporté sur les routes de Californie, terre promise où ces musiciens allaient rencontrer leur destin. Crystal River est proche des mélodies hippies, qui illuminaient encore le paysage quand Petty découvrit le rêve californien.

Entre joie de jouer et hommages nostalgiques, ce premier disque de Mudcrutch  permet de rétablir la vérité sur son auteur. Fils de Chuck Berry et des Byrds , Petty a su se faire une place au sommet en maquillant ses influences. Maintenant que l’Amérique est à ses pieds, il n’a plus aucune raison de cacher sa véritable nature.

Dans le même temps, il nous fait redécouvrir le plaisir simple d’écouter une musique sans fioritures , servie par des musiciens honnêtes. 

L’harmonica chante la mélodie du bayou , la guitare imite le rythme des trains traversant la Floride , et les solos saluent Taj Mahall et John Lee Hooker. Ce feeling, c’est l’énergie sacrée qui donne sa force au rock , on le nomme mojo. C’est aussi ce titre que Tom Petty a choisi pour l’album qu’il sort en 2010.

Encore marqué par l’expérience Mudcructh, Petty a décidé d’enregistrer le dernier disque des Heartbreakers de la même façon. La formule aurait pu marcher, si il n’avait pas voulu garder le son des albums précédents.

Les mélodies des Heartbreakers ont besoin d’une production soignée, c’est un habillage qui permet à leurs ballades de ne pas s’endormir. Sans producteur pour mettre de l’ordre dans ses emportements rock, Petty ne sonne jamais réellement heavy , et ses ballades deviennent des chansonnettes soporifiques.

On le voit particulièrement sur first flash freedom , slow endormi entre le feeling du blues et la douceur de la pop. Si le titre suivant contient quelques bons moments, son feeling souffre du même malaise. Incapable de choisir entre le son des Heartbreakers et la simplicité qu’il souhaite leur apporter , Petty laisse les claviers briser l’énergie de son boogie blues.

Pas assez soigné pour sonner comme un grand disque des Heartbreakers , et trop produit pour se rapprocher des bluesmen auxquels il veut rendre hommage, mojo est l’échec d’un musicien qui apprend qu’on ne s’improvise pas producteur. S'il produira encore ses derniers disques , mojo permet à Petty de savoir ce qu’il ne faut pas faire. 

           

mardi 8 décembre 2020

Tom Petty 7

 


Sorti en 1999, echo est un disque de deuil. Quelques mois plus tôt, la femme de Petty l’a quitté, et notre homme n’a plus écrit une ligne. Il faudra toute la persévérance de ses fidèles Heartbreakers pour le ramener en studio. Influencé par ce drame, echo va perdre toute la légèreté qui fait le sel du rock Pettyen.

Sur la plupart des titres , le chant de Petty sonne comme un miaulement de chat blessé , les mélodies ont la noirceur des oraisons funèbres. Il y’a bien quelques exceptions, où les guitares tentent de s’élever au-dessus de cette marée noire. Mais même un rock aussi tendu que free girl now n’exprime rien d’autre que le désespoir poignant de l’homme abandonné. Il est difficile de juger une telle œuvre car, si cette déprime nous parait étouffante, cela prouve que Petty a atteint son objectif artistique.

Comme « tonight the night » , « blood on the track » , ou « nebraska , la valeur d’un disque comme echo ne se mesure qu’à sa capacité à émouvoir l’auditeur. J’ai déjà cité, dans une précédente chronique, cette phrase de Hugo : «  La nostalgie est la joie des gens tristes ». Elle colle aussi parfaitement à ce disque.

De room at the top à one more day one more night , echo est un mouroir fait d’émotions contradictoires. Tonnerres électriques gorgés de colère bienveillante, les rock expriment la révolte contre un être que son auteur ne parvient pas à détester. Si il semble lui dire bon vent sur « free girl now » , les trémolos dans sa voix montrent qu’il ne parvient pas encore à passer à autre chose. Alors les souvenirs défilent devant ses yeux, doudous dont l’ombre s’efface déjà, et qui apportent un réconfort encore plus blessant que le mal dont il souffre.

Alors forcément, on a droit à une grande suite d’accords larmoyants, à une batterie dansant un slow mélancolique. Le morceau titre est un symbole de cette tension dramatique, ses notes s’évaporent comme le souvenir d’un amour qui n’est plus.

Si ce disque n’aidera pas son auteur à percer au-delà de son Amérique natale, si les rockers les plus indécrottables ne retiendront que les quelques coups de sang de ses Heartbreakers, echo contient des titres qui figurent parmi les plus intenses de leur auteur. Un tel spleen est parfois dur à digérer, l’album aurait sans doute été plus efficace si Petty avait fait preuve de plus de concision.

La nostalgie est un sentiment aussi irrésistible qu’éphémère, et la gravité du propos finit par faire naitre l’ennui. Il aurait sans doute fallu, pour éviter cette impression, que les titres les plus enjoués soient chantés avec une voix moins écorchée , que les rock deviennent des éclaircies au milieu de son cimetière sentimental. Œuvre aussi poignante qu’imparfaite, echo fait partie de ces grands projets dont on a dû mal à critiquer l’échec.

Aussi éparpillés soient-ils, les moments de grâce de ce disque font partie des fulgurances qui sont la marque des grands artistes. Au bout du compte, Petty n’a peut-être jamais autant mérité son titre de looser sublime qu’ici.

Sorti en 2002 , the last DJ approfondit le sillon nostalgique de son prédécesseur, mais ce n’est déjà plus la même nostalgie. Echo était trop personnel, et la voix encore écorchée de son auteur rendait son œuvre indigeste. The last dj montre plutôt un artiste qui s’interroge face à un monde en pleine décadence. Alors il fait l’éloge de l’époque qu’il a connue, prône le retour à cette « dreamville » disparue.

Sur le morceau titre , il rend hommage à ces grands explorateurs faisant découvrir leurs découvertes au monde entier. C’était avant que les présentateurs de radio ne deviennent de simples marionnettes, diffusant ce qu’on leur demande de diffuser. C’était aussi avant la horde d’hydrocéphales junkies, poussant leurs boutons en secouant la tête comme des crétins.

Bref, c’était une époque où John Peel et les autres DJ célèbres étaient les chercheurs guidant le peuple sur le chemin de la culture musicale. La guitare tisse la fresque qui fait entrer ces grands hommes au panthéon du rock, le riff d’introduction sonne comme les cloches d’un paradis perdu. Pour chanter les louanges de ces grands hommes, Petty prend la voix grandiloquente d’un Dylan en plein délire mystique.

Le morceau titre annonce la première facette de cet album, il montre la beauté d’un monde qui n’existe déjà plus. Ce qui fait la beauté de ballades comme « dreamville » , ou « when money became king » , c’est ce mélange de tristesse et d’émerveillement devant ce passé glorieux. Après avoir déploré sa perte, Petty lance ses piques électriques sur les coupables de la décadence moderne.

Il y’a d’abord « Joe », symbole d’hommes d’affaires dont la cupidité a tué la poule aux œufs d’or qu’était l’industrie du disque. Sur ce titre, les guitares partent dans un blues rageur, le rythme binaire lance ses poignards massacrant ce capitalisme écœurant. Le blues n’est pas seulement un cri de désespoir, c’est aussi une force qui juge les grands criminels de son époque. De ce point de vue, les cris rageurs de Petty n’ont rien à envier au charisme viril des grands vagabonds du Mississipi.

Après ce coup de colère, Petty ne peut que constater la laideur du monde moderne. Lost Children est marqué par un refrain amer, avant que les Heartbreakers ne partent dans des envolées hard blues. A travers ces envolées, le groupe tente de montrer la voie à ceux qui voudraient rallumer la flamme du rock n roll.

Après tout, comme il le chante sur un folk à la sensibilité proche de Neil Young, on ne peut empêcher le soleil de briller. Cette époque, qui n’est déjà plus la sienne, Petty va devoir apprendre à l’accepter.

Loin de se morfondre, the last DJ est un disque plein d’espoir, qui offre quelques moments de légèreté bienvenue. On pense notamment à « the man who love woman » , où Petty renoue avec la douceur d’un Dylan en pleine période country. Si echo montrait un homme ne pouvant plus voir la beauté du monde, the last dj le replonge dans un passé dont il regrette les merveilles. Il trouve, dans cet émerveillement, la révolte et l’énergie capables de revitaliser sa musique.

Malgré la gravité de certains titres , the last dj est un des disques les plus optimistes de Tom Petty. Grâce à lui , les Heartbreakers sont prêt à conquérir le 21e siècle.              




samedi 5 décembre 2020

Tom Petty 6


 

Novembre 1994.

Quelques semaines plus tôt , Rick Rubin a donné refuge à un Johnny Cash en exil , et vient de sortir le premier volume de ses american recording. Une figure telle que Cash est essentiel, elle est le phare qui permet au rock de ne pas se perdre dans ses périples expérimentaux. Les American recording permettent à une nouvelle génération de découvrir ce rock , de vénérer ce dernier mohican , qui a la country dans le sang et le blues dans le cœur.

Si le premier album des american recording est le sweetheart of the rodeo (des byrds) des nineties, wildflowers est son harvest. Sans doute influencé par la réussite de Cash, Petty a lui aussi confié son retour à la terre à Rick Rubin. Après s’être fait une réputation en surfant sur le succès du heavy metal , Rubin devient le maitre d’œuvre d’un rock qui rêve d’authenticité. Conscient que son rôle demande une certaine modestie, il ne surcharge pas la fresque de son protégé. Il a vite compris que cette musique a besoin de respirer, que des bluettes telles que wildflowers sont de gracieux canaris, qui ne supporteraient aucune cage. Une telle musique a besoin d’espaces, les riffs de you wreck me ou cabin down bellow galopent comme des chevaux sauvages.

L’album en lui-même ressemble à une chevauchée dans l’histoire de la musique américaine, on y croise les ombres des grands voyageurs qui ont fertilisé son sol. Servi par des guitares bourdonnant comme une armée de frelons, honey bee ressuscite le blues libidineux des grands bluesmen campagnards. Petty revient alors sur ses terres natales , celles des bayous de Floride , où le grand Dr John façonna son mojo surréaliste.  

Plongés dans ce bain de jouvence, les solos réveillent le fantôme des seventies, époque où le blues pouvait se durcir sans se renier. Les ballades, elles, revisitent l’ambiance bucolique de broken arrow , la grange où Neil Young produisit son best-seller country. Le morceau titre flirte d’ailleurs avec les mélodies désespérées du loner, pendant que fade on my rappelle les comptines de after the gold rush.

Comme harvest avant lui , Wildflowers éblouit surtout quand le country rock devient une grande symphonie paysanne. Placés à la fin de l’album, crawling back to you et wake up time sonnent un peu comme son « a day in the life ». Si la fresque pop de sergent pepper ouvrait la voie à une nouvelle ère musicale, la patine des deux symphonies Pettyenne redonne vie aux vieux meubles de la pop.

Si wildfolwers est officiellement un album solo, Benmont Tench et Mike Campbell viennent défendre le rock flamboyant des heartbreakers. Des titres comme a higher place ressuscitent d’ailleurs l’énergie tubesque de hard promise, alors que les guitares saluent le crazy horse sur fade on me. Attiré par ces mélodies lyriques, Ringo Starr pose ses beats de batteur le plus sous-estimé du monde sur hard to find a friend.

Contrairement à l’époque où ce cher Ringo faisait partie de l’orchestre des cœurs solitaires, le rock n’est plus un jeune homme plein de projet. Assis sur le banc de ses souvenirs, c’est un vieux dévoilant ses secrets avec nostalgie. A défaut de briller par leur avant gardisme , les œuvres telles que wildflowers atteignent une certaine forme de perfection traditionnelle, elles représentent le champ du cygne d’une grandeur qui se raréfie.

L’éclectisme de wildflower est rendu cohérent par l’authenticité de ses mélodies , c’est un grand travail d’artisanat musical. Pendant ces 60 minutes, Petty passe en revue ses coups de foudre musicaux, retrace le chemin de ses inspirations, tel un vieillard retraçant le parcours de sa vie. Si Petty a encore de beaux jours devant lui, wildflower restera sa plus grande œuvre, l’aboutissement d’un parcours exemplaire.

« Mickey est jeune chauffeur de taxi New Yorkais. Il rencontre la séduisante Hape et tombe immédiatement amoureux. Francis , son frère , a une aventure avec Heather , l’ex fiancée de Mickey . Les deux frères entrent alors en compétition. »

La plupart des gens ne grandissent jamais. Leur corps s’allongent et expriment de nouveaux besoins, mais leur culture ne murit pas. Ce que vous avez lu entre guillemets, et qui est le scénario du film she’s the one, en est la preuve flagrante. C’est une intrigue de film Disney , auquel on ajoute une espèce de voyeurisme malsain. Les comédies romantiques ne sont d’ailleurs que des films Disney pour adulte, auxquels on ajoute le faux réalisme abrutissant de la télé réalité.

She’s the one fait partie de ces films au manichéisme écœurant, ces ganaches indigestes qui nourrissent la frustration des spectateurs. Avec eux, le cinéma ne cherche plus à émouvoir, faire rêver ou réfléchir, il montre au spectateur une fausse réalité qu’il présente comme un modèle. Comme beaucoup de films commerciaux américains, she’s the one est plus proche de la réalité par la bassesse de ses personnages , que par l’ennui mortel de son monde fantasmé.

Mais les responsables de cette pantalonnade eurent au moins la bonne idée de demander à Petty d’en faire la bande son. L’amuuuur , Petty connait , cela fait plus de dix ans qu’il le chante , sans tomber dans la niaiserie que vendent les producteurs qui demandent son aide. Sans être un chef d’œuvre, la bande son de she’s the one contient assez de beauté pour donner un peu d’éclat à un film si terne.               

Alors bien sûr , en se basant sur un tel modèle , Tom Petty et ses Heartbreakers tombent parfois dans le tas de guimauve. Certains titres acoustiques sont plombés par la nostalgie soporifique, qui fait parait-il le sel de ces comédies romantiques. Le bien nommé « asshole » imite d’ailleurs les harmonies vocales de Crosby Still and Nash , sans parvenir à faire décoller sa chorale amorphe. On pourrait aussi être agacé par les rimes cucul, et le rythme mielleux de walls.

Mais , quand les guitares électriques se lâchent, sur des titres comme supernatural radio , les heartbreakers rajeunissent de quinze ans. Revenant à ses mélodies électro acoustiques, California et angel dreams reprennent les choses là où full moon fever les a laissées. Ce miracle n’est pas dû au film que cette musique colore,  elle montre au contraire que Petty dépasse de loin son modèle. Disque moyen, la bande son de she’s the one contient assez de perles pour décupler la popularité de son auteur.

Il faut désormais accepter que le rock ne soit plus la préoccupation majeure des années 90. Alors, si les poubelles de la culture pop sont friandes de rock , il ne faut hésiter à les gaver. Après tout, le rock marquera bien plus les spectateurs que les histoires cucul d’un quelconque Mickey pour adulte.