Rubriques
- Ça part en LIVE (3)
- ECRANS (1)
- INTERVIEWS (2)
- Le Mag' (17)
- Les CHRONIQUES (489)
- Les DOSSIERS (24)
- LIVRES (5)
- LOST TAPES (3)
- STYLES (1)
samedi 16 mai 2020
The Live Adventures Of Mike Bloomfield And Al Kooper
Al
Kooper et Mike Bloomfield forment un des duos les plus cultes de l’histoire du
rock. Réunis par Dylan, pour enregistrer higway 51 revisited , il lui offre un
son unique. Au clavier , Al Kooper invente une mélodie parfaite , tranchante
comme une lame de rasoir , et épique comme la prose de son barde. C’est lui qui
crée la fameuse introduction de « like a rolling stones » , titre le
plus emblématique du répertoire Dylanien. A ses cotés, Bloomfield se cale sur un
rythme imparable, dans la droite lignée du rock n roll des origines. Si il s’en
éloigne, ce n’est que pour tisser un solo délicieusement bluesy sur « ballad
of a thin man ».
Après
la tournée mouvementée qui suivit la sortie de l’album, le duo Kooper/Bloomfield
se sépare pendant trois riches années. Devenue une figure incontournable de la
guitare rock , Bloomfield lança le psychédelisme Californien , en écrivant east
west. Le titre parait sur le second album du Paul Butterfield Blues Band, et
montre la voie aux musiciens venus voir le groupe lors de son passage en
Californie.
Bloomfield
quitte ensuite Paul Butterfield , pour former son propre groupe. Il se
rapproche alors de Buddy Miles , qui participera bientôt au virage funk de
Hendrix. Les deux hommes créent un groupe nourri d’influences funk et blues,
auquel ils ajoutent les sonorités psychédéliques découvertes par le guitariste.
Electric se fait d’abord connaître en écrivant la bande son de « the trip »
, un des films qui fit décoller la carrière de Jack Nicholson.
Puis
vient a long time coming , disque dont la puissance blues funk ne manquera pas
d’influencer toute une scène. Alors que son ex collègue enchaîne les classique
, Al Kooper continue une modeste carrière de musicien de studio. Il ne sortira
de l’ombre que pour former le groupe blood sweat and tears , qui sort « child
is father to the man » en 1968. Ce disque est un classique d’un jazz rock
qui commence tout juste à émerger. Electric flag et blood sweat and tears
partagent cette chaleur cuivrée, qui ne va pas tarder à envahir le rock.
Alors
au sommet, le duo Bloomfield/Kooper se retrouve la même année, pour enregistrer
son premier disque. Malheureusement, l’aventure psychédelique a laissé des
traces sur la psyché fragile du bluesman le plus doué de sa génération. Dévoré
par la drogue et ses crises d’insomnies, Bloomfield ne parvient à enregistrer
que la moitié du disque prévue.
Stephen
Still le remplace alors au pied levé , et donne à la seconde face de l’album un
son beaucoup plus pop. Supper Session est un chef d’œuvre, mais il donne l’impression
d’un rendez-vous manqué. Pour rattraper ce manque, les deux hommes donnent une
série de concerts au fillmore.
Les
deux premiers soirs , le duo est à son sommet , et fête ses retrouvaille sur un
blues jazzy , rock , ou funky , qui s’apparente à l’aboutissement de leurs explorations
individuelles. Au détour d’un instrumental lumineux, le groupe fait un clin d’œil
au rock bucolique du band , qui vient juste de démarrer une carrière sans
Dylan.
Malheureusement,
Bloomfield est vite rattrapé par ses démons et, épuisé par ses insomnies , il
ne participera pas au second concert. C’est donc le jeune Carlos Santana qui le
remplace pour la face la plus bluesy de l’album. Le groupe est aussi rejoint
par Elvin Bishop , pionnier du blues rock , qui étire le blues sur un no more
lonely night, qui semble tout de même trop court. Quand Bloomfield fait son retour, le dernier soir,
c’est pour signer un des plus grands moments de sa carrière. La dernière partie
du disque est en effet la plus lumineuse, et s’impose comme le prolongement des
supper session.
Reprenant
le même principe d’improvisations sans filets , le groupe fait de Mr Fantasy une
grande fresque pop , qui mène à une reprise éblouissante de hey jude. On
revient ensuite au blues, Bloomfield étirant le swing de Chicago sur un don’t
love you so strong que n’aurait pas renié John Lee Hooker.
En
se réunissant, Mike Bloomfield et Al Kooper ont célébré les noces du jazz et du
blues, et la cérémonie se clôt sur le furieux refugees. L’explosion finale
sonne comme le crépuscule d’un groove, qui ne brillera jamais aussi fort qu’ici.
mardi 12 mai 2020
Gov't Mule : Sco Mule
La
disparition violente d’Allen Woody , au début des années 2000 fut un choc pour
tous les fans de gov’t mule. Le bassiste était le moteur du groupe , celui qui
permettait à ce jams band de développer une énergie dévastatrice , capable de
rivaliser avec la puissance zeppelinienne des black crowes. La tragédie se
situe surtout dans le fait que, après un début de carrière tonitruant, le
groupe commençait à se diriger vers un rock plus complexe. Timidement esquissé sur « life before insanity », ce virage prometteur permettait au
groupe de produire des ballades aux arrangements fouillés.
On
pensait que cette évolution n’avait pas eu le temps d’aller plus loin lors de
la période Woody, mais une vidéo est venue tous chambouler. Publiant ses
hommages au compte-goutte , Warren Hayne a diffusé un extrait d’un live que le
groupe effectua au Roxy , en 1999.
Nous
sommes quelques mois seulement avant la mort de son bassiste et, avide de
découvrir de nouvelles sonorités , gov’t mule a invité John Scotfield à se
joindre à eux le temps d’un concert. Le guitariste fait partie des pionniers de
cette fusion entre le blues et le jazz, qui contamina le rock dans les années
60-70.Cette fusion, il la développait déjà en compagnie de Gerry Mullighan et
Chet Baker, avant de rejoindre un John Duke qui ne jouait pas encore avec
Zappa.
Nourri par ses deux influences, l’homme a publié une série de disques qui s’insèrent
dans le revival jazz porté par zappa , soft machine , et autres fils du grand
Miles. La rencontre entre l’icône du jazz et les représentants modernes du rock
sudiste se fera autour d’une série de titres piochés dans le répertoire des
deux artistes , de John Coltrane, et de James Brown.
La
rencontre entre deux des plus grands guitaristes vivant auraient pu faire
craindre un duel pompeux, une série de mitraillages visant à aligner le plus
de notes possibles. Heureusement, il n’en est rien, et les musiciens oublient
totalement leur ego.
Charger
de diriger les explorations de ce nouveau big bang , Allen Woody est étonnamment
à l’aise dans ce registre plus groovy. Dans un premier temps, la puissance tout
en finesse qu’il développe avec Matt Abbs fait forcément penser aux Allman
Brothers. Le rythme sautillant, parcouru de divagations hypnotiques , est dans
la droite lignée de ce que le groupe de Duane livrait sur « in memory of
Elisabeth Reed ».
Mais
Hayne et Scotfield ont aussi fait leurs classes dans un tribute band de
grateful dead , ils savent comment faire évoluer une mélodie. Le rythme se fait
de plus en plus doux , les instrumentaux deviennent de confortables édredons
sonores , et l’odeur du jazz se fait fortement sentir. On ne dira jamais assez
de bien de afro blues et devil like it slow , qui flirtent avec les grandes
heures du mashavishnu orchestra.
Ce
n’est pas pour rien que ce disque est totalement instrumental, toute parole
aurait brisé la beauté de cette symbiose virtuose. Les musiciens n’effectuent
pas des reprises dans le sens le plus strict du terme , mais plutôt dans la
tradition des grands big bang de jazz. Le titre est un repère, une base qui
permet aux musiciens de progressivement construire une symbiose unique. La
musique devient alors l’expression d’âmes unies dans un combat visant à
maintenir la force mystique qu’ils ont créé.
Cette
symbiose permet au groupe de développer une version plus raffinée du groove de
funkadelique, sans que l’on ait l’impression de changer d’univers.
lundi 11 mai 2020
Ian Dury and the blockheads : New Boots And Panties
1976, les sex pistols sont à l’affiche du Wollhampton
assembly theatre . Bien que nevermind the bollocks ne soit pas encore
sorti , les concerts chaotiques des mercenaires de Mclarren les ont placés en
tête de l’invasion punk. Le public présent ce soir n’est pourtant pas venu pour eux, mais pour les looser de Killburn and the Hight Road.
Crée depuis plusieurs mois, le groupe n’a pas encore
réussi à publier un disque, mais il rassure sans doute les organisateurs.
Vénéré par quelques Teddy Boy , il est mené par Ian Dury , une sorte de
Skinhead fan de Gene Vincent. La polio lui a taillé un physique de pantin punk,
qu’il accentue pour profiter de la révolution en marche. Les moqueries dont il
faisait l’objet dès ses sept ans l’ont aussi mené à développer un humour absurde,
qui achève de le faire ressembler à une incarnation du nihilisme no future.
Le punk est composé de jeunes pecnos, qui se faisaient les
dents sur la musique qu’il jouait avant eux. Les chroniqueurs ont appelés ça
pub rock , et ont préféré saluer le down by the jetty de Dr Feelgood, que les
rock vintage que son groupe jouait dans les bars. Ces types pensent avoir
découvert le fil à couper le beurre, et nomme ce proto punk « pub rock ».
En réalité, il n’y avait rien de nouveau sous le soleil, et,
si Gene Vincent vivait toujours, il jouerait sans doute avec Wilco Johnson. Il
pourrait aussi bien jouer avec les sex pistols , tant tous ces musiciens ont eu
leur révélation en écoutant le rock des origines , et découvraient que tout ce
dont le rock avait besoin était là.
Alors, quand Ian Dury a vu arriver les pistols , il a senti
qu’il tenait sa revanche, et ça n’a pas manqué. Quelques mois après sa
performance introduite par les sex pistols , il formait les blokheads , et
sortait enfin son premier disque. Les têtes de cons (blockheads) furent
rapidement adopter par une génération de crétins (traduction de punk), et le
disque fit un carton.
Sur la pochette le pantin punk semble déjà penser aux
chemises qu’il espère sur le titre de son album. Finit les séances de relooking
dans les friperies, le chanteur allait enfin pouvoir se procurer des habits
neufs.
Le disque est culte dès ses première minutes, qui
introduisent un riff clashien en diable. On retrouve ici l’humour grivois de
little Richard , qui n’aurait pas renié cette histoire d’homme se levant avec « un
cadeau pour le genre féminin » , et suppliant sa femme de le soulager de
son érection matinale. Ian Dury ne renie pas ses influences , mais il sait
comment les vendre. Des titres comme « blackmar men » ou « blockead »
sonnent comme du Chuck Berry joués sur un tourne-disque réglé à la vitesse maximum.
Le rythme se pose ensuite sur une mélodie doo woop , qui va vite partir sur une décharge de pur rock n roll , le tout en hommage à ce « sweet Gene
Vincent ».
Il y’a aussi chez notre cockney un coté pop digne des
kinks. Dury ne se contente pas d’une énergie brute et puérile, il emballe le
tout dans un vernis classieux qui sort du lot. Ce n’est pas pour rien que Paul
Mccartney reprendra plus tard « I’m a partial to your abracadabra »,
il sonne comme une version protéinée de ces « chansons de grand mères »,
haïes par John Lennon. Ian Dury réussit à donner au punk l’attrait des vieux
tubes pop anglais. On pense d’ailleurs encore aux Kinks , quand son accent
cockney introduit la gigue obscène « billbiway dixies ». Consécration
ultime, cette mélodie fait furieusement penser à « David Watts » , le
classique des frères Davies.
Ian Dury , malgré l’air léger de ses titres , donne aux
punks la finesse qui leur manquait jusque-là. Plus sérieux, le ska punk de my
old man achève de le placer parmi les artistes les plus intéressants de sa
génération.
Quelques jours plus tard , il fera l’erreur de publier « sex
drugs and rock n roll » en single. Sur disque, le titre aurait été la
cerise sur le gâteau, il ne deviendra qu’un single culte.
La version cd répare cette erreur, en l’ajoutant en
bonus. On peut alors apprécier à sa juste valeur ce sergent pepper de la
génération « no future ». Car, si le punk était une tarte lancée au
visage d’un rock trop prétentieux, new boots and panties est la pièce
montée qui écrase sa rage juvénile.
jeudi 7 mai 2020
Gov't Mule : The Georgia Box Bootleg
Ces derniers temps, je reviens
souvent à l’idée selon laquelle les frontières entre le blues, le jazz, et le
rock sont bien minces. Chuck Berry était un fan des grands jazzmen, qui lui
mirent un coup de couteau dans le dos historique, sur le film « jazz on a
summer day ». Au début les musiciens défendaient leur chapelle, autant
pour préserver leurs gagne-pains que par conviction. En perte de vitesse dès
la seconde partie des années 50, les jazzmen ne tenaient pas à être enterrer
par des manchots toit juste capables d’aligner trois accords.
Mais il y’avait, dans ces
éructations libidineuses , une énergie increvable. Plus opportunistes et rationnels,
les grands bluesmen reconnaitront leurs héritiers, et profiteront largement de
l’explosion du rock. Salués comme les inventeurs de cette puissance libératrice
, Muddy Water , John Lee Hokeer, et autres vieux routards, connaissent un
second âge d’or dans les sixties.
Le blues ne sera pas le
seul à être récupéré par des anglophones en pleine boulimie d’innovation sonore.
Le Jazz , lui aussi , ressuscite via les mélodies délirantes de soft machine ,
la folie sauvage des stooges trouve ses fondement dans le free jazz, et Zappa
part dans des improvisations interminables , suivant ainsi les enseignements de
Miles Davis et Coltrane.
La conquête est totale, l’harmonie
entre les genres parfaite, et c’est au tour du grand Miles de se frotter à sa
descendance. En pleine enregistrement de Bitches Brew , il affirme solennellement
avoir réuni le meilleur groupe de rock de tous les temps.
A l’origine de ce flirt
jazz rock, on en revient encore au sud-américain. Lieu béni où tout a commencé,
la terre natale de Muddy Water et Elvis accouche ensuite de l’allman brother
band.
Sorti en 1969, le premier
album du groupe est l’annonciateur d’une virtuosité qui s’épanouit
glorieusement sur « live at fillmore ». Là, sur la scène d’une salle
qui annonce la musique de demain, l’allman brother band se livre sans filet. Le
groupe est un vaisseau rutilant, qui démarre sur un blues rock carré , avant
que Duane ne fasse décoller sa carcasse à grand coup de solos vaporeux.
Si les Allman Brother sont
les jazzmen du blues , alors Duane est leur Miles Davis , celui qui
transcende le tout en plaçant ses notes au moment clef. Cette grâce virtuose,
cette union solenelle de musiciens connectés à la perfection dans un groove
blues jazz, le groupe va la perdre avec son soliste.
Lynyrd prend alors la
suite quelques années plus tard, mais la formule n’est plus la même. Tout évolue
très vite, et le groupe de Vand Zant est déjà le fruit d’une autre époque.
Fasciné par le blues boom anglais , Lynyrd part dans une direction plus pop.
Pour lutter à armes égales avec led zeppelin ou les who , les guitares sont plus
incisives , les improvisations plus tonitruantes, le jazz se fait la malle.
Loin de moi l’idée de
dénigrer un groupe aussi essentiel, ou de relativiser l’importance de la vague
qu’il a entrainé. Je souligne juste qu’il mettait fin à une certaine vision de
la musique sudiste. Les Allman Brother n’ont absolument pas été régénérés par leur
descendance, bien au contraire. Mené par un Gregg Allman ayant trouvé refuge
dans la boisson, le groupe décline progressivement. Même l’excellent « brother
and sister » n’a pas intéressé grand monde , et rares sont ceux qui
écoutent les albums suivant.
Et puis le groupe va trouver
un nouveau moteur en la personne de Warren Hayne. Aussi doué en soliste qu’a la
slide , Hayne entraine l’ABB vers un retour aux sources. Régénéré , l’ABB sort
d’abord « shade of two word » , qui renoue avec la beauté chaleureuse
de leurs débuts. Mais Hayne est aussi un improvisateur inventif, autant friand
de blues binaire que d’épanchement jazzy, et le live au beacon theater fait
renaître la flamme perdue depuis la sortie du live at fillmore.
En parallèle, l’Amérique s’est
lassée des mélodies mielleuses des années 80, et l’authenticité revient à la
mode. C’est d’abord le sud post Allman qui en profite avec le succès des black
crowes. Les riffs à mi-chemin entre les stones et led zeppelin montrent un
groupe faisant renaitre l’héritage de Lynyrd Skynyrd. L’histoire bégaie, mais la
musique portée par l’ABB n’en sera pas une nouvelle fois victime.
Warren Hayne est plein de
projets , et profite de ce contexte favorable pour les réaliser. Sorti en 1993, son premier album solo ne s’est pas vendu autant que les premiers succès des
black crowes, mais l’essentiel n’est pas là. Tout en puissance groove , le
disque posait les bases du projet qu’il réalise ensuite avec Allen Woody.
Les deux hommes partagent le
même amour du blues virtuose, amour qui nourrit la puissance du premier album
de gov’t mule. A une époque vouée à la puissance sonore, on se pâme sur cette
violence crue , qui fait dire à beaucoup que le jimi hendrix experience a
trouvé un nouveau descendant. Comme l’Allman Brother Band , gov’t Mule
privilégie l’efficacité sur ses disques , qui paraissent presque pâles à coté de
ses prestations sur scène. C’est d’ailleurs le groupe des frères Allman qui lui
met le pied à l’étrier, en l’invitant à faire sa première partie.
Les premières minutes que
le groupe passe face à son public sont capitales, elle conditionne ce que
sera le reste de sa carrière. Et c’est précisément ces premières minutes que l’on
découvre sur « the georgia bootlegs box ». Pour marquer le coup, le
riff de blind man in the dark sonne comme une sirène annonçant le règne de nouveaux
conquérants. On pourrait rapprocher cette puissance menaçante avec l’immigrant
song de led zeppelin , le groove en plus. On découvre d’emblée à la face la
plus direct de la mule, celle qui pointait si bien son nez sur le premier
album. Cette force, gov’t mule la revendique clairement lorsqu’il reprend le
pachydermique « don’t step in the grass sam », le brûlot proto hard rock de Steppenwolf.
Mais la Mule ne partage
pas la précipitation fulgurante du groupe de John Kay. Sa puissance, il lutte
pour la perpétuer dans de longues improvisations, où il salut Zappa , pink foyd
et grateful dead au détour d’instrumentaux plus apaisés. On passe du Mississipi
à la Californie, de la hargne hard blues à la folie psyché prog.
Et puis l’envie de faire
parler la poudre se fait de nouveau sentir, et le groupe entérine sa conquête
sur un young man blues à faire rougir Towshend , avant de saluer la puissance irrésistible
de Billie Gibons sur « just got paid ».
En cette année 96 , Gov’t
mule achevait de réhabiliter cette vieille virtuosité sudiste. Le Jazz et le
blues flirtait de nouveau sous le regard bienveillant de la fée électricité, et
Duane Allman aurait sans doute regardé ça avec un sourire plein de
satisfaction.
Whiskey Myers : Firewater
Qu'est ce que la musique ? Chacun a sa réponse à cette question essentielle , mais tous devraient s'accorder sur le fait qu'il s'agit d'une peinture sonore , un poème dont les accords forment les vers. Un bon disque, comme un bon livre ou un bon film, n'a de valeur que si ce qu'il exprime transcende son époque. On lira encore Buckowski et Camus dans cent ans, tout comme la bibliothèque du congrès conserve précieusement les plus grandes œuvres de Dylan et des Beatles.
Ce qui manque le plus aux musiciens aujourd’hui, c'est ce qui paraissait
évident pour les maisons de disques mythiques. Cette idée est d'ailleurs
parfaitement résumé dans "walk the line", le biopic sur Johnny Cash,
qui est aussi le meilleur biopic de tous les temps. Nous sommes donc dans les
années 50 et, après avoir effectué son service militaire, Cash décroche enfin
sa première audition.
Il entame donc un de ces gospels cuculs qui pullulaient à l’époque, et le
producteur l’interrompt après quelques notes. Quand Cash proteste , l'employé
du label sun lui lance cette diatribe géniale:
"Quelle est LA chanson qui vous résume totalement, LA dernière
chanson que vous chanteriez ? Parce que c'est celle-là que les gens veulent
entendre!" Alors Cash entame Folsom prison blues , un titre qu'il écrivit
lors de son passage dans l'armée , et qu'il joue pour la première fois. Les mots
du producteur prennent alors tous leurs sens. Cash n'interprète plus sa
chanson, il la vit.
Le sud-américain a d'ailleurs toujours été proche de cette authenticité ,
qui lui a permis de donner à l’Amérique les plus beaux chapitres de son histoire
musicale. Le sud, c'est la terre natale d’Elvis. Ses bars furent les témoins du
parcours désespéré des contemporains de John Lee Hooker, avant de voir Lynyrd
combattre ses producteurs, pour imposer sa vision du rock.
Whiskey Myers démarre sa carrière en creusant le sillon d'une country
redevenue cool après les derniers succès de Cash et Kenny Chenney. Si sa
musique n'est pas vraiment dans le sillon des enfants de Lynyrd , il suffirait
que les sudistes haussent le ton pour s'en approcher. La frontière entre country
et rock sudiste a souvent était mince, et les années 70 ont vu plusieurs groupes
flirter avec ses mélodies terreuses.
On citera, à titre d’exemple, les excellents premiers
disques des outlaws , et « brothers and sister » des frères allman. Whiskey
Myers suit donc le chemin dessiné par ses ainés, et firewater le fait entrer de
plein pied dans les terres ancestrales du sud. Le rock fait son entrée de façon
tonitruante sur les rugueux « bars guitar and hony tonk » et « guitar
picker ».
Les guitares acérées, chaudes comme un barbecue texan,
secouent ensuite le blues avec un entrain que n’aurait pas renié Billy Gibbons.
Il faut pourtant que nos pistolero ralentissent le rythme, pour tisser la
traditionnelle fresque nostalgique. Comme « highway song » (de blakfoot)
et « fall of the peacemaker » ( de Molly Hatchet) avant lui , « ballad
of a southern man » est forcément un écho de free birds , mais c’est précisément
ce genre d’échos qui nourrissent les mythes.
« Mon premier
fusil était un calibre 243
Que grand père a
donné à papa qui me l’a donné
Et ils m’ont
appris à tirer d’une main ferme
Je pense que c’est
quelques chose que vous ne comprenez pas » (ballad of a southern man)
En dehors de toute opinion politique, on ressent dans ces
mots la puissance d’un souvenir qui marque une vie, cette force décrite au
début de cette chronique. Qu’il parcourt les terres du missisipi à grands coups de riffs cadencés, qu’il dégaine
un heavy rock à faire rougir Jimmy Page , ou qu’il s’achève sur un folk
intimiste , firewater renvoie la même image.
Celle d’une terre qui façonna la musique américaine, et
lui permet encore de garder un peu de sa splendeur.
dimanche 3 mai 2020
The Jim Jones Revue : Burnning Your House Down
Jim
Jones rejoint ses premiers groupes à partir de 1988. Le rock se réveille alors
de son long cauchemar grâce à la résurrection du hard rock. Les guns ont commis
le casse du siècle avec appetite for destruction , et tout le monde réclame sa
part du butin. Il y’a les vieux routards d’abord, qui se libèrent de la guimauve radiophonique,
pour retrouver la verve de leurs débuts. Le « groupe le plus dangeureux d’amérique »
a aussi entrainé toute une arrière garde au succès aussi rapide qu’éphémère.
Symbole
de de ce revival, le passage des guns à Paris en 1992 fut le théâtre d’un duel
historique entre Slash et Joe Perry. Le
rock avait repris confiance en lui, et les riffs des White Stripes prirent la
relève au début du 21e siècle.
Pendant
ce temps, les groupes de pop garage de Jim Jones végétaient dans une Angleterre
obnubilée par la britpop des frères Gallagher. Las de prêcher dans le désert ,
Jim Jones plaque tout , il a trouvé un alter ego plus proche de ce qu’il veut
jouer. Rupert Orton partage la même passion pour le rockabilly et le son de Détroit,
un cocktail qui vit pour la première fois le jour grâce au MC5.
Le
son de la Jim Jones Revue s’est mis en place de façon instinctive, Jim Jones
enfourcha sa guitare, et le groupe le suivit instinctivement.
Premier
essai : Boom Boom Badoom Boom
Second
essai : Boom Badoom Boom Boom
De
toute évidence ces musiciens tenaient une formule parfaite . LA formule
parfaite du rock n roll. Il leur suffisait désormais de rester callés sur ce modèle
, accélérant et ralentissant le rythme selon leur instinct , alors que leurs
guitares subissaient les pires outrages. Après tout, les grandes figures du
rock originel qu’ils aiment tant n’ont rien fait d’autre. On peut d’ailleurs constater
que, le MC5, c’est surtout le rock des origines agrémenté d’une fureur
nihiliste à faire s’écrouler les usines de Détroit.
Ils s’en sont d’ailleurs bien rendus compte quand, en 2009, Chuck Berry les a
embauchés pour effectuer la première partie de sa tournée anglaise. Leur musique contenait la même énergie que la musique du premier maitre du riff.
Lorsqu’il
entrèrent en studio, pour graver ce fire on the floor , les producteurs se
frottèrent les mains. Pour eux, le groupe a la puissance primaire de the go ,
premier groupe d’un Jack White en pleine ascension. Alors ils vont se charger
de donner à cette fureur un écrin correct, qui ferait presque dire que Jim
Jones revue a remplacé la fureur crasseuse de the go par une certaine classe
rugueuse.
Ici,
on ne fait pas dans la dentelle . Le swing belliqueux est souligné par un piano
qui semble tenu par le killer (Jerry Lee Lewis) lui-même. « Burnin your
house down » sonne comme les stray cats boostés aux amphétes , c’est le
son d’une bande de guerriers déchainant les foudres d’un rock qui fut
foudroyant avant de devenir heavy.
Dishonest
John semble sorti des grandes heures de Détroit, high horse donne des leçons
de boogie à foghat , et cette pression ne redescend jamais. Jim Jones éructe
comme une version ultra virile de l’iguane, poussé au cul par un beat binaire à
réveiller les morts. Pendant les rares moments où la guitare s’attarde dans de
petites envolées solitaires, ses hurlement métalliques ne font qu’accentuer la
puissance de l’éruption.
« Burning your house down » n’obtiendra malheureusement qu’un succès d’estime, le
rock commençant déjà à se terrer dans l’underground. Qu’importe, ces quelques
minutes montrent que, cette année-là, la Jim Jones revue représenta le rock
dans ce qu’il a de plus direct.
Inscription à :
Articles (Atom)