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lundi 24 février 2020

Bob Dylan's dream's : episode 4


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La nouvelle parue quelques mois plus tard, Dylan venait d’avoir un accident de moto. La pression mise sur ses frêles épaules avait fini par le toucher gravement, et l’incitait à se cacher pendant plusieurs mois. Adoré par une partie du public, détesté par celle qui avait vu ses débuts, le barde était au milieu d’une pièce dont il ne voulait plus jouer le rôle principal.

Son accident lui donnait une chance d’échapper à l’hystérie qui l’entourait, et de devenir un père de famille comme les autres. On le savait pourtant déjà actif, jammant dans la cave poussiéreuse de sa maison de woodstoock , comme un ermite se préparant à renaitre. Les cassettes de ces jams s’échangeaient déjà sous le manteau, sans que l’on sache qui a bien pu capter les dernières pépites d’une mine devenue inféconde.

Ces titres électriques ne laissaient pas présager le choc qui attendait les nouveaux Dylanophiles. Le guide générationnel s’était mué en père de famille comblé, et il développait désormais une musique retranscrivant cette sérénité retrouvée.  

Sorti en 1969, après près d’un an de silence, John Whesley hardin montrait que Dylan n’était jamais où on l’attendait.

« John Whesley Hardin
Was friend to the poor
He traveled with a gun in every hand
All along the country side
He oppened many doors
But he was never know
To hurt an honnest man »

Le poète beat faisait place à un countrymen contant la vie des légendes de l’ouest, et le progressisme faisait place à la tradition, incitant le poète à nourrir sa prose de récits bibliques.

«  Well Juda , he just winked said
All right . I’ll leave you here
But you better hurry up and choose which of thoose bills you want
Before they all disepear
I’m gonna start my piking right now
Just tell me where you ll be
Judas point down the road
And said eternity »

Celui qui avait conduit ses auditeurs sur le chemin du changement brusque et sans retour, racontait des récits à la gloire chère à l’Amérique profonde. A ce titre, la nouvelle version de girl from the north country était tout un symbole. Sortie sur un « nashville skyline » encore plus Countryman et léger que son prédécesseur, elle entrait désormais dans les terres ancestrales de la country , grâce à la voix de baryton de Johnny Cash.

Dylan espérait sans doute qu’on le lâche , que son statut de guide s’évanouisse dans sa célébration country, musicalement il obtint le contraire. L’arrière garde psychédélique , qui avait grandi avec ses chanson , ne pouvait que suivre ses pas pour sauver sa peau. Cela donnera « hot tuna » , disque country blues enregistré par d’ex Jefferson airplane , le workinman’s dead du grateful dead , et sweatheart of the rodeo des Byrds.

Ajoutez à ça la reprise tonitruante de « all along the watchtower » d’Hendrix, et vous obtenez un écho qui maintient désespérément son créateur au sommet de la mêlée. Il faudra un troisième disque pour que l’artiste parvienne à effectuer son hara kiri artistique.

Sorti à peine un an après Nashville Skyline , self portrait est , dans ses meilleurs moments parcouru par un charme bluegrass rappelant vaguement le band. Mais ses rares éclats étaient noyés dans une bouillie infâme et indigeste, où Dylan chantait comme un crooner léthargique.

Alors, on crucifia l’idole, en rabâchant sans cesse l’évidence, son dernier disque était une daube putride. Le mythe fut si bien détruit, que certains pensent encore que sa carrière est réellement morte avec ce self portrait.    

Le disque ouvrit surtout la voie à new morning, album qui parvient à mettre un peu d’ordre dans le bazar grandiloquent de son prédécesseur. Le rock n’avait pas encore terminé son retour à la terre, mais celui-ci s’exprimait désormais à travers le blues abrasif de rednecks bourrus.

New morning trempait ses racines dans la même source que les contemporains de Lynyrd, mais il l’exprimait avec une classe mélodique plus apaisée. Dernier chapitre de sa période bucolique, son passage dans Pat Garett et Billy the kid ne fut pas des plus mémorable. Le film manquait de consistance, et Dylan semblait perdu au milieu de son intrigue. La bande son lui permit au moins d’écrire « knocking on heaven’s door », qui deviendra un tube planétaire.

Mais comme à son habitude, Dylan est déjà passé à autre chose quand son public découvre son dernier album.  De retour avec le band, il reprend les choses là où « blonde on blonde » les avait laissés. Sorti en 1974, Planet waves sera un de ses plus grand succès, c’était pourtant le disque le plus prévisible qu’il ait jamais écrit.

A l’image de la version country de « forever young » , le disque semble remplir un vide dans la carrière du chanteur. C’est une dernière concession faite aux nostalgiques de l’époque où il se battait pour imposer son virage électrique , un joujou pour fans nostalgiques.

Coincés entre le rock poussiéreux du band , et un reste d’influence country , Dylan mélangeait maladroitement les deux. Le band a d’ailleurs avoué qu’il avait accepté la tournée qui suivit pour renflouer ses caisses.

Dylan n’était plus à l’aise dans ces gigantesques célébrations, où le public semblait plus désireux de s’amuser que de réellement écouter sa prose. Et, du côté de sa vie personnelle , le bilan n’était pas plus brillant, et celle qui lui avait apporté un certain équilibre semblait prête à mettre les voiles. 

La longue fresque « sad eyes lady of the lowland », les rythmes bucoliques de sa période country, une bonne partie de l’âge d’or de Dylan fut influencée par la présence rassurante de Sara. Son départ progressif va influencer un nouveau virage, plus intimiste et méditatif. 

Avec Blood on the tracks , Dylan devenait le Dostoïevski du rock , mais les âmes désespérées que ses vers dessinaient n’étaient qu’une métaphore de ses tourments. Le disque fut unanimement salué comme «  le grand retour du génie Dylanien », alors que son auteur avait déjà abandonné la nostalgie de ce disque. 

Nous sommes en 1976, et une musicienne se balade dans les rues de new york avec son instrument à la main. Une voiture s’arrête près d’elle, et la conductrice lui demande si elle souhaite participer à un enregistrement au studio columbia. Cachée par son ombre, elle ne reconnait pas le passager qui semble être à l’origine de cette demande. Dylan avait embauché Scarlett Rivera simplement parce qu’elle portait cet étui à violon, violon qui illuminera la musique de desire.

L’idée menant à l’enregistrement de desire est née à Saint Marie de la mer, où Dylan était parti s’exiler quelques jours. Le soleil était à son Zenith , et ses rayons éclairaient une plage proche des décors de cartes postales. Un rassemblement attira son attention. Les gens du voyage étaient venus célébrer leur liberté sur cette plage, et leur joie attirait le poète.

Le voilà donc au milieu au milieu de chants mystiques, blues tzigane irrésistiblement festif. Alors forcément, quand il dit qu’il est musicien à une audience qui ne le connait même pas de nom, on lui tend généreusement une guitare. Il invente donc une mélodie enivrante, et les mots lui viennent si naturellement , qu’il semble possédé par un esprit supérieur.
                                                 
« One more cup of cofee for the road
One more cup of cofee where I go
To the valley bellow »

Ce jour-là, au milieu de ces gens qui ne connaissaient pas son nom, Dylan a retrouvé la joie de jouer pour le plaisir. Si chaque auditeur tente désespérément de retrouver les sensations procurées par son premier coup de cœur musical, le musicien lutte pour garder la fraîcheur de ses débuts. 

L’artiste n’est jamais aussi bon que quand il est pris d’une frénésie créatrice. Les œuvres qu’il produit peuvent alors être un peu bâclées, son esprit partant taquiner d’autres muses avant de terminer son ouvrage. Mais l’esquisse qui naît ainsi est dotée d’un charme qui aurait été tué par un processus plus méticuleux. Notre culture n’est, en fin de compte, qu’un amas de brouillons fascinants.

C’est précisément cette frénésie qui fit naître « desire », alors que blood on the traks n’était dans les bacs que depuis quelques mois. Le fossé qui sépare les deux œuvres est impressionnant. Torturé et grave, blood on the tracks est un disque introspectif, dont la sobriété renforce la puissance émotionnelle.

Desire , au contraire , est un disque électrique , festif , et foisonnant. C’est la célébration d’un homme qui a trouvé une nouvelle voie, et la folie de ses débuts. Quand il a fallut promouvoir le disque , Dylan refusa clairement de retrouver la grandiloquence vulgaire des tournées des stades.

Il recontacta Joan Baez , qu’il n’avait plus vue depuis son retour d’Angleterre , ainsi que Roger Mcguinn , et une poignée d’amis recrutés sur la route. Voilà donc nos clochards célestes embarqués dans un van, tels de jeunes idéalistes à la recherche de la gloire.

La rollin thunder revue était une catastrophe financière, en grande partie financée par Dylan lui-même. Mais c’est justement ce que son initiateur cherchait, il voulait retrouver l’énergie de celui qui lutte pour imposer son art.

Les premiers concerts furent grandioses, une expression de liberté comme le rock en connaîtra de moins en moins. Placé en ouverture, « When I paint my masterpiece » était une bluette nostalgique introduisant parfaitement la cérémonie.

Nostalgique , cette tournée l’était en partie. Le point d’orgue du concert était d’ailleurs le duo Dylan Baez , le roi et la reine de la folk ressuscitant le temps d’une tournée. Baez n’a d’ailleurs jamais si bien chanté que sur ce « dark as donjons » poignant, il faut dire que le groupe développait une folk spirituelle des plus raffinées.

Quelques minutes plus tard, la performance se concluait sur « this land is your land » , où Dylan rend hommage à Guthrie , en compagnie de Jonie Mitchell et Roger Mcguinn. Cette chorale finale représentait bien l’esprit bon enfant d’une tournée aussi spontanée que mythique.

Certains purent surtout se délecter des meilleurs versions de classiques du répertoire Dylanien, comme « sad eyes lady of the lowland », « tumbled up in blues » , et autres brûlots lyriques réadaptés par un groupe bluegrass folk.

Mais les lois du marché sont impénétrables, et le déficit força Dylan à côtoyer de nouveau les stades qu’il maudissait. De ce retour forcé naîtra « hard rain » , un live terne et déprimant comme un lendemain de fête. Il faudra deux ans pour que Dylan fasse le deuil de cette période magnifique, deux années de silence totale.

            

dimanche 23 février 2020

METAL URBAIN : Les hommes morts sont dangereux *


Formation : (musiciens ayant participé à Métal Urbain période 1976-80)

Clode Panik : chant

Eric Débris : machines puis chant après le départ de Panik

Pat Luger : guitare

Hermann Schwartz : guitare

Ricky Darling : guitare

Zip Zinc : machines

Charlie H : machines




Métal Urbain fondé en 1976 est l'un des premiers groupes punk français (avec Asphalt Jungle et Stinky toys) mais surtout le meilleur.
Dès le départ il créé son propre style, différent du punk anglais, avec une esthétique clairement influencée par Warhol (et le pop art), le Velvet Underground, Bowie, sans négliger les Stooges dont il reprend « No Fun ». Mais surtout avec
sa boîte à rythme, ses "machines" et ses "bidouillages" vaguement électro, Métal Urbain est un vrai pionnier, le créateur d'un nouveau genre dont il vient de donner naissance sans le savoir : l'électro punk (nommé ainsi bien plus tard) ; Métal Urbain se place d'emblée à l'avant garde  et influencera de nombreux groupes des années 80 et 90, les Bérurier Noir en tête, presque un précurseur du post punk mais ils ont  peut-être eu le tort d'être trop tôt en avance sur son époque car la reconnaissance ne viendra que beaucoup plus tard. Trop tard
même.


La première chose qui frappe est que la boîte à rythme est remarquablement utilisée, donnant aux morceaux une créativité nouvelle et jusque là quasi inédite : mélange de punk et d'électro (attention ce sont bien les guitares qui sont en avant les "machines" et "programmations" n'étant là pour que "colorer" les compos). Et en fait en écoutant attentivement c'est plus subtil qu'il n'y paraît de prime abord notamment au niveau des arrangements.
« Les hommes morts sont dangereux» sorti en 1981 alors que le groupe était déjà dissous est en fait une compilation de divers enregistrements de 1976 à 1980 (45 tours, Peel sessions...) ; de même que l'excellente compilation « l'Age d'or » reprend l'album « Les hommes morts sont dangereux » bonifié d'inédits, de reprises et de live.


En fait les albums/compils « l'age d'or », « crève salope » ou « les hommes dangereux » regroupent plus ou moins les mêmes titres.
Comme de nombreux groupes punk les textes sont provocants, subversifs mais intelligents et plutôt originaux, associés à une certaine sophistication, à un esthétisme assez avant-gardiste.
Ajouté à cela un sens inné de la compositions, une utilisation des machines qui apporte indéniablement un plus, des morceaux entraînants et des refrains au petit oignon (« Atlantis ») et vous avez du punk remarquablement novateur pour l'époque.
D'ailleurs de nombreux groupes ou artistes ont reconnu l'influence de Metal Urbain : Bérurier Noir, Jello Biafra (Dead Kennedys, Lard), Steve Albini (Big Black, Shellac).


« Ghetto » : on a l'impression d'écouter le premier album des Ludwig von 88 dix ans avant sa sortie.
« Hystérie connective » : ma préférée, avec des textes complètement délirants ET surréalistes.
Beaucoup d'excellentes compositions : « Panik » (le titre qui les a fait connaître) , « Paris maquis », « 50/50 », « Anarchie au palace » (qui dénonce dès la fin des 70s la récupération du punk par les snobinards  branchés, Régine en tête), « Crève salope » et ses paroles sulfureuses qui s'en prend au chroniqueur rock Philippe Manoeuvre ... des classiques du groupe et plus généralement du punk français.


A noter également le très bon « Numéro zéro » et « E 202 » qui se moque des écologistes de manière assez marrante et provocatrice.
Sur « Lady coca cola » on a une autre facette de Métal Urbain : de la cold wave electro avant gardiste différent des autres titres où l'esthétisme pop art est présent et où les bidouillages synthétiques sont délibérement mis en avant, donnant une sensation de froideur majestueuse.


Citons enfin « Clé de contact », morceau là aussi différent au niveau du rythme, plus rapide tout en restant très rock.
Le groupe a connu un certain succès à l'étranger notamment aux USA mais il a été descendu en France par la presse rock de l'époque (Best et Rock and folk) d'où une rancune tenace vis à vis de ces magazines et notamment vis à vis de Manoeuvre et Eudeline (pourtant un ancien punk celui là !!).
Metal Urbain se reformera en 2006 pour un nouvel album (produit par Jello Biafra himself) correct sans être extraordinaire « J'irais chier dans ton vomi »), Eric Débris qui officiait au synthé/programmation ayant remplacé avec moins de talent Clode Panik le premier chanteur.


Mais que ce soit avec cet album ou avec l'Age d'or ou Crève salope on réécoutera avec plaisir l'un des groupes les plus marquants et innovants de l'histoire du rock français. Et si Métal Urbain demeure moins connu que les Bérurier Noir il reste le groupe français le plus important, le plus influent et le plus créatif de l'histoire du punk de notre Héxagone
Car si la France n'est pas un pays de culture rock on a quand même eu quelques sacrés bons groupes, il suffit juste de chercher un peu pour les trouver...


* Sorti en 1981 mais composé de titres enregistrés entre 1976 e
t 1980 et essentiellement de 1977/1978 (singles, Peel Sessions
..)


samedi 22 février 2020

Bob dylan's dream : partie 3


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A partir de là, les évènements s’enchaînèrent à une vitesse folle. « The freewhelin Bob Dylan » fut enregistré au studio A de Columbia, et réussit à conquérir les foules avec une folk authentique mais plus lisse. Le fossé qui sépare ce disque du précèdent est déjà énorme. Dylan a abandonné les reprises appliquées, pour développer sa propre voie, qui était aussi celle de sa génération.

Le succès du disque lui permettait de quitter les hootenanies , ces réunions de folk singer habités par la pureté de leur art , pour débarquer au festival de Newport. Kennedy était encore à la maison blanche, et son mandat nourrissait les rêves d’une jeunesse qui voulait croire aux lendemains qui chantent.

Derrière l’ascension du grand Bob, il y’avait Joan Baez, qui était déjà au sommet de sa gloire lyrique. C’est avec elle qu’il offrit au spectateur le plus beau moment de ce festival :

« A bullet in the back of a bust took Medgar’s Ever blood
A fire fired the trigger to his name
A handle hid out in the dark
A hand set the spark
Two eyes took the aim
Behind a man’s brain
But he can’t be blame
He’s only a pawn in their game »

Dylan ne le sait pas encore, mais ces mots prendront une dimension prophétique, quand l’espoir au pouvoir sera foudroyé d’une balle dans la tête.

« Seulement un pion dans leur jeu », tout le monde comprit la leçon dispensée ce soir-là. Si, comme le disent ses vers, chacun peut avoir participé à la construction d’un criminel, alors le crime ne peut être qu’une œuvre collective. C’est le sens de ce festival de Newport, et de ses petits frères Woodstock, isle de Wight , et glastonburry, exorciser cette violence que la société nourrit inconsciemment.  

Ce moment va aussi conditionner la perception qu’on aura de Dylan pendant les années à venir, perception que l’intéressé rejettera toujours. Le costume de guide d’une génération ne convenait pas à son caractère farouchement indépendant. D’ailleurs, alors qu’une partie de sa génération commence à le déifier, Dylan a déjà la tête ailleurs.    

En 1964 , des Beatles au sommet de leur gloire rencontrent le barde de New York. Si les ventes de Bob Dylan restaient modestes par rapport à ses amis anglais, sa réputation avait tout de même traversé l’atlantique.

Venu conquérir le pays de l’oncle Sam, le groupe de John Lennon déclencha une hystérie qui le dégoûta de la scène. Dans sa chambre d’hôtel, Dylan offrit aux quatre de Liverpool leurs premiers joints, pendant que Lennon passait ses disques de Buddy Holly.

Pour les Beatles , la révélation se trouve dans les délires provoqués par la fumette , délires qui furent la première influence qui mènera à l’enregistrement de sergent pepper. Dylan, lui, était scotché aux mélodies déversées par l’électrophone. Sa nouvelle voie venait de lui être révélée, il fera du rock.

Mais comment évoluer vers cette musique plus directe sans se renier totalement ?
                                                                                                                 
Les puristes du folk ne l’effrayaient pas , sa décision était prise, mais il cherchait son propre swing. Et c’est un de ses descendants qui lui montrera la voie.
Les Byrds s’étaient formés après avoir vu le film « a hard day night » des beatles, et enregistraient leur premiers titres dans les mêmes studios que Dylan. Passant devant leur salle d’enregistrement, le Zimm reconnut « Mr Tambourine man », ce folk  nourri par le surréalisme de Dylan Thomas , qu’il chantait à chaque concert. 

«  Hey Mr Tambourine play a song for me
I’m not sleepy and there is no place I’m going to
Hey Mr tambourine play a song for me
In the Jingle jangle morning I’me come followin you »

Ces mots étaient entrés dans la légende, et trouvaient désormais un accompagnement aussi fort que leurs glorieuses visions. Les Byrds lui firent l’effet d’alchimistes fascinants, inventant un nouveau culte en mélangeant sa prose à la beauté électrique venue de Liverpool. 

Cette découverte l’enthousiasma tant qu’il courut enregistrer sa propre version électrique. Bouclé en urgence, « brin git all back home » sortit en 1965, quelques jours avant le single des Byrds. Ralenti par une série de déboire avec Columbia, le groupe de David Crosby s’était fait doubler par son idole.

Dans le milieu très conservateur du folk, on s’offusqua de voir que Dylan avait vendu son âme à la fée électricité. Ce que Dylan « ramenait à la maison », c’est le son vulgaire et bruyant du rock commercial anglais.

Les puristes voyaient le folk comme un archipel accessible uniquement aux initiés, et voilà que leur principal porte-parole vendait les clefs du temple. Et ce n’est pas ce film, où il apparait en compagnie de Ginsberg, ni la beauté foudroyante  de vers dignes de « howl » , qui allait apaiser ces illuminés.

La même année, il s’était rapproché de Mike Bloomfield, qui vint illuminer sa poésie à grands coups de riffs bluesy. Plus grand guitariste de son époque, Bloomfield montrait ainsi la voie du folk rock, après avoir initié le rock psychédélique sur « east west » , le second album du blues band de Paul Butterfield.

Drapé dans le groove hargneux de son nouveau guitariste, Dylan pouvait cracher à la figure de ses détracteurs avec classe. « higway 61 » représentait le sommet de ce mélange de rock et de poésie qui fait désormais sa gloire, c’est un road trip musical, « sur la route » version rock. Au milieu de ce voyage, ses mots étaient lancés comme des obus venant abattre les murs du conservatisme :
                        
« You walk into the room
With your pencil in your hand
You see somebody naked and you say Who’s that man
You try so hard
But you don’t understand
Just what you’ll say
When you get home
Because there is somethin happenin here
But you don’t know what it is
Do you , Mister Jones »

Mister Jones désignait tout ceux qui, consciemment ou par bêtise, restaient en gare alors que le train du progrès poursuivait son ascension glorieuse. Lointain écho de « the time they are changin » , ballad of a thin man était un blues électrique d’une puissance remarquable. Ce qui constituait un autre affront fait aux ayatollahs du folk.  
Les concerts suivants furent de véritables combats, où Dylan et son groupe accentuaient la violence de leur rock, pour imposer la révolution en marche. Menacé de mort, traité de judas sur scène , Dylan transforme cette tension en énergie créatrice.

«  They stone you when you’re tryin to be so good
They stone you ya juste like they say they would
They’ll stone you when you try to go home
Then they’ll stone you when you’re all alone
But I would not feel so all alone
Everebody must get stone »

Jeu de mot entre le terme lapider et le fait d’être défoncé, ce titre, ouvrant ce qui restera son chef d’œuvre ultime, annonce la hargne d’un homme qui sait qu’il vient de gagner son combat. Blonde on blonde sortit en 1966, et ces vers montrent un homme passé de la colère au mépris.

Il sait que ce disque, plus qu’aucun autre, fera date, c’est un monument nourri par l’incompréhension qui l’entourait, une œuvre dépassant les codes du rock pour créer une véritable poésie musicale.  Derrière lui, le band est venu donner plus de consistance à ses rêves provocateurs. Un groupe formidable venait de naitre, et pourtant il vivait déjà ses dernières heures.
   

jeudi 20 février 2020

Bob Dylan's dream : Episode 2

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Dylan est donc arrivé au studio Columbia, où John Hammond l’observe avec attention. Il faut dire que, en plus de Carolyn Hester, un cador du label est venu lui chanter les louanges du « gamin venu du Minnesota ».

Ce jour-là, Johnny Cash trainait par hasard au Gaslight , et découvrit pour la première fois celui dont la notoriété ne faisait que croître à New York. Le début du concert était un peu bizarre. Le jeune homme amusait le public en maudissant une guitare, qu’il accordait avec difficultés. Sur ses reprises de folk/ blues, il se dandinait comme un pantin burlesque.

Mais Dylan avait cette voix , si mature pour un jeune homme de son âge, et dont le phrasé si juste fut éblouissant quand il attaqua « in my time of dyin »

« In my time of dyin
Don’t want somebody to moan
All I want for you to do
Is take my body home
Well , well , well , so I can die easy »

Ce gosse avait à peine l’âge de quitter les jupons de sa mère, et pourtant il chantait ce blues mieux que la plupart des braillards pathétiques qui tentaient de se faire une place au soleil. C’est après cette soirée que Cash s’empressa de contacter John Hammond.

« Il y’a un petit gars en ville qui se débrouille pas trop mal. Tu devrais le signer avant qu’un autre ne le fasse. Il s’appelle Bob Dylan. »

Hammond n’eut pas le temps de répondre, son interlocuteur avait déjà raccroché. Il n’avait pas besoin d’en dire plus, que Cash se dérange à cette heure pour lui parler de Dylan en disait déjà long sur le potentiel du garçon. Aujourd’hui, Carolyn Hester lui apportait ce petit prodige sur un plateau, et Hammond pouvait ressentir son charisme.

Après lui avoir demandé de jouer un titre, qui s’avéra être celui que Johnny Cash avait entendu la veille, John Hammond lui proposa rapidement un contrat d’enregistrement. Le premier album qui en découla fut enregistré rapidement, et était surtout composé de reprises. Il constituait un manifeste puriste, le point de départ d’un artiste qui revendique ses racines avant de les dépasser.

Le disque ne se vendra pas bien, il était bien trop traditionnel pour ça. Sa force ne se trouvait pas dans la beauté de mélodies alambiquées, mais dans ce phrasé, à mi-chemin entre ses ancêtres folk et les rêveurs de la beat generation.

A une époque où Londres réinventait la pop, ces chansons acoustiques faisaient fuir une jeunesse plus tournée vers l’avant garde. Rapidement surnommé l’aberration Hammond, ce bide fit de Hammond la risée du music business, qui pensait que l’homme avait fait son temps.

Aussi limité fut-il, le public folk qui acheta le premier disque de Dylan lui offrit une sécurité financière qu’il n’avait jamais connu. Le chanteur en profitait pour soigner son apparence, passant des heures dans les boutiques, pour trouver le look le plus « authentique ». Il n’était pas qu’un opportuniste, même si il savait que le folk était le tremplin qu’il cherchait, pour imposer son image au côté des grands poètes qu’il vénérait.

Sa petite notoriété lui permis aussi d’être suivie par un homme en costard , qui cherchait désespérément à entrer en contact avec lui. A cette époque, Dylan commençait seulement à bouleverser les codes du folk, ses textes faisant preuve d’une profondeur inédite.
Grossman cherchait un artiste capable de produire une « folk grand public », une musique aussi attirante que la pop , mais dotée de cette authenticité qui fait les œuvres intemporelles. Dévoilé ce soir-là , « a hard rain is gonna fall » montrait un artiste sensible aux angoisses de son temps, et les exprimant avec une sensibilité poétique inédite. 

«  Oh were have you been, My blue eyes son ?
Where have you been my darling young one ?
I’ve walked and I’ve crawled on six crooked highway
I’ve been out in front of a dozen death ocean
I’ve been ten thousand miles in the mouth of a graveyard
And it’s a hard , It’s a hard , It’s a hard
It’s a hard rain gonna fall »

Lorsqu’il chantait ces mots , Dylan avait l’aura fascinante d’un messager de l’apocalypse. Quelques jours auparavant, Fidel Castro avait accepté que les russes installent leurs missiles sur les côtes Cubaines, à quelques encablures de son « ennemi impérialiste ». 

Heureusement, les russes n’étaient pas encore prêts à lancer une troisième guerre mondiale, et la crise prit fin après les menaces de Kennedy. Mais tous étaient désormais conscients que les deux supers puissances avaient les nerfs à vif, et qu’il suffirait de pas grand-chose pour que l’une d’elle appuie sur le bouton atomique.

Quand il réussit enfin à approcher Dylan , Grossman ne met pas longtemps à devenir son manager.


mercredi 19 février 2020

Bob Dylan' dream : épisode 1

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Encore un groupe qui le largue, Robert Zimmerman commence vraiment à sentir le poids glacial du désespoir.  
Au début, il crut que ces abandons étaient dus à son allure hésitante, sa personnalité austère, et son amour de la littérature. Il n’avait ni la stature, ni le charisme animal qu’on colle généralement aux rock stars , et passait autant de temps à écrire des poèmes qu’à jouer de la guitare. Mais le problème était bien plus simple et, à chaque fois, un de ces gosses de riches venait lui piquer une formation qu’il s’était épuisé à réunir.

Les prétendants avaient des relations, leurs parents jouissaient du pouvoir corrupteur de l’argent, et les musiciens ne sont pas plus vertueux que la plupart des hommes. Les parents de Robert, eux, étaient tombés dans la précarité depuis que son père avait perdu son emploi. Les supérieurs se sont alors empressés de le virer. L’homme était diminué, et le grand capital n’est pas là pour faire la charité. Ayant rejoint la classe modeste du Minnesota, les parents de Robert toléraient ses rêves de gloire, tant que ses résultats scolaires restaient assez élevés pour accéder à l’université. Lieu où il pourrait se tourner vers des activités plus constructives.

Mais Robert sait que, si il s’est inscrit dans quelques cours, ce n’est que pour profiter encore un peu de cet instant de liberté, qui précède l’entrée de l’adolescent dans le monde terne des responsabilités.  Il avait ensuite découvert «  sur la route » , et sa vision de son avenir s’en était trouvé renforcée. Il ne sera jamais un salarié, partagé entre un boulot souvent abrutissant et une vie de famille bien réglée.

«  Quelque part sur le chemin je savais qu’il y’aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare. »

Ces mots de Kerouac raisonnèrent comme une directive céleste, et le gosse du Minnesota partit conquérir le succès, armé de sa machine à écrire et d’une guitare acoustique.  Il en était encore à chanter le blues , lorsqu’une discussion de bar lui montra la voie. 

« Tu ne connais pas Guthrie ! Il faut te mettre à la page mec, les grandes heures du blues son derrière lui. » Amusé par ce poète paumé chantant le blues , Allen lui offrit l’hospitalité. Avec son look de clochard cultivé, et sa barbe à la Ginsberg, il donnait confiance à un Robert de nature méfiante.

Le logement n’était ni particulièrement vétuste ni vraiment confortable, il faisait partie de ces bouts d’immeubles dans lesquels s’entassent les enfants de la classe laborieuse. La chambre contenait surtout une platine disque, sur laquelle Allen posa délicatement un 33 tours de Woodie Guthrie.

Pour le jeune Robert, ce fut une révélation, les mots résonnaient comme des vérités universelles, et la guitare exprimait autant en trois accords que Dylan Thomas en dix vers. 

« Dès le premier secret du cœur,
L’asservissement de l’âme,
Jusqu’au premier étonnement de la chair
Le soleil était rouge , la lune était grise ,
La terre était comme deux monts se touchant »

Dylan Thomas parlait sans doute d’amour, c’est pourtant ces quelques vers qui vinrent à l’esprit de Robert pour qualifier son coup de foudre artistique. C’est ainsi que Robert Zimmerman devint Bob Dylan, et que la folk remplaça le blues comme bande son de son parcours initiatique. 

Ayant appris que Guthrie était interné dans un hôpital psychiatrique , suite aux affres de la chorée de Huntington, Dylan pris de nouveau la route pour rejoindre celui à qui il doit sa vocation. Le parcours lui donna vraiment l’impression d’être Jack Cassady parcourant les plaines américaines, pour trouver sa voie.

Quand il arriva enfin à la porte de la chambre où se reposait son modèle, la femme de Woody lui ferma d’abord la porte au nez. Elle finit tout de même par céder, après que Dylan ait passé plusieurs heures à jouer les chansons de son mari sur le palier, pour montrer sa dévotion.

La rencontre entre ce jeune homme au visage enfantin et le vieux militant folk eut des airs de passage de témoin. Bob chantait l’utopie libertaire que son héros ne pouvait plus propager, et les deux hommes étaient liés par la complicité de ceux qui se savent voués à la même cause.

La rencontre dura quelques jours et, adoubé par celui qui brandissait sa guitare comme « une arme tuant les fascistes », Dylan se mit en quête d’une maison de disque.  Ses vagabondages le menèrent au Galisght, haut lieu de la culture folk, où se rencontraient tous les troubadours en quête de reconnaissance.

La salle était souterraine, et avait le charme froid des caves à brigands, que l’on voit parfois dans les films de capes et d’épées. Bob se dirigea immédiatement vers le taulier, qui le regardait d’un œil sévère, un regard qui aurait fait douter les voyageurs les plus avertis.  Mais il était lui-même trop froid pour s’inquiéter de cette posture peu accueillante.

«  Je m’appelle Bob Dylan et je cherche une scène où jouer »

L’homme se mit à rire avant de lâcher d’une voie rugueuse :

« On ne demande pas une place sur scène on la prend ! Monte donc , et si le public ne te vire pas tu pourras revenir demain. »

Alors Dylan montât sur scène, l’air un peu gauche et gêné, et se mit à déclamer les premiers vers de « blowin in the wind » en gratouillant une mélodie séduisante. Tout le public fut immédiatement conquis, et particulièrement Carolin Hester , une jeune chanteuse folk en pleine ascension , qui le recrute pour jouer sur l’album qu’elle enregistre au studio columbia.


                                                                                                                                            

jeudi 13 février 2020

Warren Hayne : Live at moody theater


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Le passé est un boulet, qui finira par entrainer ce bon vieux rock n roll dans le fossé. C’est un culte morbide qui empêche de voir la beauté quand elle dévoile ses mélodies sensuelles. Cette musique, messieurs, est progressiste, comme tous les groupes de rock devraient l’être.

Je ne parle pas ici du progressisme mondain des critiques rock embourgeoisés, qui achètent leurs vinyles numériques à la fnac. Non, ceux-là voudraient une révolution à la mai 68. Une jacquerie musicale balayant tout sur son passage. Ils voient la musique comme une série d’explosions, un serpent qui se mord la queue, et pensent qu’aujourd’hui le reptile c’est suicidé.

Il ne parlèrent du king que pour saluer sa mort, le rocker devant selon eux passer de la gloire au trépas, sans rien laisser derrière lui. Et bien non, le rock ce n’est pas cela, c’est une culture qui s’est érigé par étapes, le passé nourrissant les exploits futurs. Réadapter le blues, voilà la seule chose que firent les rockers, et ce peu importe leur proximité avec la source originelle.

Alors , maintenant que la chaine est cassée , que le monument s’est tellement éloigné du socle qu’il semble branlant, le blues revient sur le devant de la scène. Je ne suis pas en train de dire que le hard rock, le psyché, le prog , n’ont servi à rien , au contraire. Ils ont mené à une impasse, nourris de classiques en apparence indépassables, et qui ont engendrés une sève plus pure.  

Régulièrement, certains ont vu le cul de sac venir, et donnèrent naissance au nihilisme punk , au purisme cartoonesque de ZZ top , ou à la pop de prolos de creedence. 3 minutes , quelques riffs , et un retour à la simplicité de Cochran ou Muddy Water. Chassez le rock n roll et il revient flirter avec le blues.

Aujourd’hui plus qu’hier, ce virage est éclatant. Gary Clark Jr a gagné un grammy , et Bonamassa , Joanne Shaw Taylord et Keannie Wayne Shepperd se bousculent pour lui ravir sa couronne. Warren Hayne lui, est encore au-dessus de tout ça, c’est un monument historique.

Avec gov’t Mule , il a participé à la dernière charge glorieuse des sudistes, et l’a un peu prolongé quand les black crowes ont commencé à lâcher la rampe,  en 1996. Le problème, c’est que cet homme révélé par les frères allman était bien trop fin pour se laisser enfermer dans un genre.

Alors , au déces d’Allen Woody , la mule est devenue son jouet , qu’il emportait dans des expérimentations plus jazz. A ce titre , « sco mule » renoue avec une somptuosité cool qu’on croyait morte depuis la fin du mashavishnu orchestra. Par la suite , la mule a navigué sur les chemins tortueux du reggae , et des autres fétiches musicaux de son leader. 

Les ingrédients étaient là, épars, et ils donnèrent leurs premiers savoureux fruits sur son premier disque solo « tales of ordinnary madness ». L’enfant est le père de l’homme, et chaque musicien reste toujours ce gosse écoutant religieusement ses disques de rythm n blues , et de soul.

C’est en tous cas cet enfant qui a influencé man in motion, disque foisonnant et gracieux, que Hayne vient promouvoir sur la scène du Moody theater.  Les cuivres reprennent une place qu’ils n’ont plus eu depuis les belles heures de Sly et sa famille stone, groupe dont «  take a bullet » ressuscite les cuivres dansant autours de solos sensuels.

Sur les ballades comme « sick of my shadow » , ces cuivres soulignent la mélodie , créent un spleen somptueux de vieux baroudeur mystique. Le rythm n blues est à la fête, et copule joyeusement avec ses glorieux contemporains soul et funk. Warren Hayne a ça dans le sang , c’est un Johnny Cash qui aurait troqué son country blues pour un rythm n blues d’une richesse impressionnante.

Contrairement à la plupart de ses contemporains, il ne cherche pas à prendre toute la place, sa guitare est très présente sans être bavarde. Ne s’étiolant pas dans des solos superflues, son phrasé ponctue, sublime, et fait décoller une instrumentation d’une finesse rare.

Hayne est de la vieille école, celle qui voyait la guitare comme un instrument au service d’un groove qui la dépasse, et pas comme le monument autour duquel tout doit tourner. Si il reprend Hendrix sur un « soulshine » tout en finesse , ce n’est que pour saluer cette force mystique qui lui inspira ses débuts en trio.

Hayne fait partie d’une race de musiciens en voie d’extinction, celle qui savait que la beauté de leur jeu dépendait autant des notes qu’ils jouaient que des silences qu’ils entretenaient. A ce titre, « live at moody theatre » mérite bien sa place à coté de «  get yer ya ya’s out » des stones, « live at regal » de BB Kings , et autres monuments vénérés.

Cette bonne vieille tradition vient encore de se réinventer pour un nouveau public.      

mercredi 12 février 2020

SPECIALS : premier album (1979)

FORMATION:
Jerry Hall : chant
Neville Staple : chant
Jerry Dammers : claviers
Lynval Golding : guitare
Roddy Radiation : guitare
Horace Pante : basse
John Bradbury : batterie
plus Rico Rodriguez et Dick Cuthell : cuivres



Grande Bretagne, 1977, le pays est au bord de l’implosion : émeutes raciales, grèves ouvrières, violences policières et bien sûr mouvement punk et jeunesse révoltée.
Et voici en 1979, en prolongement de ce contexte explosif, la vague ska, la vague noire et blanche, qui partie de Jamaïque dans les années 60 et dont le reggae est, pour simplifier, un cousin ; le ska donc, plus rapide, déboule en Angleterre et plus précisément à Coventry, autour du label 2 tone records, fondé par Jerry Dammers clavier des Specials. Le ska est dans la place et va se faire mondialement connaître alors que le punk commence à s’essouffler.
Bon je dois d'abord avouer je ne suis pas un spécialiste du ska même si je connais pas mal de groupes et pas mal d'albums.
Specials est donc arrivé lors de la déferlante ska qui a secoué le monde en partant d’Angleterre à la fin des années 1970 avec Madness, Selecter, The Beat, Bad Manners et beaucoup d’autres mais pour moi les Specials sont définitivement parmi les meilleurs et peut-être même les numéros un dans ce style musical notamment grâce à cet album, un classique du genre (en tout cas assurément un des meilleurs albums de ska toute période confondue), produit par Elvis Costello, personnalité du rock anglais de ces années-là.
Beaucoup de diversité dans ce premier disque à la pochette très mod, musicalement tout est au point, il y a les "tubes" qu’on entendait à la radio, y compris en France, en 1979/1980 ("Gansgster" et "A Message to you Rudy"), les morceaux qui lorgnent côté punk ("Little Bitch", "Dawning of a new area"), ceux plutôt rock ("Do the dog", "Concrete Jungle") ceux qui sentent bon le reggae ("Too much to Young", "It's up to you"), la petite balade ska "Doesn't make it allright" et même un titre à tendance soul jazzy 60's ("You're wondering now") et à chaque morceau les Specials sont leur l'aise . L'archétype est "Nite Klub" le morceau ska par excellence. A noter enfin la reprise de « Monkey man » de Toots and the Maytals et grand standard de la musique noire jamaïcaine des 60's.
Les cuivres sont utilisés à bon escient (ce qui n'est pas le cas de tous les groupes ska, par exemple je trouve que Madness a une certaine tendance à mettre les cuivres trop en avant) et apportent réellement un plus. Les compositions sont vraiment réussies, avec quelques reprises bien choisies. Aucune faute de goût donc.
Bref un classique du genre, un album de haut niveau et que je conseille à ceux qui veulent découvrir un style musical pas souvent mis à l'honneur, tout est musicalement parfait, rien à jeter et les Specials font en plus preuve d'ouverture d'esprit et proposent un album susceptible de plaire à des personnes à priori hostile à ce genre de musique.

Et on peut même dire qu’un fan de rock peut largement y trouver son compte dans la mesure où le groupe, sur ce disque, est presque plus proche de Clash (période 79/81) que d'un Bob Marley, mélange de punk 77 et de racines « rock steady » jamaïcain, beaucoup moins commercial que Madness mais par contre également plus rugueux que la moyenne des groupes de ska ; voici donc comment on peut présenter The Specials, groupe qui restera dans l’histoire du renouveau "noir et blanc" avec cet album incontournable et définitivement indémodable (et "More specials" le second disque sorti en 1980 est également recommandable).