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dimanche 29 mars 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 3

The Velvet Underground - The Hi-Res Album Collection (1967-1972 ...

Après le départ de Warhol , Lou prend progressivement le pouvoir. Il impose Seasnick comme manager, et commence à préparer l’éviction de John Cale. Lassé par le manque de succès, Lou veut produire une musique plus conventionnelle.

Cale, lui, est plus que jamais plongé dans l’expérimentation, et ses bricolages sur le matériel coûtent une fortune au groupe. Les heurts entre lui et Lou Reed se multiplient, jusqu’au jour où Lou convoque Sterling Morrison , Moe Tucker et Seasnick.

Les fixant avec un regard hargneux, il déclare d’un ton péremptoire.

« John est viré ! »

La déclaration laisse tout le monde assommé, et Seasnick demande naïvement.

« Pour combien de temps ? »

La naiveté de la question parvient à faire sourire Lou, il sait qu’il tient ses collègues , et que sa volonté sera faite.

«  Pour toujours , je ne veux plus jouer avec ce mec. »

Seasnick tente d’abord de refuser, mais la réponse de son songwritter est sans appel.

« Si il ne part pas , c’est le groupe qui s’arrête. »

A la place de l’avant gardiste Cale , Lou choisit Doug Yule , un jeune inconnu fan des premiers Velvet. Il est convaincu que ce jeune loup ne lui fera pas d’ombre, et son jeu convient parfaitement à la direction plus pop qu’il souhaite prendre.

Mieux, l’admiration du nouveau venu stimule Lou Reed, qui dirige le velvet dans la production de son troisième chef d’œuvre. Débarrassé des expérimentations de Cale, le Velvet développe une musique plus douce.

Pale Blue eyes renoue avec la beauté réconfortante de « I’ll be your mirror », et candy says » a presque des airs de folk Dylanesque. La première face conserve cette atmosphère apaisée, la prose de Lou Reed se faisant tendre et chaleureuse.

Simplement appelé « the velvet underground », ce disque s’apparente à la lumière au bout du tunnel pour Lou. Après des années de lutte, le martyr électrocuté a trouvé sa liberté, et l’apaisement fait vite place à la célébration. 

«    I’m beginning to see the light
I’m beginning to see the light
Some people work very hard
But they never get it right
I’m beginning to see the light »

A part les stones, je connais peu de groupes capables de développer un tel swing. Le velvet avant gardiste est mort , et le rock reprend ses droits.

Ensuite,« I’m set free » monte délicatement en puissance, le groupe a quitté les transes narcotiques pour produire une brillante dance transcendantale. La légèreté est encore de mise sur « that’s the story of my life » , où le groupe part visiter les chemins bucoliques de la country.

On regretterait presque l’arrivée de « the murder mystery ». Ce sombre poème expérimental semble sorti des outakes des deux premiers albums. On pardonne vite cette petite dissonance. Le groupe a réussi à égaler la classe des deux premier albums , tout en changeant radicalement de registre. 

Si les ventes ne suivent pas, le velvet s’est tout de même fait un nom dans le milieu artistique. Sensible au talent de ces musiciens, Ahmet Ertegun les signe sur son label Atlantic, qui produit déjà la plupart des gloires de l’époque. 

Tous les feux étaient au vert, mais le velvet va encore rater le coche. Désormais à l’origine de toute la musique du groupe, Lou Reed est persuadé que son virage pop est en train de payer. Il poursuit donc dans cette voie, et pactise avec les standards qui firent les belles heures des sixties. 
                                                                                                                               
Mais l’époque a changé, les beatles sont proches de la fin de règne, et les beach boys ne sont plus aussi brillants. Tout ce que le velvet avait prévu à ses débuts est en train de se réaliser, la musique devient plus puissante, plus violente , plus subversive.

Les doors dynamitent le psychédelisme , led zeppelin lance l’invasion des hard rockers , et les stones ne vont pas tarder à sortir Sticky Finger. Plus sombre dans son propos, sticky finger montre des stones ayant trempé leurs blues dans le bain acide du premier Velvet. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Andy Warhol est choisi pour dessiner la fameuse braguette. Loaded est un excellent disque, mais il montre un groupe prenant du retard sur une époque qu’il a lui-même annoncé.

Résultat, l’album n’obtient qu’un succès d’estime, et sera l’œuvre qui tuera le velvet. La génération glam voue un véritable culte au poète maudit, et Lou décide de récupérer ce qui lui revient de droit.

Il attaque donc Seasnick en justice pour récupérer les droits sur tout le répertoire du Velvet. Non seulement il n’aura pas gain de cause, mais le velvet le pousse lentement sur la touche. Cette révolte vient de celui qu’il avait fait rentrer, en pensant qu’il resterait docile.

Soucieux de préserver sa carrière, Doug Yule est devenu la marionnette de Seasnick , et sa mainmise oblige Lou à quitter le Velvet. Alors que la vague glam l’idolâtre, Lou se retrouve sans groupe et trouve refuge en Angleterre. RCA le récupère rapidement. Au royaume Uni  plus qu’ailleurs , il est vénéré par une génération qui sait que le Velvet n’est rien sans lui.   


samedi 28 mars 2020

Lou Reed : The Image of the poet in the breaze partie 2

The Velvet Underground - New Age [Live] - YouTube


Malgré toute son admiration pour Lou , Andy pense qu’il n’a pas assez de charisme. Il faut au groupe une figure capable d’attirer l’attention, une devanture attirante. Il impose donc Nico comme chanteuse, et commence à projeter ses films pendant les prestations du groupe. Le velvet devient ainsi « the velvet underground and Nico », et son show mêlant cinéma avant gardiste et rock attire un parterre de snobs mondains.

A cette époque, le public venait surtout voir « la dernière œuvre de Warhol ». C’est d’ailleurs sa notoriété qui permet au groupe d’aller chercher en Californie le succès que New York refuse de lui offrir. Là plus qu’ailleurs, il essuie le mépris des hippies, et les moqueries des mothers of invention.

Le groupe de Frank Zappa était engagé pour faire sa première partie , mais Zappa ne supportait pas les œuvres prétentieuses issues de la factory. Il transforma donc ses show en lynchages humoristiques applaudit par une foule acquise à sa cause. Cet incident eut au moins le mérite de prouver l’inutilité de Nico. Celle-ci avait beau chanter comme une Grace Slick bas de gamme, le public avait vite compris qu’elle était hors sujet.

Sorti quelques mois plus tard, en 1967 , « the velvet underground and nico » ne fait qu’accentuer cette séparation. Le disque, lui, est un monument. Emballé dans une pochette signée Warhol, il immortalise le génie visionnaire du duo Reed/ Cale.

La prose Reedienne atteint son sommet sur « I ‘m waiting for my man », sorte de version musicale des récits décadents de Burroughs. La scène d’intro est aussi mythique que « le festin nu » ou « junkie ».

« I’m waiting for my man
26 dollards in my hand
Up to Lexinton 125
Feelin sick and dirty more dead than alive
I’m waiting for the man »

Les mots plantent si bien le décor, qu’on a l’impression d’attendre à côté du narrateur. Derrière le poète, Moe Tucker et John Cale élaborent un swing nihiliste, un groove toxique et menaçant. Les titres laissés à Lou Reed sont les meilleurs, ceux où le velvet semble poser les bases de ce que sera le rock des seventies. 

« run, run,run » est une réinvention du beat primaire de Bo Diddley, le factory beat succédant au jungle beat. Et puis, pour se venger de l’égérie allemande qui l’a plaqué quelques jours plus tôt, Lou récupère « Sunday Morning » .

On ne le remerciera jamais assez d’avoir sauvé cette mélodie paranoïaque des griffes de la Castafiore léthargique. Le fait que Lou Reed la chante d’une voix presque féminine rend cette berceuse toxique encore plus dérangeante. Le velvet subvertit la pop en utilisant ses propres armes, et fait preuve d’un talent mélodique qui n’a rien à envier aux beach boys et autres beatles. 

« the velvet underground and nico » représente le rock dans ce qu’il a de plus basique, un minimalisme plein d’ambition. Peu de gens écoutèrent le disque lors de sa sortie, mais la légende dit que tous fondèrent un groupe.

Le manque de succès, et l’échec commercial de l’album, créent une tension intenable entre le groupe et son mécène. Comme si cela ne suffisait pas, Nico commence à avoir des rêves de gloire , et exige de chanter tous les titres sur scène.  Acquis à sa cause, Warhol l’éclaire d’une lumière blanche sur scène , pendant que Lou Reed est caché à l’arrière-plan. Warhol perd énormément d’argent avec le Velvet, et considère encore que sa potiche allemande peut sortir le groupe du caniveau.

Le rock ne l’intéresse pas, il voit juste dans ce groupe un moyen de rester dans le coup, ce qui ne l’empêche pas de  nourrir d’autres projets. Ainsi, peu après la sortie de l’album, Warhol s’envole pour Cannes, où il doit présenter son dernier film. Plus attiré par l’aura de l’artiste que par la musique du groupe , Nico en profite pour partir en vacances à Ibiza. 

Le Velvet effectue quelques concerts sans eux, et Lou prend enfin la place de leader qu’il mérite. Résultat, quand l’artiste et sa potiche reviennent à l’improviste, Lou les renvoi à leurs occupations.

La scène se passait quelques minutes avant que le groupe entre en scène, et Lou n’était pas prêt à revenir sagement derrière une chanteuse sans talent. Pour lui, il ne faisait qu’appliquer le conseil implicite que lui donna Warhol lorsqu’il lui dit «  Si tu continues avec moi , ta carrière se limitera aux vernissages et aux expos d’art contemporain ».

Furieux de perdre le groupe pour lequel il avait tant investi, Warhol pique une crise mémorable. Il acceptera tous de même de rompre le contrat que le groupe avait signé avec lui. Lou lui avait promis de lui léguer 25 pourcents des droits lorsque le velvet deviendrait rentable. Prise sans le consentement des autres musiciens, cette promesse ne sera jamais tenue.

1967 sera une année noire pour le velvet. Le premier disque du groupe disparait des bacs quelques jours seulement après sa sortie. Il est remplacé par des oeuvres plus populaires , tel que sgt pepper , pet sound , et autres sucreries pop.

Le Velvet nageait contre le courant, sa musique se noyait dans le flot de chef d’œuvre hédonistes. Mais ce rejet ne faisait que nourrir une tension qui l’amenait à radicaliser sa musique.  

Affublé de lunettes noires, le groupe donnait des concerts de plus en plus violents, comme si la puissance de leur rock nihiliste devait couvrir le flot de niaiseries pop. De retour en studio, il se contente de restituer la tension accumulée sur scène, lors d’improvisations assourdissantes.

Fruit de ce grand défouloir, « white light white heat » annonce la couleur dès le morceau titre. Pur moment de rock n roll joué à une vitesse sidérante, ce titre fait partie des bases sur lesquelles le rock de Détroit construira sa légende.
Le groupe sait aussi ménager ses effets, et se sert d’une jam jouée en concert pour planter le décor de « the gift ». Lou martèle les trois accords de base du rock n roll dans une boucle hypnotique, laissant John Cale déclamer son récit décadent.

La voix de Cale sort du canal de gauche, pendant que la musique se déverse dans le canal de droite. Cette séparation donne vraiment l’impression d’être plongé dans cette sombre histoire de meurtre involontaire. 

White light white heat est plus radical aussi dans ses textes, comme le montre « lady gogiva opération. Grand mythe anglais du Moyen Age, Lady Gogiva était une femme noble qui, convaincue que sa beauté parfaite constituait une œuvre d’art, parcourait les routes nue pour l’exposer aux paysans. 

La musique annonce d’entrée que Lou Reed n’est pas en train de restituer ce conte moyenâgeux. Plus violente que jamais, la partie instrumentale semble exprimer une douleur insoutenable.

« Le chirurgien arrive avec le bistouri , toute sa panoplie
Considère cette excroissance comme un chou
Qui sans plus tarder
Doit être coupé »

Et là l’auditeur comprend qu’il assiste à l’avortement de la nymphe mythique. Après un tel choc, « here she come now » s’apparente à une fleur au milieu d’un mont de cadavres. La mélodie superbe montre une nouvelle fois que Lou Reed n’a rien à envier aux grands songwritters de son temps.

Le repos est de courte durée, et « I hear her call my name » reprend les choses là où le morceau titre les avait laissés. Ce titre est un rock paranoïaque où Lou Reed s’impose comme le bourreau des sixties. Ses solos déchirent la naïveté de son époque, ce sont des salves tonitruantes sensées nettoyer les oreilles innocentes de la guimauve populaire.

Puis cette violence atteint son sumum sur sister ray , véritable éruption électrique que Détroit tentera désespérément de reproduire. En radicalisant sa musique, le velvet a réussi à produire un monument sonore encore plus essentiel que son petit frère à la banane.   

Mais la chute continue, l’album se vend encore moins, et Lou Reed prépare la prochaine épuration du Velvet.


jeudi 26 mars 2020

Lou Reed : The Image of the poete in the breaze partie 1

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On commence à attacher Lou Reed sur la table qui va accueillir son calvaire. Il savait que ses sautes d’humeur, son goût de la provocation , et son amour du rock n roll lui vaudrait les représailles de ses géniteurs. Mais pas au point de le faire embarquer par les hommes en blouses blanches.

Le guet-apens s’était mis en place simplement, comme si tout ce cirque était fait pour son bien. Les américains s’effraient des hopitaux psychiatriques, dans lesquels les dictatures communistes envoient les opposants politiques, ils ne se rendent même pas compte qu’ils fabriquent aussi leurs fous.
                                                    
La normalité est une notion fasciste, surtout dans une amérique à la morale étriquée. Et ses parents envoyaient donc leur fils au supplice, avec la même bonne conscience que les agents Staliniens s’occupant des goulags. Pendant qu’il ruminait, un de ses geôliers humectait consciencieusement ses tempes, avant d’y appliquer ce casque, digne descendant de la couronne d’épine du Christ. 

On lui flanque ensuite dans la bouche un instrument sensé retenir sa langue, afin qu’il ne l’avale pas pendant ses convulsions. Le système est d’une simplicité démoniaque, il s’agit juste d’un casque transportant le courant de la gégène à votre caboche. L’infirmier lance l’ordre avec une vigueur d’officier Allemand « choque ! ».

Là tout le monde se recule, et un bruit sourd et sec raisonne dans la pièce. Lou n’a pas le temps de l’entendre, sa boite crânienne est déjà transpercée par une lame destructrice. Ses convulsions sont si fortes, que la table qui le retient semble prête à s’effondrer sous ses tremblements.

Le choc laisse le patient assommé, l’œil torve et l’air docile. Les parents de Lou Reed pensent avoir matés cet ennemi de la société. Mais ils n’ont réussi qu’à faire naître une rage subversive, qui va bientôt secouer le totalitarisme qu’ils croient défendre.

Toujours fasciné par Bo Diddley , sa révolte trouve un moyen d’expression lorsqu’il suit l’enseignement de Delmore Shwartz. Poète adoubé par TS Eliott , Shwartz lui donne le goût de la phrase simple. Pour toucher plus profondément, les mots doivent être précis, et toute fioriture inutile dilue leur puissance.

Trois mots, trois accords , trois battements. La formule est un peu simpliste mais résume bien le credo qui guidera les débuts de Lou Reed. Après cette découverte, Reed trouve un contrat chez Picwick , et devient un auteur de tubes neuneu pour la jeunesse libérée. 

Devenus plus libres, les jeunes constituent désormais un marché prometteur. Les labels comme pickwick ont comme seul objectif de se faire un maximum d’argent grâce à ce nouveau public, mais Lou a besoin d’argent.

C’est là qu’il rencontre John Cale, jeune avant gardiste gagnant sa croute dans les studios de ce label pourri. Entre les deux hommes le courant passent bien, ils partagent cette envie d’emmener le rock plus loin. Le poète a trouvé son musicien, la plume s’épanouissait au contact du défricheur de son.
Basé sur une seul note , the ostrich , le premier tube produit pour les studios , recyclait le jungle beat de Bo Diddley. Lou avait réussi à imposer son obsession musicale, mais pas littéraire. 
                                                                                                     
D’ailleurs, personne ne se doutait qu’il écrivait ses propres textes , jusqu’au jour où il se mit à improviser. Il se mit alors à réciter son texte au milieu d’une jam, et Cale fut si sidéré qu’il s’arrêta de jouer.   

«  I don’t know , just where I’m going
But I’m gonna try , from the kingdom if I can
Cause it make me feel like I’m a man
When I put a spike into my vein
Then I tell you things aren’t quite the same
When I’m rushin on my run
And I feel just like jesus son
And I guess I just don’t know
And I guess that I just don’t know »

« Mais comment tu peux accepter de ressasser une daube comme the ostrich, alors que tu sais pondre un truc pareil ! »

Lou se figea avec la nonchalance inexpressive qui le caractérise.

« J’ai bien essayé de proposer mes titres, mais Pickwick n’en veut pas. »

Il laisse un blanc , comme pour souligner la gravité de sa conclusion. 

«  Et ils ont raison. Les gens sont sourds, et les jeunes qui écoutent de la musique auraient du mal à faire la différence entre un titre des stones et des beatles. Ça leur procure juste une vibration agréable, le fond sonore masquant leur vide existentiel. »

Malgré cette sentence, Lou ne rêve que de succès. Il désire ardemment l’amour de ce grand public qu’il semble mépriser. Et surtout, il veut imposer sa musique, pas une commande réalisée pour un quelconque crétin à cigare. 

L’aventure picwick prit fin aussi vite qu’elle avait commencé, Lou Reed entama son parcours initiatique de poète des bas-fonds. Dans les bars malfamés qu’il fréquente, le duo s’initie à l’héroïne, à la débauche, et rencontre les personnages qui peupleront les chansons de Lou.

C’est aussi là qu’ils croisent Moe Tucker et Sterling Morrison , deux musiciens aussi mordus de Bo Diddley que Reed. Ils forment une section rythmique parfaite, la racine permettant à l’avant gardisme de Cale de s’épanouir sans se perdre. 

Encore nommé the warlock , la formation trouve son nom dans les rues malfamées de Bowlery. C’est là que Lou ramassa un livre racoleur sur les déviances sexuelles aux Etats Unis, avant de s’écrier «  On tient le nom de notre groupe ». 

Le Velvet est ainsi né, mais ses concerts sont une série de catastrophes. Le velvet underground était minimaliste à une époque de délires psychédéliques , réaliste dans un monde friand de rêveries planantes , violent en plein peace and love.
                                                                                      
Comment une génération fascinée par les beach boys et les beatles aurait-elle pu comprendre cette agressivité sonore primaire ? Tout le monde voulait oublier la réalité et ces mecs leur remettaient le nez dans le purin le plus nauséabond. A la guitare, Lou avait développé sa propre vision du minimalisme musical. Un jeu tranchant, qui se mariait  aux rythmes industrielles de Moe Tucker.

Si les salles où le Velvet jouent se vident rapidement, elles leur permettent tout de même d’attirer l’œil de Barbara Rubin. La jeune femme est proche d’Andy Warhol, et va faire tout son possible pour que le pape du pop art rencontre le velvet.

Elle ouvre aux musiciens les portes de la factory , le nouvel atelier où Warhol accueille un mélange de minables prétentieux et d’avant gardistes plus ou moins visionnaires. C’est là que Gerard Malenga fait leur connaissance. Bras droit de Warhol, il a déjà joué dans une poignée de films d’Andy Warhol, et aide ce dernier dans sa quête d’un nouvel art avant gardiste.

Le velvet commence rapidement à jouer devant le parterre de marginaux qui constitue la faune de la factory. C’est là que Warhol tombe enfin sur eux, et il est fasciné par ce qu’il entend.

Le groupe jouait alors héroïn , longue transe toxique dont l’alto de Cale soulignait l’attrait subversif. Immédiatement, Warhol imagine un show décadent, où le groupe jouerait sous un éclairage épileptique, devant un Malenga effectuant ses danses sados masochistes.

Dans le même temps , il devient très proche de Lou Reed, et l’incite à travailler sans cesse. Il lui lancera cette phrase admirative «  Vous faites avec la musique ce que je fais avec la peinture. »

Andy et le Velvet partageaient ce réalisme pessimiste, cette fascination pour les déviances américaines. Tout cela n’allait pas tarder à changer la face du rock.   
       
  

mardi 24 mars 2020

FOGHAT : Live (1977)

FORMATION :
Dave Peverett : chant, guitare rythmique
Rod Price : guitare solo
Craig MacGregor : basse
Roger Earl : batterie



Formé en Angleterre en 1970/1971 Foghat est un groupe méconnu en France (plusieurs disques d’or toutefois en Grande Bretagne) et a déjà enregistré six d'albums studio, sympas certes sans pour autant crier au génie même si je l’avoue cela fait un moment que je ne les ai pas écoutés, quand sort ce live en 1977. Et là belle surprise, les quatre anglais (mais qui sonnent vraiment comme des américains) se surpassent et sortent un enregistrement public de qualité comme il y en avait un certain nombre dans les années 70 (où les groupes savaient souvent bonifier les titres studio : par exemple Judas Priest, UFO, Thin Lizzy, Blue Oyster Cult…)

Ce live s’inscrit dans la lignée des grands live qui ont marqués les années 70 et le début des 80s (à ceux déjà notés on peut rajouter, à des niveaux différents, Vardis, Blackfoot et Ted Nugent….liste non exhaustive mais avec des groupes dans l’esprit de Foghat).
Foghat joue du hard rock sans prétention mais c'est bien en place, bien ficelé , du hard rock teinté ouvertement de blues et de southern rock.


Cela commence par « Fool for the city » à la fois hard énergique, blues rock, un refrain accrocheur, mélodique (presque FM), des guitares musclées et des influences rock sudiste criantes (et que l’on retrouvera tout au long de l’album).
« Fool for the city », comme « Home in my hand » d’ailleurs sont d’ailleurs assez caractéristiques du style et du son Foghat, typique de ce que propose le groupe en général.
Deux guitares tranchantes (Rod Price et Dave Peverett ce dernier est également au micro et il chante plutôt bien, tous deux excellents et complémentaires) et les amateurs de guitares slide vont être servis notamment sur « Road fever » et « Slow ride » où elle est particulièrement bien utilisée.

Vous l’avez compris Foghat prend sa pleine mesure sur scène et les deux guitaristes notamment s’en donnent à coeur joie.
Les morceaux tiennent la route, notamment « I just want make love to you » une reprise de Willie Dixon, légende du blues, et qui est d’ailleurs le premier titre figurant sur le premier album du groupe et rien de tel effectivement pour donner le ton et montrer nettement ses influences. Foghat évolue donc clairement dans un style hard blues. « I just want make love to you » commence comme un blues puis se transforme vite un titre hard, l’impression d’être sur l’album Live and dangerous de Thin Lizzy sorti et enregistré à la même époque. Même construction pour « Slow ride » (le second blues du disque) un blues rock qui débute là aussi tranquille pour accélérer très vite et terminer à une vitesse stratosphérique. Huit minutes de haut vol.

Pour finir citons également le remarquable « Honey Hush », rapide, énergique et vraiment épatant avec un solo d’anthologie. Un petit bijou.
Le final « Honey Hush » / « Slow ride » est d’ailleurs époustouflant.
Un album à redécouvrir et à écouter sans modération mais vraiment dommage que ce groupe soit resté quasi inconnu en France.

lundi 23 mars 2020

Gary Clark Jr : Live


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Nous sommes dans les années 90, dernière décennie où le rock est le centre des préoccupations de la jeunesse. Le grunge était au sommet, et Cobain devint vite son christ sacrifié sur l’hôtel du show business. Le mouvement ne survivra pas à la mort de nirvana, et la disparition de ses grondements dépressifs fit rapidement naître un mouvement plus puriste.

C’est the cult qui redécouvrent le hard rock , les guns qui remplissent encore les stades pendant quelques mois , et les vieux routards retrouvant un peu de leurs superbes. Bref, le rock était encore vivant, et le restera jusqu’au début des années 2000.
                                      
Pendant ce temps, Gary Clark Jr faisait humblement ses classes au Joe’s Bar , au Texas. La ville a déjà donné au blues son dernier enfant prodige, Stevie Ray Vaughan, que le jeune homme idolâtre autant qu’Howlin Wolf et BB King. Il répéte inlassablement son patrimoine musical, prostré sur sa guitare , comme si il était en quête de rédemption.

Le blues , Gary Clark l’a connu dès ses 14 ans , quand son père à trouvé la mort sur une de ces grandes routes, qui fait la fierté de l’Amérique. Sa mère enchaînait les petits boulots, femme de ménage, ouvrière à la chaine ,  tous les travaux épuisant que l’on réserve aux oubliés du rêve américain. Dans cette optique, le blues fut une libération, et il suivit les leçons de guitare de son grand père comme l’on s’accroche à une bouée de sauvetage.   

Au fil des concerts payés à coup de pourboires minables, le jeune homme a acquis ce feeling déchirant, ce cri de damné d’un homme revenu des limbes. Sa route a d’abord croisé celle d’Albert King , planté dans sa cuisine alors qu’il revenait de l’école.

Gary Clark n’avait que 16 ans , mais il se rappellera toujours ce soir , où après avoir fini sa journée de boulot, son grand-père l’emmena à un de ses premiers concerts. Sur scène, il reconnut rapidement l’homme qu’il avait croisé quelques minutes plus tôt. Son jeu était aussi imposant que son gabarit, comme si toute la puissance de ce corps immense s’exprimait à travers son instrument.

Le blues n’est pas une musique qui se joue, elle se vit, et il retiendra cette leçon tout au long de son parcours. En plus de ses petits concerts sous-payés , Gary commençait à bosser pour le cinéma , produisant la musique de quelques films underground. Sa notoriété enfle rapidement, au point que l’homme embarque tout le gotta du blues originel, dans une tournée de quelques dates. 

Steevie Ray Vaughan le conseille ensuite à Eric Clapton, qui le programme lors de son Crossroad guitar festival. Celui qui n’était personne quelques secondes auparavant eut le culot de jouer une de ses compositions, scotchant un auditoire qui en avait pourtant vu d’autre. Son « Brights light » était bien plus qu’un énième brulôt revival, c’était la puissance hendrixienne rencontrant le groove de Jimmy Reed. 

Live sort en 2014, alors que Gary Clark a su obtenir une liberté artistique devenue rare. Enregistré à Los Angeles , son premier album montrait un artiste imbibé de tout un héritage funk , blues et rock. Malheureusement, la production très moderne de ce premier essai déçut une bonne part de ses premiers admirateurs.

Ceux-ci pouvaient se rabattre sur ses concerts où, libéré de tout artifice pompeux, le jeune prodige pouvait exprimer toutes les subtilités de son jeu lumineux. Ce live exprime la puissance crue d’un homme dépouillant Hendrix de ses fuzz superflus, déchirant le blues de ses solos funkys, et lâchant des charges hard blues à faire rougir Jack White.

Introduit par une version plombée du riff de come together, numb est un blues électrique dépouillé jusqu’à l’os , qui pourrait bien renvoyer l’ex White Stripes dans son magasin de Detroit.

C’est que l’homme a remplacé la fureur stoogienne de Jack White par un groove digne du band of gypsys au fillmore. Ecoutez la rythmique irrésistible de ain’t messin round , ça groove comme Sly and the family stones sur la scène de Woodstock.

Alors oui , l’homme a commencé par flatter le conservateur moyen , qui ne se doutait pas que catfish blues ne servait qu’à le prendre dans ses filets.L’homme le connait ce spleen de ramasseur de coton, il l’a assez joué pour gagner ses premiers cachets. Alors, forcément, il parvient à développer la même solennité mélodique que ses modèles.

Gary Clark reste avant tout un bluesmen, et if trouble was money est doté d’une puissance lascive que l’on croyait réservée à Billy Gibbons. Dans les solos, sa guitare se révolte, hurle qu’elle est bien plus qu’une copie particulièrement réussie. Les notes s’enchaînent sans se marcher dessus, torrent millimétré faisant résonner une virtuosité inédite.

On attend encore que cette puissance, qui s’inscrit dans une tradition sans la rabâcher, s’épanouisse pleinement dans l’espace plus restrictif des studios d’enregistrements.
       

dimanche 22 mars 2020

Rolling Stones : Epilogue


Ca y’est, Brian Jones n’est plus un stones ! Même si il dit à qui veut l’entendre qu’il a claqué la porte, tout le monde sait que les autres ont fini par le virer. Il n’était déjà plus là à Altamont , et c’est l’ex bluesbreaker Mick Taylor qui a pris la place vacante.

Rory Gallagher était pressentit pour prendre la place, mais il préféra tracer sa route en solo. Bien que mal aimé, Mick Taylor a permis au groupe d’entrer dans son dernier âge d’or. Comble de l’ironie , ce virage sera visible pour la première fois lors du concert que le groupe organisa en hommage à son ex leader à Hyde Park. 

Brian Jones avait fini par noyer ses névroses dans la piscine de sa villa , et le concert devait saluer son importance dans l’histoire du groupe. Devant une foule post Hippies, le jeu plus soliste du nouveau venu semblait faire entrer les stones dans l’ère du hard rock.

Get yer ya ya’s out confirme ce début de métamorphose, ce départ vers un rock plus riche et incisif. Sorti en 1970 , quelques mois seulement après la mort de Brian Jones, il montre un Keith partageant les solos avec le nouveau venu. Il abandonne ainsi le son des guitares jumelles, qui fit la grandeur des stones jusque-là.

Dans le même temps, les Beatles avaient disparu, laissant les stones seuls sur le toit du monde. Alors ils enfoncèrent le clou, en produisant le monument toxique d’une époque de désillusion. Si le chaos d’altamont était le premier poignard planté dans le dos du rêve hippie, le massacre de la Manson family sonna son coup de grâce.  Avec Sticky fingers , les stones dansent sur la tombe de l’insouciance passée, et concrétisent l’avènement d’une époque nihiliste, déjà annoncée par le premier album du Velvet Underground. 

C’est d’ailleurs Andy Warhol qui est chargé d’emballer cette musique corrosive. La pochette représentant un pantalon étiré par une bosse démesurée deviendra aussi culte que celle du Velvet Underground and Nico. Elle montre un point de vue plus cru, une musique qui est au rock ce que Bukowski est à la littérature, le monument provocateur qui déteindra sur tout ce qui va suivre.
                                   
Les paroles viennent des bas-fonds, elles expriment l’envie de destruction de l’époque, ce désespoir qu’Al Pacino incarna dans son premier rôle. La beauté de dead flower ou sister morphine a l’attrait des substances toxiques qu’elle semble dépeindre. Quand Keith affirme, dans le refrain de dead flower «  you can send me dead flower every morning » , on se doute qu’il ne parle pas de jonquilles.

« Brown sugar » joue ensuite sur un double sens narcotique et sexuel , son sucre brun qualifiant aussi bien une certaine drogue , qu’une certaine partie de l’anatomie de sa petite amie de l’époque.

Les stones poursuivent leurs réadaptations du vocabulaire blues, les cris libidineux de Hooker et autre Muddy Waters faisant place à un propos plus sombre. La musique aussi s’adapte, et le swing devient plus agressif et démonstratif. Ce rock est le canevas autour duquel aerosmith va broder au début de sa carrière. 

Je ne parle même pas de Humble Pie , réunion de rockers libérés des pompeuses expérimentations psychédéliques , et célébrant leur liberté dans le rock le plus brut. Sans oublier Rory Gallagher , dont la carrière solo décolle dès 1973 , grâce aux décharges groovy de tatoo. C’est comme si, à force de répéter les leçons des maitres du blues en trois accords, les stones avaient fini par écrire les tables de la loi du blues seventies.

Ils prolongeront un peu cette fin de règne avec exil on the main street. On a beaucoup critiqué la production brouillonne de ce disque, mais elle lui donne le charme des vieux Leadbeally. Sur ce dernier monument, les stones font feu de tout bois , passant du rock au gospel , en faisant un détour par la country.

A les entendre, on a l’impression qu’ils sentent déjà que quelque chose se termine. Le disque sonne comme un vieux film en noir et blanc, le témoin d’une splendeur déjà révolue.

Certes , le groupe sortira encore quelques bons albums par la suite , mais aucun n’atteindra le niveau de aftermath , sticky finger , beggars banquet , let it bleed et exil. Et si, aujourd’hui encore, des milliers de personnes se précipitent à leurs concerts, c’est pour entendre ces titres.

C’est là, dans l’espace gigantesque de stades pleins à craquer, que le plus grand groupe du monde ne déçoit jamais.