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mardi 3 mars 2020

Bonamassa Beth Hart : Don't Explain


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On le croyait perdu, déchiré par les fils spirituels d’Hendrix, écartelés par les riffs mitrailleurs du heavy metal. Le blues, ce vieil hôtel qui survécut même aux piteuses eighties, se mourrait. Jack White était bon, mais son amour des stooges l’éloignait des grands anciens.

 Chercher le blues, le vrai, celui qui soigne l’âme et sonne comme un puissant cri du cœur, est devenu une mission complexe. Bloomfield était plus grand que Hendrix, mais les solos grandiloquents du second furent plus séduisants que la classe un peu austère du premier. Nous sommes donc les héritiers d’une culture falsifiée , d’un mauvais choix lourd de conséquence, et qui conditionne encore le son de la plupart des groupes actuels.  

On ne parle plus de rock n roll, mais de rock. Keith Richard lui-même sentait que ce changement de terme était lourd de sens, et regrettait de ne plus retrouver « ce putain de roll ». Aujourd’hui, on sait ce qu’il est devenu, il a disparu quand une violence féconde est venue noyer le feeling des origines. Le résultat de ce basculement était parfois brillant, mais laissait tous les puristes, ceux pour qui une note pleine d’émotion vaut tous les solos du monde, orphelins.

Quand la tempête créative est passée, elle a laissé le blues et le rock tiraillés entre deux chapelles. Hendrix et Bloomfield sont toujours les dieux à l’origine de ces chapelles, les icônes incarnant l’affrontement entre le théâtral et le traditionnel, les tripes et l’esprit. 
                                                                                                                    
Bonamassa , mieux que tout autre , incarne parfaitement ce tiraillement. Passé du hard rock tapageur de black country communion, au purisme de redemption , c’est un bluesmen amoureux du rock anglais. Tel un mari infidèle, il fait parfois quelques escapades dans l’univers de led zepp et black sabbath , avant de revenir humblement consoler sa muse abandonnée. 

Et il ne l’honore jamais mieux, que quand il rend hommage à ceux qui firent l’histoire du blues. Son respect du matériel original l’incite alors à plus de sobriété, et chacune de ses notes semble contenir tout une partie de lui-même.

Invitée à célébrer cet héritage avec lui, Beth Hart sublime le tout d’une voix qui s’apparente au fruit d’un mélange entre la puissance grasse d’un Muddy Water , et le charisme spirituel de Janis Joplin. Sur « your heart is black has night » ou « i’d rather go blind » , sa voix atteint des sommets émotionnels oubliés, depuis que Plant a chanté « le plus beau blues chanté par des blancs » (since I’ve been lovin you ).

Son guitariste ménage ses effet, sa guitare devient le prolongement de son esprit, un objet sacré qu’il laisse s’exprimer. Même quand il lâche un peu prise, comme sur le boogie « something get a hold on me », la rigueur reste de mise.

Le jeu est rythmique, presque Richardien, et les riffs, s’épanouissent dans de grands silences, qui laissent résonner les notes. Les pédales d’effet sont rares, les solos au service des mélodies, et la voix mesurée n’a pas besoin de crier pour transmettre son émotion.

Ce n’est pas seulement une certaine idée du blues qui ressuscite ici , c’est une certaine idée de la musique.   

dimanche 1 mars 2020

The saints : I'm Stranded


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Nous sommes en 1977 et, menée par une bande de faux frères New Yorkais, une horde de musiciens amateurs lancent leurs glaviots minimalistes sur le cadavre du mouvement hippie.
La révolte fut en réalité initiée dès la fin des sixties, avec les cris rageurs d’Iggy Pop , et la poésie nihiliste du Velvet Underground. Fustigeant l’immobilisme d’une musique qui trainait ses vieilles légendes comme des boulets, le punk est progressivement tombé dans une autre impasse.

Sa philosophie incitait les groupes à se saborder après quelques mois. La plupart n’avait même pas le temps de laisser une trace de leur passage. Le punk était une étoile filante au milieu d’un champ de ruine, et on essaie aujourd’hui de reconstituer son fulgurant parcours.

Les saints sont sans doute une des parties les plus lumineuses de cet héritage oublié. Respectant à la lettre l’esthétique « do it yourself » , ils produisirent eux mêmes leur premier single. Nous sommes à l’apogée du punk et de la power pop et, si il n’a pas fait de vague dans les charts , le 45 tours attire rapidement l’intérêt d’un label. Sire record s’empresse donc de signer le groupe, et de promouvoir son disque aux Etat Unis.

La firme est bien consciente qu’une déflagration pareille risque de ne pas durer, et elle doit elle aussi en profiter. L’album « I’m stranged » sort donc en 1977, quelques mois avant nevermind the bollocks.

On peut logiquement se demander ce que le punk serait devenu si, à sa sortie, I’m stranded avait été aussi célébré que son petit frère anglais. Rugueux est corrosif, une bonne part de ce disque ramène l’auditeur à l’époque où les stooges balançait un rock plus bruyant que toutes les usines de Detroit.

Les saints étaient des gladiateurs chargés de mettre l’Amérique face à cette énergie d’une violence inouïe, que les stooges domptèrent au péril de leur vie. Guerriers de la routes, ces australiens n’hésitent pas à croiser le fer avec les riffs déchirants des frères Asheton.

« Erotic neurotic » et « I wanna Be your dog » sont aussi synonyme que « Come together » et « you can’t catch me » , ce sont les puissants échos d’une énergie abrasive. La production très crue fait tout pour accentuer cette proximité, et nous transporte dans la genèse du son de Détroit.

Heureusement, contrairement au groupe d’Iggy, les saints ne feront pas l’erreur de ralentir le rythme à mi parcours. Ils parviennent au contraire à insuffler un peu de finesse à ce brasier électrique.

Story of love et missin with the kid sont dotés d’une douceur punk pop qui annonce les jams , plusieurs mois avant la sortie d’in the city . One way street, lui, place le groupe dans le sillon du punk new yorkais, ses riffs speedés flirtant avec le son des Ramones.

Après ça, le punk pouvait déjà mourir. Suite à la sortie de « nevermind the bollocks » , la critique ne verra « i ‘m stranded » que comme un autre écho de la verve du groupe de Johnny Rotten.

En fin de compte, le mouvement Punk n’est pas mort assez tôt pour rendre justice à ses plus grands héros.       

samedi 29 février 2020

ACDC : Burnin Balls

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Si je suis si attaché au support physique, c’est aussi grâce au nombre faramineux de disques non officiels que ce support a permis. Appelés vulgairement bootlegs , ces live, sortis à l’insu de leurs protagonistes , permettent de revisiter l’histoire.

Ils nourrissent ainsi un vieux fantasme de fans , trouver LE grand live inconnu de sa formation préférée. La recherche peut parfois s’avérer frustrante, les pirates du rock n’ayant pas les mêmes normes audio que les maisons de disques reconnues. On peut ainsi se retrouver avec un disque issu d’un enregistrement cassette, pris du fond de la salle, et vendu au prix fort.
                                                                                                                                  
Après avoir écouté en boucle toute la discographie d’acdc , je me suis tout de même embarqué dans cette entreprise d’archéologie musicale. J’avais mon repère, planqué au milieu d’une zone commerciale du cap d’agde , et tenu par un passionné bien sympathique, qui me laissait tester la qualité sonore de mes trouvailles.Pour des raisons financières, je me suis rapidement limité à la période Bon Scott, qui reste de toute façon la plus brillante du gang australien.

Entré dans le groupe quand les frères Young cherchaient désespérément un remplaçant à la diva Dave Evans, Bon a donné au groupe ce charisme viril, sans lequel ACDC ne serait qu’une version punk des tauliers du rock n roll.

Si Bon Scott était, et restera, le meilleur chanteur de rock , c’est parce que cette musique le traversait comme une décharge libératrice. Après des années passées à imiter divers chanteurs à la mode, il pouvait enfin développer son propre charisme. Et c’est en 1977, dans cet auditorium de Cleveland , que celui-ci est le plus explosif.

Nous sommes au lendemain de la sortie de let there be rock , le disque qui permit au groupe de mettre l’europe à genou. Le vieux continent conquis, il fallait maintenant prendre d’assaut le pays du blues.

Pour réussir dans le monde du rock , le plan était immuable. Les groupes imposaient d’abord leurs noms en Angleterre , puis partaient en Amérique pour rafler la mise. Vu comme un groupe punk , ACDC devaient aussi remettre les pendules à l’heure.

Les australiens n’ont jamais cédé aux sirènes du nihilisme cher à Johnny Rotten , et encore moins à celles du heavy metal naissant. Eduqué par le vieux culte du riff en trois accords, les frères Young n’étaient qu’une grandiose réincarnation du groove primaire inventé par le grand Chuck Berry.

En cette chaude soirée d’aout 1977, ce groove allait faire trembler les murs de l’auditorium de Cleaveland. Les pulsations sèches de la batterie lancent un live wire en forme de décompte apocalyptique. Toute la grandeur de Phil Rudd brille déjà dans cette introduction sulfureuse. Ses battements métronomiques sont des signaux explosifs, la détonation qui permet aux riffs tendus des frères Young de foudroyer l’auditoire.

Burnin balls , c’est aussi et surtout le son d’un groupe pur, lâchant ses salves avec une ferveur sans calcul. Bon est la véritable incarnation de cette force innocente, qui explose sur la meilleure version de Problem child jamais produite.

Le son , lui , est parfait , et restitue bien le tranchant des riffs acdciens. On est transporté au milieu du public, la tête secouée par le boogie déchirant d’high voltage. Le groupe sonne ici comme il ne sonnera plus jamais, il était déjà trop mur lorsqu’ils sortirent leur premier live officiel.

« Burnin balls » , c’est le manifeste d’un gang exprimant sa soif de reconnaissance , l’assaut violent de barbares venus s’approprier les terres du vrai rock n roll. Petite pause au milieu de ce brasier, the jack montre qu’acdc est plus proche du blues vicieux des stones, que de n’importe quoi d’autre. Mais , même ce riff langoureux crépite comme une ligne haute tension.

Ce soir-là, ACDC ne joue pas le rock n roll, il est le rock n roll, dans ce qu’il a de plus pur et excitant.       

mercredi 26 février 2020

Bob Dylan Dream : Epilogue

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Il fallait bien deux ans pour faire le deuil d’une partie de son insouciance. Heureusement, l’attente en valait la peine.
                                  
Honteusement décrié , Street Legal est un chef d’œuvre. C’est qu’en deux ans , Springsteen et Petty, ses deux fils spirituels, commençaient à lui faire de l’ombre. Alors , en toute humilité , Dylan s’est adapté aux mœurs de son temps. La beauté de son chant est à son sommet, et la production est propre comme une mélodie de Jackson Browne.

En embuscade derrière ce vernis FM , ses influences gospels , rythm n blues , et rock , entretenaient des mélodies dramatiques à faire rougir le boss au sommet de son règne. Mais une bonne part de la critique avait déjà enterré Dylan, et ne comptait pas ressortir son squelette du placard.

Et puis , en 1977 , un autre monstre sacré retenait toute l’attention. Après son service militaire , la carrière d’Elvis ne fut qu’un long déclin , illustrée par cette image pathétique de rocker bedonnant. Le déclin a brutalement pris fin dans sa demeure de Graceland , et la nouvelle fit l’effet d’une bombe. Seuls les punks se réjouirent de cette perte, il est vrai que l’homme n’était plus qu’un symbole du passé,

Mais Dylan a toujours rêvé de ressembler à Elvis, ça restera d’ailleurs son plus grand complexe. Il rassemble donc un groupe composé d’ex musiciens du king , et entre en scène vêtue de blanc, la couleur portée par son héros lors de son ultime retour.

Ses titres étaient joués avec grandiloquence, les cuivres partant dans un grand requiem poétique , une fête à la mémoire de celui sans qui rien ne serait arrivé. Issu de cet hommage, live at budokan sera éreinté par la critique, qui ne supporte pas cette instrumentation tapageuse.

Dylan avait bien échoué, il ne sonnait pas comme Elvis, il était bien trop fin pour reproduire son modèle à l’identique. Live at Budokan était sa récréation, le catharsis où il jouissait enfin du sentiment d’être un frontman au milieu d’un vrai big bang musical. C’était Elvis et Sinatra , Springsteen et  James Brown , le charisme grandiloquent allié à une poésie qu’il ne pouvait laisser de côté.

Après le concert, Dylan commença à lire une bible prêtée par son vieil ami Johnny Cash, et se réfugiait de plus en plus dans ces sermons moralistes. Le guide d’une génération se faisait alors dévot, et chargeait Marc Knopfer de mettre ses sermons en musique. La critique n’avait pas aimé, Street Legal , elle détestera slow train coming.

On pensait l’ex symbole de la liberté de conscience enfermé dans sa foi, un libre esprit retenu dans les geôles d’un obscurantisme gluant. Pourtant, l’homme n’avait pas renoué avec la religion comme un enfant se réfugiant dans les jupons de sa mère. Sa famille était juive, et c’est son parcours qui le mena au christianisme, comme il l’avait mené au folk quelques années plus tôt.
                                                         
Dieu était certes une consolation au milieu d’une période trouble, mais il s’agissait d’une consolation choisie. On peut aussi y voir une nouvelle expression de sa liberté, l’homme n’ayant pas peur de détruire son image pour suivre sa voie.

Quant à sa musique, elle creusait encore le sillon gospel rock de Street Legal. Slow train coming dispose d’un son plus épuré, qui met bien en valeur le feeling unique de Knopfer. Sa guitare n’a d’ailleurs jamais si bien sonné, elle renoue enfin avec le son du missisipi que Dire Strait défigurait. Chacun des disques de cette « trilogie chrétienne » fut un grand disque de rock.

Ce virage fut malheureusement incompris et, après avoir vécu street legal comme une soumission face à l’industrie du disque, le public considérait ces nouveaux disques comme une allégeance à une morale réactionnaire.

Des idoles sont mortes pour moins que ça et, déstabilisé par l’incompréhension qu’il engendrait , dégoûté par le nihilisme d’une époque artificielle , Dylan entama une période de presque dix ans de vide artistique.

Annoncée comme un événement historique , la tournée avec le dead ne laissera que le souvenir d’un album live d’une médiocrité honteuse. Dylan a eu peur de se retrouver statufié en symbole d’une époque, et a donc sélectionné les pires bandes, comme  si la chute de ce disque le débarrassait aussi de son encombrant passé.

On ne reviendra pas sur down on the groove , knocked out loaded, ou empire burlesque , ces disques montraient juste un homme qui se cherchait un avenir , sans savoir si il en avait encore un.  C’est Bono qui lui permit de rentrer enfin dans l’ère moderne.

En 1989 , il lui présente son producteur , avec qui le Zim va travailler sur le disque qui ouvre son nouvel âge d’or. Oh mercy fait partie de ces disques qui ont leur propre ambiance , et Dylan y reprend ce rôle de conteur qui lui va si bien. Dans les moments les plus rythmés, comme everything is broken, il parvient même à ressusciter le country rock du band.

Mais on retiendra surtout ses chroniques musicales, qui le voient enfiler le costume d’Homère moderne. Ring that bell creuse le sillon d’un folk mystique. Patti Smith n’aurait d’ailleurs pas renié sa mélodie en forme de messe païenne.

Man in the long black coat est une fresque rock digne de ballad of a thin man, la révolte en moins. Oh mercy remet Dylan en selle pour les années suivantes, et celui que tout le monde croyait fini entame un nouvel âge d’or.

Victime d’une crise cardiaque quelques années plus tard, il se nourrit de cette expérience glaçante pour enregistrer time out of mind. Disque d’un homme revenu d’un autre monde, et offrant son expérience tel un vieux sage, c’est un brulot spirituel comme il n’en a plus produit depuis les sixties.

Au moins aussi bon, love and left venait ratisser les chemins immortels du rock traditionnel, celui dont les rythmes étaient de glorieux échos du vieux blues. Soutenu par un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu, Dylan offre un disque enthousiaste après la noirceur introspective de time out of mind.

Le blues, il le retrouve encore sur « time go wrong » et « good has I’ve been to you » , disque où l’icône se mut en modeste passeur. Après ses deux recueils de reprises , il apporte sa petite pierre à l’édifice sur le sentimental « together throught life » . La voix a vieilli, et l’homme s’est imposé comme le gardien d’un temple perdu.

Je ne parle pas seulement de la musique profonde venue des studios sun , mais de cette pop exigeante, aussi travaillé dans sa musique que dans ses textes. C’est sans doute ça qui nous manquera le plus, quand le barde du Minnesota sera arrivé au bout de son « voyage sans fin ».  
    


lundi 24 février 2020

Bob Dylan's dream's : episode 4


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La nouvelle parue quelques mois plus tard, Dylan venait d’avoir un accident de moto. La pression mise sur ses frêles épaules avait fini par le toucher gravement, et l’incitait à se cacher pendant plusieurs mois. Adoré par une partie du public, détesté par celle qui avait vu ses débuts, le barde était au milieu d’une pièce dont il ne voulait plus jouer le rôle principal.

Son accident lui donnait une chance d’échapper à l’hystérie qui l’entourait, et de devenir un père de famille comme les autres. On le savait pourtant déjà actif, jammant dans la cave poussiéreuse de sa maison de woodstoock , comme un ermite se préparant à renaitre. Les cassettes de ces jams s’échangeaient déjà sous le manteau, sans que l’on sache qui a bien pu capter les dernières pépites d’une mine devenue inféconde.

Ces titres électriques ne laissaient pas présager le choc qui attendait les nouveaux Dylanophiles. Le guide générationnel s’était mué en père de famille comblé, et il développait désormais une musique retranscrivant cette sérénité retrouvée.  

Sorti en 1969, après près d’un an de silence, John Whesley hardin montrait que Dylan n’était jamais où on l’attendait.

« John Whesley Hardin
Was friend to the poor
He traveled with a gun in every hand
All along the country side
He oppened many doors
But he was never know
To hurt an honnest man »

Le poète beat faisait place à un countrymen contant la vie des légendes de l’ouest, et le progressisme faisait place à la tradition, incitant le poète à nourrir sa prose de récits bibliques.

«  Well Juda , he just winked said
All right . I’ll leave you here
But you better hurry up and choose which of thoose bills you want
Before they all disepear
I’m gonna start my piking right now
Just tell me where you ll be
Judas point down the road
And said eternity »

Celui qui avait conduit ses auditeurs sur le chemin du changement brusque et sans retour, racontait des récits à la gloire chère à l’Amérique profonde. A ce titre, la nouvelle version de girl from the north country était tout un symbole. Sortie sur un « nashville skyline » encore plus Countryman et léger que son prédécesseur, elle entrait désormais dans les terres ancestrales de la country , grâce à la voix de baryton de Johnny Cash.

Dylan espérait sans doute qu’on le lâche , que son statut de guide s’évanouisse dans sa célébration country, musicalement il obtint le contraire. L’arrière garde psychédélique , qui avait grandi avec ses chanson , ne pouvait que suivre ses pas pour sauver sa peau. Cela donnera « hot tuna » , disque country blues enregistré par d’ex Jefferson airplane , le workinman’s dead du grateful dead , et sweatheart of the rodeo des Byrds.

Ajoutez à ça la reprise tonitruante de « all along the watchtower » d’Hendrix, et vous obtenez un écho qui maintient désespérément son créateur au sommet de la mêlée. Il faudra un troisième disque pour que l’artiste parvienne à effectuer son hara kiri artistique.

Sorti à peine un an après Nashville Skyline , self portrait est , dans ses meilleurs moments parcouru par un charme bluegrass rappelant vaguement le band. Mais ses rares éclats étaient noyés dans une bouillie infâme et indigeste, où Dylan chantait comme un crooner léthargique.

Alors, on crucifia l’idole, en rabâchant sans cesse l’évidence, son dernier disque était une daube putride. Le mythe fut si bien détruit, que certains pensent encore que sa carrière est réellement morte avec ce self portrait.    

Le disque ouvrit surtout la voie à new morning, album qui parvient à mettre un peu d’ordre dans le bazar grandiloquent de son prédécesseur. Le rock n’avait pas encore terminé son retour à la terre, mais celui-ci s’exprimait désormais à travers le blues abrasif de rednecks bourrus.

New morning trempait ses racines dans la même source que les contemporains de Lynyrd, mais il l’exprimait avec une classe mélodique plus apaisée. Dernier chapitre de sa période bucolique, son passage dans Pat Garett et Billy the kid ne fut pas des plus mémorable. Le film manquait de consistance, et Dylan semblait perdu au milieu de son intrigue. La bande son lui permit au moins d’écrire « knocking on heaven’s door », qui deviendra un tube planétaire.

Mais comme à son habitude, Dylan est déjà passé à autre chose quand son public découvre son dernier album.  De retour avec le band, il reprend les choses là où « blonde on blonde » les avait laissés. Sorti en 1974, Planet waves sera un de ses plus grand succès, c’était pourtant le disque le plus prévisible qu’il ait jamais écrit.

A l’image de la version country de « forever young » , le disque semble remplir un vide dans la carrière du chanteur. C’est une dernière concession faite aux nostalgiques de l’époque où il se battait pour imposer son virage électrique , un joujou pour fans nostalgiques.

Coincés entre le rock poussiéreux du band , et un reste d’influence country , Dylan mélangeait maladroitement les deux. Le band a d’ailleurs avoué qu’il avait accepté la tournée qui suivit pour renflouer ses caisses.

Dylan n’était plus à l’aise dans ces gigantesques célébrations, où le public semblait plus désireux de s’amuser que de réellement écouter sa prose. Et, du côté de sa vie personnelle , le bilan n’était pas plus brillant, et celle qui lui avait apporté un certain équilibre semblait prête à mettre les voiles. 

La longue fresque « sad eyes lady of the lowland », les rythmes bucoliques de sa période country, une bonne partie de l’âge d’or de Dylan fut influencée par la présence rassurante de Sara. Son départ progressif va influencer un nouveau virage, plus intimiste et méditatif. 

Avec Blood on the tracks , Dylan devenait le Dostoïevski du rock , mais les âmes désespérées que ses vers dessinaient n’étaient qu’une métaphore de ses tourments. Le disque fut unanimement salué comme «  le grand retour du génie Dylanien », alors que son auteur avait déjà abandonné la nostalgie de ce disque. 

Nous sommes en 1976, et une musicienne se balade dans les rues de new york avec son instrument à la main. Une voiture s’arrête près d’elle, et la conductrice lui demande si elle souhaite participer à un enregistrement au studio columbia. Cachée par son ombre, elle ne reconnait pas le passager qui semble être à l’origine de cette demande. Dylan avait embauché Scarlett Rivera simplement parce qu’elle portait cet étui à violon, violon qui illuminera la musique de desire.

L’idée menant à l’enregistrement de desire est née à Saint Marie de la mer, où Dylan était parti s’exiler quelques jours. Le soleil était à son Zenith , et ses rayons éclairaient une plage proche des décors de cartes postales. Un rassemblement attira son attention. Les gens du voyage étaient venus célébrer leur liberté sur cette plage, et leur joie attirait le poète.

Le voilà donc au milieu au milieu de chants mystiques, blues tzigane irrésistiblement festif. Alors forcément, quand il dit qu’il est musicien à une audience qui ne le connait même pas de nom, on lui tend généreusement une guitare. Il invente donc une mélodie enivrante, et les mots lui viennent si naturellement , qu’il semble possédé par un esprit supérieur.
                                                 
« One more cup of cofee for the road
One more cup of cofee where I go
To the valley bellow »

Ce jour-là, au milieu de ces gens qui ne connaissaient pas son nom, Dylan a retrouvé la joie de jouer pour le plaisir. Si chaque auditeur tente désespérément de retrouver les sensations procurées par son premier coup de cœur musical, le musicien lutte pour garder la fraîcheur de ses débuts. 

L’artiste n’est jamais aussi bon que quand il est pris d’une frénésie créatrice. Les œuvres qu’il produit peuvent alors être un peu bâclées, son esprit partant taquiner d’autres muses avant de terminer son ouvrage. Mais l’esquisse qui naît ainsi est dotée d’un charme qui aurait été tué par un processus plus méticuleux. Notre culture n’est, en fin de compte, qu’un amas de brouillons fascinants.

C’est précisément cette frénésie qui fit naître « desire », alors que blood on the traks n’était dans les bacs que depuis quelques mois. Le fossé qui sépare les deux œuvres est impressionnant. Torturé et grave, blood on the tracks est un disque introspectif, dont la sobriété renforce la puissance émotionnelle.

Desire , au contraire , est un disque électrique , festif , et foisonnant. C’est la célébration d’un homme qui a trouvé une nouvelle voie, et la folie de ses débuts. Quand il a fallut promouvoir le disque , Dylan refusa clairement de retrouver la grandiloquence vulgaire des tournées des stades.

Il recontacta Joan Baez , qu’il n’avait plus vue depuis son retour d’Angleterre , ainsi que Roger Mcguinn , et une poignée d’amis recrutés sur la route. Voilà donc nos clochards célestes embarqués dans un van, tels de jeunes idéalistes à la recherche de la gloire.

La rollin thunder revue était une catastrophe financière, en grande partie financée par Dylan lui-même. Mais c’est justement ce que son initiateur cherchait, il voulait retrouver l’énergie de celui qui lutte pour imposer son art.

Les premiers concerts furent grandioses, une expression de liberté comme le rock en connaîtra de moins en moins. Placé en ouverture, « When I paint my masterpiece » était une bluette nostalgique introduisant parfaitement la cérémonie.

Nostalgique , cette tournée l’était en partie. Le point d’orgue du concert était d’ailleurs le duo Dylan Baez , le roi et la reine de la folk ressuscitant le temps d’une tournée. Baez n’a d’ailleurs jamais si bien chanté que sur ce « dark as donjons » poignant, il faut dire que le groupe développait une folk spirituelle des plus raffinées.

Quelques minutes plus tard, la performance se concluait sur « this land is your land » , où Dylan rend hommage à Guthrie , en compagnie de Jonie Mitchell et Roger Mcguinn. Cette chorale finale représentait bien l’esprit bon enfant d’une tournée aussi spontanée que mythique.

Certains purent surtout se délecter des meilleurs versions de classiques du répertoire Dylanien, comme « sad eyes lady of the lowland », « tumbled up in blues » , et autres brûlots lyriques réadaptés par un groupe bluegrass folk.

Mais les lois du marché sont impénétrables, et le déficit força Dylan à côtoyer de nouveau les stades qu’il maudissait. De ce retour forcé naîtra « hard rain » , un live terne et déprimant comme un lendemain de fête. Il faudra deux ans pour que Dylan fasse le deuil de cette période magnifique, deux années de silence totale.

            

dimanche 23 février 2020

METAL URBAIN : Les hommes morts sont dangereux *


Formation : (musiciens ayant participé à Métal Urbain période 1976-80)

Clode Panik : chant

Eric Débris : machines puis chant après le départ de Panik

Pat Luger : guitare

Hermann Schwartz : guitare

Ricky Darling : guitare

Zip Zinc : machines

Charlie H : machines




Métal Urbain fondé en 1976 est l'un des premiers groupes punk français (avec Asphalt Jungle et Stinky toys) mais surtout le meilleur.
Dès le départ il créé son propre style, différent du punk anglais, avec une esthétique clairement influencée par Warhol (et le pop art), le Velvet Underground, Bowie, sans négliger les Stooges dont il reprend « No Fun ». Mais surtout avec
sa boîte à rythme, ses "machines" et ses "bidouillages" vaguement électro, Métal Urbain est un vrai pionnier, le créateur d'un nouveau genre dont il vient de donner naissance sans le savoir : l'électro punk (nommé ainsi bien plus tard) ; Métal Urbain se place d'emblée à l'avant garde  et influencera de nombreux groupes des années 80 et 90, les Bérurier Noir en tête, presque un précurseur du post punk mais ils ont  peut-être eu le tort d'être trop tôt en avance sur son époque car la reconnaissance ne viendra que beaucoup plus tard. Trop tard
même.


La première chose qui frappe est que la boîte à rythme est remarquablement utilisée, donnant aux morceaux une créativité nouvelle et jusque là quasi inédite : mélange de punk et d'électro (attention ce sont bien les guitares qui sont en avant les "machines" et "programmations" n'étant là pour que "colorer" les compos). Et en fait en écoutant attentivement c'est plus subtil qu'il n'y paraît de prime abord notamment au niveau des arrangements.
« Les hommes morts sont dangereux» sorti en 1981 alors que le groupe était déjà dissous est en fait une compilation de divers enregistrements de 1976 à 1980 (45 tours, Peel sessions...) ; de même que l'excellente compilation « l'Age d'or » reprend l'album « Les hommes morts sont dangereux » bonifié d'inédits, de reprises et de live.


En fait les albums/compils « l'age d'or », « crève salope » ou « les hommes dangereux » regroupent plus ou moins les mêmes titres.
Comme de nombreux groupes punk les textes sont provocants, subversifs mais intelligents et plutôt originaux, associés à une certaine sophistication, à un esthétisme assez avant-gardiste.
Ajouté à cela un sens inné de la compositions, une utilisation des machines qui apporte indéniablement un plus, des morceaux entraînants et des refrains au petit oignon (« Atlantis ») et vous avez du punk remarquablement novateur pour l'époque.
D'ailleurs de nombreux groupes ou artistes ont reconnu l'influence de Metal Urbain : Bérurier Noir, Jello Biafra (Dead Kennedys, Lard), Steve Albini (Big Black, Shellac).


« Ghetto » : on a l'impression d'écouter le premier album des Ludwig von 88 dix ans avant sa sortie.
« Hystérie connective » : ma préférée, avec des textes complètement délirants ET surréalistes.
Beaucoup d'excellentes compositions : « Panik » (le titre qui les a fait connaître) , « Paris maquis », « 50/50 », « Anarchie au palace » (qui dénonce dès la fin des 70s la récupération du punk par les snobinards  branchés, Régine en tête), « Crève salope » et ses paroles sulfureuses qui s'en prend au chroniqueur rock Philippe Manoeuvre ... des classiques du groupe et plus généralement du punk français.


A noter également le très bon « Numéro zéro » et « E 202 » qui se moque des écologistes de manière assez marrante et provocatrice.
Sur « Lady coca cola » on a une autre facette de Métal Urbain : de la cold wave electro avant gardiste différent des autres titres où l'esthétisme pop art est présent et où les bidouillages synthétiques sont délibérement mis en avant, donnant une sensation de froideur majestueuse.


Citons enfin « Clé de contact », morceau là aussi différent au niveau du rythme, plus rapide tout en restant très rock.
Le groupe a connu un certain succès à l'étranger notamment aux USA mais il a été descendu en France par la presse rock de l'époque (Best et Rock and folk) d'où une rancune tenace vis à vis de ces magazines et notamment vis à vis de Manoeuvre et Eudeline (pourtant un ancien punk celui là !!).
Metal Urbain se reformera en 2006 pour un nouvel album (produit par Jello Biafra himself) correct sans être extraordinaire « J'irais chier dans ton vomi »), Eric Débris qui officiait au synthé/programmation ayant remplacé avec moins de talent Clode Panik le premier chanteur.


Mais que ce soit avec cet album ou avec l'Age d'or ou Crève salope on réécoutera avec plaisir l'un des groupes les plus marquants et innovants de l'histoire du rock français. Et si Métal Urbain demeure moins connu que les Bérurier Noir il reste le groupe français le plus important, le plus influent et le plus créatif de l'histoire du punk de notre Héxagone
Car si la France n'est pas un pays de culture rock on a quand même eu quelques sacrés bons groupes, il suffit juste de chercher un peu pour les trouver...


* Sorti en 1981 mais composé de titres enregistrés entre 1976 e
t 1980 et essentiellement de 1977/1978 (singles, Peel Sessions
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samedi 22 février 2020

Bob dylan's dream : partie 3


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A partir de là, les évènements s’enchaînèrent à une vitesse folle. « The freewhelin Bob Dylan » fut enregistré au studio A de Columbia, et réussit à conquérir les foules avec une folk authentique mais plus lisse. Le fossé qui sépare ce disque du précèdent est déjà énorme. Dylan a abandonné les reprises appliquées, pour développer sa propre voie, qui était aussi celle de sa génération.

Le succès du disque lui permettait de quitter les hootenanies , ces réunions de folk singer habités par la pureté de leur art , pour débarquer au festival de Newport. Kennedy était encore à la maison blanche, et son mandat nourrissait les rêves d’une jeunesse qui voulait croire aux lendemains qui chantent.

Derrière l’ascension du grand Bob, il y’avait Joan Baez, qui était déjà au sommet de sa gloire lyrique. C’est avec elle qu’il offrit au spectateur le plus beau moment de ce festival :

« A bullet in the back of a bust took Medgar’s Ever blood
A fire fired the trigger to his name
A handle hid out in the dark
A hand set the spark
Two eyes took the aim
Behind a man’s brain
But he can’t be blame
He’s only a pawn in their game »

Dylan ne le sait pas encore, mais ces mots prendront une dimension prophétique, quand l’espoir au pouvoir sera foudroyé d’une balle dans la tête.

« Seulement un pion dans leur jeu », tout le monde comprit la leçon dispensée ce soir-là. Si, comme le disent ses vers, chacun peut avoir participé à la construction d’un criminel, alors le crime ne peut être qu’une œuvre collective. C’est le sens de ce festival de Newport, et de ses petits frères Woodstock, isle de Wight , et glastonburry, exorciser cette violence que la société nourrit inconsciemment.  

Ce moment va aussi conditionner la perception qu’on aura de Dylan pendant les années à venir, perception que l’intéressé rejettera toujours. Le costume de guide d’une génération ne convenait pas à son caractère farouchement indépendant. D’ailleurs, alors qu’une partie de sa génération commence à le déifier, Dylan a déjà la tête ailleurs.    

En 1964 , des Beatles au sommet de leur gloire rencontrent le barde de New York. Si les ventes de Bob Dylan restaient modestes par rapport à ses amis anglais, sa réputation avait tout de même traversé l’atlantique.

Venu conquérir le pays de l’oncle Sam, le groupe de John Lennon déclencha une hystérie qui le dégoûta de la scène. Dans sa chambre d’hôtel, Dylan offrit aux quatre de Liverpool leurs premiers joints, pendant que Lennon passait ses disques de Buddy Holly.

Pour les Beatles , la révélation se trouve dans les délires provoqués par la fumette , délires qui furent la première influence qui mènera à l’enregistrement de sergent pepper. Dylan, lui, était scotché aux mélodies déversées par l’électrophone. Sa nouvelle voie venait de lui être révélée, il fera du rock.

Mais comment évoluer vers cette musique plus directe sans se renier totalement ?
                                                                                                                 
Les puristes du folk ne l’effrayaient pas , sa décision était prise, mais il cherchait son propre swing. Et c’est un de ses descendants qui lui montrera la voie.
Les Byrds s’étaient formés après avoir vu le film « a hard day night » des beatles, et enregistraient leur premiers titres dans les mêmes studios que Dylan. Passant devant leur salle d’enregistrement, le Zimm reconnut « Mr Tambourine man », ce folk  nourri par le surréalisme de Dylan Thomas , qu’il chantait à chaque concert. 

«  Hey Mr Tambourine play a song for me
I’m not sleepy and there is no place I’m going to
Hey Mr tambourine play a song for me
In the Jingle jangle morning I’me come followin you »

Ces mots étaient entrés dans la légende, et trouvaient désormais un accompagnement aussi fort que leurs glorieuses visions. Les Byrds lui firent l’effet d’alchimistes fascinants, inventant un nouveau culte en mélangeant sa prose à la beauté électrique venue de Liverpool. 

Cette découverte l’enthousiasma tant qu’il courut enregistrer sa propre version électrique. Bouclé en urgence, « brin git all back home » sortit en 1965, quelques jours avant le single des Byrds. Ralenti par une série de déboire avec Columbia, le groupe de David Crosby s’était fait doubler par son idole.

Dans le milieu très conservateur du folk, on s’offusqua de voir que Dylan avait vendu son âme à la fée électricité. Ce que Dylan « ramenait à la maison », c’est le son vulgaire et bruyant du rock commercial anglais.

Les puristes voyaient le folk comme un archipel accessible uniquement aux initiés, et voilà que leur principal porte-parole vendait les clefs du temple. Et ce n’est pas ce film, où il apparait en compagnie de Ginsberg, ni la beauté foudroyante  de vers dignes de « howl » , qui allait apaiser ces illuminés.

La même année, il s’était rapproché de Mike Bloomfield, qui vint illuminer sa poésie à grands coups de riffs bluesy. Plus grand guitariste de son époque, Bloomfield montrait ainsi la voie du folk rock, après avoir initié le rock psychédélique sur « east west » , le second album du blues band de Paul Butterfield.

Drapé dans le groove hargneux de son nouveau guitariste, Dylan pouvait cracher à la figure de ses détracteurs avec classe. « higway 61 » représentait le sommet de ce mélange de rock et de poésie qui fait désormais sa gloire, c’est un road trip musical, « sur la route » version rock. Au milieu de ce voyage, ses mots étaient lancés comme des obus venant abattre les murs du conservatisme :
                        
« You walk into the room
With your pencil in your hand
You see somebody naked and you say Who’s that man
You try so hard
But you don’t understand
Just what you’ll say
When you get home
Because there is somethin happenin here
But you don’t know what it is
Do you , Mister Jones »

Mister Jones désignait tout ceux qui, consciemment ou par bêtise, restaient en gare alors que le train du progrès poursuivait son ascension glorieuse. Lointain écho de « the time they are changin » , ballad of a thin man était un blues électrique d’une puissance remarquable. Ce qui constituait un autre affront fait aux ayatollahs du folk.  
Les concerts suivants furent de véritables combats, où Dylan et son groupe accentuaient la violence de leur rock, pour imposer la révolution en marche. Menacé de mort, traité de judas sur scène , Dylan transforme cette tension en énergie créatrice.

«  They stone you when you’re tryin to be so good
They stone you ya juste like they say they would
They’ll stone you when you try to go home
Then they’ll stone you when you’re all alone
But I would not feel so all alone
Everebody must get stone »

Jeu de mot entre le terme lapider et le fait d’être défoncé, ce titre, ouvrant ce qui restera son chef d’œuvre ultime, annonce la hargne d’un homme qui sait qu’il vient de gagner son combat. Blonde on blonde sortit en 1966, et ces vers montrent un homme passé de la colère au mépris.

Il sait que ce disque, plus qu’aucun autre, fera date, c’est un monument nourri par l’incompréhension qui l’entourait, une œuvre dépassant les codes du rock pour créer une véritable poésie musicale.  Derrière lui, le band est venu donner plus de consistance à ses rêves provocateurs. Un groupe formidable venait de naitre, et pourtant il vivait déjà ses dernières heures.